Bistrot et gastronomie

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Bistrot et gastronomie
Restauration
14 janvier 2010 No 1 / 2
Désobéissance déride le paysage gastronomique de la ville de Neuchâtel
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ANNONCE
Bistrot et gastronomie
Ouvert le
9.9.09, Désobéissance se
présente comme une nouvelle adresse de «bistronimie»
à Neuchâtel, un concept
de plus en plus en vogue en
Suisse également.
Jasmina Slacanin
GJRI60779
Inventé par le chroniqueur culinaire
Sébastien Demorand dans les années 1990, le terme «bistronomie»
est la contraction entre les mots
«bistrot» et «gastronomie». En
France, l’année 2009, marquée par
la crise, a été témoin d’une certaine
vogue bistronomique. De nombreux
chefs étoilés ont, en effet, décidé d’y
recourir en présentant des produits
de qualité dans une ambiance plus
détendue à des prix plus accessibles. Qu’en est-il en Suisse?
EDITORIAL
La danse des
flamands
duire les Helvètes, comme en témoigne le succès quasi immédiat du
restaurant Désobéissance. Deux
jeunes frère et sœur sont à l’origine
de cette drôle d’adresse: Caroline et
Vincent Juillerat. Les produits frais,
du terroir, trônent sur une carte, relativement mince en choix mais
riche en goût et créativité.
Ici rien n’est laissé au hasard. Le
concept de «bistronomie» est appliqué à la lettre, non sans une touche
d’humour et de fantaisie.
Vincent en cuisine, Caroline au ser-
vice, cette «bistronomie» familiale –
le terme est également présent sur
l’enseigne du restaurant – dépasse
déjà les frontières neuchâteloises.
Et pour cause! «Nous voulions rester
proche de la cuisine gastronomique
mais sans chichis. Nous cherchions
la convivialité, un lieu où il y a du
bruit, où les gens restent à proximité
et discutent avec le voisin», explique
Vincent. Le silence ainsi brisé, les
clients discutent aussi bien entre
eux qu’avec les serveurs.
SP
Le concept semble également sé-
La gastronomie sans chichis a donné naissance à Désobéissance, un concept de bistronomie imaginé par les Juillerat.
La touche d’humour qui ajoute de la
convivialité à ce nouvel espace est
orchestrée par une décoration originale, signée en partie «Vie intérieure»: nounours au plafond (toilettes), signaux routiers, canapés
anciens, chaises en bois, design moderne. Chaque coin se présente ici
comme une ode à l’espièglerie et invite toutes les bourses – à conditions
de réserver! – à passer un bon moment détendu en savourant un plat
habituellement très cher. «Certaines
personnes restent même six heures,
prennent l’apéro, mangent, vivent
une véritable expérience, le temps
d’une soirée. Elles s’amusent car
tous les styles sont permis ici. Il n’y
a pas de dress code», souligne Caroline. De plus, fait plutôt rare, Dés-
obéissance pense également aux enfants. Ces derniers sont aussi les
bienvenus et ne se contentent pas
du traditionnel jambon frites. Ils
mangent comme les grands, avec
des portions adaptées, plus petites.
Le succès grandissant de cette
adresse vient également de son emplacement. Au centre de la ville de
Neuchâtel, un tel établissement faisait défaut comme l’explique la tenancière: «Nous voulions compléter
l’offre de Neuchâtel, où il n’y avait
que des «lounge», en créant un nouveau cadre. Ici c’est comme à la
maison.»
Caroline et Vincent ont adopté le
concept de bistronomie en montrant
que la gastronomie ne rime pas forcément avec luxe et élitisme.
In Kürze
Das Désobéissance ist am 9.9.09 in Neuenburg eröffnet worden. Die neue
Adresse nennt sich «Bistronomie» (also
Bistro und Gastronomie), ein Konzept,
das in der Schweiz immer mehr Anklang
findet und für qualitativ hochstehende
Küche in einem geselligen Rahmen zu
vernünftigen Preisen steht. Die Geschwister Caroline und Vincent Juillerat
haben unerwartet schnell erfolgreich geschäftet. Das zwangslose Ambiente, wo
es auch einmal laut zugehen darf, Mahlzeiten aus frischen (Terroir-) Produkten,
bezirzen immer mehr Gäste aus der ganzen Westschweiz.
Le Centre & C21 change de concept; l’espace «gastromonie» et «bistrot» fusionnent
Un restaurant étoilé ouvert à tous
afin de le rendre moins élitiste et
moins hiérarchisé.
P-M. DELESSERT
Initialement le restaurant se présen-
Bistrot et gastronomie mangent désormais à la même table au Centre & C21.
Le Centre & C21 à Champéry a ob-
tenu récemment une étoile Michelin,
après seulement un an d’existence.
L’expérience du grand chef de la cuisine moléculaire, Denis Martin, qui
en est le consultant, a sûrement accéléré cette route vers les étoiles.
Afin de maintenir cette importante
distinction, ce dernier a décidé de
revisiter le concept du restaurant,
tait de manière suivante: au rez-dechaussée, un bar à tapas, à l’étage,
un restaurant gastronomique. Les
étages ont désormais fusionné pour
donner naissance à une carte
unique. «Je n’aimais pas entendre
les enfants demander à leurs parents pourquoi certains avaient le
droit de manger à l’étage et pas eux.
Les gens sont ici en vacances et doivent pouvoir s’amuser», explique le
célèbre chef. Ainsi, les clients du
Centre & C21 peuvent aussi bien
manger un seul plat, des tapas ou
déguster un menu gastronomique.
Ce concept vise à décomplexer tous
ceux qui ne peuvent pas s’offrir un
menu gastronomiqu et à rendre ce
moment plus convivial. Même si Denis Martin n’aime pas utiliser le
terme de «bistronomie», sa nouvelle
réorganisation du Centre & C21 s’en
approche énormément. Le but reste
ici d’«apporter la connaissance d’un
chef étoilé au service d’un lieu ouvert à tous.»
Le chef de ce restaurant qui est de-
venu le seul établissment distingué
par le guide Michelin aux «Portes du
Soleil», s’appelle Callum Tod. D’origine écossaise, ce dernier a travaillé
deux mois dans la brigade du restaurant Denis Martin à Vevey. Denis
Martin, quant à lui, se considère
comme «designer». Il crée les plats
de A à Z et se rend régulièrement au
restaurant de Champéry pour s’assurer qu’il reste sur le bon chemin.
Ainsi, le nouveau concept du Centre
& C21 qui souhaite «ouvrir les
portes du bien manger à toutes les
bourses» annonce d’emblée une saison hivernale pleine d’innovation et
d’audace très appréciés dans la station de Champéry, encore dans
l’ombre de Verbier ou Crans-Montana.
jsl
Jusqu’au début des années nonante, le Club Flamingo de la ville de Zurich servait de terminal –
ou de station de départ – pour
de vilains excès alcooliques aux
clients de bars illégaux et de
caves privées, installés en plein
centre de la restauration zurichoise. Cette dernière restait,
quant à elle, régulée par l’Etat.
En quelque sorte, le Flamingo
était considéré comme à moitié
illégal. Il disposait, certes, d’une
autorisation quelconque d’exploiter, mais n’avait pas le droit
de servir. Par conséquent, chaque client qui s’y présentait fortement aviné y apportait aussi sa
bouteille d’eau de feu: elle était
le prix informel à payer pour une
entrée. Une bouteille d’un alcool
fort par personne constituait,
pour le moins, le début de la descente inéluctable dans la déversante des bars mal fréquentés.
Au milieu des années nonante,
lorsque le tsunami de la libéralisation a submergé la restauration, il emportait également, en
à peine une nuit, les bars illégaux
de Zurich.
Aujourd’hui, la délibéralisation
revient en force, sous forme d’innombrables réglementations.
L’interdiction de fumer du fascime sanitaire suisse dispose d’un
ancrage légal, et dans son sillage, les contrôleurs des denrées
alimentaires renforcent leur puissance face à la restauration.
On ne peut plus rien y changer.
Ainsi, le moment important
d’observer les développements
contemporains dans la restauration et d’en profiter soi-même
est aujourd’hui venu.
Le plus récent développement,
qui tire son origine du marché
sans fumée d’Angleterre et d’Irlande, déborde sur le notre continent. Qui s’étonnera, dès lors,
de cette apparition de buvettes
de fumeurs mi-légales mi-illégales dans les salons de particuRomeo Brodmann
liers?