1 intervention de bernard murat, president du
Transcription
1 intervention de bernard murat, president du
INTERVENTION DE BERNARD MURAT, PRESIDENT DU SNDTP A LA PRESENTATION DE LA DEUXIEME PARTIE DE SAISON 2015/2016. THEATRE DE PARIS, MARDI 19 JANVIER 2016. Mesdames et Messieurs, chers amis, Comment démarrer cette nouvelle année, comment se plier au rituel des vœux, comment vous parler de nos théâtres et de nos spectacles de cette 2è partie de saison en faisant abstraction des évènements que nous avons de nouveau vécus le 13 novembre, à Paris ? Ces images terribles sont encore dans nos esprits, et quels que soient les sentiments qui nous habitent, douleur, incompréhension, deuil, colère, nous ne pouvons les évacuer. Permettez-moi cependant de vous souhaiter une bonne et heureuse année, non pas en faisant mine d’oublier les drames de notre époque, mais au contraire parce qu’ils nous imposent de faire preuve, plus que jamais, d’humanité, de civilité, de tolérance. En ce début d’année, je suis convaincu que la présentation de nos spectacles, pour la 2è partie de la saison, prend un relief particulier, comme le message implicite d’une vitalité inaltérable, d’un désir impérieux de continuer et d’innover, quels que soient les drames et les obstacles à affronter. Dans ces moments tragiques, nos théâtres ne baissent pas les bras, et nous avons pu mesurer avec quelle dignité et quelle résolution ils ont fait le choix de rester ouverts ou de limiter le plus possible leur fermeture, dans une relation de complicité accrue avec nos spectateurs. Rester ouvert, c’est rester debout, c’est résister à la crainte, au repli, au renoncement, et c’est aussi une façon de rappeler presque physiquement, que le Théâtre et la liberté de création sont l’un des remèdes les plus efficace contre la haine et l’obscurantisme. Une aussi noble mission ne doit pas empêcher de faire preuve de réalisme, et c’est dans cet esprit que nos théâtres ont su, à des degrés divers selon leur capacité et leur localisation, adopter de premières mesures de sécurité, en lien avec la préfecture de police et les commissariats de quartier, dont il faut souligner ici l’implication. Il est certain que cet effort devra être amplifié dans les mois et les années à venir, en termes d’équipements, d’aménagement de nos lieux et de formation de nos personnels ; sur ce dernier point notre syndicat a déjà pris l’initiative de demander la construction de parcours de formation spécifiques avec le soutien financier de l’AFDAS. Nous avons bien l’intention de poursuivre et d’amplifier le dialogue avec les pouvoirs publics sur toutes les questions liées à la sécurité afin d’améliorer l’information et l’accueil du public. Dans l’immédiat, notre syndicat s’est mobilisé aux côtés de l’ASTP pour que le Fonds d’urgence mis en place par le ministère de la Culture et hébergé au CNV prenne en compte un plan d’aide à la sécurisation des théâtres privés, basé sur la prise en charge partielle des surcoûts liés au recrutement d’agents de sécurité ; nous avons obtenu satisfaction sur ce point, avec l’appui du ministère, et également par un vote unanime des premier dossiers que l’ASTP a présenté aux fonds d’urgence vendredi dernier. Même si ce volet particulier est loin de résoudre toutes nos difficultés, je tenais à en faire état ici et à saluer la capacité de l’ASTP à proposer dès le mois de décembre un dispositif clair et responsable, compte tenu d’une parfaite connaissance de l’économie et des besoins de ses adhérents. 1 Il est d’ailleurs probable que cette première avancée puisse inspirer, quitte à les adapter, des mesures de sécurisation similaires en faveur d’autres secteurs du spectacle vivant, ce qui serait toutà-fait souhaitable en termes d’équité de traitement. Le réalisme nous impose en effet d’être lucides sur l’impact des évènements du 13 novembre, même si nous ne pouvons qu’en dresser un bilan très provisoire, et que personne n’est à ce jour en capacité d’en mesurer les effets à moyen ou long termes. Si l’on s’en tient aux seules fréquentations et recettes constatées, notion moins aléatoire que celle des réservations, notre indicateur le plus fiable réside dans les publications hebdomadaires de la SACD, à partir des représentations effectivement données. En comparant les 7 dernières semaines de l’année 2015 avec 2014, la chute est hélas très forte, avec – 30 % en nombre de spectateurs et – 28 % en recettes cumulées. Comme toutes les moyennes, ces chiffres cachent des situations très contrastées ; quelques succès disposaient de suffisamment de réservations pour n’être pas, ou très peu affectés ; parmi les spectacles qui connaissaient d’honnêtes fréquentations, certains ont pu, d’ores et déjà, retrouver, voire dépasser leurs fréquentations d’avant les attentats, quand d’autres semblent plus durablement atteints ; enfin, les spectacles qui n’avaient pas encore trouvé leur public depuis le début de la saison ont été percutés de plein fouet par les évènements, au point, très souvent, de devoir anticiper des arrêts qui devenaient inévitables. C’est dans ce contexte, difficile et contrasté, que nos théâtres se sont ralliés à l’opération « Ma place est dans la salle », organisée le 18 décembre dernier, soutenue par de nombreux artistes et très bien relayée dans les media ; je veux saluer sur ce point l’implication personnelle de notre confrère Laurent Bentata, directeur de Stage France et du théâtre Mogador, ainsi que la mobilisation exemplaire de nos adhérents autour d’une opération pleinement soutenue par le Syndicat. Personne ne peut imaginer qu’une telle opération soit en mesure de rétablir nos fréquentations comme par magie, mais la mobilisation qu’elle a révélée est un encouragement pour l’avenir. Il nous faut d’autant plus redoubler d’efforts et de combativité que nos théâtres ne souffrent pas uniquement des baisses des fréquentations sur leurs spectacles du soir ; n’oublions pas en effet les annulations des séances « jeune public », organisées en matinée, et celles affectant les locations et privatisations de toutes sortes, lesquelles contribuent aussi à la viabilité de nos entreprises. Cette conjoncture très difficile, et l’impossibilité de prévoir l’échéance d’un retour à la normale posent bien évidemment la question des mesures d’urgence ou mesures exceptionnelles sur lesquelles doit pouvoir compter le théâtre privé. Nous y sommes d’autant plus attentifs que notre secteur accumule, d’une certaine façon, les facteurs de vulnérabilité ; par nature très dépendant de la billetterie, il repose sur un tissu d’entreprises fragiles, qui ne peuvent s’appuyer que sur le seul Fonds de soutien. Or nous ne pouvons ignorer les graves difficultés que celui-ci affronte, alors qu’il affichait des signes d’une grande fragilisation financière, avant même la survenance des attentats de novembre, lesquels aboutiront nécessairement à amplifier ces difficultés. Il n’est pas difficile de comprendre le risque d’asphyxie qui menace le Fonds de soutien, pris en tenaille entre le creusement des déficits qu’il doit couvrir par sa garantie, quand dans le même temps, et pour les mêmes motifs, les recettes qu’il tire 2 de la taxe sur la billetterie vont immanquablement chuter et alors que nous ne disposons d’aucune réserve mobilisable comme cela peut être le cas pour d’autres institutions. Dans une démarche commune avec l’ASTP, nous avons donc estimé nécessaire d’alerter nos tutelles, le ministère de la Culture et la Ville de Paris, ainsi que nos partenaires historiques, la SACD et l’ADAMI, en soulignant l’urgente nécessité de doter le Fonds de soutien de moyens exceptionnels, sans lesquels il ne pourra, à court terme, faire jouer une solidarité plus que jamais nécessaire à nos théâtres. Nous avons pris le soin de préciser que cette aide exceptionnelle pourrait transiter via le Fonds d’urgence mis en place par le ministère de la Culture, car à vrai dire, peu nous importe les circuits de financement. En revanche, et compte tenu de l’organisation si particulière de notre secteur, nous revendiquons une aide globale au théâtre privé, transitant par le Fonds de soutien, et non la perspective d’aides individualisée, aléatoires dans leur délivrance et leurs montants, que nos théâtres seraient invités à venir quémander auprès de ce fonds d’urgence. A quoi cela rimerait-il en effet de s’inscrire dans un tel schéma si dans le même temps le Fonds de soutien s’avère rapidement dans l’incapacité d’aider les théâtres privés dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, au moment même où, paradoxalement, ils en ont le plus grand besoin ? Nous sommes persuadés que les discussions engagées sur ce point avec nos tutelles finiront par aboutir au nom du bon sens le plus élémentaire, mais aussi au regard de l’utilisation la plus efficace possible des fonds mobilisés dans ces circonstances exceptionnelles ; à dire vrai, et depuis ses origines, le Fonds de soutien est en lui-même un Fonds d’urgence et de solidarité, et plus que jamais, la préservation de ses capacités est une nécessité. En tout état de cause, nous pensons que la meilleure façon de répondre aux défis de l’heure passe par une approche économique et financière de la réalité quotidienne de nos entreprises, une connaissance fine de leurs contraintes et des réponses simples et rapides à leurs difficultés ; c’est en ce sens que notre syndicat s’est beaucoup impliqué auprès des organismes sociaux et administrations concernées, de façon à pouvoir négocier et obtenir des étalements ou moratoires sur leurs charges en cas de nécessités avérées. Saluons sur ce point l’écoute attentive de nos interlocuteurs d’AUDIENS. Si l’actualité nous impose une mobilisation sans faille sur tous ces fronts, elle ne doit pas nous empêcher de poursuivre nos actions de défense et de promotion du théâtre privé et d’engager de nouveaux projets. C’est ainsi que le syndicat se propose, dans les prochaines semaines, d’organiser une opération inédite, pour amplifier nos efforts en matière de diffusion en tournée des spectacles créés dans le théâtre privé. Il s’agit de réunir à Paris un nombre conséquent de diffuseurs et programmateurs implantés en région, d’ouvrir avec eux un dialogue sur la production et la diffusion des spectacles en tournées, et de profiter de ces rencontres pour mettre en avant des spectacles jusqu’à présent peu ou pas diffusés, avec le souci d’une confrontation très directe entre l’offre et la demande de spectacles. Je n’irai pas plus loin dans la description de cette action, dont notre Comité directeur doit plus précisément arrêter les modalités ; je confirme simplement qu’elle pourrait, en cas de succès, être 3 régulièrement renouvelée, avec le souci constant de dynamiser les échanges entre production et diffusion, entre acteurs du secteur privé et du secteur subventionné afin de rencontrer les publics les plus larges et de satisfaire l’objectif vertueux, véritable ADN du théâtre privé, de rechercher l’allongement des durées d’exploitation des spectacles. Comme je le rappelle à chacune de nos rencontres, jouer un spectacle sur la durée permet aux artistes et aux techniciens salariés intermittents d’allonger leurs périodes d’emplois, sujet essentiel à l’aube d’une réouverture des négociations de l’assurance chômage, aux créateurs de texte et de musique et aux metteurs en scène de bénéficier d’une rémunération bonifiée, car indexée sur la durée. A ce titre je tiens à saluer la Présidente du Syndicat des metteurs en scène Panchika Vélez avec laquelle nous avons signé en fin d’année dernière un nouvel accord régissant les relations entre les adhérents du SNDTP et les metteurs en scène, prévoyant comme le précédent, une dualité de rémunération, en droit d’auteurs au titre de la création intellectuelle et en salaires, au titre et de l’exécution matérielle de cette conception.. Compte tenu de l’actualité de la fin d’année, nous n’avons pu organiser de séance officielle de signature, mais nous allons très vite rectifier cela et en parallèle proposer aux partenaires sociaux de la branche une négociation relative aux metteurs en scène afin de mettre à jour nos anciens accords collectifs qui remontaient tout de même à 1986 (30 ans déjà !) dans la convention collective nationale du spectacle vivant privé. Je tenais par ailleurs à profiter de ce moment de rassemblement pour saluer la mémoire de ce comédien exceptionnel qu’était Michel Galabru, figure marquante et attachante de notre métier avec lequel bon nombre de nos directeurs ont eu la chance de travailler et de tisser des liens d’amitié et de grande complicité. Il nous manquera, et nous ne l’oublierons pas. Enfin, et pour conclure sur une note plus optimiste, je tiens également à saluer la présence parmi nous des nouveaux dirigeants des Théâtres de la Comédie Bastille, Christophe Ségura, du Studio Hébertot, Sylvia Roux, Yvan Varco et de La Madeleine, Dominique Bergin et Michel Lumbroso, en leur souhaitant la bienvenue et beaucoup de succès à la tête de ces belles maisons. Je remercie nos confrères Richard Caillat et Stéphane Hillel de nous avoir accueilli une nouvelle fois dans ce très beau Théâtre de Paris, et je vous renouvelle, Mesdames et Messieurs, chers amis, tous mes vœux pour cette nouvelle année, en souhaitant la placer sous le signe de l’espoir et de la solidarité, et en vous invitant bien sûr, à venir nombreux applaudir nos spectacles. Je vous remercie de votre attention. 4