« Les écoles de devoirs : au

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« Les écoles de devoirs : au
« Les écoles de devoirs :
au-delà du soutien scolaire »
Etude réalisée par Valérie Silberberg et Antoine Bazantay – La Ligue de
l'enseignement et de l'éducation permanente
Partie théorique
Chapitre 1 : Les devoirs
Régulés par décret1, les devoirs à domicile sont cependant donnés de
manières diverses en fonction des établissements et des enseignants. Ceuxci auraient tendance à donner des devoirs davantage pour se conformer à la règle et
répondre aux attentes des parents que pour leur utilité pédagogique : le sérieux du
professeur semble être associé au fait de donner ou non des devoirs aux élèves 2.
Il existe de nombreux paradoxes quant aux devoirs : à la fois pédagogiquement
discutables, ils représentent une surcharge de travail mais sont considérés comme un
moyen de développer l'autonomie de l'élève. Ils renvoient également à l'inégalité qui
accroît les écarts sociologiques entre les familles. Dans « Rendre les élèves autonomes
dans leurs apprentissages – En finir avec les devoirs à la maison », Alain Simonato
parle des différentes conditions familiales qui sont déterminantes dans la
réussite ou pas des devoirs :
– les conditions matérielles (bureau, endroit calme...) ;
– les conditions d'accès à diverses sources d'informations (internet,
dictionnaires...) ;
– les conditions de disponibilité et d'aptitude des parents.
Aucune recherche scientifique ne prouve à l'heure actuelle l'utilité et
l'efficacité des devoirs à domicile. Dans Le travail des élèves pour l'école en
dehors de l'école, Dominique Glasmn propose une typologie des devoirs et de leur
efficacité :
– devoirs de préparation (avant d'aborder un sujet en classe) : efficaces
notamment si les directives sont suffisamment claires ;
– devoirs de pratique (renforcement des acquis) : efficacité discutable car
peuvent devenir facilement mécaniques et ennuyeux ;
– devoirs de prolongement (étendre les connaissances) : pourraient être une
source de motivation mais difficile de déterminer les effets directs sur
l'apprentissage ;
– devoirs créatifs (utilisation de concepts dans un contexte nouveau) : efficacité
non vérifiée.
Les deux derniers types de devoirs pourraient creuser les inégalités sociales;
Des recherches ont pu toutefois relever quelques effets des devoirs sur la
vie sociale et scolaire de l'enfant :
– effets positifs tels que meilleure compréhension, responsabilité, habitude de
travail...;
– effets négatifs tels que fatigue émotionnelle, pression parentale, augmentation
de la différence entre les plus « faibles » et les plus « forts »...
1 Cf. décret de mars 2001 visant à réguler les travaux à domicile dans l'enseignement fondamental.
2 Glasman Dominique, Besson Leslie, Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école, pp. 34-35.
Chapitre 2 : Les aides proposées pour réaliser les devoirs
1. Les études surveillées ou dirigées
On distingue dans les établissements scolaires des études surveillées (consacrées
généralement à l'exécution des devoirs) et des études dirigées (une aide est
apportée). Les parents sont libres d'y inscrire ou pas leur enfant.
Un constat : de plus en plus les établissements externalisent la question de la
remédiation des difficultés et de l'échec scolaire3.
2. L'accompagnement scolaire
Les écoles de devoirs en font partie. Il ne s'agit pas ici d'une simple aide aux
devoirs, mais aussi d'une ouverture culturelle pour les enfants qui ne la trouveraient
pas dans leur famille.
3. Les cours particuliers
Cours privés donnés à titre payant dont le prix varie de 10 à 50 €/heure.
Chapitre 3 : Les demandes d'aides
Pourquoi les parents sont-ils tant demandeurs de l'aide aux devoirs?
Très souvent car ils se sentent « dépassés » (soucis matériels, incompréhension...).
Pour la plupart, il est aussi difficile de rester calmes face à l'échec scolaire de leur
enfant en raison d'une implication affective qui vient entraver l'aide qu'ils
s'efforcent de donner. Les parents interprètent trop souvent les difficultés qu'un
enfant rencontre face à ses devoirs comme un manquement envers eux, envers
l'amour qu'il leur doit. Ils peuvent considérer le manque de travail personnel comme
étant une forme de désobéissance4. En outre, ils désirent garder leur enfant pour les
« bons » moments de détente.
Il existe ainsi aujourd'hui une importante demande d'accompagnement scolaire. Et
selon le pouvoir d'achat des parents, ils se tourneront vers les cours privés ou les
écoles de devoirs.
Chapitre 4 : Les Ecoles de Devoirs
1. Définition
Quelques chiffres... On dénombre environ 400 EDD en Communauté française dont la
moitié en région bruxelloise. Les EDD sont davantage une spécificité des villes et
représentent 8,5 % des milieux d'accueil des enfants de 0 à 12 ans. 60% d'entre elles
les accueillent gratuitement.
Les EDD bruxelloises accueillent généralement un plus grand nombre d'enfants (29 ou
+) que les EDD wallonnes (20 ou +). Au cours de l'année 2008-2009, les EDD
accueillaient 15500 enfants différents, ce qui représente 845900 présences.
3 Remédier – Une mission de l'école, pas un marché, analyse de la Ligue des familles.
4 Rendre les élèves autonomes dans leurs apprentissages – En finir avec les devoirs à la maison, p. 28.
La majorité des EDD sont constituées en asbl et se trouvent au carrefour des champs
scolaire, social et familial. Elles ont chacune leur identité propre, jouent un rôle
spécifique en fonction de leur quartier et de leur public et ont en commun la lutte pour
l'insertion, la « promotion sociale et culturelle des enfants et des jeunes issus
prioritairement de milieu populaire ». Elles visent la réussite et l'égalité des chances
pour tous.
Parce qu'elle reçoit l'enfant dans un cadre non institutionnel, l'école de
devoirs est plus proche de lui au niveau relationnel. Il en découle une
connaissance plus approfondie et plus globale de l'enfant5.
2. Un peu d'histoire...
Les EDD sont une réponse au constat dressé dans la foulée de mai 68 selon
lequel « les enfants d'immigrés réussissaient moins bien leur scolarité que
les petits Belges et par ce fait n'accédaient pas aux emplois supérieurs ». La
première EDD est crée en 1973 à Cureghem à l'initiative du CASI-UO 6. Dans les années
80, le mouvement se professionnalise et les EDD se multiplient en Wallonie et à
Bruxelles. Implantées au départ dans les zones urbaines, elles se développent ensuite
en milieu rural.
La plupart des EDD encore en activité à l'heure actuelle sont celles qui ont
été crées entre 1980 et 1990. De nouvelles institutions ont vu le jour : les
coordinations régionales et la Fédération Francophone des Ecoles de Devoirs. En avril
2004, le parlement de la CF adopte à l'unanimité le décret relatif à la reconnaissance
et au soutien des EDD sur proposition des ministres Jean-Marc Nollet et Christian
Dupont. L'application de ce décret a mis en évidence des problèmes auxquels les EDD
sont confrontées au quotidien. D'où la promulgation en janvier 2007 d'un autre décret
venant modifier le premier. Depuis mai 2010, un groupe de travail réunissant les
divers représentants du secteur ainsi que les administrations concernées travaille à la
réforme du décret de 2004 et lutte pour une augmentation des subsides octroyés aux
EDD. Leurs missions seront notamment clarifiées, ainsi on y parlera de « soutien aux
apprentissages » plutôt que de « remédiation ».
3. Les subsides
La reconnaissance des EDD relève de la Communauté française via l'ONE qui
s'occupe également du traitement administratif des dossiers, du paiement des
subventions et du contrôle. Le montant octroyé se situe entre 1500 et 3000 €/an en
fonction de critères comme la fréquentation, le nombre d'implantations... alors que
10000 € par an et par école seraient nécessaires. Les EDD peuvent aussi avoir accès à
d'autres sources de financement extérieures telles que les APE de la Région wallonne,
les moyens s'inscrivant dans le cadre de projets de cohésion sociale... L'intervention
des communes est fréquente dans le financement des milieux d'accueil. C'est en effet
la commune qui prend en charge les frais de location de la moitié des EDD.
Faute de moyens, certaines EDD ont dû fermer leurs portes. La FFEDD réclame un
subside de base qui permettrait aux EDD de développer des actions de
qualité dans le long terme. En mai 2010, Jean-Marc Nollet annonce une
augmentation de 10% des moyens de fonctionnement.
5 Les écoles de devoirs : au-delà du soutien scolaire, p. 15.
6 Centre d'Action Sociale Italien – Université Ouverte.
4. La qualité de l'accueil
Toute personne accueillant des enfants de 0 à 12 ans se doit de respecter « un code
de qualité ». Ce respect passe par la construction et la mise en oeuvre d'un projet
d'accueil. Celui-ci doit être réalisé en équipe et faire l'objet d'une consultation avec les
personnes confiant l'enfant au milieu d'accueil. Ce projet d'accueil comporte des
informations telles que le règlement d'ordre intérieur, la qualification du personnel, le
type d'accueil organisé... Il porte sur tous les aspects de la vie quotidienne : la
manière de réguler les relations au niveau de l'équipe éducative (réunions...)...
En ce qui concerne l'atteinte des objectifs fixés par le code, les points faibles relevés
par les EDD concernent la formation continue, l'accueil d'enfants à besoins
spécifiques, le temps libre, la responsabilisation des jeunes et le manque d'implication
du personnel. Parmi les points forts, on peut citer « les ateliers pour dépasser les
difficultés des jeunes, la lutte contre la discrimination et le décrochage scolaire... ». A
propos des difficultés rencontrées par les EDD pour l'application du code, on parle
« des moyens financiers, du manque de personnel et de bénévoles... ».
5. Le travail en EDD
Parmi les activités proposées, c'est l'accompagnement scolaire qui occupe la part
la plus importante. D'autres activités (créatives, culturelles, ludiques...) sont
cependant organisées dans beaucoup d'EDD répondant ainsi aux 4 missions
des EDD. En ce qui concerne ces missions, il ressort d'une analyse de l'Observatoire
de l'Enfance, de la Jeunesse et de l'Aide à la Jeunesse qu'il existe « une grande liberté
de participation des enfants pour les diverses activités, mais aussi la possibilité pour
les enfants d'être porteurs de projets et de décider de la réalisation d'activités, de
participer à leur préparation. »
Les 4 missions des EDD sont de favoriser chez l'enfant :
1. le développement intellectuel
Il existe différentes réalités derrière cette notion. Ainsi par exemples un peu
moins de la moitié des EDD proposent « un apprentissage par le jeu et
d'autres activités pour apprendre et découvrir de diverses manières » tandis
que pour un tiers d'entre elles « l'aide aux devoirs reste l'activité de
prédilection ».
2. le développement et l'émancipation sociale
Cette mission est aussi travaillée de manières différentes : pour certaines EDD
elle passe par la « responsabilisation (confiance en soi, autonomie...) », pour
d'autres par le « vivre ensemble », « l'apprentissage de règles et de
valeurs »...
3. le développement de la créativité
Celle-ci est favorisée lors d'ateliers créatifs pour la plupart des EDD. Une
minorité (5%) d'entre elles recourt à « la responsabilisation et l'implication des
jeunes dans la réalisation d'activités » afin de développer leur créativité.
4. la citoyenneté et la participation
Cette mission est favorisée au quotidien dans 39% des EDD par un
apprentissage de certaines valeurs (le respect, la solidarité...) et par la
participation aux tâches quotidiennes au sein de l'EDD. Certaines EDD
organisent plutôt des activités spécifiques comme des ateliers thématiques,
des conseils de participation, des rencontres intergénérationnelles...
6. L'équipe et la formation
L'équipe d'une EDD se compose d'un coordinateur et d'un ou plusieurs animateurs
(salariés et/ou bénévoles). Elle fonctionne majoritairement avec un mélange de
personnel salarié et bénévole, ainsi qu'avec des stagiaires. Les bénévoles sont
présents dans 61% des EDD. Plus de 2/3 des encadrants sont des femmes.
A propos de la formation initiale des travailleurs en EDD, l'arrête relatif à la
« formation qualifiante d'animateur et de coordinateur en EDD » est paru au Moniteur
belge en août 2011. En attendant cet arrêté, une demande d'assimilation ou
d'équivalence au brevet pouvait être obtenue auprès de l'ONE ou du service jeunesse,
sur base notamment du diplôme obtenu (par exemple les diplômés à orientation
sociale ou pédagogique étaient ainsi assimilés au brevet d'animateur) et/ou de
l'expérience acquise.
Concernant la formation continue, le décret de 2004 prévoit qu'une EDD permette
aux membres de son équipe (qu'ils soient bénévoles ou rémunérés) de participer à des
formations qualifiantes ou continuées. Celles-ci sont relatives à la relation à l'enfant (la
gestion des conflits, la motivation des jeunes...), au fonctionnement de l'EDD (la
création de projet, l'évaluation et les subsides...), à diverses thématiques (les primoarrivants, le décrochage scolaire...) et aux activités (matières scolaires, techniques et
outils...).
7. Le public
Dans la majorité (près de ¾ ) des EDD, les parents doivent inscrire l'enfant par
souci de nouer des contacts avec eux. L'accès est souvent gratuit (ou presque) mais
soumis à quelques conditions comme l'engagement à suivre régulièrement les
activités, l'enfant doit habiter le quartier...
Plus de 95% des enfants accueillis sont issus de l'enseignement primaire.
Plus de la moitié sont originaires d'un pays hors Union européenne et issus d'un milieu
d'origine socioéconomiquement défavorisé.
De petite taille, les EDD ont pour avantages de conserver la dimension
familiale, de s'implanter au coeur des quartiers fragilisés et de nouer des
contacts personnels avec les enfants et leurs parents.
L'EDD apparaît comme un lieu de socialisation important. Ainsi les enfants accueillis
n'ont pas tous des difficultés scolaires : Une partie d'entre eux sont des bons élèves,
réguliers, attentifs, intéressés et ils viennent là s'assurer des moyens de leur
régularité7. En jouant les médiateurs, les EDD permettent de tisser des liens entre le
parent et l'école.
En 2008-2009, près de la moitié des EDD n'ont pas pu accueillir les enfants en
demande. C'est en province de Liège et à Bruxelles que les listes d'attente sont les
plus élevées.
7 Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école, p. 102.
8. EDD et écoles : des relations complexes
Les relations entre EDD et Ecole étaient quasi inexistantes avant le décret
de 2004. Depuis les écoles envoient par exemple des enfants en difficultés en EDD
mais les rapports restent « très timides ». Les EDD mettent en avant les difficultés
suivantes : la collaboration à sens unique (EDD vers enseignant), les manques de
compréhension du travail des EDD et de confiance mutuelle.
9. Les autres partenaires
« La moitié des EDD n'ont jamais ou rarement de contacts avec les mouvements de
jeunesse, les centres de guidance, les associations d'éducation permanente... ». Les
contacts extérieurs jugés les plus satisfaisants se font en fait avec « les
pairs » dont les coordinations des EDD.
10. La FFEDD et les Coordinations régionales
« La FFEDD est une asbl qui défend, représente et informe les EDD en Communauté
française depuis plus de 20 ans. Elle regroupe, en tant que membres, 5 Coordinations
régionales qui rassemblent, par affiliation, un ensemble de plus de 235 EDD en
Communauté française. Elle est reconnue et subventionnée par la Communauté, via le
décret EDD, depuis janvier 2005 et en tant qu'organisation de jeunesse depuis 1998. »
11. Les EDD font-elles suffisamment de devoirs? Le cas particulier de
Bruxelles
La recherche8 menée par le Forum bruxellois contre la pauvreté en janvier 2011a été
presque unanimement contestée par les EDD. En ce qui nous concerne, nous
émettons également des réserves quant aux analyses et aux conclusions de cette
recherche. Néanmoins, dans le souci d'apporter une vision complète de la
problématique, nous vous proposons, ci-après, un résumé de cette recherche9.
La progression de la précarisation socioéconomique des familles en région bruxelloise
implique un « accroissement structurel de la pauvreté infantile », progression à
laquelle est liée l'augmentation des besoins en matière de soutien scolaire. Ainsi en
2009 le pourcentage d'élèves « retardataires » est estimé à 46,9% à Bruxelles10 contre
35% en Communauté française.
L'histoire des EDD en région bruxelloise est fortement liée aux questions
d'immigration. Ainsi certaines EDD sont même soutenues par le FIPI11.
Plus de 50% des EDD en région bruxelloise n'ont pas demandé de « reconnaissance
décrétale » et ne répondent donc pas « contractuellement » aux 4 missions du décret
de 2004.
Certaines EDD sont davantage financées à Bruxelles par des politiques de cohésion
sociale (financement de la COCOF12) que par la CF. Ce financement est accordé aux
EDD qui mettent en avant un objectif social de médiation scolaire.
Presque tous les parents, rencontrés par les auteurs de la recherche, qui recourent
8 De Kuyssche Nicolas et Vitali Rocco, Le rôle des EDD dans l'accrochage scolaire des enfants pauvres.
9 p. 29.
10 On fait allusion ici principalement aux jeunes des quartiers du « croissant pauvre » (situé à l'ouest du pentagone
bruxellois).
11 Fonds d'Impulsion à la Politique des Immigrés.
12 Commission communautaire française.
aux EDD présentent des situations de pauvreté « évidente » (mère célibataire au
chômage, familles sans-abri...). Ils présentent un intérêt manifeste pour la scolarité de
leurs enfants et demandent à l'EDD de faire du devoir mais aussi d'autres
activités. Pour les auteurs de la recherche, les EDD doivent cependant
« reconquérir » un rôle qu'elles sont presque les seules à jouer :
« l'accrochage scolaire des enfants pauvres par l'aide aux devoirs ». Elles
devraient ainsi laisser à d'autres acteurs les objectifs de « développement
multidimensionnel de l'enfant ».
Mais si les activités de développement personnel existent, les EDD continuent bel et
bien à d'abord faire du devoir. On n'assiste donc pas tant à une évolution des
pratiques qu'à une évolution du discours sur ces pratiques13.
D'après Nicolas De Kuyssche et RoccoVitali, les EDD adopteraient « une
attitude molle par rapport aux enjeux sociaux de leur activité ». Ainsi « le défi
psychopédagogique de l'épanouissement remplacerait l'enjeu de la scolarisation
socialement émancipatrice ». En région bruxelloise nombre d'EDD sont pourtant
étroitement liées à des institutions à volet social. Enfin les auteurs de la recherche
encouragent un refinancement du secteur afin de pallier l'accroissement de la
pauvreté infantile.
Chapitre 5 : Cadre législatif
Voici quelques extraits des principaux textes légaux touchant au secteur des EDD :
➢ Décret visant à réguler les travaux à domicile dans l'enseignement
fondamental (mai 200114)
Il n'y a pas de travaux à domicile prévus pour les deux premières années du
primaire. En ce qui concerne les autres années du primaire :
Les travaux à domicile doivent toujours être réalisés sans l'aide d'un adulte (…)
le niveau de maîtrise et le rythme de chaque élève doivent être pris en compte
(…) une évaluation à caractère exclusivement formatif (et non certificatif) doit
être réalisée pour chacun des travaux à domicile (…).
➢ Décret portant réforme de l'ONE (août 2002)
Nul étranger au milieu familial de vie de l'enfant ne peut organiser l'accueil
d'enfants de moins de 12 ans de manière régulière sans le déclarer
préalablement à l'Office et sans se conformer à un code de qualité de l'accueil
arrêté par le Gouvernement après avis de l'Office.
➢ Décret relatif à la coordination de l'accueil des enfants durant leur
temps libre et au soutien de l'accueil extrascolaire (août 2003)
Ce décret s'applique à l'accueil durant le temps libre des enfants qui sont en
âge de fréquenter l'enseignement maternel et fréquentant l'enseignement
primaire (ou jusqu'à 12 ans).Cet accueil doit viser les objectifs suivants :
- contribuer à l'épanouissement global des enfants ;
- contribuer à la cohésion sociale ;
- faciliter et consolider la vie familiale.
13 p. 31.
14 Les dates ici mentionnées sont celles de parution au Moniteur belge.
La CODE15a pointé en 2005 lors d'une évaluation de ce décret les avancées
positives suivantes :
- il offre une première reconnaissance au secteur de l'accueil extrascolaire au
niveau de la CF ;
- il a permis en particulier la reconnaissance des garderies scolaires.
La CODE déplore toutefois qu'il n'y ait pas d'exigences claires en termes
d'encadrement.
➢ Arrêté du Gouvernement de la CF fixant le code de qualité et de
l'accueil (avril 2004)
En ce qui concerne :
- les principes psychopédagogiques : le milieu d'accueil permet à l'enfant de
s'exprimer personnellement et spontanément et favorise le développement de
la confiance en soi et de l'autonomie (…) ;
- l'organisation des activités et la santé : (…) veiller à faire place à l'initiative de
chacun des enfants et à préserver la notion de temps libre, particulièrement
lorsque la période d'accueil fait suite à des activités pédagogiques (…) ;
- l'accessibilité : (…) veille à l'égalité des chances pour tous les enfants dans la
gestion d'activités et/ou de la vie quotidienne ;
- l'encadrement : (…) encourage les accueillants, quelle que soit la qualification
de base de ceux(celles)-ci, à suivre une formation continue relative au
caractère professionnel de la fonction d'encadrement et aux connaissances en
matière de développement de l'enfant.
➢ Décret relatif à la reconnaissance et au soutien des écoles de devoirs
(juin 2004)
Voici entre autres quelques critères liés à la reconnaissance et aux subventions :
- Afin d'obtenir sa reconnaissance par l'ONE comme EDD, le PO doit répondre à
divers critères pédagogiques (respecter le code de qualité de l'accueil de
l'enfant...) et administratifs (se soumettre au contrôle de l'ONE...). En ce qui
concerne l'encadrement, l'EDD doit répondre à des critères tels que « disposer
d'une équipe pédagogique composée d'au moins 3 personnes dont au minimum
un coordinateur et un animateur qualifiés » pour être reconnue.
Pour être subventionnées par l'ONE, les EDD doivent être reconnues et répondre
à diverses conditions de fonctionnement : faire la preuve d'un fonctionnement
régulier au cours de l'année d'activités précédant sa demande de subvention,
garantir que l'éventuelle participation aux frais demandés ne dépasse pas un
montant journalier fixé par le Gouvernement...
➢ Arrêté du Gouvernement de la CF fixant le programme triennal de
formations continues 2011-2014 des professionnels accueillant des
enfants de 0 à 12 ans, des volontaires des consultations pour enfants
et des accueillants des lieux de rencontre enfants-parents (mars 2011)
Ce programme triennal est d'application pour les opérateurs de formation
agréés par le ministre de tutelle, aux organismes de formation habilités à
délivrer titres, diplômes... dans le secteur de l'enfance dans le cadre des
missions confiées à l'ONE.
A propos des formations proposées dans le cadre de programme, celles-ci
15 Coordination des ONG pour les droits de l'enfant.
s'articulent autour de 5 axes prioritaires :
- le travail avec les enfants, les jeunes et leurs familles dans leur diversité
(construction de l'identité, expression graphique et picturale...);
l'identité professionnelle individuelle et collective (gestion des conflits, soutien à
- la parentalité, gestion d'une équipe...) ;
- l'accessibilité en relation notamment avec la prise en compte des besoins
spécifiques et l'inclusion (interculturalité, accueil en situation de handicap...);
- la dynamique du projet d'accueil et le réseau local (évaluation, déontologie...) ;
- la promotion de la santé, la qualité et le respect de l'environnement
(alimentation saine, développement durable...).
➢ Arrêté du Gouvernement de la Cf relatif à la formation qualifiante
d'animateur et de coordinateur en EDD et aux équivalences aux
brevets d'animateur et de coordinateur en EDD (août 2011)
En ce qui concerne la formation d'animateur en EDD, celle-ci comprend 225
heures (minimum) dont 125 heures de formation théorique (la pédagogie et la
méthodologie en EDD, le bien-être et les droits de l'enfant...) et 100 heures de
stage pratique (qui est à réaliser dans une EDD reconnue par la CF). Celui-ci
vise à l'animation d'enfants ou de jeunes ainsi qu'une « réflexion pédagogique,
une analyse de cas ou une réflexion autour du projet pédagogique en dehors de
l'animation ».
La formation de coordinateur en EDD comprend, quant à elle, 275 heures
(minimum) dont 125 de formation théorique (gestion d'équipe, gestion du
personnel employé et volontaire...), 100 heures de stage pratique (réparties
entre les contacts avec l'équipe et les parents ainsi que dans les tâches
administratives) et 50 heures d'expérience utile d'animation.
Chapitre 6 : Les cours particuliers
1. Définition
Jusqu'alors réservé à la haute bourgeoisie, dans la lignée des précepteurs du 19e
siècle, la pratique du cours particulier se généralise rapidement. Même les familles
modestes font désormais appel à des enseignants en dehors des horaires
scolaires afin d'aider leurs enfants. Plus que de pallier d'éventuelles
carences du système éducatif, il s'agit d'une demande de performance qui,
bien souvent, recouvre une autre demande que les familles n'ont pas identifiée et qu'il
faudra faire émerger16.
L'explosion des cours particuliers au cours de ces dernières années serait facilitée par
la conjoncture économique difficile. Les parents, éprouvant de plus en plus d'angoisse
pour l'avenir de leurs enfants, auraient perdu confiance dans les capacités du
« seul système éducatif à assurer cet avenir ». C'est ainsi que se sont
développées de nombreuses sociétés commerciales à côté des « cours particuliers en
noir ».
2. Fonctionnement
Des plus ou moins spécialistes (la professionnalisation n'est pas toujours assurée)
dans l'accompagnement du mieux-être scolaire et de la lutte contre l'échec scolaire
proposent leurs services tels : motivation, gestion du stress, confiance et estime de
soi ; cours privés par discipline ; conseils d'orientation, bilans de compétences
trimestriels préventifs ; plan de motivation, coaching scolaire ; stage intensif de
16 Marhic Philippe, L'enseignement individuel – Une alternative à l'échec scolaire, pp. 13-14.
prérentrée (…)17.
Le personnel travaille généralement à titre d'indépendants complémentaires et sont
payés une dizaine €/ heure (ce montant peut aller jusqu'à 25€). Il peut s'agir
d'étudiants universitaires ou d'enseignants. En ce qui concerne le « marché noir »,
l'heure est facturée en général entre 15 et 40 €.
Les cours particuliers s'adaptent, collent à l'attente scolaire, ce n'est pas exactement
un espace d'enseignement, ce n'est pas le lieu de l'acquisition de la culture. S'ils
remportent le succès que l'on a vu, c'est vraisemblablement parce qu'ils se
présentent et se veulent les compléments (indispensables) de l'école (…)18.
3. Les demandes
Les pics de demandes se situent généralement au moment des bulletins et à
l'approche de « passages décisifs » comme des examens d'entrée, l'entrée en
primaire...
Il existe plusieurs types de « consommateurs » de cours particuliers :
– ceux qui désirent un rattrapage ;
– ceux qui veulent maintenir leur place dans un établissement auquel ils ont
accédé avec peine ;
– ceux qui cherchent à se mettre en meilleure position possible pour passer les
concours, les filières à 'numerus clausus'...
Trois cas de remédiation ont été repérés :
– le soutien : il reprend généralement la méthode de l'enseignant ;
– la mise à niveau : elle ne concerne que des situations ponctuelles (ex. l'élève
a mal interprété les propos de l'enseignant) ;
– le cours : il se doit de sortir l'élève d'une situation d'échec répétitive et
s'attache au « fonctionnement cognitif » de l'élève en proposant par exemple
une plus grande variété d'approches d'un savoir donné.
Les enfants du primaire constituent la plus grande source de demande de
cours juste avant les élèves du 1er degré du secondaire.
A propos de la fréquentation des cours particuliers, plusieurs facteurs interviennent :
– les filles sont plus preneuses que les garçons ;
– les enfants de cadres supérieurs et professions libérales, de patrons d'industrie
et du commerce sont plus demandeurs que les autres catégories sociales ;
– les élèves issus de milieux dotés d'un « fort capital culturel scolaire » sont plus
demandeurs que ceux issus de milieux peu diplômés.
Dans les catégories sociales élevées, il s'agit de prendre des cours
particuliers dans les disciplines où l'on obtient déjà les meilleurs résultats.
On parle d'une « stratégie de l'excellence ».
4. Le rapport de la Commission européenne19 : un bilan mitigé des
cours particuliers
Plus de 50% des élèves de certains pays de l'Union européenne prennent des
cours particuliers. Ceux-ci sont très répandus en Europe méridionale (Grèce,
17 Remédier – Une mission de l'école, pas un marché (analyse de la Ligue des familles).
18 Le travail des élèves pour l'école en dehors de l'école, p. 84.
19 Publié en 2011.
Espagne, Italie...) et sont beaucoup moins populaires dans les pays nordiques (Suède,
Norvège...) où « les établissements scolaires semblent largement répondre aux
attentes ». Ainsi par exemple dans les pays d'Europe du Nord, les mécanismes
de soutien aux élèves les plus faibles dans une discipline sont intégrés, dès
l'école élémentaire, à l'école publique.
Dans les pays du Sud de l'Europe, les familles n'ont plus confiance dans leurs
systèmes éducatifs. En Europe orientale, un facteur important du développement du
soutien scolaire a été la baisse du pouvoir d'achat des enseignants suite à
l'effondrement du bloc soviétique. En ce qui concerne des pays comme la France,
l'Angleterre et la Belgique, c'est l'ambiance générale de compétition qui
explique le recours au soutien privé destiné à des élèves déjà fort privilégiés
socialement, économiquement et culturellement. Les cours particuliers sont
ainsi davantage destinés à « maintenir les avantages concurrentiels de ceux
qui sont déjà performants et privilégiés » qu'à aider ceux qui en ont
réellement besoin.
Le soutien scolaire privé a tendance à restreindre le temps de loisir des enfants,
ce qui n'est ni souhaitable sur le plan psychologique ni du point de vue éducatif. De
plus, les différences d'approches pédagogiques entre les professeurs de
l'enseignement officiel et ceux du privé dérouteraient les élèves.
En conclusion, « les meilleurs élèves restent les meilleurs, avec ou sans
soutien ».
5. Les entreprises à vocation commerciale qui dispensent des cours
privés
Les cours sont dispensés soit par des enseignants, soit par des étudiants. L'élève peut
s'inscrire soit à des cours à horaires réguliers, soit en stages intensifs.
Par exemple, il existe l'entreprise « Educadomo » qui propose aux élèves du primaire,
du secondaire et du supérieur :
– la préparation aux examens ;
– les cours de rattrapage ;
– l'apprentissage d'une méthode de travail ;
– l'aide aux devoirs.
Approche pratique
Les données qui suivent sont issues d'entretiens menés auprès de responsables
institutionnels en lien avec les EDD, des membres du personnel d'EDD et de
responsables de sociétés de cours particuliers. Ces entretiens avaient pour objectif de
faire émerger « les observations et représentations que le personnel des EDD a sur
son travail ».
Les EDD : leurs missions et leurs particularités
La spécificité des EDD, par rapport aux autres lieux d'accueil des enfants durant leur
temps libre, réside dans le fait qu'elles ont inscrit le soutien scolaire dans leurs
missions. Elles ont aussi pour particularité de pouvoir s'adapter à divers publics et
milieux.
Les EDD permettent aux enfants de sortir de leur milieu de vie habituel, elles sont
une « porte ouverte sur le monde ».
Le public des EDD
La plupart des enfants accueillis éprouvent des difficultés socio-économiques et
peu d'entre eux maîtrisent la langue française.
Une certaine modification des comportements a été observée : les enfants sont de
plus en plus nombreux et de plus en plus difficiles20. Il existe d'ailleurs de nombreuses
listes d'attente (surtout à Bruxelles). Des critères tels que « venir du quartier et
éprouver des difficultés scolaires » doivent être remplis dans la plupart des EDD pour
que l'enfant soit accepté.
C'est la langue française qui pose en priorité des problèmes aux enfants, ce qui
engendre des difficultés dans toutes les matières. Autre difficulté : la violence et la
gestion des conflits21.
En ce qui concerne les inscriptions en EDD, il s'agit souvent des parents et de l'école,
mais aussi des centres PMS et des enfants eux-mêmes qui initient cette démarche. Les
raisons de s'inscrire sont multiples : faire ses devoirs, trouver le calme, éviter les
tensions avec les parents face à l'échec scolaire, suivre des cours de français langue
étrangère...
En EDD, les enfants se rendent bien compte qu'ils ne sont plus dans un cadre
purement scolaire. L'EDD serait pour certains comme une « deuxième maison ». De
vraies relations, basées sur la confiance, s'établissent entre les enfants et les
animateurs.
Les rapports avec les partenaires
Des collaborations existent entre les écoles et les EDD mais beaucoup
constatent que des efforts doivent encore être faits dans ce domaine : Il reste un fossé
trop important entre nos approches. Certains professeurs sont parfois difficiles à
contacter et ne comprennent pas notre démarche pédagogique22.
De nombreuses EDD revendiquent leur terrain d'action hors du champ scolaire et ont
parfois du mal à accepter des pratiques telles que le redoublement. Le sens même
des devoirs est aussi remis en cause : Quel est le sens d'un devoir fait, terminé,
corrigé en EDD? Que saura le professeur des difficultés de l'élève, du temps qu'il a mis
pour y parvenir, de l'aide qu'on lui a donnée? Nous sommes donc en faveur des
devoirs à l'école23.
Beaucoup de parents sont avant tout demandeurs d'une aide aux devoirs, peu
soucieux de l'aspect sociopédagogique , ce qui ne s'accommode pas forcément avec
le projet pédagogique de l'EDD. Il arrive que les EDD aident les parents en cas de
grosses difficultés socio-économiques ou quand ils ne maîtrisent pas le français : Nous
essayons d'échanger avec eux, de les inviter à nos activités, de les aiguiller vers
d'autres services lorsqu'ils en ont besoin : aide juridique, maison médicale, CPAS...24
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Maud Vermeylen, EDD « les amis de l'étincelle ».
Anissa Filali, coordinatrice de l'accueil extrascolaire asbl « Gaffi ».
Anissa Filali.
Véronique Marissal, coordinatrice de la CEDD de Bruxelles.
Hadriaen Webert Simon, coordinateur de « Cracks en tout ».
Le décret de 2004
Le dispositif a été mis en place en collaboration avec les représentants du secteur
pour que la diversité et la richesse des initiatives locales soient respectées.
Les acteurs de terrain observent néanmoins des lacunes, ainsi en ce qui concerne les
subsides : Avant les EDD pouvaient aller voir à gauche et à droite. Maintenant c'est
principalement auprès de la Communauté française. Beaucoup de portes se sont
fermées...25 De plus, les attentes envers les EDD ont augmenté et le côté administratif
s'est alourdi. Les textes législatifs sont d'ailleurs en cours d'évaluation... Il s'agit aussi
de clarifier les activités comme la question de la « remédiation ».
La formation et l'équipe
L'arrêté relatif à la formation des animateurs et coordinateurs en EDD a été pensé
dans le sens d'une professionnalisation du secteur, le personnel des EDD étant très
varié. Il existe également des formations continues mais tous les membres des EDD
n'en profitent pas faute notamment de temps et de personnel. La priorité pour
beaucoup d'EDD est donc de trouver des bénévoles,ce qui permettrait une certaine
souplesse organisationnelle de l'équipe.
Les moyens
Les EDD bénéficient d'un financement structurel depuis 2004. Il est possible pour
certaines d'entre elles de chercher des subventions à plusieurs endroits (cohésion
sociale, le FIPI, Actiris...). Néanmoins le manque de moyens est vécu péniblement par
les EDD : Les EDD touchent environ 3500 € par an, alors qu'il leur faudrait au moins
un temps partiel pour l'administratif, des animateurs à temps plein... Au moins
15000€ annuels seraient nécessaires mais ne suffiraient pas encore26.
Ce manque de moyens empêche les EDD de développer toutes les activités qu'elles
souhaiteraient organiser. Il s'agit en vérité de choix politiques car on pourrait trouver
de l'argent en réorganisant le système éducatif mais on ne le fait pas. Actuellement
on se contente d'aider l'éducation à la marge (remédiation, redoublement, soutien...)
mais on ne s'attaque pas au fond du problème.
L'aide aux devoirs et les activités psychopédagogiques
Proposant bien d'autres activités que l'aide aux devoirs, certaines EDD préféreraient
s'appeler « école des apprentissages »... L'aide aux devoirs et les activités
psychopédagogiques font partie intégrante de leur projet pédagogique depuis leur
origine.
L'étude du Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté reproche aux EDD de délaisser
les devoirs or les EDD entreprennent avec les enfants une mosaïque d'actions qui
touchent à plusieurs éléments et qui permettent de résoudre des difficultés scolaires
rencontrées par l'enfant sans nécessairement passer par l'approche scolaire27.
Les EDD cherchent à atteindre l'autonomie du jeune via l'apport d'outils variés
mais cette manière de faire n'est pas toujours comprise par le grand public et certains
pouvoirs publics.
Beaucoup d'interrogations sont liées au sens du devoir. Certaines EDD sont pour leur
25 Stéphanie Demoulin,coordinatrice de la FFEDD.
26 Stéphanie Demoulin.
27 Jean-Marc Nollet, ministre de l'enfance.
suppression en tant que facteurs de renforcement des inégalités et de la compétition
scolaires. L'accent est majoritairement mis sur les activités psychopédagogiques qui
soutiennent l'enfant dans son épanouissement global. Il est ici question plus
largement d'une vision de la société : Les enfants n'ont pas que droit à l'éducation.
Il faut travailler avec les parents pour leur expliquer l'importance du reste : l'ennui, la
capacité à ne rien faire... La société actuelle est trop rapide, immédiate, on veut tout,
tout de suite, sans attendre, sans pause... Mais il faut apprendre à prendre le temps.
Les EDD n'ont d'ailleurs pas de résultats immédiats28.
Les enfants confirment l'importance des deux dimensions des EDD : Je viens pour
travailler et pour m'amuser. J'aime travailler mais ce n'est pas toujours possible à la
maison. Ici je travaille et je m'amuse beaucoup29.
Les cours particuliers
Les EDD sont défavorables aux sociétés de cours privés qui mettent en évidence
l'inégalité du monde scolaire. De plus, l'efficacité des cours particuliers a été mis
en cause à diverses reprises. Ceux-ci aident en effet davantage ceux qui réussissent
déjà.
Certains cours privés se revendiquent du secteur EDD or le projet
pédagogique et la philosophie y sont très différents : On [les EDD] ne fait pas
que de la remédiation, notre rôle est beaucoup moins ponctuel et se fait sur toute la
scolarité de l'enfant. Les cours particuliers sont là pour la compétence, voire la
performance30.
Une autre différence majeure est la quasi gratuité des EDD face au coût souvent
onéreux des cours particuliers.
Les sociétés de cours privés se défendent : Je n'ai rien contre les EDD, j'ai moi-même
travaillé dans le social. Mais quand Educadomo a été créé, c'est parce que les familles
ne trouvaient pas ce qu'elles cherchaient dans les EDD. Encore une fois, il y avait un
réel besoin. Nous ne nous adressons pas au même public31.
L'accrochage scolaire et l'échec du système scolaire
Les EDD jouent un rôle d'accrochage scolaire pour bon nombre d'enfants. Par leurs
actions, elles défendent la logique de l'égalité des chances. Leur succès serait le reflet
du succès de leur complémentarité avec le système scolaire. Certains estiment que le
succès des EDD serait même une conséquence directe de l'échec du système
scolaire : Sans notre remise à niveau, beaucoup d'enfants ne parviendraient pas à y
arriver. Parfois nous devons revenir sur des lacunes que les enfants traînent depuis
plusieurs années!32
Pour la majorité du secteur EDD, la remédiation devrait avoir lieu à l'école-même.
Problèmes de compétition et de décrochage, manque de mixité..., les EDD sont les
témoins directs des dysfonctionnements scolaires : Je crois que le problème
fondamental de l'école, c'est qu'elle ne répond pas au défi de la mixité socioculturelle,
elle n'intègre pas suffisamment les minorités33.
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Véronique Marissal.
Mehdi, 12 ans, EDD « Les ateliers du soleil ».
Stéphanie Demoulin.
Céline Doumier, conseillère pédagogique chez Educadomo.
Anissa Filali.
Sandra, EDD « Les Cracks en tout ».
Conclusion générale
Dans un système où l'Ecole donnerait à chaque élève les clés de sa réussite scolaire,
les écoles de devoirs pourraient se concentrer sur les 4 missions prévues par le décret
de 2004 via certaines de leurs activités, comme la culture et les loisirs. L'Ecole, elle,
pourrait alors pleinement jouer son rôle dans les apprentissages dès la détection des
premières difficultés de l'élève, puis tout au long de la scolarité, plutôt que de manière
palliative ou en déléguant ce soin à d'autres acteurs. Mais pour qu'une telle Ecole voie
le jour, une volonté politique forte de réformer le système scolaire est indispensable34.
34 p. 77.