Comportements non linéaires des matériaux solides

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Comportements non linéaires des matériaux solides
Comportements non linéaires des matériaux solides
I. Variété des comportements macroscopiques
II. Diversité des mécanismes microscopiques.
III. Critères
IV. Exemples
1
I. Variété des comportements macroscopiques
Essai de traction uniaxiale.
Dans la zone utile de l’éprouvette :
σ=
F
,
S
ε=
∆L
.
L0
• F et ∆L sont relatives à la structure.
• σ et ε sont relatives au matériau.
•
Loi de comportement (matériau) = relation entre σ et ε
(et leurs dérivées en temps...)
•
Equilibre de la structure : Puissance de efforts intérieurs
+ puissance des efforts extérieurs = 0
Z
V
σε̇ dΩ = F L̇.
2
Régime élastique (le plus souvent linéaire réversible)
Faibles valeurs de la déformation :
0 ≤ ε ≤ 10−3
Relation linéaire entre contrainte et déformation uniaxiales
σ = Eε.
σ (MPa)
E
E : Module d’Young.
Selon le matériau, E varie :
•
de E = 2 MPa (Caoutchouc)
•
à E = 400000MPa (Fibres de carbone HM ),
ε
0.001
3
Charge au-delà de la limite d’élasticité (1)
Matériaux fragiles (céramiques, métaux et polyméres à basse température.....) ou
endommageables (béton, certains composites....)
σ
σ
Compression
Traction
ε
Verre (fragile brutal)
ε
Béton (endommagement progressif)
Fragilité : Faible aptitude à supporter des déformations au-delà du régime élastique.
Endommagement : Dégradation des propriétés (raideur E notamment) au delà du régime
élastique.
4
Charge au-delà de la limite d’élasticité (suite)
Matériaux ductiles (métaux, certains polymères.....)
σ (MPa)
σ(MPa)
σ0
200
100
ε
0.001
domaine de
linéarité
5
0.1
ε (%)
domaine non linéaire
Acier inox
Acier doux
Ductilité : aptitude à supporter des déformations élevées (qq % à qq dizaines de %).
5
Charge-décharge sur matériaux ductiles
Plasticité : Aptitude à la mise en forme (sous entendu après déformation et décharge, il subsiste
des déformations permanentes).
σA
σ
A
σ0
O
B
εp
εel
ε
• Charge O → A.
• Décharge A → B ' parallèle au trajet élastique.
• ∃ Déformation résiduelle en B : εp.
• Charge B → A ' A → B.
• Limite élastique initiale (en partant de 0) : σ0
• Limite élastique actuelle (en partant de B) : σA.
Décomposition de la déformation ε : partie élastique εel et partie plastique εp
ε = εel + εp.
Ecrouissage : la limite d’élasticité dépend de la déformation plastique.
6
Certains matériaux ont un comportement complexe : composite Carbone +
epoxy [0,90]
Composé de couches d’unidirectionnels identiques mais croisées à 00 et 900 :
Essai
Traction à 00 : Comportement fragile
Traction à 450 : Comportement plastique
7
Récapitulation. Premiers enseignements
•
Il existe une grande variété de comportements.Aux extrêmes, se situent le comportement
fragile et le comportement élasto-plastique.
•
Fragile : pas de déformation plastique avant rupture.
•
Ductile (ou plastique) : déformations plastiques substantielles avant rupture.
•
La nature du comportement (fragile, ductile) n’est pas intrinsèque, mais dépend de la température ou d’autres facteurs (hygrométrie pour le bois...).
•
Dans tous les cas, il faut exprimer une transition entre un régime de comportement et un autre
(limite d’élasticité, seuil d’endommagement).
⇒ mécanismes microscopiques, essais multiaxiaux.
8
II. Diversité des mécanismes microscopiques
Les mécanismes sont différents :
- selon les comportements : fragile, ductile,
- selon la microstructure des matériaux : métaux (cristallins), verres (amorphes), polymères, composites, céramiques...
Métal = Matériau polycristallin
Polycristal = Assemblage de grains élémentaires.
9
Rotation
e
3
e
e
2
1
(a)
(b)
(c)
a) Echelle atomique (nanomètre ou moins) : réseau périodique, structure cristallographique (cubique centrée, cubique faces centrées, hexagonale, hexagonale compact....).
b) Echelle microscopique (1 à quelques dizaines de microns) : monocristal, orientation fixe du
réseau.
c) Echelle mésoscopique (centaine de microns) : polycristal.
d) Echelle macroscopique (centimètre) : échelle du laboratoire (éprouvette).
e) Echelle de l’ingénieur (du centimètre au mètre) : structures.
10
Faciès de rupture fragile à l’échelle du polycristal
Clivage : surfaces lisses et planes. Dépendent de l’orientation des grains. Formation de rivières
à la jonction entre plans atomiques clivés.
11
Mécanisme de clivage à l’échelle atomique
Clivage : séparation le long d’un plan atomique.
σ = U’
U
σ
Position déformée
Position initiale
a a0
a max
a
a0
b
U potentiel interatomique : Minimiser U(a) − σ.a.
Le clivage est activé par la contrainte normale aux plans atomiques faibles. Mécanisme
dominant dans les matériaux fragiles.
12
Mécanismes de déformation plastique dans les métaux : glissement
Traction sur
compression sur monocristal d’Aluminium.
monocristal de
Zinc.
13
Glissement
U
τ
x
Position initiale
Position déformée
b
x
xmax
a0
b
Le glissement est activé par la contrainte de cisaillement sur les plans atomiques dont les
liaisons sont les plus faibles. Dans les matériaux cubiques faces centrées (CFC) ce sont les
plans denses.
Mécanisme dominant en Plasticité. Le glissement laisse le réseau globalement invariant ce qui
permet de multiplier les glissements et d’augmenter la déformation.
14
Glissement (suite) : L’exemple du cuivre (structure cubique faces centrées).
m
m
n
m
•
•
4 plans denses,
Le glissement respecte l’invariance du réseau atomique : 3 directions invariantes par plan
⇒ 12 systèmes de glissement.
15
Glissement en bloc ? : Modèle de Frenkle.
τ
Contrainte de cisaillement périodique :
x
2πx
, γ= .
τ ' τmax sin
b
a0
A l’origine :
τ
x
Position initiale
µ=
Position déformée
a0
∂τ 2πa0
=
τmax,
∂γ
b
⇒ τmax '
b
µ
µ
'
(a0 ' b).
2π 6
Cette valeur théorique n’est observée que dans les
échantillons de très petite taille : whiskers.
τ
U
Valeurs communément observées :
τ
max
b
xmax
x
µ
b
xmax
x
τmax ' µ/1000.
⇒ Glissement en bloc impossible.
Calcul et résultat analogue pour le clivage.
16
Glissement progressif : dislocations.
τ
Défauts dans la structure atomique
du réseau
1013/cm3!
Dislocation
Plan de glissement
Principe de base : il est plus facile de déplacer un pli dans le tapis qu’un tapis en bloc !
⇒ Ordre de grandeur de la contrainte de cisaillement correct.
17
Enseignements à tirer pour un polycristal
Orientation aléatoire des grains.
•
Clivage : activé par la contrainte normale au plan sur lequel le clivage se produit.
•
Glissement : activé par la contrainte de cisaillement dans la direction dans laquelle se produit le glissement.
•
La présence de défauts est nécessaire pour expliquer les ordres de grandeur des contraintes
de clivage ou de glissement. Microfissures, dislocations....
18
III. Critères (transition d’un régime de comportement à un autre)
Rappels : contraintes
T (n) : densité surfacique d’efforts exercés par Ω1 sur Ω2 sur la facette de normale n.
Ω
T(n)
σn
n
1
σ = T .n = Tini :
n
T
τ(n)
x
−τ(n)
Ω2
T(−n)
T (−n) = −T (n) Action-réaction,
male,
σ > 0 traction,
−n
− σn
contrainte nor-
σ < 0 compression,
τ(n) = T − σn,
contrainte tangentielle ou de cisaillement.
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Tenseur des contraintes de Cauchy.
L’état de contrainte (traction, compression, cisaillement) dépend de la facette n sur laquelle on
considère T (n) :
∃σ ∈ R3 ⊗ R3 :
T (n) = σ.n.
Le tenseur des contraintes σ jouit des propriétés suivantes :
• σ est symétrique.
• σ est diagonalisable :
∃(e1, e2, e3) :
•
σ = σ1 e1 ⊗ e1 + σ2 e2 ⊗ e2 + σ3 e3 ⊗ e3.
Propriété caractéristique : le cisaillement est nul sur les facettes principales de contrainte.
20
Quelques exemples (pour se rafraîchir la mémoire)
Cisaillement pur
Traction simple
τ
_e2
+τ
_e1
_e2
τ
F
−F
−τ
v_
u_
_e1
σ = σ e1 ⊗ e1,
σ = τ (e1 ⊗ e2 + e2 ⊗ e1),
σ = F/S.
σ = τ u ⊗ u − τ v ⊗ v.
21
2. Critères basés sur le vecteur contrainte. Interfaces à résistance limitée.
n_ I
Ω2
Interface
σ
τ
Ω1
Décollement (Contrainte normale) :
σ(nI ) ≤ σc.
Cisaillement (Contraintes tangentielles) :
|τ(nI )| ≤ τc.
σc et τc : caractéristiques “matériau” de l’interface.
22
Monocristal : critère de clivage
Plans de clivage facile de normale n(p).
n
Sup σ(n(p)) ≤ σc
p = 1, .., P
Sup σ(n(p)) < σc : pas de clivage,
p = 1, .., P
•
Si
•
Si ∃ p tel que
σ(n(p)) = σc : clivage sur le(s) plan(s) p
où la contrainte critique est atteinte.
23
Monocristal : critère de glissement
P plans de glissement, N systèmes de glissement (n(k), m(k)).
m
m
n
m
Cission réduite sur le système k : τ(k) = (σ.n(k)).m(k) = m(k).σ.n(k).
Sup τ(k) ≤ τc
k = 1, .., N
Sup τ(k) < τc : pas de glissement,
k = 1, .., N
•
Si
•
Si ∃ k tel que
τ(k) = τc : glissement sur le(s) plan(s) de
normale n(k) et dans la direction m(k).
24
Polycristal isotrope : critère de clivage, critère de glissement.
•
Orientation aléatoire des grains.
⇒ Pas de plan privilégié.
•
Matériau fragile : clivage.
•
Matériau ductile : glissement.
Clivage :
Glissement :
Sup σ(n) ≤ σ0.
|n| = 1
Sup |τ(n)| ≤ k.
|n| = 1
Critère de la contrainte normale maximale.
Critère du cisaillement maximal (Tresca).
25
Contrainte normale maximale.
Dans la base principale de contrainte (σ1 ≤ σ2 ≤ σ3) :
σ1 0 0
σ =  0 σ2 0  ,
0 0 σ3




n1
n =  n2  ,
n3
σ1n1
T (n) =  σ2n2  ,
σ3n3


σ(n) = σ1n21 + σ2n22 + σ3n23 = σ3 − (σ3 − σ1)n21 − (σ3 − σ2)n22.
Maximum = σ3 atteint pour n1 = n2 = 0, n3 = 1.
La contrainte normale maximale est égale à la plus grande contrainte principale σ3. Elle
est atteinte sur la facette principale de normale e3.
Sup σ(n) =
Sup
|n| = 1
1 ≤ i, j ≤ 3
σi = σ3 ≤ σ0.
σ0 contrainte limite en traction simple du matériau
26
Critère de Tresca (cisaillement maximal) : Sup |τ(n)| ≤ k.
σ1 0 0
σ =  0 σ2 0  ,
0 0 σ3




n1
n =  n2  ,
n3
σ1n1
T (n) =  σ2n2  ,
σ3n3


σ(n) = σ1n21 + +σ2n22 + σ3n23
|T (n)|2 = |τ(n)|2 + σ(n)2 = σ21n21 + σ22n22 + σ23n23,
2 2
σ
−
σ
σ
+
σ
3
1
3
|τ(n)|2 =
− σ(n) − 1
− (σ2 − σ1)(σ3 − σ2)n22.
2
2
√
√
σ1 + σ3
2
2
Max atteint pour n2 = 0, σ(n) =
i.e.
n1 = ± , n3 = ± .
2
2
2
Le cisaillement maximal est égal à la moitié de la plus grande différence entre contraintes
principales. Il est atteint sur les facettes qui ont pour normale l’une des bissectrices des
directions e1 et e3.
2 Sup |τ(n)| =
Sup
|n| = 1
1 ≤ i, j ≤ 3
σi − σ j = σ3 − σ1 ≤ σ0,
où σ0 = 2k.
k contrainte limite en cisaillement. σ0 contrainte limite en traction simple.
27
Propriétés du critère de Tresca
•
Le critère de Tresca (ou du cisaillement maximal) est insensible à la pression :
σ∗ = σ − pi ⇒ σ∗1 = σ1 − p,
σ∗2 = σ2 − p,
σ∗3 = σ3 − p.
σ∗(n) = σ(n) − p,
τ∗(n) = τ(n).
De façon plus générale :
T ∗(n) = T (n) − pn,
•
⇒
Ne dépend pas de la contrainte principale intermédiaire σ2 :
Sup |τ(n)| =
|n| = 1
σ3 − σ1
.
2
28
3. Critères basés sur le tenseur de contrainte
•
Contraintes principales lourdes à calculer. Accord du critère de Tresca avec l’expérience pas
toujours bon.
⇒ On exprime souvent les critères en fonction du tenseur des contraintes.
f (σ) ≤ 0.
•
Fonction f permettant d’exprimer une limitation du cisaillement ?
⇒ Décomposition orthogonale de σ en partie sphérique et déviateur :
α3
α
σ = σ i + s,
m
p
Deviateurs
a
αm
i
i
en utilisant la décomposition orthogonale de tout α ∈
R ⊗s R :
α = αmi + a,
α2
α1
αm =
1
tr(α),
3
⇒ tr(a) = 0,
tr(αmi) = tr(α),
⇒ i : a = tr(a) = 0.
29
Critère de von Mises
Rappel : l’addition d’une pression ne change pas le cisaillement
σ∗ = σ − pi
⇒ τ∗(n) = τ(n).
En particulier (avec p = σm) σ et s ont même vecteur cisaillement sur toutes les facettes.
2
⇒ Mesure du cisaillement par s = si j si j , ou par la contrainte équivalente :
σeq =
1/2 1/2
3
3
=
.
s:s
si j si j
2
2
Critère de von Mises :
σeq ≤ σ0.
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Exemples
Cisaillement pur
Traction simple
_e2
τ
_e1
+τ
F
−F
_e2
τ
−τ
v_
_e1
σ = σ e1 ⊗ e1,
tr(σ) = σ,
2
1
1
s = σ e1 ⊗ e1 − e2 ⊗ e2 − e3 ⊗ e3 ,
3
3
3
σeq = σ.
D’où le 3/2.
σ = τ (e1 ⊗ e2 + e2 ⊗ e1),
tr(σ) = 0,
s = σ,
√
σeq = 3 |τ| .
σeq est un scalaire qui permet de ramener un état de contrainte triaxial à un état de
contrainte uniaxial équivalent (au sens de la norme du cisaillement). D’où le facteur 3/2.
31
u_
Propriétés du critère de von Mises
•
Le critère de von Mises est insensible à la pression :
σ∗ = σ − pi
•
⇒ s∗ = s,
⇒ σ∗eq = σeq.
Le critère de von Mises dépend de la contrainte principale intermédiaire σ2 :
h
i
1
σ2eq = (σ1 − σ3)2 + (σ2 − σ1)2 + (σ3 − σ2)2
2
Il est donc différent du critère de Tresca.
• σ0 est la limite (vis à vis du phénomène considéré) en traction simple du matériau.
•
√
σ0/ 3 est sa limite en cisaillement.
32
IV. Exemple : rupture en torsion d’une craie
M
Partant de la forme de la surface de rupture, peut-on dire :
•
Quel est le critère de rupture de la craie ?
•
Quel est le type de comportement de la
craie ?
Rupture en cisaillement ou rupture en
o
45°
traction ?
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Analyse des déformations et contraintes
e_z
α
z=h
τ
γ
α
z
h
e_z
τ
e_θ
z=0
Déformation : glissement simple entre les directions eθ et ez :
αr
ε=
e ⊗ ez + ez ⊗ eθ ,
2h θ
Contrainte : cisaillement simple (ou pur) entre les directions eθ et ez :
µαr
eθ ⊗ ez + ez ⊗ eθ .
σ=
h
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Subtilités du cisaillement
τ
+τ
_e2
τ
−τ
v_
u_
_e1
σ = τ (e1 ⊗ e2 + e2 ⊗ e1),
σ = τ u ⊗ u − τ v ⊗ v.
La facette à +450 de normale u est soumise à une traction d’intensité τ.
Le critère de rupture est donc un critère de contrainte normale maximale.
La craie est donc de type fragile (surprise ?).
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Rupture d’un matériau ductile
Plastification et rupture par cisaillement.
http://instruct1.cit.cornell.edu/courses/virtual_lab/intro.shtml
36
Rupture d’un matériau fragile
Rupture par traction.
http://instruct1.cit.cornell.edu/courses/virtual_lab/intro.shtml
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Conclusion
•
Présence nécessaire de défauts microscopiques (microfissures, dislocations).
•
Nécessité de traduire des transitions entre régimes de comportement.
•
Matériaux fragiles sensibles au clivage. Critère de la contrainte normale maximale :
Sup σ(n) ≤ σ0.
|n| = 1
•
Matériaux ductiles sensibles au cisaillement.
Critère de Tresca
Sup |τ(n)| ≤ k.
|n| = 1
Critère de von Mises
σeq ≤ σ0.
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