platon-Gorgias

Transcription

platon-Gorgias
PLATON
la justice selon la nature
Calliclès:
Or, d'elle-même la nature, au rebours, révèle, je pense, que ce qui est juste, c'est que celui qui vaut plus ait
le dessus sur celui qui vaut moins et celui qui a une capacité supérieure, sur celui qui est davantage dépourvu de capacité. Qu'il en est ainsi, c'est d'ailleurs ce qu'elle montre en maint domaine: dans le reste du règne
animal comme dans les cités des hommes et dans leurs familles, où l'on voit que le signe distinctif du juste,
c'est que le supérieur commande à l'inférieur et ait plus que lui. En vertu de quelle sorte de justice, dis-moi,
Xerxès a-t-il fait une expédition contre la Grèce, ou son père contre les Scythes? sans parler de mille autres
exemples analogues que l'on pourrait alléguer. Eh bien! cette conduite de la part de ces gens-là est conforme à une nature, à la nature du juste, et, par Zeus! conforme en vérité à une loi qui est celle de la nature;
non point toutefois, sans doute, à celle que nous, nous avons instituée. Modelés à façon, les meilleurs et les
plus forts d'entre nous, pris en main dès l'enfance, sont, tels des lions, réduits en servitude par nos incantations et nos sortilèges, apprenant de nous que le devoir est l'égalité, que c'est cela qui est beau et qui est
juste! Mais, que vienne à paraître, j'imagine, un homme ayant le naturel qu'il faut, voilà par lui tout cela
secoué, mis en pièces: il s'échappe, il foule aux pieds nos formules, nos sorcelleries, nos incantations et ces
lois qui, toutes sans exception, sont contraires à la nature; notre esclave s'est insurgé et s'est révélé maître.
C'est à cet instant que resplendit la justice selon la nature.
Platon (vers 420-340 av. J.-C.l, Gorgias (vers 390 av. J.-C.l, traduction de L. Robin et M.-J. Moreau, Bibliothèque de la Pléiade, Éd. Gallimard, 1950, 483 e, p. 427.

Documents pareils