Les Suisses sont premiers de classe à l`école buissonnière

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Les Suisses sont premiers de classe à l`école buissonnière
Les Suisses sont premiers de classe à l’école buissonnière
Le taux d’absentéisme scolaire en Suisse est supérieur à la moyenne internationale. C’est une étude
alémanique qui l’affirme, la première du pays sur un sujet peu documenté. Mais pourquoi autant
d’élèves «gattent»-ils les cours?
On ne peut pas être bon partout. Les petits Helvètes n’ont peut-être pas une très bonne note à PISA,
l’évaluation internationale des connaissances scolaires de base, mais dès qu’il s’agit de «gatter» les
cours, ils sont premiers de classe.
L’étude du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) parue hier ne dit pas s’il y a là
un lien de cause à effet. Quoi qu’il en soit, on constate que le taux d’absentéisme scolaire suisse est
supérieur à la moyenne internationale. Au point de devenir un problème sérieux, estime le FNS, qui
relève que ce phénomène, rarement débattu en Suisse, est sous-estimé.
Cette étude est là pour y remédier. Basée sur un échantillon aléatoire de 28 écoles dans neuf cantons
alémaniques et de 4000 élèves âgés de 12 à 17 ans, elle est la toute première du genre. On y apprend
que la moitié des élèves suisses font l’école buissonnière de temps à autre, et 5% d’entre eux plus de
cinq fois par an. L’étude ne dit pas si le phénomène s’est accentué ces dernières années, mais on sait
qu’il se manifeste précocement, entre la 4ème et la 6è.e année primaire.
«Pas envie d’aller à l’école»
Les deux tiers des sondés (64%) motivent laconiquement leurs absences parce qu’ils n’ont «pas
envie d’aller à l’école», 42% veulent «dormir plus longtemps » et 40% trouvent les cours
«ennuyeux». En outre, 22% disent manquer l’école parce qu’ils ne s’entendent pas avec leur
enseignant.
Quant aux parents, au mieux ils sont dupes, au pire ils sont complices. Les trois quarts des élèves
absentéistes ont feint d’être malades, alors qu’un sur cinq a déjà falsifié la signature de ses
géniteurs. En outre, dans une famille sur trois, les parents sont carrément prêts à signer un mot
d’excuse.
Pour Margrit Stamm, professeure assistante en pédagogie à l’Université de Fribourg, qui a mené
l’étude, le taux de 5% d’élèves manquant régulièrement les cours est très élevé.
La moitié de ceux-ci est considérée comme appartenant à un groupe à risque, prédisposé aux
comportements délictueux. Une précédente étude, réalisée par un universitaire jurassien, le
confirme. Statistiquement, un élève qui fait l’école buissonnière a quatre fois plus de risques qu’un
autre de commettre un délit.
Mieux sévir
Les auteurs de l’étude sur l’absentéisme des élèves suisses ne sont pas très tendres avec le système
scolaire. Constatant que nombre d’écoliers manquent les cours parce qu’ils ne s’entendent pas avec
leur enseignant, les chercheurs jugent que la qualité et l’organisation de l’école jouent un rôle
important dans l’absentéisme scolaire.
Ils déplorent surtout la quasi-inexistence d’un système efficace de contrôle des absences.
Petit tour d’horizon des mesures existant contre ce phénomène.
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Dernier système en date, le plus technologique: lors de l’appel, le prof enregistre les présences
et absences à l’aide d’un code-barres. Quelques minutes plus tard, les parents de l’élève absent
sont informés par SMS et doivent joindre l’école par téléphone. Une vingtaine de lycées
français ont déjà adopté ce système, que les cantons suisses n’envisagent pas d’acquérir pour
l’instant.
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Dans les cas graves, certains pays, dont la Suisse peuvent infliger une amende aux parents.
Jusqu’à 750 euros en France.
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L’absentéisme de ses enfants a même conduit une mère anglaise en prison.
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D’autres pays, notamment en Amérique du Sud, préfèrent un système incitatif. Ainsi, au Brésil,
les parents touchent de l’argent si leur progéniture fréquente assidûment l’école.
Genève met parfois des amendes
Si le phénomène de l’absentéisme à l’école est sous-estimé, c’est peut-être que les statistiques sur le
sujet sont rares, voire inexistantes. Ainsi, il n’existe pas d’équivalent romand à l’étude alémanique
présentée hier.
A Genève, ni le Service de la recherche en éducation (SRED), ni la direction des cycles
d’orientation ne se sont spécifiquement penchés sur la question. Difficile, dans ce cas, d’évaluer
l’ampleur du phénomène ou son évolution dans le temps.
Toutefois, Georges Schürch, directeur général du Cycle d’orientation affirme que le Département
genevois de l’instruction publique ne néglige pas ce problème. «Tous les directeurs d’école ont la
consigne de contrôler strictement la présence de leurs élèves.»
Et de quels moyens disposent-ils pour cela?
- «Dans certains établissements, il y a un grand tableau en salle des maîtres, sur lequel les noms
de tous les élèves sont inscrits et les absences consignées.
- Ailleurs, les enseignants notent les absences dans un carnet, qu’ils transmettent ensuite au
maître de classe.» Un système laborieux et lent de surcroît.
- Les «gatteurs» sont sanctionnés de deux heures de retenue pour une heure d’absence non
justifiée. «Il n’y a pas de typologie de l’absentéiste.
Les problèmes de l’adolescence se rencontrent dans tous les milieux sociaux, dans tous les
quartiers.» Les cas les plus graves peuvent aller jusqu’à la phobie scolaire, au refus de retourner
à l’école. «Mais cela n’arrive que 10 à 20 fois par an sur 13’500 élèves du cycle.»
«Parfois, il y a un manque d’autorité parentale flagrant, ou des parents qui enfreignent la loi les
obligeant à scolariser leurs enfants. Ils peuvent être mis à l’amende, ce qui arrive une dizaine de fois
par an. Les amendes vont de 500 à 1000 ou 2000 francs.»
Lexique
Chaque pays, et même chaque région, a sa propre expression pour parler de l’école buissonnière.
Petit aperçu de quelques locutions francophones.
- Genève: gatter (et non gâter…)
- Vaud: courber
- Berne, Neuchâtel, Fribourg: schwänzer ou schwentser
- Jura: biquer
- Valais: flûter
- France: sécher
- Normandie: fripper ou gratter
- Lorraine: bleuter
- Belgique: brosser
- Québec: foxer ou lofer
D'après un article d'Antoine Grosjean , TG du 30 novembre 2006