Carence en fer chez . . . le patient insuffisant rénal
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Carence en fer chez . . . le patient insuffisant rénal
Carence en fer chez . . . le patient insuffisant rénal Prof. Dr méd. Pierre-Yves Martin, Service de néphrologie, HUG, Genève L’anémie est fréquente dans l’insuffisance rénale chronique (IRC) et débute bien avant l’insuffisance rénale terminale qui nécessite un traitement de substitution. Cette anémie est classiquement mise en relation avec une déficience relative en érythropoïétine (EPO). On a très vite remarqué que la carence en fer était limitante dans le traitement à base d’EPO chez les patients hémodialysés, et il existe une littérature abondante sur la contribution de la déficience en fer dans la résistance à l’EPO chez ces patients. Chez eux, la cause principale de la déficience en fer a longtemps été uniquement attribuée à l’augmentation des pertes sanguines liées à la technique de la dialyse. Cette cause n’existe pas ou pratiquement pas chez les patients en insuffisance rénale moins sévère, non en dialyse. On sait maintenant qu’un métabolisme anormal du fer joue un rôle prépondérant dans l’installation et le maintien de l’anémie rénale. L’insuffisance rénale chronique fait partie des syndromes de séquestration de fer au même titre que l’inflammation, les maladies auto-immunes et les cancers. Les mécanismes entraînant cette séquestration sont à plusieurs niveaux dans l’insuffisance rénale. L’hepcidine joue un rôle pivot dans ce syndrome. Elle est anormalement élevée dans l’IRC en raison d’une diminution de sa clairance et en raison de l’état inflammatoire associé. Celle-ci limite l’absorption orale de fer et sa libération par le système réticulo-endothélial et le foie. Lorsque la réserve en fer est examinée au niveau de la moelle osseuse des patients avec un TFG <60 ml/min, la prévalence d’une carence en fer est de l’ordre de 48 %, alors que seulement 17 % des patients ont un niveau de ferritine <100 µg/L ou un taux de saturation de la transferrine <20 % (TSAT) démontrant que les marqueurs périphériques ne sont pas très précis pour identifier cette carence en fer. Les anomalies du métabolisme du fer doivent être recherchées précocement chez les patients avec une IRC. En présence d’une anémie et d’une insuffisance rénale des stade 3–5, le bilan ferrique doit être interprété différemment que chez un patient avec une fonction rénale normale. Les dernières recommandations d’experts publiées en 2012 conseillent de considérer chez un patient insuffisant rénal anémique un état de carence fonctionnelle en fer (séquestration) en cas de TSAT <30 % ou une ferritine <500 µg/L. En plus du changement de l’interprétation des indices périphériques des réserves en fer, l’insuffisant rénal n’a pas les mêmes capacités de répondre au traitement de fer en raison des taux élevés d’hepcidine. La question du traitement de fer chez les patients avec IRC non en dialyse a été posée dans une grande étude randomisée présentée récemment (FIND-CKD). Selon les données préliminaires, cette étude montre que l’administration de ferinject i. v. pour obtenir des taux de ferritine entre 400 et 600 µg/L est le moyen le plus efficace pour corriger l’anémie des patients IRC et retarder l’utilisation d’EPO.