J`ai l`honneur aujourd`hui d`introduire la table ronde N°3 intitulée
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J`ai l`honneur aujourd`hui d`introduire la table ronde N°3 intitulée
J’ai l’honneur aujourd’hui d’introduire la table ronde N°3 intitulée « enjeux identitaires, normatifs, éthiques et sociétaux » … tout un programme ! Avant de vous présenter les intervenants je souhaite vous proposer quelques ouvertures à la réflexion qui me semblent des préalables importants quand nous nous intéressons à l’évolution des techniques et de leurs incidences dans nos repères identitaires, normatifs et éthiques. Une première notion qui me paraît centrale est celle de l’inédit. En effet, l’évolution, voire révolution technologique (ou plutôt technique pour être exacte) nous amène face à des situations nouvelles et difficilement imaginables auparavant. Ainsi, nos repères se trouvant bousculés, on arrive souvent à faire abstraction du passé et envisager le changement dans une rupture telle où finalement tout nous semble nouveau, même ce qui ne l’est pas. C’est assez flagrant dans le cas des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) où l’on oublie volontiers les autres moyens que l’humain avait imaginés pour répondre à ce besoin inchangé de s’informer et de communiquer. Mais c’est aussi le cas pour ce qui est au cœur de ce colloque « l’humain augmenté ». Dans le prolongement du corps qu’offrent les techniques, comme nous précise Leroi-Gourhan (1971)1 nous retrouvons finalement dans les outils des sortes de prothèses qui vont nous permettre l’accomplissement de gestes. Les techniques devenant finalement comme le souligne Jacques Perriault (2001) « des externalisations par l’homme des gestes qu’il a réifiés sous forme d’instruments, d’outils »2. Mais l’inédit des prothèses de l’humain augmenté de nos jours réside peutêtre sur le fait qu’elles traversent la frontière « sacrée », venant habiter l’intérieur du corps, se combinant avec lui. Les craintes et espoirs de cette réalisation sont proportionnelles à cet exploit de l’humain. On se demande jusqu’où ce progrès peut aller et l’inquiétude ou les tentatives de se rassurer sont fortes, nous rappelant les travaux de Sigmund Freud (1919) dans 1 Leroi-Gourhan, A. (1971). L’homme et la matière. Évolution et technique, Paris : Albin Michel. Perriault, J. (2001). Entretien avec Sylvain Missonnier et Hubert Lisandre. Dans S. Missonnier et H. Lisandre (dir.), Le virtuel : la présence de l’absent (p.59-65). Paris : Editions EDK. 2 l’Inquiétante étrangeté3 où l’effrayant semble souvent associé à des situations où l’humain et le non-humain se mélangent. Mais au-delà de ces craintes spécifiques à notre humain augmenté, le but des inventions humaines étant de pallier un manque, est créée une dépendance à la hauteur de l’efficacité proposée. Le gain et la perte qui s’ensuivent sont difficilement perçus d’avance. Nos questionnements rejoignent ainsi d’autres bien plus anciens, mais finalement très actuels. En effet, dans le dialogue Phèdre de Platon (424-348 av JC), nous retrouvons une discussion étonnante de par sa diachronicité. Theuth parla de l’invention de l’écriture à Thamus, Roi d’Egypte, afin que ce dernier donne son avis « Voici, o Roi, dit Theuth, une connaissance qui aura pour effet de rendre les Egyptiens plus instruits et plus capables de se remémorer : mémoire aussi bien qu’instruction ont trouvé leur remède (pharmakon) »4. Le Roi lui répond que c’est là qu’il cache également son poison (pharmakon), un supplément dangereux qui affaiblit ce qu’il suppose affermir. Peut-être qu’en ayant à l’esprit le pharmakon dans sa double valence, contenant en lui le paradoxe remède – poison, on peut envisager les nouvelles techniques et leurs applications sans leur attribuer une valeur propre. Car finalement, comme le souligne Derrida pour l’écriture « elle n’a pas d’essence positive ou négative »5. Nos questionnements normatifs, éthiques et sociétaux doivent bel et bien cibler les applications, sans les extraire de la continuité de notre histoire et de notre humanité. Et justement, dans les présentations qui vont suivre nous allons nous intéresser à des applications singulières et les questionnements qu’elles soulèvent. 3 Freud, S. (1919). L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris : Gallimard, 1987. Platon cité par Derrida, J. (1968). La pharmacie de Platon. La dissémination (p.77-213). Paris : Éditions du Seuil, 1972. 5 Derrida, J. (1968). La pharmacie de Platon. La dissémination (p.77-213). Paris : Éditions du Seuil, 1972. 4 Nous allons commencer par la présentation de Monsieur Thierry Jandrok, psychologue clinicien, docteur en psychologie clinique et psychopathologie, chercheur associé au Laboratoire de Subjectivité, lien social et modernité (SULISOM) à Strasbourg qui va s’intéresser à l’humain à la fois augmenté et diminué dans un entre-deux paradoxal. Avec son intervention, il va nous éclairer sur les notions de sarkos, corps et soma avant de se pencher plus précisément « sur les conséquences subjectives de l’installation et de l’intégration psychique des dispositifs cybernétiques que le cinéma et la littérature de science fiction ont maintes fois exploré ». Ensuite, Monsieur Benoît Walther, membre de l’association des personnes concernées par des malformations congénitales des membres va nous parler de l’agénésie des membres en soulevant des questions très intéressantes sur la place des prothèses. En effet, l’amputation congénitale place les personnes concernées face à un paradoxe : elles se sentent entières au niveau du schéma corporel tout en étant perçues comme amputées par les autres. Dans cette situation la prothèse est-elle un outil ? un ajout ? Quelle est sa fonction et quelle est son utilité ? Nous allons ensuite passer à la présentation de Monsieur Joffrey Becker, doctorant en anthropologie sociale, rattaché au Laboratoire d’anthropologie sociale – CNRS-EHESS qui va nous parler de la robotique dite sociale avec des programmes visant à reproduire artificiellement les conditions du lien social. « Les machines doivent dans l’avenir trouver une place dans des espaces jusque-là réservés aux humains. Que resterait-il de social dans les relations que nous pourrions entretenir avec elles ? » Et nous allons terminer avec la présentation de Monsieur Jean-Paul Callède, Docteur en sociologie, Chargé de recherche – HDR au CNRS, Membre du Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique de la Sorbonne, qui va nous parler du « sportif bionique ». En s’intéressant à l’augmentation ou la suppléance technologique et l’augmentation ou la suppléance invasive, il va nous proposer une réflexion sur la réussite et les déviations venant de l’intégration des avancées scientifiques et technologiques dans le domaine du sport.