Pour consulter le Discours du Président

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Pour consulter le Discours du Président
ALLOCUTION DE MONSIEUR BERNARD MURAT, PRESIDENT DU SNDTP,
A L’OCCASION DE LA PRESENTATION DE LA 1ERE PARTIE DE SAISON 2016/2017
THEATRE DE PARIS – JEUDI 15 SEPTEMBRE 2016
Mesdames et Messieurs, Chers confrères, chers amis,
Bienvenue à cette présentation de 1ère partie de saison 2016-2017 organisée par le Syndicat
National du Théâtre Privé. Vous avez devant vous toute la diversité de programmation de
nos 80 adhérents : Théâtres-Producteurs, Producteurs-entrepreneurs de tournées et salles
de spectacles.
Je remercie Richard Caillat et Stéphane Hillel de nous accueillir encore une fois dans ce
magnifique Théâtre de Paris.
Cette rentrée Théâtrale que nous découvrons chaque année plus foisonnante est la
conséquence de l’élargissement de la représentativité de notre syndicat. Depuis 5 ans, nous
avons augmenté nos adhérents de 50%.
Les Grands Théâtres, P’tite Peste Production, Matrioshka Production, Zoom Théâtre, La
Salle Gaveau, le Théâtre de Dix Heures et Sistabro Production nous ont ainsi rejoints depuis
janvier 2016.
Cette progression incarne la volonté des femmes et des hommes de théâtre que nous
sommes de continuer à créer des spectacles et à les proposer au plus large public malgré le
contexte difficile et anxiogène que tous les lieux recevant du public partagent en cette
rentrée.
Grace au Fonds d’urgence créé fin 2015 et ré-abondé par l’État avant l’été de près de 7M€,
nos entreprises de spectacle vivant peuvent heureusement être accompagnées pour mettre
en œuvre les mesures de sécurité renforcées et indispensables pour rassurer nos
spectateurs, les artistes qui se produisent chaque jour dans nos salles ainsi que l’ensemble
de nos équipes.
Cependant les moyens de ce fonds d’urgence ne sauraient être suffisants pour répondre à la
prise en charge de toute la sécurité à mettre en œuvre pour les salles de spectacles et les
festivals, dès lors que n’a pas encore été chiffré, ni pris en compte, le coût des équipements.
En outre, le fonds d’urgence avait également comme objectif de soutenir les entreprises très
fragilisées économiquement suite à des annulations de dates ou à des baisses d’activité
importantes dues aux attentats de novembre 2015.
Qu’en est-il 10 mois plus tard ? J’ai pour ma part un sentiment partagé. Je souscris
pleinement à l’objectif initial de l’Etat avec le soutien des autres partenaires contributeurs de
créer un Fonds unique pour le Spectacle Vivant permettant rapidement de disposer de
moyens conséquents pour le secteur, près de 14,5 millions d’€uros à ce jour.
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Pour autant, je ne peux que constater que les règles et procédures de ce fonds ne sont pas
toutes adaptées à l’ensemble des entreprises de nos branches, et notamment aux Théâtres
Privés.
Malgré la qualité du travail des équipes du CNV, je continue à penser que les conditions
d’éligibilité aux aides du fonds d’urgence et leur mode d’attribution sont incompatibles avec
les dispositifs d’intervention du Fonds de soutien au Théâtre Privé et notamment avec celui
de la garantie de déficit. De fait il aurait été certainement plus simple de nous réserver une
enveloppe conjoncturelle dans le cadre de ce fonds et de nous en laisser la gestion…. Mais
je ne souhaite pas rouvrir ce débat, il a été tranché, nous nous réservons d’en faire le bilan
dans quelques mois.
Je ne vous l’apprends certainement pas, la Présidente de l’ASTP Marie-France Mignal et
moi-même avons, depuis plusieurs mois, alerté l’Etat et la Ville de Paris sur la situation
financière préoccupante de notre Fonds de soutien.
Le Ministère et la Mairie ont pris aujourd’hui conscience de nos difficultés et se sont
engagées à nous accompagner pour passer le cap conjoncturel lié aux attentats de 2015,
mais aussi prendre en compte les besoins structurels de notre secteur. Si leurs
engagements financiers restent très en deçà des besoins que nous avions pu chiffrer pour
2016, je les remercie cependant d’avoir pu dégager des enveloppes budgétaires dans un
contexte économique que l’on sait très contraint.
La situation reste cependant très périlleuse, et si un dialogue responsable et constructif s’est
instauré ces dernières semaines entre nous, tant au niveau politique que des services, il doit
perdurer et se traduire par des actes forts au-delà des engagements symboliques que nous
avons reçus. Parce que, encore une fois, notre système est vertueux et peu consommateur
de deniers publics. On parle ici d’un soutien à tout un secteur pour moins de 1€ par place de
Théâtre…
Si certaines mutations sont inéluctables, nous sommes légitimement attachés à l’ASTP,
parce que nos modalités de soutien ont fait la preuve de leur efficacité depuis plus de 50 ans
en maintenant l’existence de lieux producteurs qui assument les risques de la création sur la
durée. Et je pense notamment aux petits lieux producteurs de moins de 400 places qui font
un travail essentiel de découverte et d’expression des nouveaux talents.
Je tiens à rappeler que contrairement aux mécanismes CNV, le soutien au Théâtre Privé est
construit sur un principe assurantiel.
Quand un théâtre adhère aux mécanismes des aides à l’exploitation ASTP, il renonce en
parallèle à tout retour automatique de la taxe fiscale qu’il aura générée, celle-ci est
entièrement versée au pot commun de la solidarité. Ce n’est qu’en cas d’exploitation
déficitaire sur un spectacle qu’un adhérent pourra prétendre à des aides de l’ASTP. C’est
pourquoi nous disons régulièrement que les succès des uns permettent de soutenir les
insuccès des autres.
J’entendais dernièrement des interrogations sur le fait que notre fonds de soutien puisse
aider des théâtres dont les capitaux sont détenus par des grands groupes… Je souhaite être
très clair sur ce sujet : pour nous, il s’agit là d’un faux débat.
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Dans l’industrie ou l’agriculture est-ce que cette question est posée lorsqu’il existe des
mécanismes de soutien à une activité ? Non,…. mais les règles d’attribution peuvent ne pas
être les mêmes entre des entreprises de tailles différentes afin de respecter un principe
d’équité.
Or les principes fondateurs du Théâtre Privé, principe de solidarité et de mutualisation des
risques se sont toujours accompagnés de mécanismes régulateurs de ce type, ainsi les
petits théâtres plus faiblement contributeurs à la solidarité sont en proportion largement
mieux accompagnés dans leur prise de risques que les grands lieux.
Et, on ne le dira jamais assez. Parce que nous sommes soucieux de l’emploi permanent et
intermittent et de la préservation d’une activité théâtrale indépendante et diverse, nos
théâtres doivent respecter des règles contraignantes mais vertueuses en matière d’emploi
permanent technique, de nombre de représentations théâtrales dans l’année et de durée
minimum d’exploitation des spectacles pour bénéficier des aides ASTP.
Dans ce contexte, et dans tout juste un mois, se tiendront des élections à l’ASTP. Chère
Marie-France Mignal, tu as fait savoir que tu ne briguerais pas de nouveau mandat après les
16 années que tu auras passées à la Présidence de l’ASTP, tu peux être très fière car la
tâche n’a pas toujours été facile. Je souhaite ici te remercier au nom de tous nos confrères
pour ton engagement indéfectible au service de notre profession.
Dans un environnement complexe à plusieurs titres, notre Syndicat, pleinement impliqué
dans le devenir de l’ASTP, souhaite que les directrices et directeurs candidats à des
responsabilités au Conseil d’Administration du fonds de soutien puissent refléter toute la
diversité mais aussi la cohésion professionnelle du Théâtre Privé, mêlant expérience
confirmée et émergence d’une nouvelle génération de femmes et d’hommes de théâtre qui
partagent la même passion du métier et les valeurs de mutualisation et de solidarité qui sont
nôtres.
Ces élections vont intervenir dans un contexte où notre Fonds de soutien ne dispose plus
d’aucune marge de manœuvre budgétaire et a dû réduire récemment ses taux de prise en
charge qui n’atteignent plus que 25 ou 35% d’un déficit constaté après plafonnement stricte
de nos charges.
En tant que Président des Théâtres Privés je ne peux m’y résoudre. Nos entreprises
mériteraient au contraire d’être mieux accompagnées dans leur prise de risque,
particulièrement en cette période. L’objectif du SNDTP est de viser une prise en charge
minimale de 50%. Il faudra pour cela trouver des ressources supplémentaires et peut-être
adapter certaines règles. Notre Syndicat souhaite impulser une réflexion en ce sens. Celle-ci
se fera nécessairement en lien avec les représentants des instances de l’ASTP.
Au-delà des questions liées au Fonds de soutien, je souhaite aussi vous parler des projets
de notre organisation pour ses adhérents et des grandes tendances qui se dessinent.
L’ensemble du Spectacle Vivant Privé est en pleine mutation. On assiste à l’accélération des
phénomènes de concentration horizontale et verticale dans une partie du secteur,
notamment dans le secteur musical et de variété.
Si des groupes sont aussi déjà présents dans l’actionnariat de plusieurs de nos salles, le
Théâtre Privé avec les femmes et les hommes qui le dirigent restent cependant très attaché
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à la notion d’artisanat et au maintien de la diversité de création qui l’accompagne, car c’est le
cœur de notre métier.
Nous ne faisons pas exception, le développement du digital bouleverse considérablement
nos économies et les liens entre créateurs et spectateurs.
Nier les évolutions de notre société serait vain. On sait aujourd’hui que la connaissance et la
maitrise des fameuses Datas est devenu un enjeu essentiel pour toutes les entreprises.
C’est un moyen pour conquérir de nouveaux publics et fidéliser les spectateurs avec une
offre de spectacles dont la visibilité est accrue et la réservation facilitée.
Mais parce que nous ne sommes pas dans un monde idyllique, il faudra que le partage de la
valeur ne se fasse pas au détriment des entreprises de spectacles, ou des plus fragiles
d’entre-elles, au risque d’entrainer un appauvrissement de l’offre culturelle. Je sais que les
Pouvoirs Publics ont consciences de ces enjeux.
Le numérique est donc un formidable outil dès lors qu’il peut être mis au service du
développement de TOUTE la création et de l’amélioration de la diffusion des spectacles.
Dans ce contexte, j’ai pris connaissance dernièrement des chiffres de l’activité globale du
théâtre privé depuis ce début d’année. A défaut d’être totalement rassurants ils sont plutôt
encourageants.
On constate ainsi que les spectacles en tournée connaissent une belle progression. Avec
environ 8% de spectateurs supplémentaires et un prix moyen par place qui augmente de
presque 9% pour atteindre un peu plus de 23€.
La fréquentation de fin 2015 avait connu une baisse très sensible à Paris, avec -35% pour
les semaines qui ont suivi les attentats du 13 novembre, je peux aujourd’hui vous indiquer
que la fréquentation et les recettes de billetterie de début janvier à fin août 2016 à Paris sont
sensiblement comparables à celles de la même période en 2015, avec cependant une légère
baisse des recettes de l’ordre de 1% et une petite augmentation de 1% du nombre de places
vendues.
On constate ainsi que le prix moyen d’une place dans un théâtre parisien continue de
s’éroder et qu’il est aujourd’hui inférieur à 30€ et plus proche de 28€.
Le maintien global du chiffre d’affaires de la billetterie de spectacles de théâtre
s’accompagne, on le constate depuis quelques temps, y compris aujourd’hui devant ce mur
d’affiches, d’un accroissement du nombre de spectacles proposés et d’une diminution des
durées moyennes d’exploitation de ces mêmes spectacles. Si on peut se féliciter de la
vitalité que cela traduit en termes de création et de proposition de sorties pour les
spectateurs, on constate parallèlement une difficulté croissante d’équilibrer les comptes
d’une production pour nos entreprises, sans parler des coûts supplémentaires liés à la
sécurité.
C’est pourquoi, le Syndicat National du Théâtre Privé souhaite obtenir, à l’instar de ce qui a
été fait pour le secteur musical et de variété, un crédit d’impôt pour le Spectacle Vivant
théâtral. A ce stade, nous souhaitons que ce crédit d’impôt soit réservé à la création de
spectacles d’auteurs vivants et comprenne des dispositions fortement incitatives à
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l’augmentation du volume d’emploi, notamment en termes de plateau artistique : des
discussions sont en cours.
J’ai par ailleurs souhaité que Philippe Lhomme, Président du secteur des Cabarets soit
aujourd’hui à mes côtés. Nous avons en effet, juste avant l’été, concrétisé plusieurs mois de
discussions entre nos représentants des Théâtres et des Cabarets Artistiques. Après
validation par nos instances respectives, nous avons ainsi créé la fédération de la création
artistique privée, théâtres, cabarets, producteurs, diffuseurs et lieux de spectacles. Nous
l’avons baptisée « SCÈNES ».
Outre des points communs très structurants, notamment ceux de regrouper majoritairement
des lieux producteurs et de représenter près de 5000 salariés dont la moitié de personnels
permanents, chiffres très significatifs à l’échelle du Spectacle Vivant, nous partageons avec
les Cabarets la volonté de développer de nouveaux services et outils au bénéfice de nos
adhérents.
Cette fédération s’inscrit aussi très clairement dans une logique d’ouverture et une volonté
de dialogue entre toutes les composantes du Spectacle Vivant, respectant les identités fortes
de chaque organisation professionnelle.
Cher Philippe, si vous voulez me rejoindre pour dire quelques mots avant que je conclus
cette présentation de première partie de saison 2016-2017 ?
……..
Pour conclure je souhaite simplement vous dire que je pense très sincèrement que c’est par
la défense de la diversité des entreprises qui composent notre branche que nous
préserverons l’existence d’une création ambitieuse et multiple dans le Théâtre et plus
généralement dans le Spectacle Vivant Privé.
Chers Confrères, Chers Amis, je vous remercie pour votre attention et vous invite à
poursuivre, autour d’un verre, nos échanges avec les artistes qui seront sur nos scènes cette
saison.
Belle rentrée à tous.
Bernard Murat
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