Où l`on reparle de « La Vache qui rit

Transcription

Où l`on reparle de « La Vache qui rit
Les lecteurs écrivent
Où l’on
reparle de
« La Vache qui rit »
«L
A Vache qui rit » suscite
l’intérêt puisque Le
Relais y revient après
les numéros 97 et 99. Cette fois-ci
c’est un journaliste retraité,
François Camper, qui intervient.
L’article sur l’album de réclame
instructive édité par Bel dans les
années 30 à l’intention des
enfants, lui a inspiré quelques
réflexions. D’autant mieux venues
qu’il est retourné dans sa chère
Franche-Comté (nom à consonance fromagère...). Il en connaît donc
un rayon de meule sur le sujet.
Je viens d’ouvrir le dernier
Relais. Avec plaisir comme d’habitude. D’autant plus que dans ce
numéro, tu fais revivre la naissance
d’une « voisine », la Vache qui rit,
née à Lons-le-Saulnier, à deux pas
de chez moi.
Les souvenirs que tu évoques
avec la collection d’images qui
accompagnait les portions de la
petite vache rouge en auront fait
surgir d’autres chez les plus jeunes.
La portion qu’on mettait dans le cartable pour la pause de la récréation,
la difficulté de l’ouverture de l’emballage que l’on finissait par pallier
en ouvrant la pointe d’un coup de
dent et en pressant l’ensemble
comme un tube.
Mais ce que tu nous révèles
du contenu publicitaire de ce livre
d’images de la Vache qui rit, mon
cher petit canard, montre que
publicité et information sont deux
choses bien différentes.
Les Français auraient été les
inventeurs du gruyère au XIIIe siècle ? Tout d’abord, à cette époque
la Franche-Comté n’était pas française mais dépendait du Saint
Empire romain germanique, (tout
comme la Suisse d’ailleurs). Le fromage que les paysans fabriquaient
dans les fructeries (ou fruitières,
sans doute les premières coopératives agricoles) étaient des froma-
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Le Relais
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ges de garde et de grande taille
(45 kg la meule, faite chacune avec
près de 500 litres de lait) qui permettaient à une famille de vivre
pendant les longs hivers. Ce sont
les documents concernant les premières fruitières qui permettent de
« dater » le fromage fabriqué en
Franche-Comté par défaut... Mais il
devait exister auparavant. Petite
précision, ce fromage ne portait
pas le nom de comté mais de
vachelin.
Le gruyère, qui devait certainement ressembler au fromage des
voisins comtois, est attesté depuis
le début de notre ère. Une légende
veut qu’en 161 après J.-C., l’empereur romain, Antonin le Pieux, soit
mort d’une indigestion de fromage
de gruyère. Le commerce du fromage fabriqué sur place est florissant dès le milieu du XIIIe siècle.
L’appellation de gruyère n’apparaît qu’en 1655 et en 1762
l’Académie française ajoute au dictionnaire le mot de gruyère définissant le fromage fabriqué dans la
région suisse de Gruyère ! Pourtant
dans les années 1930, l’industrie
laitière française, Léon Bel, le fondateur de la Vache qui rit, en tête,
tente de s’approprier l’appellation
« gruyère ». La bataille sera longue, mais les Suisses obtiendront
gain de cause.
Curieusement, le comté sera la
première appellation d’origine
contrôlée des fromages français.
L’AOC sera obtenue en 1958.
L’appellation locale s’est avérée
plus porteuse qu’une appellation
générique !
Les Suisses ont aussi leur AOC
« gruyère », mais elle est beaucoup
plus récente (1992).
Et les spécialistes le confirment,
les deux fromages ont des caractéristiques gustatives différentes.
Cela mérite bien d’être distingué
d’une manière ou d’une autre.
Au fait, mon cher canard, sais-tu
que le Comté a des affinités avec la
Bretagne ?
Mais si. Le petit village qui désormais m’abrite, Chapelle-desBois, est tourné entièrement vers
l’agriculture biologique. Pas une
parcelle de terre qui ne soit bio !
Pour posséder le label « bio », le
fromage fabriqué à la fruitière ne
devait utiliser tout au long de sa
fabrication et maturation que des
produits certifiés « bio ». Or, au
cours de l’affinage, la meule de
comté est régulièrement frottée de
saumure pour parfaire la croûte.
Bien que le sel soit une des richesses de la Franche-Comté, le seul
sel qui peut être utilisé pour que les
meules du comté de Chapelle-desBois obtiennent le label très prisé
est du sel bio de Guérande !
Une dernière anecdote concernant la Vache qui rit. Fabriquée à
partir des meules de comté qui
n’ont pas obtenu le droit d’être
mises sur le marché en raison de
leur qualité moyenne, elle affiche
des qualités presque inverses à
celles de ses origines. Alors que la
richesse nutritionnelle du comté
l’élimine de quasiment tous les
régimes amaigrissants, un nutritionniste américain a fait l’éloge de
la petite portion dans un livre que
s’arrachent les nombreux candidats à la diète du Nouveau monde.
A tel point que les fromageries Bel
ont dû construire une unité de production aux USA.
Pour finir, la réponse à la question lancinante « Pourquoi la Vache
qui rit, rit ? » Tout simplement parce
qu’elle est heureuse de vivre en
Franche-Comté.
Moi aussi.
Allez, bonne journée mon cher
canard. Et n’oublie pas ta portion
pour la pause de 10 heures.
F. CAMPER.