Le point sur les e-mails, courriels privée et messagerie

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Le point sur les e-mails, courriels privée et messagerie
Le point sur les e-mails,
courriels privée et messagerie professionnelle
L'utilisation de la messagerie électronique au travail fait partie du quotidien de nombre de
salariés. Pourtant, aucune législation spécifique ne régit la matière. Nous revenons sur les
questions qui se posent fréquemment.
Ai-je le droit d’envoyer ou de
recevoir des courriels privés sur
la messagerie de l’entreprise ?
no08-42486). L'employeur peut donc tout à fait
les ouvrir et les utiliser à l'appui d'une sanction
disciplinaire.
Il n'y a ni droit absolu ni interdiction totale
d'utiliser la messagerie professionnelle pour
envoyer ou recevoir des messages privés. La
Commission Nationale de l'Informatique et des
libertés a estimé, dans son rapport sur la "
cybersurveillance des salariés" en 2004 qu'une
interdiction absolue de toute utilisation privée de
la messagerie ne paraissait pas réaliste dans une
société de l'information et de la communication et
semblait disproportionnée au regard des textes et
de la jurisprudence. Alors, en pratique, cela est
toléré par les entreprises sous réserve d'abus.
Reportez vous à votre règlement intérieur ou
votre charte informatique pour connaître les
limites posées dans votre entreprise.
L’entreprise peut-elle contrôler
l’usage de la messagerie ?
De manière générale, l'employeur a le droit de
surveiller l'activité des salariés, ce qui peut passer
par le contrôle de la messagerie. Des exigences de
sécurité du système informatique peuvent
également rendre cela nécessaire (ex: outils de
mesure de la fréquence, de la taille des messages,
détection de virus dans les pièces jointes...). Mais
ce pouvoir est encadré:
-les salariés doivent être informés préalablement
du système de contrôle (modalités, durée de
conservation, utilisation des données...);
-le comité d'entreprise doit être consulté sur cette
question;
-le système doit être déclaré à la CNIL s'il prévoit
un contrôle poste par poste.
A défaut de respecter ces conditions, les éléments
recueillis ne peuvent pas être utilisés comme
preuves des éventuelles fautes commises par le
salarié.
En dehors d’un tel système de
contrôle,
l’employeur
peut-il
prendre connaissance de mes
mails ?
La jurisprudence a posé comme principe que les
courriels adressés par le salarié à l'aide de
l'ordinateur professionnel sont présumés avoir un
caractère professionnel (Cass. Soc. 15.12.2010,
Même
s’agissant
privés ?
de
mails
Il existe effectivement une réserve à ce droit
d'accès: si les messages envoyés ou reçus sont
identifiés comme étant privés ou personnels, ils
sont protégés par le secret des correspondances
(art. 9 du Code civil sur le droit au respect de la
vie privée). Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle
décidé, dans l'arrêt NIKON (Cass. Soc.
2.10.2001, no99-42942) que" le salarié a droit,
même au temps et au lieu de travail, au respect de
l'intimité de sa vie privée. Celle-ci implique en
particulier le secret des correspondances.
L'employeur ne peut, dès lors, sans violation de
cette liberté fondamentale, prendre connaissance
des messages personnels émis par le salarié et
reçus par lui grâce à un outil informatique mis à
sa disposition pour son travail, et cela même au
cas où l'employeur aurait interdit une utilisation
non professionnelle de l'ordinateur ".
Encore faut-il avoir pris la précaution d'identifier,
dans l'objet, les e-mails envoyés et reçus comme
privés.
Dans ce cas, l'employeur doit alors ouvrir les
messages en votre présence, ou en vous ayant
appelé au préalable.
L'employeur peut également avoir accès vos
messages personnels en cas de danger menaçant
l'entreprise (actes de terrorisme, piratage...). Ce
contrôle devra être strictement nécessaire et limité
à ce qui est utile afin de protéger l'entreprise.
Efin, l'employeur peut saisir un juge pour lui
demander, par ordonnance (art. 145 code de
procédure civile), l'autorisation d'accéder à vos
messages personnels afin d'établir, avant tout
procès, la preuve de faits utiles dans un
contentieux à venir.
Qu’en est-il de l’administrateur
réseau ?
Il peut, de par ses fonctions, accéder à vos
messages personnels à votre insu. Mais il est tenu
par le secret professionnel et ne peut être
contraint de révéler les informations dont il a
connaissance dans le cadre de ses contrôles.
Et si je protège ma messagerie
par un mogin ou un mot de
passe ?
Cela n'a pas pour effet de transformer l’ordinateur
de l'entreprise en ordinateur personnel ! Celui-ci
reste la propriété de l'entreprise qui est en droit de
prendre connaissance de son contenu. Si vous êtes
absent de l'entreprise, vous devez communiquer
votre mot de passe pour permettre la poursuite de
l'activité de l'entreprise (Cass. soc. 18.03.2003,
no01-41343).
Une fois que mon employeur a eu
accès à mes mails personnels,
que peut-il en faire ?
De deux choses l'une:
-Soit vos messages ne sont pas en rapport avec
votre activité professionnelle, et votre employeur
ne peut pas s'en prévaloir pour vous sanctionner.
Dans une affaire récente (Cass. soc. 5.07.2011,
nol0-17284),
un
employeur
avait
pris
connaissance de messages privés non identifiés
comme tels. Il était jusque là dans son droit. Le
salarié avait ensuite été licencié pour avoir détenu
dans sa messagerie professionnelle des messages
à caractère érotique et entretenu une
correspondance intime avec une de ses collègues.
Le licenciement a été jugé sans cause réelle et
sérieuse, les messages relevant de la stricte vie
privée du salarié ne pouvant justifier une sanction
disciplinaire.
Dans ces cas, seul l'abus peut être sanctionné
disciplinairement. Cet abus peut être quantitatif
(un trop gros volume de messages privés) ou
qualitatif. Ce sera le cas de messages dont l'objet
est illégal: propos racistes, injures, diffamation...
-Soit vos messages sont en rapport avec votre
activité professionnelle et peuvent donc servir de
base à une sanction disciplinaire si votre
employeur y a eu accès dans des conditions
licites. Ainsi, dans des cas où des salariés avaient
dénigré leur hiérarchie (Cass. Soc. 2.02.2011,
no09- 72313, 09-72449), ou envoyé des
documents pornographiques à des clients de
l'entreprise (Cass. Soc. 15.12.2010, no08-42486).