Talons hauts De toutes les aventures que je vais vous raconter. De
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Talons hauts De toutes les aventures que je vais vous raconter. De
Talons hauts De toutes les aventures que je vais vous raconter. De tout ce flot de paroles vomi par ma bouche, mes amis, il n’y en a qu’une, je vous l’annonce, qui vous marquera à jamais. Elle pourrait se passer n’importe où ; A deux pas de chez vous ; Peut être en avez-vous été témoin ? Pourquoi pas ? Mais pardonnez-moi ! Je ne sais comment faire ! Si vous n’aimez pas mon emphase … pardonnez-moi ! M’écouter est le seul moyen que j’ai ; le seul moyen de ne pas laisser échapper un détail ; ce cruel petit détail qui peut vous changer le court d’une histoire. A l’heure où je vous parle les pigeons, rats ailés de la métropole, commencent doucement à mouvoir leurs cranes de piaf. Les rayons du soleil réchauffent timidement le macadam humide. La brise, légère, vient revigorer les rares touffes de lichen qui jonchent le joint de la chaussée. Je suis quelque part. Ici et ailleurs. Partout en fait. Tiens ! Si vous tendez l’oreille vous devez entendre ! Vous entendez ? Au loin un claquement sec et régulier. Deux hauts talons avancent frénétiquement sur le trottoir. Le pas est assuré et la direction franche. Les escarpins suivent leur route, bifurquent, s’arrêtent, repartent. De longues minutes passent sans que rien ne semble pouvoir les faire dévier de leur but. Ils stoppent face à une porte, miteuse barrière de bois au vernis éclaté. Quelques coups sourds se font entendre. Un Judas s’ouvre, se referme. La planche s’écarte et laisse s’engouffrer nos deux déterminés. Que le lecteur se prépare !!! Mon aventure n’est pas un conte de fée. C’est un cri de l’âme. Mes deux talons ne sont pas souliers de verre qui… Mais peu importe, vous êtes prêt ! Vous devez être prêt… Les talons sont dans une pièce, l'atmosphère y est chaleureuse et feutrée. Dans la salle quelques groupes disparates. Des buveurs braillent en suant de tout leur soûl. Une poignée de copines discutent en désagrégeant les glaçons de leurs vaporeux cocktails. Des couples roucoulent, dansent - pour certains - sur un coin de la piste. Silhouettes fantomatiques de mon fantasme, le décor est planté. Toc, toc, toc les quilles se rapprochent du bar. Elles ne sont que le majestueux prolongement d’un de ces culs à vous rendre toutes jalouses. Un cul… et quel cul ! Vision narcissique, mais quel cul !!! Flanquée sur un tabouret haut la silhouette trône. Les jambes se croisent, se défont, se recroisent. En coin les fêtards ne peuvent rester indifférents. L’atmosphère est soudain… électrique. Tout à coup… Je l’aime bien cette locution. Elle fonctionne à chaque fois!!! Le tout à coup, c’est un peu une sorte de « canicule littéraire ». D’ici que vous réussissiez à le camoufler un peu, vous faites trainer l’action et subrepticement vous lui retirez sa muselière. Alors il va vous mordre le cardio. Tout à coup, donc … un homme hirsute, surgit au milieu de la piste. Ours superbe il toise, grogne, défie. Le temps s’est soudain arrêté. La brute esquisse un mouvement, se ravise, menace, recule et va finalement s’écrouler sur une table voisine en bon gros pochard velu et suintant le mauvais bourbon. Simple alerte, trompe l’œil, illusion et le temps reprend son cours. Les jambes sont là, justes là. Elles observent en silence. En silence. Et quel silence. Et quel interminable silence… Ca ne vous rappelle rien ? Ne dit on pas « le calme avant la tempête » ? Une tempête ? La tempête ! Ca y’est nous y sommes !!! Elles frémissent, s’écartent violemment - une clope fumante tombe au ralenti avec son fume cigarette - tremblent et prises de spasmes, s'agitent frénétiquement. Elles se dressent plus vivement que le membre de … hum je m’emporte… Elles se dressent tel deux pitons, s’immobilisent quelques instants dans l’atmosphère et retombent inertes. La pièce est tétanisée. Un hurlement déchire l’air. Une fuite. Une porte qui claque, des cris, le monde s’affole. Une fuite. Une fuite ? Des fuites ! Et puis plus rien … Juste une sirène très lointaine. Voilà ! Vous savez tout ! Alors ? … Merde vous espériez quoi ? Une petite valse peut être ? Un tango ? Ca vous aurait bien arrangé ça … un petit tango… et bien non. Le silence, juste le silence. Le silence ! Le silence ! Enfin plus maintenant! Il y a un petit bruit qui m’assaille. Je le ressens au fond de mon être. Ah si vous pouviez l’entendre … cette onomatopée à vous glacer le sang. Ploc, ploc, ploc. Le sang… Du sang. Oui c’est bien du sang. Une flaque de liquide rouge recouvre progressivement le sol. Sur la flaque, une onde se propage. Des gouttes perturbent la surface de l’épais liquide. Des gouttes qui tombent. Qui tombent. Qui tombent … qui perlent sur la pointe d’un des talons. Du sang coule sur une des jambes. Un mince filet qui descend doucement. On remonte le fil rouge, la robe, la trainé épouse la forme des seins, la gorge, le menton et ce jusqu'à la bouche. La bouche. La bouche. Et quelle bouche ! Et quelle horreur ! Un pieu dans le gosier, ce matin très tôt, dans un club privé parisien, Victor vient de trouver la mort. Victor. Victor. Victor vient de trouver la mort. Alors je n’en puis plu. Ma propre respiration me fait suffoquer. J’ai pris le temps de vous raconter, mais l’aparté doit s’arrêter. Je sens le froid m’envahir. Je sens la vie me quitter. Mon âme fuit l’amas de chair gainé de cette seyante robe que je porte pour la dernière fois. Je ne me souviens pas avoir d’ennemis. Je ne me souviens pas avoir fait de mal à mon prochain. Pourtant je suis forcé de fuir. L’intolérance m’a coupé les vivres. J’ai faim ! J’ai faim ! J’ai faim. Alors je m’évanouis dans les ténèbres.