RAPPORT DE STAGE ET RESUME

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RAPPORT DE STAGE ET RESUME
Réseau Européen de Formation Judiciaire
European Judicial Training Network
Avec le soutien de l’Union européenne
With the support of the European Union
RAPPORT DE STAGE ET RESUME
Identification du participant
Nom:
Prénom:
Nationalité : Française
Fonctions : président de section au tribunal administratif de Paris, France.
Ancienneté : 28 ans.
Identification du stage
Juridiction/institution d’accueil : tribunale amministrativo regionale Lazio
Ville : Rome
Pays : Italie
Dates du stage : 2 semaines
Type de stage:
stage individuel
stage de groupe
stage généraliste
Autorisation de publication
Je soussigné autorise la publication de ce rapport et/ou résumé sur le site internet du Réseau Européen de
Formation Judiciaire.
A Paris
Le 5 avril 2010
Signature : JMDV
Réseau Européen de Formation Judiciaire/European Judicial Training Network (aisbl)
Rue du Luxembourg 16B, B-1000 Bruxelles; Tel: +32 2 280 22 42; Fax: + 32 2 280 22 36;
E-mail: [email protected]
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RAPPORT
I-
Programme du stage
Un stage de six magistrats européens s’est déroulé du 22 février au 5 mars 2010 au « tribunale
amministrativo regionale del Lazio » (TAR), à Rome, en Italie.
Le jour d’arrivée, les stagiaires, à savoir un magistrat espagnol, une magistrate autrichienne, une
magistrate roumaine et deux magistrats français, exerçant tous dans des juridictions à caractère
administratif de leur pays, ont été accueillis par la coordinatrice du stage, C.A (la préparation
préliminaire du stage avait été assurée par le conseiller G. T) et un autre magistrat du TAR, G.L.P. Ils
ont été aussitôt reçus par le président du tribunal, M. G.G, qui a le rang de conseiller d’Etat.
Le programme du stage s’est réalisé compte tenu du rythme des audiences qui se tiennent au TAR del
Lazio. Les stagiaires ont donc siégé, les deux semaines successives, dans des formations de jugement
les lundis et mercredis. S’ils n’ont été appelés, le premier jour, à siéger qu’à une partie de l’audience,
ils ont participé par la suite à des audiences entières sur toute une journée. Les journées
intermédiaires ont été consacrées à la présentation par un ou plusieurs des magistrats du tribunal de
chacune des affaires qui devaient être appelées aux audiences suivantes et à des explications plus
générales sur le fonctionnement de la juridiction administrative italienne. Avant les audiences, les
stagiaires étaient présentés au président de la section, au président et aux magistrats de la formation
de jugement ainsi qu’aux agents de la « cancelleria », c'est-à-dire du greffe. L’honneur leur a été fait
de siéger aux côtés des magistrats italiens, comme s’ils étaient des membres à part entière de la
formation de jugement. Dans certains cas, il leur a même été possible d’assister, sur leur demande, au
délibéré tenu après l’audience.
Il a été organisé également, à l’intention des stagiaires, le jeudi 25 février, une visite du palazzo
Spada, siège du Conseil d’Etat italien : ce jour là, il s’agissait, vu l’intérêt architectural, historique et
esthétique du lieu, d’une visite des locaux du Conseil d’Etat proprement dits, conduite par le
secrétaire général du Conseil, puis de la prestigieuse galleria Spada, assurée par la directrice du
musée installé dans une aile des mêmes locaux. Un autre jour, au cours de la deuxième semaine du
stage, les stagiaires ont été conviés à assister, toujours au palazzo Spada, à une audience du Conseil
d’Etat, présidée par un ancien membre du TAR. Là encore, les stagiaires ont siégé sur l’estrade
réservée aux magistrats, cette fois légèrement en retrait par rapport aux conseillers d’Etat.
Enfin, les stagiaires ont été invités à participer, le jeudi 4 mars, à l’inauguration de l’année judiciaire
2010 du TAR de Rome, au cours de laquelle le président G a fait un exposé général sur le
fonctionnement du tribunal.
Un dîner amical a été organisé un soir entre les stagiaires et certains magistrats du TAR.
Il importe de souligner l’importance du rôle qu’a exercé, pendant le cours du stage, la coordinatrice,
Cecilia Altavista, qui a pris en charge les stagiaires en dépit de son emploi du temps chargé et a
organisé le programme ainsi que le suivi des participants. Une mention doit être faite également des
autres collègues italiens qui ont bien voulu assurer la charge de présenter aux stagiaires les affaires
inscrites aux audiences, notamment les conseillers S.M, F.R et A.T. Enfin, il importe de souligner le
rôle pédagogique qu’ont bien voulu assurer, pendant les audiences, les présidents pour présenter
chacune des affaires dont il était débattu : des remerciements particuliers doivent être adressés à cet
égard à la D.L.T.
Avec le soutien de l’Union européenne
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II- Institution d’accueil : le Tribunale amministrativo regionale del Lazio
(L’auteur du rapport est amené à faire, dans sa description de l’institution d’accueil, à savoir le TAR
Lazio, quelques comparaisons avec sa propre juridiction, le tribunal administratif de Paris, France).
Le TAR del Lazio, c'est-à-dire de la région de Rome, est l’un des 20 tribunaux administratifs
régionaux italiens, lesquels constituent la juridiction de première instance en Italie. Les tribunaux
administratifs régionaux relèvent, par la voie de l’appel, du Consiglio di Stato (Conseil d’Etat), car il
n’y a pas en Italie et à la différence de la France et de l’Allemagne, de cours d’appel en matière
administrative. Le TAR del Lazio siège à Rome et occupe une place spécifique par rapport aux autres
tribunaux administratifs de la péninsule. Le terme « régional », à cet égard, est trompeur. D’une part,
le Conseil d’Etat italien n’a qu’une compétence très réduite en premier ressort, contrairement au
système français, où la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort s’étend à toutes
sortes d’actes administratifs, et notamment aux actes administratifs les plus importants pris par le
président de la République, le premier ministre ou les membres du gouvernement. C’est ainsi qu’en
France, des actes administratifs pris par des autorités siégeant à Paris ne relèvent pas de la
compétence du tribunal administratif de cette ville, mais directement du Conseil d’Etat français, sans
possibilité d’appel et donc sans double degré de juridiction. Dans le système italien, les actes
similaires relèvent normalement du tribunal administratif du Latium, juridiction de première instance,
et du Conseil d’Etat, par la voie de l’appel. En effet, le TAR Lazio est compétent pour tous les actes
pris par des autorités siégeant dans son ressort territorial et dont le champ d’application s’étend à la
région du Latium, c'est-à-dire la région de Rome. En outre, les actes pris par des autorités nationales
siégeant dans la région mais dont le champ d’application s’étend à l’ensemble du territoire italien
relèvent également de la compétence du tribunal de Rome. On y ajoutera des compétences
expressément attribuées au TAR Lazio par la loi, notamment en matière d’énergie (électricité
nucléaire, gazoducs, centrales thermoélectriques les plus importantes, etc). La compétence matérielle
du TAR Lazio est donc beaucoup plus large que celle du tribunal administratif de Paris, du moins en
excès de pouvoir. Selon le président Giovannini lui-même, le TAR del Lazio n’est pas un tribunal
régional d’importance locale, mais une juridiction d’importance nationale.
L’étendue de la compétence matérielle du TAR Lazio pourrait laisser penser que sa taille et le
volume des affaires qu’il traite sont beaucoup plus importants que pour le tribunal administratif de
Paris. En fait, il n’en est rien. A Rome, le nombre des requêtes enregistrées s’est élevé en 2009 à
11 406 et celui des affaires traitées à 14 274. Au tribunal administratif de Paris, en 2009, les entrées
ont été de 20 498 et les affaires traitées se sont élevées à 26 286. C’est au niveau de l’arriéré des
dossiers que la différence est la plus spectaculaire : environ 160 000 affaires sont en stock à Rome
(sur un total estimé à environ 600 000 pour l’ensemble de la juridiction administrative italienne)
contre 20 124 seulement à Paris. Il faut dire qu’en fait, la compétence matérielle des juridictions
administratives françaises est beaucoup plus large que celle des juridictions italiennes. Notamment, le
champ d’application du contentieux de la responsabilité ou de l’indemnisation est beaucoup plus
étendu. En outre, les tribunaux administratifs italiens ont perdu depuis quelques années certaines
compétences importantes au profit des tribunaux ordinaires, notamment en ce qui concerne le
contentieux de la fonction publique (pubblico impiego).
Du point de vue de l’organisation, le TAR de Rome est divisé en trois sections, chacune de ces
sections étant elle-même divisée en sections bis, ter ou quater, que l’on pourrait appeler des soussections. Les présidents des sections sont des conseillers d’Etat, comme le président du tribunal luiAvec le soutien de l’Union européenne
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même. Les sous-sections sont en fait des formations de jugement, composées en général d’un
président et de quatre conseillers. Lorsqu’une sous-section siège à une audience, cela signifie qu’il y
cinq magistrats qui siègent en même temps, les affaires appelées étant successivement réparties entre
différents collèges composés chacun de trois juges, à savoir deux magistrats et le président. Il y a
ainsi une rotation de collèges de trois magistrats appelés à décider sur les affaires, ce qui évite qu’un
même type de litige soit toujours jugé par les mêmes personnes. Par comparaison, il sera indiqué que
le tribunal de Paris est divisé en six sections, chacune de ces sections étant composée en moyenne de
trois chambres, elles-mêmes composées de trois magistrats chacune. Il n’y a pas, en principe, au
tribunal de Paris, de rotation entre collèges, comme au tribunal de Rome.
III Droit du pays d’accueil
A l’occasion d’un stage dans un tribunal administratif italien, il n’est pas possible que l’attention
d’un juge administratif français ne soit pas attirée par la procédure de la “tutela cautelare”, dont on
peut dire qu’elle correspond à la procédure française dite de « référé-suspension ».
Dès l’assistance à une première audience devant le tribunal administratif de Rome, on remarque
l’importance de cette procédure. En effet, les audiences collégiales comprennent deux rôles, l’un
consacré aux affaires appelées dans le cadre de la procédure de « tutela cautelare », que l’on peut
comparer à la procédure française de référé suspension, et l’autre consacré à celles appelées au
fond (merito). Par exemple, à l’audience de la première section à laquelle les stagiaires ont assisté
le 24 février 2010, il y avait 41 affaires de « tutela cautelare » et 32 affaires au fond inscrites au
rôle. Ce nombre d’affaires peut sembler considérable, mais il faut noter qu’au début de chaque
audience, y compris pour le rôle des affaires de « cautelare », la formation collégiale procède à un
appel préliminaire général de toutes les affaires inscrites pour savoir si les parties entendent
maintenir leur demande d’audiencement. Beaucoup d’affaires sont ainsi renvoyées à une date
ultérieure, ou radiées, ce qui entraîne un allègement considérable du rôle de l’audience en cours.
Pour décrire brièvement le déroulement de l’audience, on dira que les affaires de « tutela
cautelare » sont appelées en « camera del consiglio », c’est à dire en audience non publique, sans
que les magistrats revêtent leur toge. Le dialogue entre les avocats et le président et le magistrat
est alors très libre, beaucoup plus que pour les affaires de fond. Souvent le président informe les
parties du sens probable de la décision, par exemple lorsqu’il y a un problème de compétence
juridictionnelle, ce qui est fréquent, compte tenu de la complexité, en Italie, de la répartition des
compétences entre juge administratif et juge ordinaire : pour résumer sommairement un système
très complexe, lorsqu’un « droit subjectif » qui est en litige, c’est le juge civil qui est compétent ;
si au contraire, c’est un « intérêt légitime », c’est le juge administratif qui est compétent. Le
dispositif de la décision rendue dans une affaire jugée selon la procédure de « tutela cautelare »
peut être notifié immédiatement aux parties à la fin des plaidoiries, car les conseillers disposent
tous lors de l’audience d’un ordinateur portable relié à une imprimante et peuvent immédiatement
imprimer leur décision.
Si une comparaison doit être faite, quelques différences essentielles entre la procédure de référé
italienne et la procédure française peuvent être repérées :
- Au tribunal de Rome, les audiences de référé sont tenues pendant la première partie de la journée
et sont immédiatement suivies par des audiences de fond, tenues par la même formation. Les
affaires de référé sont jugées en formation collégiale non publiques dans le cadre d’audiences quui
se déroulent tous les quinze jours. En France, les audiences de référé sont également publiques,
mais elles sont tenues par un seul juge et sont complètement séparées des audiences de fond. Elles
ne contiennent qu’un nombre limité d’affaires, mais rien n’exclut qu’il y ait plusieurs audiences la
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même semaine. Il n’y a pratiquement jamais de renvoi, le juge des référés français rendant
toujours en référé une décision, même s’il estime, par exemple, qu’il est incompétent
territorialement.
- Le dépôt d’une demande de tutela cautelare devant le juge italien peut être fait, soit par une
requête séparée, soit à l’intérieur de la requête au fond (parfois par la simple expression « con
previa sospensiva »). En France, la demande en référé doit être faite, à peine d’irrecevabilité, par
une requête séparée.
- En Italie, l’introduction de la demande de référé provoque l’inscription de la requête au fond
dans un court délai après l’audiencement du référé. Une loi 69/2009 prévoit même qu’en cas de
suspension accordée en référé, la fixation de l’affaire au fond doit être faite dans un délai
maximum de un an. En pratique, d’après ce qu’il nous a été donné de constater, l’affaire au fond
est en fait appelée dans un délai de quelques semaines ou de quelques mois. Dans beaucoup de
cas, les requérants viennent à l’audience de référé uniquement dans le but d’obtenir une inscription
de leur requête au fond. Ils renoncent alors très souvent, en échange de cette inscription, à leur
demande de suspension. En France, une règle non écrite veut que le tribunal fixe le fond de
l’affaire dans un bref délai lorsqu’une mesure de suspension est accordée, mais cette règle n’est
pas toujours respectée.
- La procédure de référé italienne paraît moins variée qu’en France. Il n’y a dans le système italien
qu’une procédure de « tutela cautelare », qui permet essentiellement aux parties de demander et
obtenir la suspension d’un acte administratif, alors qu’en France, il existe plusieurs procédures de
référé : le référé liberté en 48 heures, le référé suspension, le référé « mesures utiles », le référé
précontractuel, le référé provision et le référé expertise. Cependant, cette différence ne doit pas
être surestimée. Le juge administratif italien dispose en effet de très importants pouvoirs en
matière d’injonction, qui peuvent l’amener à ordonner à l’administration de réexaminer une
question, de reprendre une procédure, ou même de se substituer à l’administration en cas
d’inexécution. Le juge italien peut également imposer à l’administration, par la procédure de
« tutela cautelare », de payer une somme d’argent. En outre, en cas d’urgence et d’extrême
gravité, le président d’une formation de jugement peut ordonner des mesures provisoires sans
même respecter la procédure du contradictoire dans l’attente de la décision prise en « camera del
consiglio ». Cette procédure peut ainsi permettre au juge italien de prendre des mesures identiques
à celles que peut prendre le juge français dans le cadre du référé liberté, mais la procédure
italienne exige alors qu’une requête au fond ait été introduite préalablement, ce qui n’est pas le cas
de la procédure française du référé liberté.
- En ce qui concerne les conditions pour obtenir la suspension d’un acte administratif, la procédure
de « tutela cautelare » italienne ressemble beaucoup à la procédure française dite de référé
suspension. Il faut, en Italie, que le requérant prouve que l’acte administratif contesté entraîne un
préjudice grave et irréparable. En outre, le requérant doit amener le juge à douter, au vu d’un
« examen sommaire », de la légalité de l’acte contesté (présomption de fumus boni juris). Ces
conditions sont très semblables aux exigences d’urgence et de doute quant à la légalité de la
décision exigée par la procédure française. Dans les deux pays, le jugement au fond d’une requête
rend caduque la mesure de référé. On ne peut d’ailleurs qu’être frappé par le fait que la procédure
de référé italienne ait été introduite dans le droit positif par la loi 205/2000 du 21 juillet 2000, la
même année que la procédure de référé a été créée en France.
Au total, la procédure de « tutela cautelare » apparaît fondamentale pour le fonctionnement
pratique de la juridiction administrative italienne. Elle permet aux parties d’obtenir rapidement,
en cas de préjudice grave, une décision sur leur affaire plutôt que d’attendre des années le
jugement sur une requête au fond. Elle met ainsi le juge à même de remplir sa fonction de contrôle
de l’action de l’administration, notamment en vue d’assurer l’application par cette dernière des
décisions de justice. Elle remédie ainsi à l’un des dysfonctionnements les plus graves de la
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juridiction italienne, qui résulte d’un retard énorme dans le traitement des affaires, si l’on songe
qu’à Rome, le stock de dossiers en retard s’élèverait, comme on l’a déjà dit, à 160 000 dossiers.
En France, l’introduction de la procédure de référé a marqué aussi une étape fondamentale dans
l’évolution de la juridiction administrative. Mais elle n’a pas pour autant acquis le caractère
central qu’elle a acquis en Italie au point de devenir, dans ce pays, dans la moitié des cas, la
procédure obligée pour faire juger un recours.
III- Aspect droit comparé de votre stage
Les aspects de droit comparé ont été développés dans les parties II et III ci-dessus. On n’y reviendra
donc pas ici. Il faut toutefois préciser que l’aspect de droit comparé a souvent été abordé au cours des
discussions avec les collègues italiens, curieux de connaître les particularités du système juridique
des pays d’origine de chacun des stagiaires.
IV- Aspect européen du stage
En ce qui concerne le droit européen, les stagiaires n’ont eu que très peu d’occasions de constater
l’application du droit européen par le juge italien. Au cours d’une audience, il a été certes fait
allusion à un problème de répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire
en matière d’expropriation. Après que le législateur a attribué ce contentieux au juge judiciaire en
1998, la cour de cassation italienne a élaboré une jurisprudence fondée sur le concept « d’occupation
acquisitive », dont l’effet était de restituer la compétence en la matière au juge administratif. La cour
de justice de Luxembourg et la cour européenne des droits de l’homme ont constaté qu’il y avait là
une violation du droit de propriété. Mais c’est l’unique fois qu’il a été fait une mention précise du
droit du droit européen. Pour le reste, c’est l’application exclusive du droit italien qui a pu être
repérée par les stagiaires. Ainsi, à propos des affaires de refus de délivrance de titres de séjour à des
étrangers évoquées au cours de certaines audiences, les stagiaires n’ont pas pu constater que la
juridiction aurait statué sur le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la convention européenne
des droits de l’homme, relatif à la violation de la vie privée et familiale, alors que ce moyen est
systématiquement soulevé, en contentieux des étrangers, devant les juridictions administratives
françaises.
VI Bénéfices retirés du stage
L’auteur de ce rapport a tiré un grand bénéfice de ce stage. Alors qu’il lui avait déjà été permis de
participer à des congrès internationaux et d’avoir une assez bonne approche du droit administratif
italien, le stage a été l’occasion d’approfondir cette connaissance, restée jusque là très théorique et
parcellaire et de fixer les idées de façon beaucoup plus précise. Surtout, le stage a permis d’avoir une
idée du fonctionnement concret de la justice administrative italienne.
L’utilité pour la pratique professionnelle apparaît double : d’une part, le regard porté sur une
juridiction administrative étrangère permet à un magistrat français d’avoir un recul critique sur le
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fonctionnement de son propre système et d’entrevoir des solutions inédites à certains problèmes qui
se posent à toutes les juridictions d’Europe. Par exemple, le problème de l’arriéré de dossiers anciens
a été traité en Italie au moyen de l’intervention du législateur, qui a prévu un système de péremption
des litiges non jugés dans un délai de dix ans (très récemment ramené à 5 ans). Sont également en
voie d’être instituées, dans la juridiction administrative italienne, des sections spécialisées, dites
« sezioni stralcio », chargées de traiter les litiges les plus anciens selon un plan d’apurement, sur le
modèle de la juridiction civile, ces sections étant composées à la fois de magistrats en activité et de
magistrats honoraires.
D’une manière générale, la connaissance approfondie d’une autre juridiction étrangère permet
d’envisager des solutions jurisprudentielles qui soient en phase avec une conception générale
européenne et non strictement nationale. Les problèmes posés par l’existence dans la juridiction
administrative française d’un rapporteur public (ex commissaire du gouvernement) inconnu dans les
juridictions administratives allemandes et italiennes en sont un exemple.
De manière concrète, l’expérience acquise au cours de ce stage pourrait déboucher sur une
conférence donnée à Paris destinée à informer un large public de magistrats administratifs français
sur le droit administratif italien.
VII Suggestions
Certains aspects du Programme d’Echanges pourraient être améliorés : Il est ainsi dommage que les
échanges entre des juridictions comparables comme le tribunal administratif de Rome et celui de
Paris ne soient pas plus institutionnalisés. La venue d’un magistrat du tribunal administratif de Paris
à Rome pourrait être complétée par la venue d’un ou plusieurs magistrats du tribunal de Rome à
Paris. Un suivi de ces échanges pourrait être mis en place.
Le stage de deux semaines pourrait être suivi, l’année suivante, d’un stage de plus longue durée pour
permettre une réelle insertion du magistrat stagiaire dans la juridiction d’accueil.
On pourrait permettre également aux stagiaires qui parlent plusieurs langues de l’union européenne
de faire un stage dans un troisième pays, avec l’idée de confronter son expérience dans son propre
pays et le premier pays d’accueil sur une échelle plus large.
L’autre aspect qui pourrait être développé au cours du stage est une majeure participation des
stagiaires, tout au moins de ceux possédant un niveau de langue suffisant, à la technique de rédaction
des jugements. Il pourrait être demandé par exemple au magistrat en stage de rédiger un véritable
projet de jugement, en ce qui concerne un litige simple. Ce projet serait revu par un magistrat de la
juridiction. L’immersion concrète dans le système juridique du pays d’accueil serait plus efficace.
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RESUME
Le rapport décrit le « tribunale amministrativo regionale del Lazio » (TAR), qui siège à Rome, et qui
a été l’institution d’accueil de 5 stagiaires, espagnol, autrichien, roumain et français, pour la période
du 22 février au 5 mars 2010.
Le déroulement du stage a consisté en des séances de préparation aux audiences tenues par le tribunal
et en la participation des stagiaires à ces audiences, au côté des magistrats italiens. Les stagiaires ont
été également invités à participer à une audience du Conseil d’Etat italien. Enfin, ils ont assisté à
l’inauguration de l’année judiciaire 2010 du TAR de Rome, au cours de laquelle le président a fait un
exposé général sur le fonctionnement du tribunal.
Une description de l’organisation et du fonctionnement du TAR del Lazio est brièvement faite dans
le rapport : Le TAR Lazio est l’un des 20 tribunaux administratifs régionaux italiens, lesquels
constituent la juridiction de première instance en Italie. Il est divisé en sections, chacune de ces
sections étant elle-même divisée en sous-sections bis, ter et quater. Sa compétence matérielle est
beaucoup plus large que celle d’un tribunal français comparable, comme le tribunal administratif de
Paris, ce qui fait que le TAR del Lazio n’est pas, en Italie, un tribunal d’importance locale, mais une
juridiction d’importance nationale. Cependant, le volume des affaires traitées n’est pas supérieur à
celui traité par le tribunal administratif de Paris et l’arriéré des dossiers est beaucoup plus important à
Rome.
Le rapport choisit ensuite de décrire un aspect particulier du droit administratif italien, à savoir la
procédure de référé, dite « tutela cautelare », fondamentale pour le bon fonctionnement de la
juridiction administrative en Italie. Le rapport fait une comparaison avec la procédure française de
référé suspension, en insistant sur la parenté étroite de ces deux procédures, au-delà des différences.
L’aspect européen est évoqué, pour constater que les stagiaires n’ont eu que peu d’opportunités de
constater l’application du droit européen pendant la durée de leur stage.
Le rapport se termine sur les bénéfices tirés par les stagiaires et sur quelques suggestions en vue
d’améliorer l’intérêt et l’efficacité du stage.
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