Se protéger lors d`un divorce

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Se protéger lors d`un divorce
Questions / Réponses
Se protéger lors d’un divorce
La valeur d’une clinique médicale est partageable en cas de rupture
Q JE SUIS UN JEUNE médecin désirant se marier
prochainement. Nous espérons avoir des enfants et
ma future conjointe aspire à retourner au travail à la
suite de leur naissance. Comme je gagne un salaire
substantiellement plus élevé que ma conjointe, je
souhaite protéger mes actifs et mes revenus futurs
d’une éventuelle séparation. Quels sont les moyens de
me protéger?
Martin B., MD
R Pour répondre à votre question, le
Magazine Santé inc. a fait appel à Me
Marie-Claude Armstrong, avocate spécialisée en droit de la famille, des personnes
et des successions au cabinet Lavery, de
Billy de Montréal. D’abord, il est impératif
de savoir que c’est le contrat de mariage
et plus particulièrement le régime matrimonial choisi (ou non) par les époux qui
fixe les balises pour la séparation des
biens en cas de divorce. Notons qu’un
contrat de mariage ou toute modification
subséquente au mariage doit absolument
être signé devant un notaire pour être
valide. Selon le Code civil du Québec, il
existe actuellement trois régimes matrimoniaux différents : la société d’acquêts,
la séparation de biens et la communauté
de biens.
Le régime de la communauté de biens
étant devenu désuet autant par son fonctionnement que par ses effets, il est,
depuis quelques années, pratiquement
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abandonné. La société d’acquêts est devenue, le 1er juillet 1970, le régime légal
au Québec, d’où son application automatique si les époux ne signent pas de contrat de mariage. En cas de divorce, il
prévoit normalement que les biens acquis
avec les revenus et salaires des époux
durant le mariage constituent des
acquêts. De même, tout bien appartenant
à l’un des deux époux est présumé
acquêt jusqu’à preuve du contraire, donc
partageable peu importe la contribution
de chacun.
Dans votre cas précis, « il semblerait
indiqué de signer, avant le mariage, un
contrat de mariage optant pour la séparation de biens, ce qui vous permettrait de
conserver à titre de biens propres tous les
investissements que vous pourrez faire à
votre nom dans des biens autres que
ceux du patrimoine familial, écartant ainsi
du partage vos placements (autres que
les droits à la retraite), actions, immeubles
à revenus ou autres », conseille Me
Armstrong. Ce régime de la séparation
des biens stipule que les biens acquis par
l’un des conjoints au cours du mariage se
maintiennent comme étant propres à cet
époux, donc qui ne peuvent être partagés
en cas de séparation. Par contre, cette
notion de biens propres exclut expressément la valeur du patrimoine familial
(obligatoirement partagé) qui s’applique à
tous les mariages, sans égard au régime
matrimonial choisi. Le patrimoine familial
comprend la ou les résidences, incluant
un chalet, les divers meubles s’y trouvant,
les véhicules automobiles et les droits à la
retraite, dont les REER et les fonds de
pension. En cas de divorce et de séparation de ces biens, on procède par équité
acquise, c’est-à-dire qu’on prend la valeur
marchande des biens du patrimoine
familial dont on soustrait les dettes qui s’y
rattachent au moment de la rupture.
L'époux qui est propriétaire des biens le
demeurera, mais il devra payer à l'autre
époux un certain montant afin d’avoir un
partage équitable. Certains cas particuliers peuvent faire l’objet d’un partage
inégal, par exemple les tribunaux ont
statué que le ou la conjointe dont les
revenus de travail ont soutenu le couple
durant les années d'études en médecine
de l'autre conjoint pouvait avoir droit à
une prestation compensatoire dans le
cadre du divorce.
Si vous désirez éventuellement investir
dans une clinique médicale, le régime de
la séparation des biens est encore le plus
avantageux des trois régimes, selon Me
Armstrong. Si vous optez pour le régime
de la société d’acquêts, « l'actif que
représente la clinique constituerait un
acquêt et sa valeur serait partageable en
cas de rupture », rappelle l’avocate spécialisée en droit de la famille. Finalement,
les contrats de mariage se planifiant au
cas par cas, il demeure préférable de
consulter un avocat spécialisé en droit
familial, ou encore un notaire, qui saura
mieux vous renseigner sur tous les détails
de votre situation personnelle. ⌧
Propos recueillis par Jasmin Bellevance.
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