Jean-Pierre VERNANT « Passeur de mythes et de résistance »

Transcription

Jean-Pierre VERNANT « Passeur de mythes et de résistance »
Jean-Pierre VERNANT
« Passeur de mythes et de résistance »
Qui est-il ?
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Il naît à Provins en 1914, le 4 janvier.
La « Grande Guerre » sera sa première épreuve car il perdra son
père dès 1915.
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Il est orphelin de guerre.
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Sa mère décède peu après quand il aura huit ans.
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Avec son frère, il sera élevé par ses cousins.
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A 5 ans, il entre au lycée Carnot à Paris.
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Il fait des études de philosophie dans la lignée de son père et de
son frère Jacques.
Il termine brillamment son cursus universitaire en étant premier
à l'agrégation de philosophie en 1937.
Un homme
alerté par son temps
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Ses études de philosophie lui permettent de se poser des questions sur le
monde, les hommes et surtout d'accepter l'autre, l'autrui.
Il adhère au Parti Communiste dont les idées de partage et de justice le
séduisent.
A la Sorbonne et au Quartier Latin Jean-Pierre Vernant combat avec ses
camarades étudiants les ligues fascistes des années trente.
Il vit intensément l'expérience de la fraternité militante.
En juin 1940 à Narbonne, face au discours de Pétain: il pleure et réagit en
collant des papillons sur les murs de la cité .
C'est déjà un premier acte de résistance :
« Vive l'Angleterre pour que vive la France ».
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En 1960 , il signe un manifeste contre la guerre d'Algérie.
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En 2004 , il participe à l'appel des résistants du CNR.
« Je suis, j'étais et je reste un homme engagé »
Jean-Pierre Vernant
ou
l'éloge de l'esprit de la Résistance
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Juin 1940 Jean-Pierre Vernant est démobilisé, il est à Narbonne.
Après l'écoute du discours de Pétain, il entre dans la résistance :
« il fallait dire non ! ».
En septembre, il prend son poste d'enseignant à Toulouse au lycée Fermat.
La journée jusqu'en 1944, il assurera sa mission d'enseignant et le soir sa vie
clandestine. Ensuite il devra se cacher afin d'échapper aux arrestations :
Alias Thierry, Jougla, Lacome, colonel « Berthier »
« La résistance m'a changé »
Jean-Pierre Vernant
ou
l'éloge de l'esprit de la Résistance
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En février 1942, son frère Jacques, nommé lui à Clermont-Ferrand, le mettra
en contact avec Lucie Aubrac.
A l'issue de cette rencontre, Jean Pierre Vernant intègre le Réseau Libération
Sud.
En novembre il est nommé chef départemental de l'Armée secrète (AS) pour
la Haute-Garonne; il organise les transports d'armes et transporte lui-même
le premier stock de 5 tonnes d'armes et de matériel destiné à l'Armée
secrète.
Son courage, son efficacité vont le pousser à prendre de plus en plus de
responsabilité. Il est d'abord nommé responsable départemental de l'armée
secrète en Haute-Garonne en novembre 1942 .
Jean-Pierre Vernant
ou
l'éloge de l'esprit de la Résistance
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Au début de 1944, il commande plusieurs groupes qui opèrent des destructions
diverses, l'exécution d'agents de la Gestapo et de la Milice et la destruction de
fiches de recensement pour le STO.
Après l'accident de Serge Ravanel , il deviendra le chef des Forces Françaises de
l'intérieur de la région Sud-Ouest (R4) en septembre 1944 : « Quand je remplace
Ravanel, je dois commander 45000 hommes, j'ai ce pouvoir mais il ne m'intéresse
absolument pas... »
Le jour du débarquement en Normandie, il prend le maquis et organise la liaison
radio avec tous les maquis du Sud.
Rappelé par Ravanel, il met au point le plan d'insurrection de Toulouse, pour cela
il fait passer la Gendarmerie tout entière au maquis.
Le 19 août 1944, il entre dans Toulouse à la tête de ses hommes.
Un homme en mouvement,
dans le mouvement de l'Histoire
Jean-Pierre Vernant,
Raymond Aubrac,
Stéphane Hessel,
Maurice Kriegel-Valrimont,
Lise London.
Photographie de l'appel des résistants aux jeunes
générations en 2004 à la Maison de l'Amérique
Latine (photographie Louis Douillard ).
L'héritage de la Résistance se transmet
encore en 2004
Un homme en mouvement,
dans le mouvement de l'Histoire
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En 1960 il signe le Manifeste des 121 en faveur de l'insoumission
à la guerre d'Algérie.
Pour lui, l’historien doit rester libre, son rôle est d’expliquer la vie
des Hommes dans une démarche scientifique. L’Histoire n’est pas
la mémoire, elle doit en tenir compte, mais elle ne s’y réduit pas.
Le 12 décembre 2005, il sera un des signataires de l'appel
« Liberté pour l'histoire »: dans un État libre, il « n'appartient ni au
Parlement, ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité
historique. »
Le 23 octobre 2006, c'est dans un établissement Zep
d'Aubervilliers qu'il donnera une conférence sur l'Odyssée dans le
cadre des « Lundis du collège de France ».
S'engager au nom des valeurs de la
République
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Jean-Pierre Vernant se réfère aux idées des Lumières, au
Front populaire, aux valeurs d’égalité, de liberté et de
fraternité.
Celui qui a connu la fraternité de la Résistance ne peut
accepter les discriminations coloniales, il s’engage contre la
torture en Algérie et toute forme de racisme.
Il sait se remettre en question, pour lui la fréquentation de
ses compagnons de résistance d’origines politique,
religieuse, diverses l’a enrichi, il a changé, évolué à leur
contact. Il voit toujours dans ses interlocuteurs,
collaborateurs, compagnons, des amis.
La valeur de l'amitié chez
Jean-Pierre Vernant
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Il se retrouve seul à 8 ans : l’importance de « la fratrie » et toutes ses
qualités d'accueil et d’amitié viennent de son enfance.
Jean-Pierre Vernant est révolté par le régime de Vichy : « j'ai entendu le
discours de Pétain, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. » Il lui est
« impossible de vivre dans une France sans vacances, sans vie. »
Ses premiers actes de Résistance sont des papillons collés dans les rues
de Narbonne : « si la France est par terre, c'est la faute à Hitler, son
drapeau dans l'eau sale, c'est la faute à Laval ! »
En 1940-1941, ses amis les Aubrac lui proposent de prendre en main
l'organisation paramilitaire du mouvement Libération-Sud. Le « colonel
Berthier » a joué un rôle majeur dans la Libération de Toulouse.
« Qu'est-ce qui s'est passé dans la Résistance ? C'est le fait qu’un tas de
gens qui, s'il n'y avait pas eu cette épreuve terrible, auraient eu des vies
moyennes comme tout le monde. Ils se sont révélés des personnalités
incroyables. »
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Papillon réalisé sur une étiquette d’écolier.
Un papillon dessiné représentant Adolf Hitler.
(Collection Musée départemental de Haute-Garonne de la Résistance et de la Déportation.)
Vichy : « On ne peut pas vivre comme ça,
c'est impossible. »
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Il s'est engagé dans le parti communiste jusqu'en 1970: « au fond je suis
utopiste, je rêve sans doute de créer des groupes unis par l'amitié sur un
plan d'égalité. » Mais il a toujours exercé son esprit critique.
Sur son engagement comme résistant, il a déclaré: « beaucoup de gens
ont été pro Vichy, c’est vrai que la majorité des gens n'était rien d'autre
que « qu'on nous foute la paix, je vais essayer de nourrir ma famille, pas
d'histoires et je me tiens tranquille. »
Au sein de la Résistance, il expérimente l’amitié au-delà des partis
politiques: « la Résistance est devenue comme une espèce de famille. »
Comme Achille, il a fallu se montrer courageux : « le vrai courage, c'est audedans de soi, de ne pas céder, de ne pas plier, de ne pas renoncer.» Et
« pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger. »
Il a su malgré tout rester tolérant : « Boches » est un mot que je haïssais,
ce n'étaient pas des « Boches » qu'on avait devant nous, ceux qui
combattaient pour moi c'étaient des Allemands, c'étaient des nazis. »
Les mythes, une histoire simple?
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Jean-Pierre Vernant a rendu accessible à tous la
mythologie grecque.
Il a écrit comme un roman des histoires d'amour
naissantes et leurs dénouements, les hostilités entre les
éléments et les dieux.
Il a su transmettre sa passion à ses étudiants et aux
hommes notamment au travers des livres ou
reportages et conférences même auprès des lycéens.
Un historien-anthropologue: qu’est-ce qu’un
mythe selon Jean-Pierre Vernant?
1. « Une certaine façon de voir le monde, de comprendre l'homme »
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Un mythe grec est un texte de grands poètes classiques : Hésiode, Pindare, « Homère »,
un récit merveilleux où il se passe des choses extraordinaires, même si cela pose des
problèmes concrets. Mais ce n'est pas réel, « c'est du bidon, c'est du mythique, c'est
faux ! »
Le mot « mythe » vient du grec muthos (μθος), qui veut dire « parole, récit », mais il n'y
a pas d'opposition pour les mythologues avec le logos, ce qui est vérifiable. Pourtant,
vers les VIe-Ve siècles avant J.-C., le mythe devient « une histoire fausse, en tout cas ce
n’est pas vérifiable. »
La mythologie présente les problèmes de l'existence de l'homme comme le rapport à la
mort, à la nature, aux dieux, tout ceci sous la forme de belles histoires.
2. Le mythe délivre-t-il une morale ?
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Il n'y a pas de morale, mais il « imprime de bons comportements dans la cervelle des
enfants. »
Il apporte des valeurs de la vie. « La mythologie, c'est une vision de soi face au monde. L'essentiel tient dans la façon d'être, d'agir, de parler, d’accueillir l'autre, de se
comporter à l'égard de ses amis ou de ses ennemis. »
Jean-Pierre Vernant à travers Ulysse,
Ulysse à travers Jean-Pierre Vernant
3. Quel est son mythe préféré ?
Le mythe favori de Jean-Pierre Vernant est l'Odyssée d' « Homère » car il est plus
détaillé que l'Iliade. L'Odyssée narre la vie sociale, le rôle de l’Assemblée, le
pouvoir.
4. Ulysse, son héros préféré
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Quand il parle des mythes, on a l'impression que Jean-Pierre Vernant est
comme Ulysse : il raconte l'Odyssée, un mythe sur un homme courageux,
fidèle, qui contrairement à Achille ne cherche pas la gloire. Il préfère Ulysse
parce que c'est un homme normal et rusé, simple, comme lui.
« Ulysse est très courageux. Achille représente le statut du héros, Ulysse
supporte tout, il est l'homme de la ruse, des épreuves, et il est fidèle à sa
femme et à son pays. » Ulysse combat, comme Jean-Pierre Vernant dans la
Résistance, et il est désespéré parce qu'il veut rentrer à Ithaque. Jean-Pierre
Vernant ressemble à ce héros.
Conclusion
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A la veille de sa disparition, Jean-Pierre Vernant prend
position sur l’actualité. Pour lui, les nations ont perdu
leurs capacités de diriger leur économie, c’est la
rentabilité qui guide les Hommes dans le cadre de la
mondialisation et les inégalités de richesses sont de plus
en plus grandes dans un monde de plus en plus riche.
Il s’interroge sur les solutions à apporter, il redoute la
disparition du service public et il rappelle les valeurs du
programme de la Résistance pour une société plus juste
et égalitaire.
Jean-Pierre Vernant,
un homme simple
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Il parle de façon naturelle, il ne dit pas de mots
compliqués, il connaît tout par cœur, ce n'est
pas préparé. Il est modeste et accessible.
Il est méticuleux, parce que dans ses recherches, il regarde
chaque aspect de chaque livre qu'il étudie.
Il dit ce qu'il pense, il est franc.
Et il est courageux, fort, parce que même orphelin il a réussi à
être philosophe, historien et chef de la Résistance. Il a un
parcours dur, extraordinaire, exemplaire.
Jean-Pierre Vernant: notre collège