Internet au travail et le droit à communiquer

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Internet au travail et le droit à communiquer
Tout à gagner : libertés au travail
- 5 - INTERNET AU TRAVAIL ET LE DROIT A COMMUNIQUER
Le constat est fait, aujourd’hui, que les salariés utilisent Internet, dont ils disposent dans le
cadre de leur travail, à des fins personnelles. Une entreprise peut-elle interdire à un salarié,
toute connexion Internet autre que pour un usage professionnel ? Cette interdiction
outrepasserait les dispositions de l’article L.1121-1 du Code du travail.
5.1. Que dit le droit
L’arrêt Nikon (1) a affirmé que le salarié a droit à une vie privée sur le lieu de travail. Il a le droit en
conséquence, d’utiliser le téléphone à usage non professionnel, d’envoyer un courriel à un proche…
Le Conseil constitutionnel (Cons.const., 10 juin 2009, n° 2009-580 DC), dans une décision récente
concernant la loi Hadopi et la possibilité d’une autorité administrative de fermer l’accès Internet à un
internaute, énonce que la communication par Internet ne peut être arrêtée, car elle contribue à la vie
démocratique et l’expression des idées et opinions, et que le droit à communiquer implique la liberté
d’accès aux services Internet. On voit donc que l’interdiction de connexion Internet dans l’entreprise
reste fragile juridiquement. Toutefois, des entreprises bloquent les sites illicites et notamment des
réseaux sociaux, comme Facebook qui est le site le plus bloqué. En cas d’usage d’Internet,
l’employeur met en cause sa responsabilité civile en sa qualité de commettant (2).
5.2. En cas d’une chartre informatique dans l’entreprise
De nombreuses entreprises ont mis en place des chartres informatiques, guide du bon usage de leur
réseau informatique. La charte consent souvent l’utilisation d’Internet mis à disposition du salarié. Elle
aborde souvent le sujet des droits d’auteur et définit les informations à caractère confidentiel, en
respectant le droit d’expression des salariés (3). La question se pose de leur opposabilité au salarié. La
chartre doit faire l’objet d’une information-consultation du comité d’entreprise, d’une transmission à
l’inspecteur du travail après avis, d’un dépôt au conseil des prud’hommes compétent, d’une
déclaration à la COMMISSION NATIONALE DE L’INFORMATIQUE ET DES LIBERTES (CNIL).
5.3. Les dossiers personnels
Il est pertinent de préciser qu’il est interdit à un employeur d’ouvrir un fichier ou un mail personnel
hors la présence du salarié. Le salarié doit préciser clairement et sans ambiguïté, pour protéger sa vie
privée, que ses courriels et fichiers informatiques sont personnels : les initiales (4) ou le prénom (5),
du salarié, apposés sur les documents ne sont pas des indications assez claires, il semble qu’il faille un
certain formalisme comme la mention « personnel » qui doit apparaître. Concernant les connexions
Internet, la possibilité de l’employeur d’y avoir librement accès semble affirmée (6), « Les connexions
établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique
mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un
caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors
de sa présence. L’inscription d’un site sur la liste des favoris de l’ordinateur ne lui conférant aucun
caractère personnel » (7). Cependant, il restera à démontrer que la personne visée par une sanction est
bien l’auteur de la connexion internet. De même, les propos tenus sur un blog ou un site accessible au
public peuvent être produits en justice à titre de preuve, à la condition que l’émetteur puisse être
identifié.
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5.4. Les sanctions par l’employeur
La faute grave est souvent caractérisée si le salarié abuse de son droit d’expression en tenant par
exemple des insultes ou des propos diffamatoires, racistes, antisémites ou homophobes… surtout si
cela risque de mettre en cause l’image de l’employeur et d’engager sa responsabilité de commettant
(8). De tels faits constituent une faute grave justifiant un licenciement.
Remarque : Le cas non résolu, des salariés dont les frontières entre temps de travail et privé sont
floues
L’employeur doit veiller au respect des temps privés hors travail. Quid alors d’un salarié en forfait
jours, qui passe du temps sur Internet sur son lieu professionnel, mais le récupère en travaillant chez
lui ? Quid de celui qui travaille à domicile ?
(1) Cass. Soc., 2 oct. 2001, n° 99-42.942 - (2) C. civ., art 1384, al. 5 – (3) Cass Soc., 8 déc. 2009, n° 08-17.191 – (4) Cass. Soc., 21 oct.
2009, n° 07-43.877. - (5) Cass. Soc., 8 déc.2009, n° 08-44.840. – (6) Cass.soc, 9 fév.2010, n° 08-45.253. - (7) Cass. Soc., 2 juin 2004, n°
03-45.269. - (8) CA Versailles, 6e ch., 11 fév.2003, n°02.293. et CA Grenoble, 10 nov.2003, n° 00-4741.
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