D. 2007. Panor. 2129, obs. V. Brémond

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D. 2007. Panor. 2129, obs. V. Brémond
Recueil Dalloz 2007 p. 2126
Droit patrimonial de la famille
mai 2006 - mai 2007
Vincent
Brémond, Maître de conférences à l'Université de Paris X-Nanterre
Marc Nicod, Professeur à l'Université de Toulouse - UT1
Janine Revel, Professeur à l'Université de Paris X-Nanterre
L'essentiel
La période de référence, de mai 2006 à mai 2007, a été particulièrement riche en réformes
législatives. Elle a d'abord été marquée par le vote, puis l'entrée en vigueur (le 1er janv.
2007), de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006. Celle-ci rénove en profondeur notre législation
civile et bouleverse, par voie de conséquence, les habitudes des praticiens : elle parachève la
modernisation du droit des successions, donne un nouveau souffle au droit des libéralités et
libéralise la procédure de changement de régime matrimonial (V. Dossier spécial : Premières
vues sur la réforme des successions et des libéralités, D.2006. 2550 s.). Toujours sur le
terrain législatif, on ne peut naturellement pas passer sous silence la prohibition de la
fiducie-libéralité (art. 2013 c. civ.) édictée par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 ; ni les
correctifs apportés par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 à la capacité testamentaire du
majeur en tutelle et, plus curieusement, au texte de l'article 1397 du code civil.
Dans le même temps - et sans que l'on puisse raisonnablement reprocher aux juges de ne pas
avoir tenté de nous ménager une pause - la jurisprudence, à laquelle est essentiellement
consacré ce panorama 2007, a poursuivi son oeuvre créatrice. En droit matrimonial comme en
droit successoral, la Cour de cassation est venue confirmer des solutions attendues ; elle a
parfois aussi innové, n'hésitant pas à poser les bases de nouvelles constructions prétoriennes.
I - Régimes matrimoniaux
A - L'actif de la communauté
1 - Les revenus des biens propres
Deux décisions illustrent le célèbre débat du caractère, propre ou commun, des revenus de
propres, débat issu de la difficile conciliation entre la pleine propriété des biens propres de
chaque époux et la vocation communautaire du régime. Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt
de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 20 février 2007 (Civ. 1re, 20 févr.
2007, n° 05-18.066, D. 2007. Jur. 1578, note M. Nicod ; AJ fam. 2007. 230, obs. P. Hilt ),
l'enjeu - l'emploi des revenus de propres au profit du patrimoine propre donne droit à
récompense à la communauté - avait déjà été réglé (Civ. 1re, 6 juill. 1982, Bull. civ. I, n°
249), mais l'arrêt a le mérite d'affirmer clairement et simplement « les fruits et revenus de
propres ont le caractère de biens communs », ce que la Cour de cassation n'avait jamais fait
(elle s'en était tenue, depuis l'arrêt Authier, à la fameuse formule de « l'affectation » de ces
revenus à la communauté, cf. en dernier lieu, Civ. 1re, 24 oct. 2000, D. 2001. Somm. 2936,
obs. M. Nicod et les réf. citées ; RTD civ. 2001. 650, obs. B. Vareille ). Dans le second arrêt
(Civ. 1re, 12 déc. 2006, n° 04-20.663, D. 2007. AJ. 318 ; RTD civ. 2007. 149, obs. T.
Revet ; Rev. sociétés 2007. 326, obs. D. Randoux ), la difficulté matrimoniale était amplifiée
par l'interférence du droit des sociétés, spécialement du sort des réserves. La pleine propriété
implique la libre administration, jouissance, et disposition des biens propres (art. 1428). La
jouissance - là gît le noeud du problème - emporte le pouvoir, pour chacun des époux, de
percevoir les revenus et le pouvoir de choisir la dépense ou l'épargne. Face à la dépense, la
communauté a un droit de regard pendant le mariage (spéc. art. 1429), et, face à l'épargne,
elle attend (art. 1403), car elle a des droits qu'elle peut faire respecter par l'attribution d'une
récompense à son profit à la dissolution.
Dans l'arrêt du 20 février 2007, l'épouse choisit la dépense ; propriétaire d'un immeuble
qu'elle loue, elle finance des constructions nouvelles avec les loyers. La cour d'appel qui exclut
toute récompense à la communauté au motif que les loyers ont suffi au financement de ces
améliorations est censurée. Les loyers sont des biens communs, l'investissement dans le bien
propre appauvrit la communauté, et, corrélativement, enrichit le patrimoine propre.
Dans l'arrêt du 12 décembre 2006, l'époux choisit l'épargne : le mari, titulaire de parts en
propre d'une SARL, laquelle par incorporation de réserves procède à une augmentation de
capital et à la création de parts nouvelles, dont une partie est attribuée au mari, avant d'être
transformée en SA, chaque part devenant une action de même valeur. Lors de la liquidation
du régime matrimonial après le divorce des époux, la femme revendique la moitié des parts
émises lors de l'augmentation de capital par incorporation de réserves attribuées à son mari,
et, ces parts étant devenues des actions, elle les revendique en nature. Elle échoue dans son
action devant la cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation car « les bénéfices réalisés
par une société ne deviennent des fruits ou revenus de propres, susceptibles de constituer des
acquêts de communauté que lorsqu'ils sont attribués sous forme de dividendes ».
Ainsi, l'incorporation des revenus dans le propre qui les a générés donne lieu à récompense
dans le premier cas (les loyers financent l'amélioration de l'immeuble), et n'y donne pas lieu
dans le second (bénéfices de la société mis en réserve et augmentation du capital social).
Une première explication peut venir de la perception de ces revenus ; les loyers ont été
perçus, ils sont donc communs, les dividendes ne l'ayant pas été, restent propres. Le droit de
jouissance et le pouvoir qui y est attaché - la perception - l'emporte sur les droits de la
communauté. Cette première appréciation doit être tempérée par deux éléments ; le correctif
apporté à la formation des acquêts par l'article 1406 du code civil, et la nuance au postulat
selon lequel les réserves sont des revenus épargnés. En application de l'article 1406, les
valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres
sont propres ; à ce titre, le droit préférentiel de souscription et les actions distribuées, au cas
d'augmentation de capital, sont propres. En l'espèce, l'épouse ne pouvait pas les revendiquer
en nature. Toutefois, le texte précise « sauf récompense s'il y a lieu » et l'on sait qu'il y a lieu
à récompense lorsque des fonds communs ont financé l'opération. Les réserves facultatives
(les réserves obligatoires sont hors débat), et provenant du compte « report à nouveau » qui
sont des bénéfices d'un exercice non distribués pour être ajoutés aux bénéfices de l'exercice
suivant - c'était le cas en l'espèce - sont-elles des revenus de propres ab initio ? De la réponse
négative de la Cour de cassation, conforme à la doctrine commercialiste, l'augmentation de
capital a été réalisée à titre gratuit - sans apports communs - et, par suite, la communauté
n'avait pas droit à récompense. C'est donc par la volonté des associés, de distribuer ou ne pas
distribuer les bénéfices, que se forment les acquêts, par l'effet combiné du droit des sociétés
et de l'article 1406. Le pouvoir de l'époux associé, de percevoir, ou non, les revenus de
propres est déterminant. Le droit de jouissance de l'époux propriétaire de biens propres a
raison des droits de la communauté.
Deux remarques finales : les réserves facultatives qui ont servi à réaliser une augmentation
de capital, ne sont pas, selon le droit des sociétés, une incorporation des revenus dans le
bien, mais du point de vue du droit du régime matrimonial l'époux associé voit son patrimoine
propre enrichit, pendant que la communauté est privée de cet accroissement. Les salaires non
perçus sont communs, pas les revenus non perçus des valeurs mobilières propres ; le
parallèle entre ces deux sources de revenus, voulu par la loi de 1985, est contrarié par le droit
des sociétés.
J. R.
B - Le passif dans le régime de la communauté
2 - Le consentement du conjoint de l'époux emprunteur
On sait que l'article 1415 du code civil module l'engagement des biens par un emprunt ou un
cautionnement, selon trois « niveaux » ; soit un époux contracte seul, il n'engage que ses
propres et ses revenus, soit il s'engage avec le consentement-autorisation de son conjoint, s'y
ajoutent les biens communs, soit, enfin, le conjoint donne un consentement-engagement, s'y
ajoutent, en outre, ses biens propres. En l'espèce (Civ. 1re, 28 nov. 2006, n° 04-19.725,
Bull. civ. I, n° 516 ; D. 2007. AJ. 88, obs. V. Avena-Robardet ; AJ fam. 2007. 41, obs. P. Hilt
; RTD com. 2007. 209, obs. D. Legeais ) un mari signe seul un contrat de prêt que lui accorde
une banque. Lors de la constitution du dossier de prêt, son épouse a signé la fiche de
renseignements, qu'elle a remplie elle-même, faisant état, notamment, de l'état civil des
époux, de leurs revenus et de leur patrimoine. Suite à la défaillance de l'emprunteur, la
banque inscrit une hypothèque provisoire sur un immeuble commun ; les époux en
demandent la mainlevée. La demande est rejetée par la cour d'appel qui estime que, par la
fiche de renseignements, l'épouse a manifesté « son consentement à la souscription (du prêt)
par son mari ». L'arrêt est censuré pour défaut de base légale au regard de l'article 1415, la
cour d'appel n'ayant pas caractérisé le consentement exprès de l'épouse à l'emprunt. Les
documents pré-contractuels n'engagent pas les parties. La fiche de renseignements remplie
par l'épouse est un de ces documents destiné à informer le prêteur de telle sorte qu'il formule
son offre en connaissance de cause, spécialement les forces de remboursements (revenus) et
le gage sur lequel il peut compter (le patrimoine). Fournir des informations n'est pas
s'engager. Pourtant en droit commun, la jurisprudence admet l'acceptation tacite. Et c'est
certainement à ce droit commun que s'était rangée la cour d'appel, en l'espèce. Et cela
d'autant plus qu'elle n'avait tenu la volonté de l'épouse, non comme manifestant un
engagement personnel, mais comme une autorisation de souscrire le prêt, et, par voie de
conséquence, d'engager les biens communs. Et ce consentement-autorisation tacite ne
pouvait pas être taxé d'équivoque. La femme connaissait ou devait connaître le projet de son
mari, et savait, ou devait savoir, que la fiche de renseignements qu'elle avait remplie et
signée était destinée à conclure ce projet. Mais les exigences de l'article 1415 vont au-delà du
droit commun. Le consentement doit être exprès à l'emprunt, et pas seulement à la
négociation préalable.
Pour la même raison, l'engagement des deux époux pour consentir une hypothèque sur un
immeuble commun postérieur à la souscription d'un emprunt par le mari seul destinée à le
garantir, ne vaut pas consentement exprès de l'épouse à cet emprunt (Civ. 1re, 19 nov. 2002,
Bull. civ. I, n° 273 ; D. 2002. Jur. 3290, note C. Barberot, et 2003 Somm. 1401, obs. G.
Taormina ; AJ fam. 2003. 71, obs. S. D.-B. ; RTD civ. 2003. 339, obs. B. Vareille ;
Defrénois 2003. 547, obs. G. Champenois). La connaissance de la négociation et même de
l'engagement définitif, comme l'approbation postérieure, est insuffisante à valoir,
consentement exprès, tout au plus, seulement tacite. Bien que l'expression de ce
consentement exprès ne soit pas soumis à des formalités particulières (cf. Civ. 1re, 13 nov.
1996, Bull. civ. I, n° 392 ; D. 1997. Somm. 163, obs. L. Aynès, et 1998. Somm. 135, obs. V.
Brémond ; RTD civ. 1997. 729, obs. B. Vareille ; à propos de l'art. 1326 c. civ.), il doit ne
faire aucun doute. Du reste, exprimé sur un instrumentum différent en matière de
cautionnement, l'engagement de l'un ne vaut pas consentement à l'engagement de l'autre, et
cela même si, séparément, les deux époux cautionnent la même dette (Civ. 1re, 15 mai 2002,
Bull. civ. I, n° 129 ; D. 2002. Jur. 1780, note C. Barberot, et Somm. 3337, obs. L. Aynès ;
AJ fam. 2002. 264, obs. S. D.-B. ; RTD civ. 2002. 546, obs. P. Crocq ; ibid. 2003. 338, obs.
B. Vareille ; 8 mars 2005, Bull. civ. I, n° 115 ; D. 2005. IR. 1048 ; AJ fam. 2005. 238, obs.
P. Hilt ). L'engagement du conjoint doit être concomitant à celui de l'époux débiteur et figurer
sur le même instrumentum. Et ces exigences relatives au caractère exprès du consentement
du conjoint valent tout autant pour le consentement-autorisation que pour le
consentement-engagement. Le contentieux relatif à l'emprunt est moins fourni que celui
suscité par le cautionnement, mais le souci de protéger le capital communautaire est, en toute
cohérence, le même.
J. R.
3 - L'affectation d'un bien commun à la garantie de la dette d'autrui
Ceux qui ne peuvent plus distraire un bien commun qu'ils ont affecté, seul, à la garantie de la
dette d'un tiers par les vertus de l'article 1415 du code civil, sont pressés de bénéficier de
celles de l'article 1422, alinéa 2, issu de l'ordonnance du 23 mars 2006. Un mari commun en
biens, crée une société et se porte caution envers une banque de tous les engagements de
cette société ; il nantit au profit de cette même banque deux contrats d'assurance-vie en
garantie d'un emprunt souscrit par la société, et, enfin, il avalise un billet à ordre émis par
celle-ci au profit de la banque.
A la suite de la liquidation judiciaire de la société, la banque s'adresse au garant. Sur le
fondement de l'article 1415, elle pouvait saisir les propres et les revenus du mari au titre du
cautionnement et du billet à ordre, mais elle réclamait l'attribution des contrats
d'assurance-vie nantis à son profit lesquels avaient été alimentés avec des deniers communs.
La cour d'appel, qui statuait le 7 octobre 2005, qualifie ces nantissements de cautionnement
réel, et l'article 1415 étant jugé applicable à ces cautionnements, elle déboute la banque de
sa demande, à défaut de l'accord exprès de l'épouse. Fidèle à sa jurisprudence récente,
(Cass., ch. mixte, 2 déc. 2005, D. 2006. AJ. 61, obs. V. Avena-Robardet, Jur. 729, concl. J.
Sainte-Rose, Jur. 733, note L. Aynès, Pan. 1414, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau, et Pan.
2855, obs. P. Crocq ; AJ fam. 2006. 113, obs. P. Hilt ; RTD civ. 2006. 357, obs. B. Vareille
; ibid. 594, obs. P. Crocq ; RTD com. 2006. 465, obs. D. Legeais ; Civ. 1re, 28 févr. 2006,
Bull. civ. I, n° 102 ; D. 2006. Pan. 2068, obs. J. R. ), la Cour de cassation rappelle que ces
nantissements ne sont pas des cautionnements dans une décision du 20 février 2007 (Civ.
1re, 20 févr. 2007, n° 06-10.217, D. 2007. AJ. 937, obs. V. Avena-Robardet ; AJ fam.
2007. 229, obs. P. Hilt ). Ces nantissements portent sur des fonds communs - la valeur des
contrats d'assurance-vie - dont le mari a la libre disposition, tant active (art. 1421), que
passive (art. 1413). Ils sont certainement valables (cf. Civ. 1re, 28 févr. 2006, préc.). Il
restait un espoir de sauver ces valeurs communes en invoquant le nouvel article 1422, alinéa
2.
Ce texte soumet au double consentement des époux l'affectation de tout bien commun, y
compris ceux qui ne sont pas énumérés à l'article 1424, à la garantie de la dette d'un tiers.
Ces contrats de garantie ne relèvent pas de l'article 1415, ils sont soumis au régime des actes
de disposition à titre gratuit des biens communs, certainement à juste titre (cf. J. Revel, La
garantie de la dette d'autrui et le droit du régime matrimonial, D. 2006. Chron. 1309 ).
Désormais, l'époux souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut en disposer seul, par
exemple déléguer le droit au rachat (Civ. 1re, 28 févr. 2006, préc.) substituer un bénéficiaire
à un autre (cf. en dernier lieu, Civ. 1re, 12 déc. 2006, n° 04-17.430) l'engager seul pour
garantir sa propre dette (art. 1413), mais il ne peut pas, seul, l'engager pour garantir la dette
d'autrui. Avec l'application du nouveau texte, les contrats de nantissements au profit de la
banque auraient été certainement nuls, à défaut du consentement de l'épouse.
Le débat était alors déplacé vers l'application de la loi dans le temps. Les nantissements
avaient été consentis en 1997 et 2001, le nouveau texte qui « n'a pas un caractère
interprétatif, n'est pas immédiatement applicable aux contrats en cours ». C'est donc la règle
traditionnelle en matière contractuelle de la survie de la loi ancienne que fait jouer la Cour de
cassation (cf. déjà pour l'application de l'art. 1415 issu de la loi de 1985 : Civ. 1re, 14 mai
1991, D. 1992. Somm. 222, obs. F. Lucet ; RTD civ. 1991. 772, obs. M. Bandrac ; ibid.
1992. 442, obs. F. Lucet et B. Vareille ; ibid. 604, obs. M. Bandrac ). Pour en être
autrement, et décider l'application de la loi nouvelle à ces contrats en cours, il eût fallu
décider que cette loi était d'ordre public. Ce que la Cour de cassation se refuse à faire.
Pourtant l'article 1422, alinéa 2, du code civil est une règle de pouvoirs, lesquelles sont
impératives. Mais une chose est d'interdire aux époux de déroger à ces règles, une autre en
est d'en faire des règles d'ordre public. L'interdiction vise à protéger la communauté contre les
initiatives dangereuses d'un seul époux, l'ordre public a une visée plus haute, l'intérêt général.
Et s'il est arrivé à la Cour de cassation de qualifier les règles de pouvoirs de règles d'ordre
public, c'était pour faire respecter le principe d'égalité des époux. En l'espèce, ce principe
n'était pas en cause. Un autre l'était, celui de la sécurité juridique. Or, l'application immédiate
de la loi nouvelle aurait bafoué ce principe là. La survie de la loi ancienne assure le respect
des prévisions initiales des parties et le souci de protection des biens communs contre
l'initiative dangereuse d'un époux seul est insuffisant à les condamner. Il faut des « raisons
particulières » pour tenir en respect l'impératif de sécurité contractuelle (cf. J. Mestre, RTD
civ. 1999. 383 ). On chercherait en vain, en l'espèce, ces « raisons particulières » qui auraient
justifié la surprise du banquier de voir ses précautions anéanties. L'instabilité législative
actuelle ne peut avoir raison de la prévisibilité contractuelle.
J. R.
C - Les pouvoirs des époux communs en biens
4 - L'étendue des pouvoirs concurrents
L'administration du patrimoine immobilier commun relève du pouvoir concurrent, sa
disposition de la cogestion ; à l'indépendance de chacun des époux, l'entretien et la mise en
valeur, à l'association, et donc au contrôle mutuel, le risque, répartition des pouvoirs destinée
à protéger le capital communautaire contre l'initiative d'un seul. Au cours de la procédure de
saisie de biens immobiliers communs, la demande du mari de conversion en vente volontaire
de l'adjudication est déclarée irrecevable au motif que l'épouse ne s'est pas associée à cette
demande. Le jugement est censuré ; cette demande est un acte d'administration qui peut être
formée par un époux seul (Civ. 2e, 11 janv. 2007, n° 04-18.792, AJDI 2007. 223 ; AJ
fam. 2007. 147, obs. P. Hilt ). A compter de la publication du commandement (plus
précisément de son dépôt, art. 686 ancien c. pr. civ.), le débiteur saisi, bien que propriétaire
de l'immeuble, a perdu son droit de disposer. L'immeuble est indisponible et la conversion de
la procédure de vente forcée en vente volontaire ne modifie pas la situation de cet immeuble ;
la conversion ne vaut pas mainlevée de la saisie.
La conversion est une modalité procédurale de la vente, elle ne relève pas de la volonté de
vendre du saisi. Or, lorsque le propriétaire de l'immeuble est marié c'est seulement cette
volonté qui est soumise au contrôle de son conjoint par le biais du double consentement
nécessaire à la validité de l'acte de vente. Le débiteur saisi est dépourvu de cette prérogative
essentielle du propriétaire - le droit de disposition - privation qui atteint son conjoint,
co-titulaire de ce droit.
La saisie procède de la volonté du créancier poursuivant dont le patrimoine immobilier
commun fait partie de l'assiette de son gage. La solution retenue par l'arrêt commenté,
justifiée au regard du droit de cette voie d'exécution, est en parfaite cohérence avec la
jurisprudence qui décide, à juste titre, que chacun des époux a qualité pour exercer seul, en
demande ou défense, les actions en justice relatives aux biens communs en application de
l'article 1421 (Civ. 1re, 19 mars 1991, Bull. civ. I, n° 91 ; D. 1991. IR. 100 ; RTD civ. 1992.
443, obs. F. Lucet et B. Vareille ; sur les difficultés suscitées par la position procédurale de
l'autre, cf. obs. M. Nicod ss. Civ. 1re, 21 sept. 2000, D. 2001. Somm. 2934 et les réf. citées ).
J. R.
5 - La cogestion appliquée à la réception des paiements
Les actes de disposition à titre onéreux portant sur un bien commun visé à l'article 1424 du
code civil sont soumis à une double formalité de cogestion. Celle-ci s'applique d'abord à l'acte
de disposition lui-même ; elle est requise, ensuite, pour recueillir le paiement, contrepartie de
la disposition du bien commun. Tandis que la première, et principale, hypothèse de cogestion
semble correctement entrée dans les moeurs juridiques, la seconde apparaît plus volontiers
ignorée. En témoigne cet arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation,
le 30 octobre 2006 (Civ. 1re, 30 oct. 2006, n° 03-20.589, Bull. civ. I, n° 445 ; AJ fam.
2006. 466, obs. P. Hilt ; RTD com. 2007. 182, obs. M.-H. Monsérié-Bon ; RJPF 2007. 16,
obs. F. Vauvillé).
En l'espèce, un époux commun en biens s'est retiré d'une société dans laquelle il possédait
des parts sociales dépendant de la communauté, et a cédé celles-ci à une SCP. Cette dernière,
en méconnaissance de l'article 1424 du code civil in fine, a versé le prix des parts sociales
entre les mains du seul mari. L'épouse de ce dernier demande alors à la SCP de verser, à
nouveau, le prix des parts sociales. Les juges du fond la déboutent de sa demande au motif
qu'elle n'a pas démontré que les sommes versées à son mari ont été dilapidées ou
détournées. Son pourvoi est accueilli par la Cour de cassation qui, au visa des articles 1239,
1315 et 1424 du code civil, juge qu' « il appartenait à la SCP de démontrer que la
communauté avait profité du paiement irrégulier ».
Cette décision vient, à notre connaissance pour la première fois, apporter une réponse franche
aux interrogations relatives au fonctionnement de la cogestion relative à la réception des
paiements. Le sens donné à cette hypothèse de cogestion n'est, pourtant, pas totalement
convaincant et suggère la remise en cause d'autres solutions. La cogestion en matière de
réception des paiements est souvent critiquée. Outre le reproche de lourdeur, son inutilité
supposée est, parfois, mise en exergue. Le raisonnement suivi est, peu ou prou, le suivant :
les fonds communs relèvent de la gestion concurrente ; par suite, l'un ou l'autre époux peut
librement les affecter seul. Une telle affectation est, logiquement, présumée avoir été
conforme à l'intérêt commun, de sorte qu'en principe c'est au conjoint qui en critiquerait
l'affectation d'apporter la preuve qu'elle a nui aux intérêts communs (en ce sens, not. Civ.
1re, 14 juin 1989, JCP N 1991, p. 164, note P. Simler ; 23 oct. 1990, JCP N 1991. II. 61, note
P. Simler ; toutefois, l'époux « doit, lors de la liquidation, s'il en est requis, informer son
conjoint de l'affectation des sommes importantes prélevées sur la communauté qu'il soutient
avoir employées dans l'intérêt commun » : Civ. 1re, 23 avr. 2003, D. 2003. Jur. 2597, note V.
Brémond ). Dès lors, on ne voit pas pourquoi, en amont de leur affectation, la réception
individuelle des fonds, acte pourtant moins grave, ne devrait pas, pareillement, être présumée
effectuée dans l'intérêt commun. Qui peut le plus - affecter seul et librement les fonds
communs - ne peut-il le moins - réceptionner seul ces mêmes fonds ? Aussi, de deux choses
l'une : soit la cogestion relative à la réception des fonds communs n'a pour seule finalité que
de protéger la communauté, et alors cette hypothèse de cogestion n'est guère cohérente avec
la solution applicable à l'affectation de ces mêmes fonds, et devrait être logiquement
supprimée. Soit la cogestion relative à la réception des fonds communs n'a pas pour seule, ni
même peut-être principale, finalité de protéger les intérêts patrimoniaux communs, et alors,
son sens exact doit être dégagé et, le cas échéant, justifier son maintien.
Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation consacre, apparemment, la première branche de
l'alternative en posant que la violation de la cogestion en matière de paiement échappe à
toute sanction, dès lors que le solvens peut apporter positivement la preuve que la
communauté a tiré profit des fonds remis à l'un des époux. Elle donne ainsi une signification
purement patrimoniale à cette hypothèse de cogestion : que les fonds reçus aient été affectés
aux dépenses du ménage ou à la formation d'acquêts et aucune sanction ne sera prononcée ;
que les sommes aient, au contraire, été dépensées au casino ou employées à d'autres
futilités, et la communauté devra être indemnisée ! Si une telle solution présente
d'indéniables vertus de simplicité et de bon sens, et a été défendue par d'éminents auteurs
(not. J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., A. Colin, n° 376), elle
n'en soulève pas moins des problèmes de cohérence sérieux avec des questions proches.
Dans le cadre de cette chronique, nous en évoquerons brièvement trois.
En premier lieu, comment conjuguer, sans contradiction, cette solution avec celle, retenue en
matière de cogestion relative aux actes de disposition portant sur certains biens communs
(art. 1424 in limine), affirmant que la preuve du profit retiré par la communauté des actes
effectués en dépassement de pouvoir n'empêche pas le prononcé de la nullité de l'acte
irrégulier à la demande du conjoint (V. Civ. 1re, 28 févr. 1995, D. 1995. Somm. 326, obs. M.
Grimaldi ; RTD civ. 1996. 462, obs. B. Vareille ; JCP 1995. I. 3869, obs. P. Simler ; contra,
Nancy, 23 avr. 1986, JCP N 1988. II. 27, note crit. P. Simler) ? Affirmer que le paiement entre
les mains d'un seul époux est régulier du seul fait que la communauté en a tiré profit ne
conduit-il pas à nier la fonction de la cogestion relative à l'acte même qui a conduit à la
remise du paiement ? A cet égard, l'article 1239 du code civil, figurant au visa de l'arrêt,
validant le paiement fait à celui qui n'aurait pas le pouvoir de recevoir si le créancier le ratifie
ou « s'il en a profité » n'est sans doute pas déterminant car, encore faudrait-il établir, dans le
cadre du paiement des fonds issus de la vente d'un bien commun, qui, du conjoint ou de la
communauté (qui, rappelons-le, n'a pas la personnalité morale) est le véritable « créancier ».
En second lieu, comment, là encore, conjuguer cette solution avec celle retenue au sujet des
paiements faits par une banque au conjoint de l'époux titulaire du compte où figuraient les
sommes ? Opérant un revirement remarqué, la Cour de cassation a, précisément, estimé que
la banque « était tenue de réparer le préjudice en résultant nécessairement (c'est nous qui
soulignons) pour le titulaire du compte du fait de la dépossession des titres qui y étaient
déposés », alors même que le moyen du pourvoi soulevait la présomption d'affectation des
fonds communs dans l'intérêt de la communauté (Civ. 1re, 3 juill. 2001, Bull. civ. I, n° 198 ;
D. 2002. Jur. 1102, note L. Comangès, et Somm. 3262, obs. J.-C. Hallouin ; RTD civ. 2001.
941, obs. B. Vareille ; RTD com. 2002. 149, obs. B. Bouloc ; JCP 2002. I. 103, obs. P.
Simler ; Defrénois 2002. 397, obs. G. Champenois ; Dr. fam. 2001, n° 120, obs. B. B ; JCP N
2002. 1206, note V. Brémond ; Contra, auparavant, Civ. 1re, 11 juin 1991, Bull. civ. I, n°
190 ; JCP 1992. II. 21899, note G. Paisant ; ibid. N, p. 208, obs. P. Simler ; Defrénois 1992.
1552, obs. G. Champenois). Implicitement, la Cour de cassation, refusant de toujours faire
coïncider l'intérêt économique de la communauté avec celui de ses cogérants, a privilégié la
défense des pouvoirs de l'époux titulaire du compte plutôt que celle de l'intérêt purement
patrimonial de la masse commune. En d'autres termes, elle a distingué les droits des époux
sur la communauté des droits de ces mêmes époux dans la communauté. Précisément, la
cogestion en matière de réception des paiements nous semble mettre en lumière l'existence,
au sujet de sommes réputées importantes, des droits de chacun des époux sur la
communauté, en l'occurrence le droit et l'intérêt de l'époux dont le consentement est requis à
exercer ses prérogatives concurrentes sur les capitaux litigieux (cf. notre note préc.).
Car, et en troisième lieu, nous rappellerons que la solution issue de notre arrêt reste peu
cohérente avec la présomption, de bon sens elle aussi, d'affectation des biens communs dans
l'intérêt de la communauté (cf. supra). Du reste, quitte à contraindre quelqu'un à apporter la
preuve que la communauté a profité du paiement irrégulier, ne serait-il pas plus logique
d'imposer cette charge à l'époux accipiens plutôt qu'au débiteur solvens ? Car, de deux choses
l'une, soit un époux est présumé gérer les fonds de la communauté dans l'intérêt commun et
l'on ne voit pas bien pourquoi le seul fait d'avoir réceptionné seul ces fonds renverserait cette
présomption, soit (et nous ne le souhaitons pas) un époux n'est pas présumé gérer les fonds
de la communauté dans l'intérêt commun et il doit alors, en qualité de mandataire des biens
d'autrui, établir un règlement de compte précis de l'usage qu'il a fait des fonds litigieux.
En définitive, si la solution posée par l'arrêt du 30 octobre 2006 nous apparaît peu
satisfaisante, pas tant sur les résultats auxquels elle conduira, car, dans la plupart des cas le
profit de la communauté coïncidera avec l'intérêt du conjoint dont l'accord était requis, que
sur les fondements qu'elle assigne à la cogestion en matière de réception des paiements, c'est
parce que, empreinte d'une vision purement comptable de l'association communautaire, elle
néglige l'articulation subtile des prérogatives conjugales mettant en oeuvre l'égalité des époux
dans l'interdépendance. La communauté aurait-elle subrepticement acquis la personnalité
morale ?
V. B.
D - La dissolution et la liquidation de la communauté
a - La date de la dissolution
6 - Les conditions du report de la date de la dissolution
Le fait pour un époux séparé de fait de cautionner le paiement des loyers et charges dues par
son conjoint en sa qualité de locataire constitue-t-il un fait de collaboration au sens de l'article
262-1 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la L. n° 2004-439, 26 mai 2004 ; mais la
solution serait identique sous l'empire de la nouvelle rédaction) faisant obstacle au report de
la date de la dissolution de la communauté (et plus largement des effets du divorce) ? La
question, à notre connaissance inédite, soulevée devant la Cour de cassation mérite réflexion.
Plusieurs hypothèses semblent devoir être envisagées selon que le loyer cautionné est celui
relatif à l'ancien logement familial ou, au contraire, relatif à un nouveau logement pris à bail
par l'un des époux séparés de fait. Dans le cas où le logement était celui de la famille, il est
vraisemblable, quand bien même l'époux ayant quitté le logement aurait donné congé au
bailleur, que la solidarité ménagère instituée par l'article 220 du code civil demeure à l'égard
des loyers dus postérieurement à la séparation. Dès lors, la souscription (bien improbable car
de peu d'intérêt) d'un cautionnement en faveur de son conjoint ne modifie pas la situation de
l'époux ayant déserté le logement qui, à un titre ou à un autre, risque d'être tenu du paiement
des loyers postérieurs à la rupture de la cohabitation. Un tel engagement ne peut constituer
un acte de collaboration au sens de l'article 262-1 du code civil. Dans le cas où le local dont
les loyers sont cautionnés constitue le nouveau logement de l'un des époux séparés, plusieurs
circonstances doivent être prises en compte. D'abord, ce loyer continue, en tant que dette «
ordinaire » de l'article 1413 du code civil, d'engager les biens communs, à l'exception d'une
part forfaitaire des gains et salaires du conjoint (art. 1414 c. civ.), puisque les règles
d'obligation à la dette demeurent pendant la séparation de fait des époux ; de sorte que le
conjoint du locataire est, déjà, engagé à leur paiement, via les biens communs. Ensuite, la
souscription d'un cautionnement par le conjoint du locataire peut trouver sa cause dans
l'exécution du devoir de secours ou de la contribution aux charges du mariage et à l'entretien
des enfants habitant avec l'époux locataire, devoirs dont on sait qu'ils demeurent pendant la
séparation et dont la satisfaction ne constitue pas un fait de collaboration au sens de l'article
262-1 du code civil (en ce sens, not. J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e
éd., A. Colin, n° 516 ; R. Le Guidec, note ss. Civ. 1re, 28 févr. 1978, JCP 1979. II. 19105 ; V.
Brémond, J.-Cl. civ., art. 1441 et 1442, n° 38). A cet égard, si le maintien en fonctionnement
d'un compte bancaire joint entre les époux et le versement par le mari à son épouse d'une
somme mensuelle a pu être jugé impropre à caractériser la réalité de la collaboration (V. Civ.
2e, 28 nov. 2002, D. 2003. Somm. 1871, obs. V. Brémond ), on peut, a fortiori, concevoir
que la souscription d'un cautionnement pour conforter l'engagement de son conjoint ne
constitue pas davantage un tel acte de collaboration. Enfin, il peut être relevé que le
cautionnement ne constitue normalement pas un acte à titre gratuit envers le débiteur
cautionné, la caution solvens disposant d'un recours contre ce dernier. Il ne constitue même
pas un engagement immédiat, le paiement n'étant en quelque sorte qu'éventuel. La
combinaison de ces considérations emportera, dans la plupart des cas nous semble-t-il, la
solution : loin de constituer un acte destiné à « construire ensemble » de futurs acquêts à
partager entre les époux (pour une analyse approfondie de la notion de collaboration, cf. V.
Brémond, J.-Cl. civ., Art. 1441 et 1442, spéc. n° 46 s.), le cautionnement donné par un époux
en garantie de la dette de loyers de son conjoint, relative au logement séparé de ce dernier,
tend bien davantage à organiser la séparation qu'à combler cette dernière en ranimant
l'ancienne collaboration conjugale. Comme l'écrivait le très regretté doyen Cornu : «
Collaborer c'est vouloir coopérer et oeuvrer à la prospérité commune » (in Les régimes
matrimoniaux, 6e éd., PUF, p. 422).
Sans que l'on connaisse les exacts ressorts de la décision de la Cour de cassation du 14
novembre 2006 (Civ. 1re, 14 nov. 2006, n° 05-21.013, Bull. civ. I, n° 475 ; AJ fam. 2007.
35, obs. S. David ; RTD civ. 2007. 96, obs. J. Hauser ), celle-ci n'en a pas moins, à juste
titre, censuré l'arrêt des juges du fond qui avait refusé de prononcer le report des effets du
divorce en raison du seul cautionnement souscrit par le mari en garantie des loyers dus par
son épouse.
V. B.
7 - La date et l'heure de la dissolution
A quelle heure la cessation de la collaboration entre époux communs en biens au sens de
l'article 262-1 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, mais la
solution serait identique dans sa rédaction postérieure) est-elle intervenue ? C'est à cette
question, a priori incongrue tant la cessation de la collaboration conjugale semble relever
davantage d'un processus que d'un événement ponctuel, qu'a eu à répondre la première
Chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 14 novembre 2006 (Civ. 1re, 14
nov. 2006, n° 05-21.629, Bull. civ. I, n° 476 ; AJ fam. 2007. 35, obs. S. David ; RTD civ.
2007. 96, obs. J. Hauser ). En l'espèce, à l'occasion du divorce de M. X... et Mme Y...,
prononcé le 30 mars 1999, la date de la dissolution de la communauté a été judiciairement
reportée au 21 avril 1992, date où la collaboration conjugale a cessé en raison de la
révocation de l'épouse de son poste de directrice générale de la société SPHM, commune, dont
son conjoint était, vraisemblablement, le gérant. Le même jour, ce dernier cède à son père
des actions de la société SPHM. L'enjeu portait sur la régularité et la portée de cette cession
par le seul mari. Plus précisément, la cession des valeurs communes et la cessation de la
collaboration conjugale emportant dissolution de la communauté étant intervenues le même
jour, se posait la question de savoir laquelle des deux était intervenue la première.
Les juges du fond, ayant constaté que la cessation de la collaboration n'avait pu prendre effet
avant l'élément générateur de celle-ci, à savoir la tenue du conseil d'administration de la
société SPHM qui avait entériné la révocation de Mme Y..., avaient refusé de fixer la date de la
dissolution de la communauté à zéro heure, le 21 avril 1992, jour de la révocation. Ils avaient
donc fixé cette date au 21 avril à 24 heures (soit le 22 avril 1992 à zéro heure) pour en
déduire que les actions avaient valablement été cédées pendant la communauté et que, par
conséquent, seule devait figurer à l'actif partageable la valeur de cession des actions. La
première Chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 14 novembre 2006 casse
cette décision au motif que, « en cas de report, le divorce prend effet dans les rapports entre
époux, à la première heure du jour fixé pour la date où ils ont cessé de cohabiter et de
collaborer » et en déduit que la cession des actions de la société SPHM par le mari est
intervenue postérieurement à la date de dissolution de la communauté.
On mesure aisément l'importance de l'enjeu. Celui-ci ne faisait intervenir que des questions
d'actif, alors même que des questions de pouvoirs auraient pu être soulevées, la cession par
le mari seul des actions, constitutives vraisemblablement de droits sociaux non négociables,
tombant sous le coup de la cogestion de l'article 1424 du code civil, si la cession est
intervenue avant la dissolution de la communauté et sous le coup de l'unanimité requise par
l'article 815-3 du code civil si la cession est intervenue après que la communauté fut dissoute.
Pour des raisons que nous ignorons, tenant peut-être à l'expiration du délai pour agir, le
conflit n'a pas été porté sur le front de la régularité elle-même de la cession. Réduit à une
question d'actif, le conflit n'en présentait pas moins un enjeu considérable : si l'on retenait
l'antériorité de la cession par rapport à la dissolution de la communauté, seule la valeur de
cession, figée au jour de celle-ci, faisait partie de la masse partageable ; si, en revanche, la
cession était considérée comme postérieure à la dissolution, ce sont les actions elles-mêmes
qui figuraient à l'actif communautaire au jour de sa dissolution, de sorte que c'est la valeur de
ces mêmes actions au jour de la liquidation qui faisaient l'objet du partage. Pourquoi, dès lors,
décider que le report des effets du divorce intervient à zéro heure plutôt qu'à vingt-quatre
heures du jour où la cessation de la collaboration est intervenue ? Pourquoi ne pas fixer une
heure précise quand celle-ci est connue ? Certes, l'article 262-1 du code civil précise qu'il
s'agit d'une « date », ce qui renvoie à un jour précis et non à une heure. En outre, la fixation
d'une heure apparaît excessivement pointilliste, une telle exigence risquant fréquemment de
se retourner contre les demandeurs au report, incapables de la déterminer.
Quant au choix du vingt-quatre heures par les juges du fond, il était vraisemblablement
influencé par la règle « Dies a quo... » qui fait commencer à courir un délai, le lendemain, à
zéro heure (soit le jour même à vingt-quatre heures), du jour où est intervenu l'événement
déclencheur du délai. Pourtant, les questions posées par la date du report des effets du
divorce ne sont pas semblables. Il ne se s'agit pas, ici, de déclencher la computation d'un
délai enfermé dans le temps à venir, mais de déterminer une date fixe dans un temps révolu.
Il ne s'agit pas de permettre à un individu de disposer du temps utile qui lui est octroyé par la
loi, mais de figer dans le temps une situation juridique. Aussi, n'existe-t-il pas de raisons de
repousser à vingt-quatre heures la date de prise d'effet de la mesure de report, de sorte que,
par défaut, c'est zéro heure qu'il conviendrait de retenir. Cette solution peut ne pas être sans
inconvénients, en particulier en termes de prévisibilité, lorsque, comme en l'espèce, la rupture
de la collaboration est quasiment concomitante d'un acte important relatif aux biens communs
(on ignore, en l'espèce, si la cession des actions avait eu lieu avant ou après la révocation de
l'épouse). Rétroagissant à zéro heure, le report peut conduire à ce qu'un acte, intervenu avant
que n'ait lieu la cessation de la collaboration, soit, en réalité, considéré comme intervenu
postérieurement à cette rupture. Toutefois, il est sans doute possible de minimiser cet
inconvénient, en insistant sur le fait que la cessation de la collaboration conjugale n'est,
peut-être jamais, le fruit d'une décision ponctuelle et impulsive, mais relève davantage d'un
processus et d'un choix raisonné. Aussi, les actes entretenant une proximité très grande,
comme en l'espèce, avec l'acte jugé déclencheur de la cessation de la collaboration seront-ils
très certainement empreints de cette même volonté d'individualisme qui est celle de l'époux
ayant rompu la collaboration conjugale. Il est, dès lors, plutôt cohérent de les traiter de façon
identique.
Cette solution relative à la date du report des effets du divorce, finalement curieusement
inédite, devrait logiquement être étendue à l'ensemble des événements (excepté peut être en
cas de décès de l'un des époux car l'heure de celui-ci est alors précisée) produisant la
dissolution de la communauté conjugale : date de l'homologation de la convention de divorce
; date de l'ordonnance de non-conciliation ; date de la disparition d'un époux...
V. B.
b - Les récompenses
L'actualité n'offre pas de « grand arrêt », mais des confirmations sur la preuve du droit à
récompense, des précisions sur le calcul de la récompense et un conflit sur le règlement de la
récompense suffisamment rare pour qu'il soit relevé.
8 - Le droit à récompense
Deux décisions (Civ. 1re, 28 nov. 2006, n° 04-17.147, Bull. civ. I, n° 515 ; D. 2006. IR.
3010 ; AJ fam. 2007. 42, obs. P. Hilt ; et 6 mars 2007, n° 05-15.292) confirment la
répartition de la charge de la preuve décidée par les arrêts du 8 février 2005 (Bull. civ. I, n°
65 et 66 ; D. 2005. Pan. 2114, spéc. 2116, obs. V. Brémond et les réf. citées ). De
l'encaissement de deniers propres par la communauté, sans emploi, s'induit le profit pour
celle-ci. Dans la première espèce, les deniers propres ont servi aux besoins du ménage, et,
notamment, au paiement des impôts de la famille, dans la seconde, à l'acquisition de biens
mobiliers et immobiliers ; dès lors que l'encaissement par la communauté n'est pas contesté,
car cette preuve pèse sur celui qui réclame la récompense, la récompense est due, sauf
preuve contraire. Preuve contraire de quoi ? De l'absence de profit pour la communauté... Ce
qui revient à prouver l'utilisation, l'usage fait des deniers propres. Autrement dit, celui qui
réclame une récompense est dispensé de prouver cette utilisation grâce à la présomption de
profit. Si le débat probatoire porte sur l'utilisation, il est dans la position confortable de
défendeur. Le paiement des impôts et les dépenses pour les besoins du ménage (1re esp.),
l'achat de biens (2e esp.) sont des dettes définitives de la communauté (obs. V. Brémond,
préc.). Payer de telles dettes s'est s'appauvrir, et, corrélativement, enrichir la communauté. Si
les deniers propres ont servi à payer une dette qui relève du passif provisoire, la preuve de la
nature de cette dette pèse sur l'autre époux ; la présomption de profit tombe et il n'y a pas
lieu à récompense. Mais la confusion des deniers rend cette preuve difficile, (sinon impossible
?).
9 - Le calcul de la récompense
La dépense nécessaire est non seulement celle qui est faite pour éviter le dépérissement du
bien, mais désormais aussi celle qui est faite pour les besoins de la famille. Un arrêt de rejet,
rendu le 6 mars 2007 (Civ. 1re, 6 mars 2007, n° 05-14.475) nous donne une nouvelle
illustration du caractère nécessaire de dépenses que la cour d'appel énumère un peu en vrac :
dépenses courantes, travaux sur des immeubles communs, financement et fonctionnement
d'un fonds de commerce. En application de l'alinéa 2 de l'article 1469, la récompense ne peut
être moindre que la dépense. Sans s'embarrasser de comparaisons après évaluation
d'éventuels profits (par exemple pour les travaux sur un immeuble commun), les juges du
fond fixent la récompense au montant de la dépense. Ils auraient pourtant dû, dans la pureté
des principes, rechercher si cette dépense, provenant des deniers du mari avait généré
quelque plus-value pour la communauté. L'origine des deniers - somme perçue par le mari au
décès de son père - et leur montant n'étaient pas débattus, et s'agissant de dettes définitives
de la communauté, le droit à récompense était certain (cf. supra).
Ainsi entendue, la dépense nécessaire est très différente de la dépense d'amélioration,
laquelle ne suppose jamais qu'elle ait été faite pour les besoins du ménage (Civ. 1re, 19 déc.
1989, Bull. civ. I, n° 398 ; D. 2000. IR. 10 ), c'est ce qu'illustre l'arrêt de la première
Chambre civile de la Cour de cassation du 20 septembre 2006 (Civ. 1re, 20 sept. 2006, n°
04-18.309) à propos d'une dépense d'amélioration d'un bateau appartenant en propre au
mari. Pour ce type de dépense, la récompense due à la communauté qui l'a financée ne peut
pas être moindre que le profit subsistant, ce qui suppose une double évaluation, avant les
travaux, après les travaux, à la date de la liquidation, ou de l'aliénation si elle est intervenue
avant cette date, ce qui était le cas en l'espèce. Sur ce dernier point, ce n'est pas le prix de
vente qui doit être pris en considération mais la valeur vénale réelle (cf. Civ. 1re, 11 juin
1991, Bull. civ. I, n° 191 ; D. 1991. IR. 200 ). Mais il est des dépenses d'amélioration qui ne
sont pas de bons investissements, ne procurant aucune plus-value, le profit est nul. L'absence
d'enrichissement du patrimoine propre exclut la récompense.
10 - Le règlement des récompenses
Ce règlement peut donner lieu à des conflits qui ne sont pas directement réglés par les textes.
C'est le cas de celui dont a eu à connaître la Cour de cassation le 23 janvier 2007 (Civ. 1re,
23 janv. 2007, n° 04-10.526, Bull. civ. I, n° 27 ; D. 2007. AJ. 509, obs. P. Guiomard, et
Chron. C. cass. 891 ; AJ fam. 2007. 187, obs. P. Hilt ). Le solde du compte de récompense
était en faveur du mari auquel son épouse reprochait d'avoir recelé des biens communs, lors
du partage. Le conflit opposait donc le créancier de récompense au copartageant, victime du
recel. La récompense, en l'espèce, était, d'après les juges du fond, égale à la valeur d'une
société, par application de la règle du profit subsistant, et c'est précisément l'existence de
cette société qui avait été dissimulée par le mari qui, d'ailleurs, l'avait vendue et en avait
conservé le prix de vente. L'épouse réclamait la totalité de cette somme, dont son mari devait
être privé à titre de sanction. Elle échoue dans son action. La difficulté vient de la double
qualité de l'époux, à la fois créancier de la communauté au titre de sa récompense et
copartageant de cette même masse commune.
La fonction des récompenses est de rééquilibrer en valeur les masses propres et communes.
Si l'un est créancier de récompense, c'est qu'une valeur propre est incluse dans la masse
commune. Or, l'article 1470, alinéa 2, lui donne le choix, pour être rempli de ses droits,
d'opter pour un prélèvement de biens en nature dans cette masse. Cette option, il l'exerce en
qualité de copartageant. Mais, c'est en cette même qualité qu'il est sanctionné au titre du
recel, qui est l'intention de rompre par n'importe quel moyen, l'égalité du partage, et privé de
sa part dans le bien recelé. Or, le bien recelé, qui est un bien commun, figure dans la masse
partageable. On pourrait être tenté de lui interdire de prélever ce bien en sa qualité de
créancier. Mais, sa qualité n'est pas atteinte par le recel, parce que c'est l'actif net qui est
partagé après règlement des récompenses. C'est dans le partage de cet actif net qu'est
appliquée la sanction. Si le bien recelé était exclu de la masse commune, l'époux créancier
serait sanctionné, non sur sa part dans la communauté, mais dans son patrimoine propre,
chaque fois, au moins, que la communauté n'est pas suffisante (une fois exclu le bien recelé)
à le payer de sa créance de récompense.
C'est pourquoi il peut arriver que l'époux receleur prélève le bien recelé au titre de la
récompense ; c'était le cas en l'espèce, le montant de la récompense étant égal à la valeur de
ce bien, plus précisément au prix de vente de ce bien. Mais dans une décision antérieure la
Cour de cassation (Civ. 1re, 14 avr. 1956, D. 1956. 388) avait reproché aux juges du fond
d'avoir attribuer le bien recelé sans avoir recherché si les autres biens communs étaient
suffisants pour servir au paiement de la créance du receleur au titre de ses « reprises ». Cette
réserve est abandonnée, le droit de prélèvement n'est subordonné dans l'arrêt commenté qu'à
la preuve de l'existence et du montant de la créance.
J. R.
c - Les créances entre époux
11 - Encore un petit sou...
Non contente de bénéficier du régime de la communauté universelle, une veuve tente de voir
reconnaître une créance contre la succession de son mari sur le fondement du dépassement
de la contribution aux charges du mariage. Précisément, celle-ci invoquait, d'une part le fait
qu'elle avait géré seule pendant 25 ans la propriété agricole de son mari, invalide, d'autre part
la circonstance qu'elle avait prodigué, seule, à ce dernier les soins et l'attention nécessités par
son état de santé, la combinaison de ces efforts devant, selon l'épouse, excéder sa
contribution normale aux charges du mariage. La première Chambre civile de la Cour de
cassation, dans un arrêt du 27 mars 2007 (Civ. 1re, 27 mars 2007, n° 05-16.434), rejette
le pourvoi de l'épouse contre un arrêt lui ayant refusé une quelconque indemnisation, au motif
que « les revenus procurés par l'activité de Mme Y... sur l'exploitation agricole appartenant en
propre à son époux sont tombés en communauté et ont profité à celle-ci de sorte que cette
activité ne pouvait donner lieu au paiement d'une indemnité ». Cette solution doit être
pleinement approuvée. La communauté légale, et a fortiori la communauté universelle,
absorbe quasiment totalement la règle, issue du régime primaire, de la contribution aux
charges du mariage posée par l'article 214 du code civil. En effet, non seulement en tant que
règle de contribution à la dette, mais également en tant que fondement d'une certaine
association d'un époux à la prospérité de son conjoint, la contribution aux charges du mariage
de l'article 214 du code civil peine à exister dans un régime communautaire.
Quant au premier point, l'article 214 du code civil ne peut être, sous un régime
communautaire, sollicité pour régler la contribution à une dette née pendant le régime
matrimonial. Cette compétence relève exclusivement de la technique des récompenses : une
dépense incombe à titre définitif à la communauté ou à l'un des patrimoines propres (en ce
sens, not. J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., A. Colin, note 4, p.
54).
Quant au second point, l'article 214 du code civil ne peut qu'être évincé par les règles
communautaires, parce que, d'une part, l'association d'un époux à la prospérité de son
conjoint est l'une des fonctions d'un régime communautaire, et, d'autre part, parce que cette
association est davantage accentuée sur le fondement de l'article 1401 du code civil qu'elle ne
peut l'être sur celui de la contribution aux charges du mariage (l'une des contre épreuve de
cette affirmation trouve, d'ailleurs, une illustration dans la solution selon laquelle l'exécution
de la contribution aux charges du mariage ne peut constituer un fait de collaboration au sens
de l'art. 1442, al. 2, c. civ. : not., en ce sens, J. Flour et G. Champenois, op. cit., n° 516). En
application des règles communautaires, un époux est, automatiquement et impérativement,
associé à la totalité des ressources de son conjoint, qu'elles émanent tant de sa force de
travail (gains et salaires) que de son capital propre (revenus de biens propres dont l'arrêt
rappelle qu'ils sont communs). Relativement aux ressources constituant l'essentiel, sinon
l'exclusivité de l'assiette de la contribution aux charges du mariage, à savoir les ressources de
l'époux qui y est tenu, l'association communautaire est nécessairement supérieure ou égale à
celle réalisée par la contribution aux charges du mariage, puisque celle-là attrait à elle tous
les revenus, là où la contribution aux charges du mariage n'en consacre, le plus souvent,
qu'une fraction. Dit autrement, tous les revenus d'un époux alimentant la communauté et
devenant, donc, la copropriété des deux époux, il n'y a plus de place pour la contribution aux
charges du mariage (contra, un arrêt très isolé, et généralement critiqué, autorisant l'épouse
à agir, pendant le mariage, en remboursement contre son mari d'une charge du mariage :
Civ. 1re, 4 déc. 1963, D. 1964. Jur. 159, note P. Voirin). Il n'en irait autrement que dans des
cas exceptionnels où la situation du ménage et le caractère impérieux de la dépense (par
exemple, des frais d'hospitalisation pour soigner l'un des membres de la famille) justifieraient
que l'assiette de la contribution aux charges du mariage s'étende aux capitaux propres de l'un
des époux. Aussi, l'épouse ayant géré « bénévolement » l'exploitation de son mari ne peut
invoquer un quelconque appauvrissement trouvant sa source dans un excès de contribution
aux charges du mariage puisqu'elle en est déjà « récompensée » par l'accroissement de la
masse commune des revenus produits conjointement par les efforts de son industrie et le
capital propre de son conjoint.
Reste la question plus délicate, et non discutée en l'espèce, du sort de l'éventuelle plus-value
procurée à l'exploitation propre de l'un des époux par l'industrie déployée par le conjoint. S'il
ne fait pas de doute que cette plus-value, non détachable du bien, s'agrège au bien propre
lui-même et accroît donc la fortune propre de l'époux propriétaire, l'octroi d'une éventuelle
récompense à la communauté est sujet à discussion. Un tel droit à récompense a, jusqu'à
présent, toujours été refusé par la Cour de cassation, alors même qu'une circonstance
identique entre époux séparés de biens ou participants permettrait, très vraisemblablement, à
l'époux industrieux d'obtenir une juste compensation de ses efforts. Toutefois la Cour de
cassation a pu suggérer d'opérer une distinction entre l'industrie déployée pendant les heures
de loisirs et les heures de travail, cette dernière pouvant, le cas échéant, donner lieu à
récompense (Civ. 1re, 18 mai 1994, D. 1995. Somm. 43, obs. M. Grimaldi ; RTD civ. 1994.
930, obs. B. Vareille ; Dr. et patr. 1994. 74, obs. A. Bénabent ; Defrénois 1995, art. 36040,
obs. G. Champenois ; JCP 1995. I. 3821, obs. P. Simler ; V., en dernier lieu, Civ. 1re, 28 févr.
2006, Bull. civ. I, n° 106 ; D. 2006. IR. 882 ; AJ fam. 2006. 208, obs. P. Hilt ; RTD civ.
2006. 360, obs. B. Vareille ). Ce n'est donc que dans des conditions exceptionnelles qu'un
époux commun en biens pourrait, aujourd'hui, être « indemnisé » pour son activité déployée
sur un bien propre de son conjoint.
V. B.
II - Successions et libéralités
A - La notion de libéralité
12 - Libéralité et tontine
On se souvient sans doute des interrogations suscitées, en matière de clause d'accroissement,
par un arrêt de 2004 (Civ. 1re, 14 déc. 2004, Bull. civ. I, n° 313 ; D. 2005. Jur. 2263, note C.
Le Gallou, et Pan. 2114, spéc. 2122, obs. M. Nicod ; AJ fam. 2005. 109, obs. F. Chénedé ;
Defrénois 2005, art. 38142, n° 13, obs. R. Libchaber), dans lequel la Cour de cassation
énonçait, bien qu'il était établi que l'opération immobilière avait été financée par un seul des
tontiniers, que « l'acquisition d'un bien avec une clause de tontine constitue un contrat
aléatoire et non une libéralité ». Certains auteurs avaient pu redouter, dans cette espèce, une
contamination du droit de la tontine par la nouvelle conception de l'aléa (« effets dépendant
de la durée de la vie humaine »), apparue pour des raisons conjoncturelles en matière
d'assurance-vie (Cass., ch. mixte, 23 nov. 2004 [4 arrêts], D. 2005. Jur. 1905, note B.
Beignier ; AJDA 2004. 2302, obs. M.-C. de Montecler ; RD imm. 2005. 11, obs. L.
Grynbaum ; RTD civ. 2005. 88, obs. R. Encinas de Munagorri ; ibid. 434, obs. crit. M.
Grimaldi ; Defrénois 2005, art. 38142, n° 11, obs. crit. J.-L. Aubert).
Une décision rendue en mai 2007 permet d'apaiser ces craintes (Civ. 1re, 10 mai. 2007, n°
05-21.011, à paraître au Bulletin ; D. 2007. AJ. 1510, obs. C. Delaporte-Carré ; AJ fam.
2007. 316, obs. F. Bicheron ). La Haute juridiction y renoue avec les principes
traditionnellement admis en la matière : le pacte tontinier constitue un contrat aléatoire à la
double condition que l'acquisition ait été réalisée à frais commun et que l'ordre des décès ne
soit pas déjà prévisible. Par contraste, les juges du fond, qui constatent qu'un des
contractants a financé l'intégralité du capital d'une société civile immobilière dont les parts ont
été mises en tontine et, au surplus, qu'en raison de son âge et de son état de santé le
prédécès de cet unique contributeur était probable, peuvent « décider que l'opération
litigieuse, qui ne présentait aucun aléa, constituait une libéralité ».
On remarquera, dans cette hypothèse (car il en aurait été différemment si le financement
avait réellement été dual), que c'est l'opération dans son ensemble qui est placée sous le
signe de la gratuité. Autrement dit, la donation post mortem ainsi réalisée ne porte pas sur la
moitié, mais bien sur la totalité des parts de la société civile immobilière.
M. N.
B - Le formalisme des donations
13 - Faire et... défaire une donation entre vifs
Conformément aux prévisions de l'article 931 du code civil, l'acte notarié s'impose chaque fois
que la donation entre vifs prend ostensiblement corps dans un écrit. La même extériorisation
solennelle est-elle de rigueur quand il s'agit de démanteler, entièrement ou partiellement, une
donation antérieurement réalisée par acte public ? Les solutions du droit positif sont assez
subtiles... Elles mettent en jeu des notions complexes : l'irrévocabilité spéciale des donations
entre vifs, le parallélisme des formes ou encore la plasticité de la donation indirecte. En moins
d'un an, la Cour de cassation a rendu, dans cette matière, deux arrêts qui paraissent
difficilement conciliables.
Dans la première décision, la Cour estime qu'un donataire ne peut pas « rétracter », par acte
sous seing privé, son acceptation d'une donation notariée. Reprenant, mot pour mot, la
formule d'un arrêt de 1970 (Civ. 1re, 2 juin 1970, Bull. civ. I, n° 187 ; JCP 1972. II. 17095,
note M. Dagot), la première Chambre civile explique que « la renonciation à une donation doit
revêtir la même forme authentique que l'acceptation qu'elle entend rétracter » (Civ. 1re, 7
juin 2006, n° 04-14.652, Bull. civ. I, n° 289 ; D. 2006. IR. 1634 ; AJ fam. 2006. 378, obs.
F. Bicheron ; Defrénois 2006, art. 38496, note B. Gelot). Il faut bien convenir que les juges
d'appel, dont la décision est censurée sur le fondement des articles 932 et 1075 du code civil,
avaient fait preuve d'une exceptionnelle mansuétude. Ils avaient admis, à partir d'un simple
échange de lettres entre les donateurs et les donataires, l'efficacité d'un accord de volontés
portant sur « l'annulation d'une donation-partage ».
Dans la seconde, la juridiction régulatrice rappelle qu'il est loisible au donateur, qui entend
renoncer à l'une des clauses insérées en sa faveur dans la donation notariée (charge, clause
d'inaliénabilité, droit de retour, etc.), de manifester cette volonté abdicative dans un acte sous
seing privé. On retrouve, dans l'arrêt de 2007 (Civ. 1re, 20 févr. 2007, n° 04-16.817, Dr.
fam. 2007, n° 92, note B. Beignier), un attendu désormais familier : « si tout acte portant
donation entre vifs doit être passé devant notaire, aucun texte n'oblige le donateur qui entend
renoncer postérieurement à une clause de cet acte, fût-elle protectrice de ses intérêts, à
utiliser la forme authentique » (Civ. 1re, 14 mai 1996, Defrénois 1997, art. 36682, note B.
Gelot ; formule déjà reprise par Civ. 1re, 5 avr. 2005, Bull. civ. I, n° 168 ; D. 2005. IR. 1112,
et Pan. 2114, spéc. 2123, obs. M. Nicod ; AJ fam. 2005. 360, obs. F. Bicheron ; Dr. fam.
2005, n° 144, note B. Beignier). La première Chambre civile en déduit que « la cour d'appel a
décidé à bon droit que l'acte de 1995 (renonciation du donateur au service d'une rente
viagère) était constitutif d'une donation indirecte non soumise au formalisme de l'article 931
du code civil ».
Cette différence de traitement entre le donateur qui renonce à une clause accessoire de la
libéralité et le donataire qui renonce à la libéralité elle-même est-elle pleinement justifiée ?
Nous ne le pensons pas, car il y a une place, dans l'une et l'autre hypothèse, pour la
reconnaissance d'une donation indirecte.
Le point de départ de l'arrêt du 7 juin 2006, qui fait une stricte application du parallélisme des
formes, est contestable. A la vérité, l'acceptation du donataire ne peut en aucune façon être «
rétractée ». L'irrévocabilité spéciale des donations entre vifs condamne toute perspective de
renonciation, tant unilatérale que conventionnelle. Pour défaire une donation, le gratifié n'a
souvent pas d'autre possibilité que de consentir une nouvelle donation, en sens inverse. Or
cette seconde libéralité peut parfaitement emprunter le support d'un acte neutre et réaliser,
par suite, une donation indirecte valide. La Cour de cassation a déjà admis, au moins une fois,
cette qualification ; elle a reconnu la validité formelle - en l'espèce, pourtant, fort contestable
! - de la « rétrocession » amiable d'un fonds de commerce (Civ. 1re, 1er juin 1994, Bull. civ.
I, n° 195 ; RTD civ. 1994. 655, obs. crit. J. Patarin ; Defrénois 1994, art. 35953, n° 175,
obs. G. Champenois). La seule difficulté tient alors au choix du vecteur de la donation
indirecte : en particulier, la « renonciation » n'est ici utile que dans la mesure où elle constitue
une catégorie juridique autonome, c'est-à-dire lorsqu'elle porte sur des droits auxquels la loi
permet de renoncer. Concrètement, celui qui se contente d'affirmer qu'il renonce, au profit de
son bienfaiteur, à la propriété de la chose donnée consent, nous semble-t-il, une donation
directe, ostensible...
M. N.
14 - Pluralité de donations ordinaires ou donation-partage ?
Au début de l'année 2007, la Cour de cassation a indiqué, dans un important arrêt de censure,
que « la donation-partage qui réalise la volonté répartitrice de toutes les parties ne peut
résulter, sous réserve de l'alinéa 2 de l'article 1076 du code civil, que d'un acte authentique
prenant en compte la totalité des biens donnés » (Civ. 1re, 6 févr. 2007, n° 04-20.029,
Bull. civ. I, n° 51 ; D. 2007. AJ. 662, obs. C. Delaporte-Carré ; AJ fam. 2007. 142, obs. F.
Bicheron ).
Cette décision présente, en premier lieu, l'intérêt de fixer les bornes de la célèbre, mais pas
toujours bien comprise, jurisprudence Labourdette. En 1985, la Haute juridiction a admis qu'il
était possible de retenir la qualification de « donation-partage » en présence de deux actes de
donation entre vifs, lorsque ces actes « quoique distincts, apparaissent indissociables et donc
indivisibles dans la mesure où ils reflètent la volonté clairement exprimée du donateur de
distribuer en totalité ou en partie ses biens entre ses enfants ou descendants » (Civ. 1re, 17
avr. 1985, Bull. civ. I, n° 118 ; D. 1986. Jur. 243, note J.-C. Groslière ; Defrénois 1987, art.
34030, obs. G. Champenois ; GAJC, 11e éd., n° 143). Les faits de l'affaire Labourdette étaient
particulièrement favorables à la reconnaissance d'un partage d'ascendants : les deux actes
notariés avaient été passés le même jour (l'un au profit des enfants vivants des donateurs,
l'autre au bénéfice de petites-filles venant en représentation d'un fils prédécédé) et la seconde
donation faisait expressément référence à la première. Or, il en allait tout autrement dans
l'espèce rapportée : les quatre donations litigieuses s'étalaient dans le temps (sur presque six
ans) et, surtout, la volonté répartitrice des donateurs n'était pas directement établie à partir
des donations elles-mêmes. La Cour d'appel de Montpellier avait pris appui, pour admettre
l'existence d'un arrangement de famille global, sur des attestations fournies par le notaire et
son clerc. Il est à noter que la cassation est prononcée sur le fondement combiné des articles
1076 (relatif à la possibilité de réaliser une donation-partage par deux actes séparés, l'un de
donation, l'autre de partage), 1319 et 1320 (sur la foi des énonciations de l'acte authentique)
du code civil. A travers ce visa, on perçoit bien le message délivré au notariat : il appartient
au notaire qui réalise une donation-partage, fût-ce au moyen d'une pluralité d'actes de
donation, de dire (ou plus exactement d'écrire) que le donateur est animé par la volonté de
partager. Il est dans l'ordre des choses, en l'absence de tout formalisme propre aux
libéralités-partages, que l'officier public précise la nature véritable de l'acte qu'il reçoit :
donation ordinaire ou donation-partage. D'autant que le notaire est toujours en droit, comme
l'y invite l'article 1078-1 du code civil, de procéder à l'incorporation des donations antérieures
dans un acte final de donation-partage.
Par ailleurs, l'arrêt du 6 février 2007 témoigne du durcissement progressif de la jurisprudence
relative au formalisme des donations-partages. La Cour de cassation y affirme, une nouvelle
fois (V. déjà nos obs. ss. Civ. 1re, 3 janv. 2006, D. 2006. Pan. 2066, spéc. 2073 ; AJ fam.
2006. 111, obs. F. Chénedé ), que la donation-partage ne peut être faite qu'en la forme
notariée. L'intention de la Haute juridiction est louable (éviter l'annulation d'un arrangement
de famille maladroitement extériorisé dans un acte sous seing privé portant donation), mais le
principe posé n'est guère conciliable avec le renvoi qu'opère l'article 1075, alinéa 2, du code
civil « aux formalités... prescrites pour les donations entre vifs » (rédaction conservée par la
L. n° 2006-728, 23 juin 2006). En effet, on ne peut raisonnablement admettre la coexistence
de deux lectures opposées de l'article 931 du code civil : l'une libérale (permettant de valider
certaines donations non notariées) pour les donations entre vifs ordinaires, l'autre restrictive
(imposant à peine de nullité le recours à l'acte authentique) pour les donations-partages.
M. N.
C - Le testament olographe
15 - Le sauvetage du testament non daté
L'article 970 du code civil impose à celui qui veut faire un testament olographe le respect de
trois solennités : écriture manuscrite, date et signature. Ces trois exigences, toutes requises à
peine de nullité, ne sont pas toutefois d'égale importance : l'écriture et la signature sont de
l'essence de l'acte olographe ; tandis que la date n'est qu'une formalité d'ordre technique,
tardivement surajoutée (longtemps ignorée de l'ancien droit, elle n'apparaît dans notre
législation qu'avec l'ordonnance d'août 1735). On comprend, dès lors, que leur régime
juridique (et spécialement la sanction applicable en cas de violation du rite) puisse différer.
Par un arrêt de principe de mai 2007, la Cour régulatrice renouvelle les possibilités de
sauvetage judiciaire du testament irrégulièrement daté. La première Chambre civile, opérant
une judicieuse révolution (V. encore dans le sens de la nullité, Civ. 1re, 7 juin 2006, Bull. civ.
I, n° 301 ; D. 2006. IR. 1706 ; AJ fam. 2006. 291, obs. F. Bicheron ), explique « qu'en dépit
de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des
éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a
été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette
période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament
révocatoire ou incompatible » (Civ. 1re, 10 mai 2007, n° 05-14.366 ; D. 2007. AJ. 1510 ;
AJ fam. 2007. 315, obs. F. Bicheron ). On retrouve dans cet attendu les idées naguère
défendues par Michel Grimaldi, à la suite de l'arrêt Payan (M. Grimaldi, La jurisprudence et la
date du testament olographe, D. 1984. Chron. 253 s. ; Defrénois 1984, art. 33387).
Conformément à la maxime « Nullité sans grief n'opère rien », le testament dépourvu de date
n'est plus automatiquement nul ; il reste néanmoins annulable si la précision manquante
cause un quelconque préjudice juridique.
Dans le cadre de ce panorama, nous nous limiterons à quatre observations :
1°) Il faut d'abord bien comprendre que l'exigence légale d'une mention de la date « de la
main du testateur » (art. 970 c. civ.) n'est nullement abandonnée. Le testament non daté
reste incontestablement irrégulier. Ce qui est nouveau, c'est que le juge peut maintenant
renoncer à prononcer la nullité pour vice de forme. Mais il ne peut le faire que si deux
conditions se trouvent réunies : il convient, d'une part, que la rédaction du testament puisse
être localisée, à partir d'un point de départ intrinsèque à l'acte, au cours d'une période
déterminée (par ex., comme dans l'arrêt Garon, entre le 28 sept. 1999 et le 4 août 2000) ; il
faut, d'autre part, que les héritiers contestataires ne démontrent pas qu'il est nécessaire de
connaître la date exacte du testament (principalement pour le contrôle de la capacité du
testateur et de la chronologie des dispositions testamentaires).
2°) L'arrêt de 2007 s'inscrit dans la logique de la jurisprudence Payan (Civ. 1re, 9 mars 1983,
Bull. civ. I., n° 95 ; D. 1984. 641 ; JCP 1984. II. 20177, note M. Dagot ; Defrénois 1983, art.
33172, note H. Souleau ; RTD civ. 1983. 775, obs. J. Patarin), mais il en accroît
considérablement la portée. Jusqu'à présent, la mansuétude judiciaire était cantonnée à
l'omission du quantième du mois ; par suite, la période d'incertitude (séquence au cours de
laquelle le testament a été rédigé) ne pouvait pas dépasser 31 jours. Désormais, à condition
que le testament comporte par lui-même un élément pertinent de localisation dans le temps,
cette période peut être beaucoup plus longue (en l'espèce, elle est de 10 mois et 7 jours). Sa
durée, qui semble d'ailleurs laissée à l'appréciation des juges du fond, dépendra des éléments
extrinsèques retenus. En toute hypothèse, le testament olographe qui n'indique pas
directement sa date doit, pour échapper à la nullité, porter témoignage (d'où le système de la
preuve intrinsèque) de son inscription dans le temps. Il importe que le juge puisse le rattacher
à une phase de la vie du testateur. Un acte qui exprime une volonté posthume ne saurait
prétendre à l'intemporalité !
3°) Avec l'arrêt Garon, la date du testament olographe cesse d'être soumise, au détriment du
respect de la volonté du testateur, à un formalisme aveugle. Pour autant, il serait erroné de
penser que cette décision consacre un « formalisme causé » (sur le rejet de cette théorie, V.
M. Grimaldi, art. préc. spéc. n° 13). Aujourd'hui comme hier, il est inutile que le légataire,
soucieux d'écarter la nullité de forme, rapporte la preuve que le testateur avait bien la
capacité de tester et qu'il n'avait pas fait d'autres testaments. On n'échappe pas au
formalisme en ouvrant un débat au fond, que le recours à la solennité tend justement à
prévenir.
4°) L'assouplissement du formalisme testamentaire est ici strictement limité à la question de
la date. La remise en cause de l'automatisme de la nullité ne pourrait, sans dommage, être
étendue à la signature ou à l'écriture manuscrite. En effet, l'omission de ces dernières fait
nécessairement grief. Par exemple, lorsque le seing est manquant, il est impossible de savoir
si le document litigieux est vraiment achevé.
M. N.
Mots clés :
COMMUNAUTE ENTRE EPOUX * Panorama 2006
Recueil Dalloz © Editions Dalloz 2009