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loisirs lire I 9 DIMANCHE 24 AVRIL 2016 Livre ouvert Un amour infini Gérard Guégan Seth Greenland. Nouveau registre avec cette histoire qui mêle romance et suspense La mort n’a pas d’amis L e roman noir a ses maîtres, Hammett, Chandler, mais le roman policier (celui dont le personnage central est un flic) n’en a qu’un : Simenon. Que Hemingway traitait avec égards. Et que Hammett vénérait. De fait, le créateur de Maigret a inspiré plus d’un Américain. Tel Ed McBain avec son 87e district et ses inspecteurs (Carella, Meyer, Kling, etc.). Et tel, aujourd’hui, l’inégal mais toujours attachant Michael Connelly, père nourricier de Harry Bosch, l’inspecteur de Los Angeles. Ces deux-là ont bâti titre après titre de modernes sagas urbaines que doivent leur envier la plupart des prosateurs dits sé« C’est du Balzac, rieux. Fort éloignés de McBain et ou du Dumas, de Connelly, mais non moins inspimais remis en rés, George Pelecamusique par un nos et Richard émule de Chester Price, quant à eux, n’aiment rien tant Himes. C’est du qu’inventer de vif, du tranchant, nouvelles figures, à les instaldu terriblement quitte ler dans des villes qui leur ressemsombre » blent. Pas étonnant, du coup, qu’ils aient, l’un et l’autre, participé à « Sur écoute », la meilleure série télévisée qui soit sur la face obscure de l’Amérique. On en a une énième démonstration avec « The Whites », le nouvel opus de Richard Price. C’est du Balzac, ou du Dumas, mais remis en musique par un émule de Chester Himes. C’est du vif, du tranchant, du terriblement sombre. Au point de départ, on trouve Billy Graves, chargé d’une brigade de nuit dans Manhattan. Très vite, en lui emboîtant le pas, le lecteur va comprendre que, pour Price, il n’existe guère de différence entre un enquêteur et un éboueur. À eux la mission de nettoyer la ville de ses rebuts (humains ou non) afin qu’elle offre au lever du jour le visage d’une cité sans taches. Mais il y a pire encore pour Billy Graves. Il y a un psychopathe qui cherche à nuire à son épouse, autrefois complice malgré elle d’un crime. Et il y a aussi, parmi ses collègues d’il y a vingt ans, un justicier qui règle ses comptes en liquidant les criminels en liberté. Dans le monde de Price, la déchéance est partout. La mort aussi. On en reste scotchés. ★★★★ « The Whites », de Richard Price, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Martinache, éd. Presses de la Cité, 416 p., 21 €. ALEXANDRE FILLON eth Greenland avait jusqu’ici montré à quel point il était un as de la comédie grinçante et mordante. On n’a pas oublié sa verve narrative et son sens des situations qui pétillaient à chaque page de « Mister Bones » (Liana Levi, 2007, repris en Piccolo) ou d’« Un bouddhiste en colère » (Liana Levi, 2011, repris en Piccolo). Avec « Et les regrets aussi », l’Américain change aujourd’hui brillamment de registre. Le romancier parvient ici à jouer sur plusieurs tableaux avec une étonnante souplesse. Son nouveau roman fait alterner tour à tour deux voix. La première est celle de Jeremy Best. Avocat spécialisé dans les fiducies et successions, celui-ci est également un poète qui a publié dans la prestigieuse « Paris Review ». S Deux êtres blessés Authentique new-yorkais de 33 ans dont le père a été portraituré par Andy Warhol, Best est un célibataire solitaire à la mise toujours impeccable. Un jour, le voici qui rencontre la jeune fille à qui appartient la seconde voix du livre. Difficile de résister au charme de Spaulding Simonson. Une demoiselle de 19 ans qui se trouve être la fille de l’associé principal du cabinet où Jeremy Best officie depuis cinq ans, l’impénétrable Edward P. Simonson, qu’il surnomme « le Rapace ». Irrésistible avec sa chevelure aux boucles divines, Spaulding a eu des problèmes d’addiction. Pour l’heure, elle habite Manhattan avec une mère qui sort de son troisième mariage, possède trois chats et un petit ami indolent. Impulsive, fantasque et craquante, « Spaul » écoute Joy Division, lit « Middlemarch » et Kierkegaard, affirme que son mot préféré est « sombriste » ! D’emblée, Best essaye de réprimer son attirance pour elle. D’autant qu’il ne se sent pas au mieux et s’interroge sur la nature de la grosseur apparue sur son bas-ventre… La grande force de Seth Greenland réside dans sa manière de doser ses ingrédients. De lier avec grâce une histoire d’amour, du suspense et le portrait de deux êtres blessés. À mi-chemin du « Love Story » d’Erich Segal et des romans noirs de Raymond Chandler, « Et les regrets aussi » se dévore le cœur serré. « Et les regrets aussi », de Seth Greenland, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch, éd. Liana Levi, 298 p., 21 €. Jean-Luc Cattacin. Un premier roman très poétique sur la magie de l’enfance Le monde de l’enfance, enchanté, enchanteur. Quelle poésie dans ce premier roman qui paraît simultanément avec un très sérieux essai sur les « Libérateurs de l’Irlande », chez Vendémiaire. Les bords de Marne sont doux, l’été, quand les maïs chantent dans les champs. Un petit garçon sur sa bicyclette parcourt les sentiers et les forêts, échappe aux autres enfants, les rattrape pour quelques jeux fous, se camoufle dans les herbes hautes et dans sa colère rentrée. Il écoute la nuit, regarde les étoiles, le ciel– le diamètre de la Lune, c’est la distance de Madrid à Moscou –, rêve de solitude quand il est à la farce et aux galopa- des avec sa multitude de frères et de cousins, rêve d’empoignades joyeuses quand il reste seul. C’est bien compliqué d’être enfant. Mais amusant, aussi, d’observer le curieux monde des adultes, qui a les mystères, mais pas la magie, des animaux de la campagne. Le cœur en farandole Là-bas, on guette la gueule affreuse du silure au bout de l’hameçon, on piste les grondements nocturnes du sanglier, les hannetons à l’ampoule de la cave, on compte les étoiles et même les gouttes de pluie. Il y a des secrets partout, le petit garçon sait qu’ils se cachent mieux dans le va- carme que dans le silence. Il écoute. Il observe. Les maîtres d’école, le facteur à vélo, son père taciturne et sa mère, un peu triste, l’intriguent. Il a les genoux écorchés, les pieds humides de boue, le cœur en farandole. Peut-être qu’il faut faire semblant de mourir pour que les gens vous aiment ? Une fois le livre refermé, reste le charme de ces 32 courts chapitres dotés d’un titre et d’un sous-titre bucolique. IS. DE MONTVERT-CHAUSSY ★★★★ « À travers ciel », de Jean-Luc Cattacin, éd. Phébus, 160 p., 15 €. Titres en tête TITRES Ça se corse à Lille Le fleuve de l’éternité Suspense. Connaissez-vous Pierre-Arsène Leoni ? Il est corse et c’est un flic. Il débarque à Lille après un début de carrière mouvementé à Marseille. Sauf le respect dû au Nord, c’est quand on le quitte qu’on se souvient du soleil intérieur des Chtis. Aujourd’hui, Leoni s’en va. Dernière embrouille dans un trou noir peuplé de saintes-nitouches, de gosses perdus et de mauvais souvenirs. (L. G.) SF. 36 milliards d’êtres humains, la population de la Terre depuis que l’homme est homme, ressuscitent un beau jour sur une planète géante que sillonne un fleuve mystérieux. Il y a vous et moi, bien sûr, mais aussi Mark Twain, Cyrano, l’Alice de Carroll, la vraie, et quelques autres guest-stars qui vont devenir les aventuriers d’un étrange avatar de l’Apocalypse. Le chef-d’œuvre d’une SF visionnaire enfin réédité. (F. R.) « Carrières noires », d’Elena Piacentini, éd. Pocket, 384 p., 5,95 €. ★★★★ La nuit, les silures sont effrayants Notre sélection ★★★★ Seth Greenland. PHOTO DR ★★★★ « Le Monde du fleuve », de Philip José Farmer, traduit de l’anglais (États-Unis) par G. Abadia et Ch. Canet, éd. Mnémos, 1 280 p., 35 €. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 En attendant Bojangles Trois jours et une vie Mémoire de fille Le Mystère Henri Pick La Fille de Brooklyn Comédie française Vous n’aurez pas ma haine Tout ce qu’il ne faut pas dire Désolée, je suis attendue Trois amis en quête de sagesse Condor Les putes voilées n’iront… Trop vite Le Grand Marin Vivez mieux et plus longtemps AUTEURS Olivier Bourdeaut Pierre Lemaitre Annie Ernaux David Foenkinos Guillaume Musso Fabrice Luchini Antoine Leiris Bertrand Soubelet Agnes Martin Lugand André-Jollien-Ricard Caryl Ferey Chahdortt Djavann Nabilla Benattia Catherine Poulain Michel Cymes EDITEURS Finitude Albin Michel Gallimard Gallimard XO Flammarion Fayard Plon Michel Lafon Iconoclaste Série noire Grasset Robert Laffont L’Olivier Stock CLASSEMENT PRÉCÉDENT NOMBRE DE SEMAINES 1 2 3 5 4 7 9 12 8 6 11 14 7 3 3 4 7 3 1 1 13 5 1 1 9 7 Liste établie avec la collaboration des librairies Martin-Delbert (Agen), La Librairie Cosmopolite (Angoulême), L’Alinéa (Bayonne), Mollat, La Machine à lire (Bordeaux), Calligrammes (La Rochelle), Cultura (Mérignac), Lacoste (Mont-de-Marsan),Tonnet (Pau), La Mandragore (Périgueux), l’Espace culturel E.Leclerc (Saint-Médard-en-Jalles), Georges (Talence).