Cour de cassation Chambre sociale

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Cour de cassation Chambre sociale
Texte officiel
Juin 2016
Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 19 mai 2016
Pourvoi n° 14-28.245
Non publié au bulletin
Rejet
Texte officiel
Juin 2016
Cour de cassation
Chambre sociale
Audience publique du 19 mai 2016
N° de pourvoi: 14-28245
ECLI:FR:CCASS:2016:SO00941
Non publié au bulletin
Rejet
M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me Brouchot, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l’arrêt attaqué (Reims, 8 octobre 2014), que M. X..., engagé à compter du
1er octobre 2007 par la société E-Motors en qualité de commercial, a été licencié par lettre
du 7 mars 2011 pour faute grave après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 16
février ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de ne pas retenir la faute grave du salarié mais de
dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la condamner en
conséquence à payer diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen, que la faute
grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; que, tout en
retenant que l’accusation d’actes de violence avait été faussement portée par le salarié à
l’encontre de son supérieur hiérarchique, M. Y..., et qu’elle était nuisible au bon
fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel qui a cependant considéré que ce
manquement caractérisait uniquement une cause réelle et sérieuse de licenciement mais
non une faute grave, en ce qu’elle ne mettrait pas obstacle au maintien du salarié au sein
de l’entreprise, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations
desquelles il se déduisait que le salarié ne pouvait être maintenu au sein de l’entreprise,
au contact journalier dudit supérieur hiérarchique, au regard de l’article L. 1234-1 du code
du travail qu’elle a ainsi violé par refus d’application ;
Mais attendu que tout en constatant que le salarié avait faussement accusé son supérieur
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hiérarchique de violences, la cour d’appel, prenant en considération l’ancienneté du
salarié, a pu retenir que ces faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans
l’entreprise ; qu’exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail,
elle a décidé que cette fausse accusation constituait une cause réelle et sérieuse de
licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société E-Motors aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société E-Motors ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président
en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour la société E-Motors.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR requalifié le licenciement pour faute grave de M.
X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse et d’AVOIR condamné son employeur,
la société E-Motors, à lui payer diverses sommes à titre d’indemnités subséquentes ;
AUX MOTIFS QU’il convient de rappeler liminairement que la lettre de licenciement fixe
les limites du litige et qu’il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave,
d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de
démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de
travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien
de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu’en cas de doute, il
profité au salarié ; que la cour devra donc vérifier si l’employeur rapporte la preuve des
griefs fondant la rupture du contrat et d’en apprécier la gravité ; que s’agissant des faits
reprochés datant des 7, 8 et 11 et 16 février 2011, il sera relevé que la preuve n’est pas
suffisamment rapportée par les attestations versées par l’employeur, dès lors d’une part
que les attestations de Mme Z... et de M. A... sont arguées de faux par M. X... qui a porté
plainte et a été auditionné concernant ces deux attestations, que d’une part, il ne s’en
déduit pas que les renseignements donnés à deux clients différents, à supposer qu’ils se
soient avérés inexacts, l’aient été avec une intention de nuire ; que de même, il n’est pas
établi que le salarié ait intentionnellement refusé de s’occuper d’un client pour se
consacrer à ses affaires personnelles dès lors que le salarié précise avoir été en
communication téléphonique avec un garagiste pour raison professionnelle, même si le
garagiste indiqué ne figure pas au fichier des interlocuteurs habituels de la société ; qu’en
revanche, il est établi que M. X... a par lettre du 13 février 2011 en réponse à la mise à
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pied justifiée en date du 28 janvier 2011 expressément accusé son supérieur hiérarchique
M. Y... de l’avoir frappé violemment ; que cette accusation est démentie formellement par
M. Y... dans deux attestations non arguées de faux par le salarié qui n’a pas hésité en
revanche à arguer de faux spécifiquement celles de Mme Z... et de M. A... ; que ces
attestations qui dénoncent de manière pondérée le comportement régulièrement
provocateur de M. X... sont parfaitement crédibles et suffisent à établir que c’est de
manière mensongère que M. X..., qui n’a pas porté plainte contre son supérieur
hiérarchique, lui reproche de lui avoir porté des coups ; que cette accusation peu crédible
nuisible au bon fonctionnement de l’entreprise justifie au vu de ses antécédents
disciplinaires que celle-ci ait pris l’initiative de licencier son salarié ; que par confirmation
du jugement, il sera considéré que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle
et sérieuse ; que la faute grave sera toutefois écartée, dès lors que ce grief n’était pas de
nature à empêcher immédiatement la poursuite du contrat de travail de M. X... qui
bénéficiait de plus de trois ans d’ancienneté ; qu’en l’absence de faute grave, c’est à bon
droit que les premiers juges ont alloué une indemnité compensatrice de préavis
équivalente à deux mois de salaire, outre les congés payés y afférents et une indemnité
légale de licenciement calculée exactement sur la base d’un salaire mensuel moyen de
4.399, 24 euros ;
ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans
l’entreprise ; que, tout en retenant que l’accusation d’actes de violence avait été
faussement portée par M. X... à l’encontre de son supérieur hiérarchique, M. Y..., et qu’elle
était était nuisible au bon fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel qui a cependant
considéré que ce manquement caractérisait uniquement une cause réelle et sérieuse de
licenciement mais non une faute grave, en ce qu’elle ne mettrait pas obstacle au maintien
du salarié au sein de l’entreprise, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations desquelles il se déduisait que M. X... ne pouvait être maintenu au sein de
l’entreprise, au contact journalier dudit supérieur hiérarchique, au regard de l’article L.
1234-1 du code du travail qu’elle a ainsi violé par refus d’application.
Décision attaquée : Cour d’appel de Reims , du 8 octobre 2014