Prenant appui sur le bouleversant livre Ce que j`appelle oubli de
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Prenant appui sur le bouleversant livre Ce que j`appelle oubli de
Prenant appui sur le bouleversant livre Ce que j'appelle oubli de Laurent Mauvignier, la pièce éponyme d'Angelin Preljocaj est sans aucun doute possible un immense chef-d’œuvre scénique. À voir et revoir ensuite ! Des matériaux imagés et actuels. Le public serait dedans et dehors, confronté à des sensations intérieures et extérieures. Tirée du livre éponyme de Laurent Mauvignier, Ce que j'appelle oubli d'Angelin Preljocaj est une pièce trottant dans la tête longtemps après avoir été visionnée. Le chorégraphe a transposé sur scène le contenu de l'ouvrage, lui-même dérivé d'une situation réelle qui aurait hélas pu rester noyée parmi d'autres. En l'espèce, les solides substances littéraires de Laurent Mauvignier abordent avec solennité le passage à tabac mortel d'un jeune homme par quatre vigiles de sécurité à la solde d'un supermarché lyonnais. Dans ses intentions, Angelin Preljocaj précise avoir eu « envie d'épouser ces mots, de faire chair avec ce texte et peut-être de rendre une humanité à ce garçon qui était devenu un fait divers ». Il a entre autres souhaité générer un entrecroisement entre ces enchaînements corporels efficaces dont il est souvent coutumier et « la brutalité des faits, la sophistication de l’écriture ». Alors qu'elle pouvait paraître quasi impossible à résoudre s'agissant d'un tel projet aux accents d'évidence hasardeux, la quadrature du cercle trouve une issue aveuglante ! Les éléments (danse, texte, musique, lumières, décors...) s'alimentent les uns les autres, dans un dosage savant et stupéfiant qui laisse sans voix. Évitant les travers qui auraient pu advenir, les tableaux d'une énigmatique et déchirante beauté perceptive s'inscrivent avec perfection dans un déroulé multiple, à la fois chorégraphique et littéraire. Émotions et fulgurance Les magnifiques corps des jeunes et beaux interprètes du Ballet Preljocaj (notamment le talentueux Nicolas Zemmour dont la présence sur scène est une fois de plus captivante...) se couplent avec éclat à la phraséologie implacable de Laurent Mauvignier. Superbement déployés, actanciels sans verser dans l'illustration frelatée, les mouvements parviennent à questionner d'une certaine manière le regard engagé du spectateur. Presque inapaisables, les mots narratifs sont pour leur part énoncés par le brillant comédien Laurent Cazanave. Personnage tantôt interne, tantôt externe, il s'intègre à merveille dans le dispositif, jusqu'à se constituer une place majeure au sein des danseurs. La force de son oralité et de ses propres gestuelles posées sont telles qu'elles font percevoir de près l'insoutenabilité d'une dérive meurtrière n'ayant pu être stoppée par quiconque. En somme, la danse ainsi que les locutions scénarisées par Angelin Preljocaj répondent admirablement à la crudité irréfragable du contexte factuel ayant servi de matrice originelle. Ce que j'appelle oubli forme dès lors un ensemble de tissages ineffaçables, peut-être les plus grandioses que l'artiste aixois ait su agencer jusqu'ici. Il semble d'ailleurs en avoir plus ou moins conscience quand il indique lui-même avec sobriété que c'est une pièce « assez importante dans mon parcours ». Avec une certitude patente - c'est-à-dire en l'absence de la moindre petite parcelle de doute on peut ainsi affirmer que le chorégraphe aixois est parvenu à accoucher d'un immense chefd’œuvre scénique, méritant indubitablement d'être vu avant d'être revu ensuite. Un magistral et touchant hommage rendu à un citoyen transformé par les circonstances de la vie en une terrifique dépouille mortelle. Valentin LAGARES – Journal César Fév. 2014 www.cesar.fr