Vaincre la boulimie - Eki-Lib

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Vaincre la boulimie - Eki-Lib
Vaincre la boulimie
Élégantes, souriantes, exerçant souvent un métier valorisant, les femmes
souffrant de boulimie savent cultiver les apparences du bien-être. Mais leurs
crises de fringale, vécues en secret, traduisent une immense détresse. À l’origine
de ce mal de vivre, un sentiment de manque affectif remontant à l’enfance. Si
elles avaient un cri de ralliement, ce serait « SOS maman ! ».
Elles sont obsédées par leur image, qu’elles veulent parfaite. C’est pourquoi elles
soignent leur présentation, travaillent avec acharnement et affichent une
compétence sans faille. Dissimulant leurs points faibles et leurs émotions, elles
donnent l’impression d’être sûres d’elles. Mais, intérieurement, elles se sentent
incompétentes et indésirables. Leur silhouette, qui ne correspond à l’idéal
qu’elles ont en tête, est l’objet de préoccupations constantes. Contrairement à
une idée reçue, les femmes atteintes de boulimie ne sont pas grosses. Et pour
cause : ces championnes des régimes en tout genre vont jusqu’à recourir aux
grands moyens pour éviter les conséquences de leurs orgies de nourriture ;
certaines se font vomir, d’autres recourent aux laxatifs, au jeûne prolongé ou au
sport à outrance.
On pourrait comparer la vie d’une personne boulimique à une lutte de tous les
instants dont les seules défaillances se traduisent par ces crises de frénésie
alimentaire, vécues en cachette et ignorées de l’entourage.
Une femme
boulimique cache sa souffrance et sa honte. Plus elle a honte, plus elle se sent
seule. Parler de tout cela lui semble impensable : après un tel aveu, comment
pourrait-elle encore sauver les apparences ?
Si l’on s’en réfère aux estimations de spécialistes sur le plan mondial (étude
Fairburn et Beglin, 1990), une femme sur cent souffre de boulimie. La dépendance
alimentaire, à l’alcool ou aux drogues est considérée tantôt comme un symptôme
dépressif, tantôt comme un moyen de lutter contre la dépression. Lors d’un
conflit, par exemple, les filles souffrant de boulimie sont incapables de dire si elles
ressentent de la déception, de la colère ou de l’angoisse; elles perçoivent un
désordre affectif diffus qu’elles cherchent à surmonter en se jetant sur la
nourriture. Elles sont également insatisfaites de leur propre corps, dont elles ne
comprennent pas les sensations et les signaux.
L’expérience l’a prouvé, la psychanalyse classique s’avère le plus souvent
inopérante dans les cas de boulimie. Diverses approches thérapeutiques ont été
développées avec plus ou moins de bonheur. Certaines s’appuient sur des conseils
nutritionnels et diététiques, ou encore sur la tenue d’un « carnet de route
alimentaire » dans lequel le patient est tenu d’inscrire avec précision chacun de
ses repas ou de ses grignotages, avec pour objectif de parvenir à une normalisation
de son alimentation… ce qui comporte néanmoins le risque d’entretenir chez la
personne boulimique cette fossilisation sur la nourriture dont elle voudrait
précisément se débarrasser.
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Par : Maryse Tschui
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D’autres formes de thérapie, comme la Gestalt, considèrent les troubles
alimentaires comme un symptôme, important certes, mais secondaire par rapport à
la nature du mal. D’où l’étonnement de Bénédicte, 31 ans, lorsqu’elle est allée
consulter avec l’idée de trouver de l’aide… pour maigrir :
« J’avais déjà souffert de boulimie à l’adolescence, puis cela m’a repris dix ans
plus tard, à une période de ma vie où j’étais triste, même désespérée. J’ai essayé
de lutter seule pendant un an et demi. Puis je suis allée voir un médecin, qui m’a
prescrit des coupe-faim. Il m’avait également donné les coordonnées d’une
association de boulimiques, mais je ne l’ai pas contactée : pour moi il était tout
simplement inconcevable d’évoquer mon problème en public. Le coupe-faim, bien
sûr, n’a rien résolu. Je ne voyais plus d’issue. C’est une annonce dans le journal
qui m’a décidée à consulter une thérapeute.
Lorsque je suis allée voir la première fois, j’espérais trouver une solution miracle.
Mon objectif était de perdre du poids. J’ai d’abord été surprise en voyant que la
nourriture n’était pas au centre de notre discussion. La thérapeute m’a fait
remarquer qu’avant de vouloir maigrir, il fallait que je songe à régler certains
problèmes dans ma tête. Pendant plusieurs semaines, j’ai tourné en rond. Je
n’osais pas me confier, je n’arrivais pas à me débloquer.
J’ai mis longtemps à comprendre le lien qui existait entre ma boulimie et mes
relations avec maman. Ma mère ne m’a jamais demandé d’être une petite fille
parfaite, elle n’a pas fait pression ouvertement sur moi. Mais c’était implicite. Je
me disais que pour être aimée d’elle, il fallait que je sois idéale. À partir de là,
tout au long de ma vie, j’ai voulu donner une certaine image de moi. Je cherchais
à plaire aux autres sans exprimer ce que je ressentais réellement. Lorsqu’on me
demandait quelque chose, je ne savais pas dire non. Je n’avouais pas mes
faiblesses. Je n’acceptais pas mon corps, qui ne correspondait pas à l’idée que je
me faisais de la perfection. J’ai fais des choses incroyables. Après les crises de
boulimie, je jeûnais. J’ai essayé toute la panoplie des régimes. J’étais convaincue
que mon bonheur dépendait de mon apparence.
Cette habitude que j’avais prise de jouer un rôle sans jamais révéler mes vrais
sentiments a eu des répercussions sur ma vie affective et professionnelle. Je ne
parvenais pas à m’affirmer. À l’époque où je suivais cette thérapie, je travaillais
comme chef de service. Une autre entreprise m’a proposé un poste nettement
plus intéressant. Autrefois, j’aurais refusé cette offre, afin de ne pas décevoir
mon employeur et de ne pas lui causer de difficulté. Mais là, j’ai osé dire que
j’avais envie de partir, que je serais plus heureuse de travailler ailleurs. J’ai dû
faire un effort sur moi-même pour dire ce que je pensais. Mon employeur n’était
pas content que je démissionne et me l’a bien fait sentir. N’empêche que je suis
très satisfaite de ma décision : non seulement mon nouveau travail me plaît, mais
je viens d’être nommé cadre supérieur.
Aujourd’hui je suis guérie. Je n’ai plus de crise de boulimie et j’ai même perdu du
poids sans m’e rendre compte. J’apprends à me montrer telle que je suis. Mais
j’ai encore des choses à apprendre, et j’ai décidé de continuer ce travail sur moimême.
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Gestalt-practicienne, Sophie Poget** a mis en place un groupe de thérapie pour
boulimiques, parallèlement aux consultations individuelles. Elle connaît bien le
sujet : cette mère de deux enfants est une ancienne boulimique. « Mon expérience
personnelle m’a aidé énormément. La boulimie est la matérialisation d’un malaise
qui pourrait aussi bien se traduire par une prise abusive de médicaments, par
l’alcoolisme ou la toxicomanie. Dès qu’on est en proie à une difficulté, au lieu de
noyer ça dans l’alcool, on le noie dans la nourriture.
Chez les boulimiques, on constate une déconnexion entre la tête et le corps. À
force de se demander ce que les autres attendent d’elles, elles perdent le contact
avec leurs émotions et avec leurs besoins. Elles raisonnent en se disant « il faut »
ou « je dois », des injonctions qui sont souvent le produit de l’éducation. En
Gestalt, on recourt au processus inverse, en se posant les questions suivantes :
« Comment est-ce que je me sens ? », « De quoi ai-je besoin ? », « Que puis-je faire
pour satisfaire ces besoins ? » Une boulimique comble un manque au moyen de la
nourriture. Si elle fonctionne uniquement sur le mode intellectuel, elle n’est pas
en mesure d’identifier ce manque. Par la Gestalt*, elle apprendra à écouter ce qui
se passe en elle, ici et maintenant. À mettre en mots ses sensations et ses
sentiments.
Certaines femmes m’appellent en me disant : « Je ne me fais pas vomir, je ne
prends pas de laxatif ; est-ce que je suis boulimique ? » Je leur demande : « Quel
est votre rapport avec la nourriture ? Est-ce que vous le vivez bien ou mal ?
Êtes-vous obsédée au point que vous avez de la peine à vivre à cause de cette
obsession? » C’est cela qui est déterminant.
Il est frappant de constater que toutes les personnes boulimiques souffrent d’une
difficulté relationnelle avec leur mère. On en revient à la question de l’image,
celle de la gentille petite fille qui, de peur de ne plus être aimée de sa maman,
tait ses sentiments négatifs et s’oblige à être première de classe. Devenue grande,
la petite fille continue à être la gentille qui réussit professionnellement. Ces
femmes ont toutes de bons métiers, elles sont ingénieur, infirmière, directrice de
marketing, secrétaire de direction. Qu’elles aient 15 ou 45 ans, leur boulimie est
toujours en rapport avec maman. On n’en parle pas, parce qu’ils sont moins
nombreux, pourtant il existe des hommes boulimiques ; eux aussi un problème avec
leur mère.
Attention aux mauvaises interprétations : cela ne veut pas dire que la mère est
responsable de la boulimie de son enfant, mais qu’un malentendu s’est installé
entre l’une et l’autre. L’enfant avait, face à sa mère, un certain nombre de
besoins ou d’attentes qu’il n’a pas su ou osé formuler, et qui n’ont pas été
comblés. De son côté la mère n’a pas été en mesure, en raison de sa personnalité
ou parce qu’elle n’a pas compris les attentes de son enfant, de répondre à ses
désirs. Cette méprise peut durer des années : aussi longtemps, en fait, que le
dialogue n’est pas engagé.
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« Nous encourageons la personne à mettre des mots sur sa tristesse, à identifier
l’événement qui a suscité cette émotion, poursuit Sophie Poget** Si elle me dit,
par exemple : « J’étais dans ma chambre, je me sentais seule et incomprise, parce
que ma mère m’a punie au lieu de me prendre dans ses bras et de me
réconforter », je lui demande ce qu’elle aurait eu envie de dire à sa mère ce jourlà. Je vais l’inciter à exprimer ce qu’elle n’a pas exprimé sur le moment. Car
même si un événement s’est produit il y a trente ans, il reste très chargé
émotionnellement et a besoin d’être dit.
Lorsqu’on éprouve une attente démesurée par rapport aux capacités d’autrui, on a
tendance à se considérer comme une victime et à adopter une position accusatrice.
Pour dédramatiser, il s’agit de comprendre que nos besoins sont parfois en
contradiction avec ce que l’autre peut nous offrir. Prenons l’exemple de la mère
qui chaque jour accueille sa fille au retour de l’école en lui préparant des tartines.
C’est une attention affectueuse. Mais sa fille se plaindra peut-être plus tard,
parce que les tartines ne l’intéressaient pas et qu’elle aurait préféré que sa mère
lui raconte des histoires le soir avant de dormir. Et quand elle parlera de ce désir
qui n’a pas été comblé, une amie lui dira : « Tu avais la chance qu’elle te fasse des
tartines. Ma mère à moi, non seulement elle ne me lisait pas d’histoires, mais elle
ne me préparait pas non plus de goûter. » N’empêche qu’il reste une souffrance,
parce que l’enfant avait besoin d’un certain mode de communication pour ses
sentir aimée, et que sa mère communiquait son amour autrement.
L’étape suivante, c’est de parvenir à dialoguer avec sa mère, en disant ce qu’on a
vécu et comment on l’a ressenti. Il ne s’agit pas du tout de l’accuser, mais
d’exprimer ses besoins humblement, sans la blesser. D’oser lui dire : « Voici
comment je suis réellement. Je ne suis pas la fille forte que tu souhaitais. » C’est
ainsi qu’on parvient à s’accepter, et à accepter l’autre. C’est le résultat de tout
un travail. On n’y parvient pas du jour au lendemain après avoir gardé le silence si
longtemps. Mais un jour on se rend compte qu’on est prête, qu’on peut parler à sa
mère en restant en contact avec ses sentiments réels, et accepter sa mère comme
elle est, sans s’accrocher à ses rêves de petite fille. La clé, c’est l’acceptation
avec un grand A : reconnaître que maman m’a donné ce qu’elle a pu, en fonction
de qui elle est. À partir de là il s’établit un contact et un partage authentique
entre la mère et la fille. Je crois vraiment que la simplicité et la sincérité sont nos
meilleures armes. Quelqu’un qui dit simplement comment il fonctionne et de quoi
il a besoin désarme son entourage. C’est valable pour toutes les relations
humaines, sur le plan privé ou professionnel.
On ne change pas le passé, mais on peut le considérer autrement. Une personne
boulimique a en soi, un mur, constitué de tous ses malaises, de tout ce qu’elle a
accumulé et qui l’a progressivement coupée du monde. Plus les années passent,
plus le mur la fait souffrir. Au bout d’un certain temps, cela devient tellement
insupportable qu’elle éprouve le besoin de casser ce mur. Après l’avoir détruit,
elle peut regarder ce qui se cache derrière et commencer un travail sur soi.
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Elle ne va pas jeter les briques, parce qu’elles représentent son passé et font
partie de sa vie. Mais quand elles seront par terre, elle pourra les prendre, les
observer pour ce qu’elles sont, et les disposer différemment, de manière à pouvoir
vivre en harmonie avec son passé, en aménageant des ouvertures vers le monde
extérieur.
Un jour on se rend compte qu’on est prête à accepter sa mère comme elle est,
sans s’accrocher à ses rêves de petite fille.
*Gestalt : Thérapie axée sur l’expression verbale ou corporelle des émotions, la
Gestalt aide la personne à prendre conscience de ses propres besoins et à
communiquer avec autrui d’une manière authentique.
**Sophie Poget, diplômée de l’École parisienne de Gestalt- (tél. 021/625 55 45).
Je me disais que pour être aimée de ma mère, il fallait que je sois idéale. À partir
de là, tout au long de ma vie, j’ai voulu donner une certaine image de moi.
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