CÉLINE Louis Ferdinand (1894-1961) - CRISES

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CÉLINE Louis Ferdinand (1894-1961) - CRISES
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CÉLINE Louis Ferdinand (1894-1961)
1) Le témoin :
L'auteur de ce témoignage est l'écrivain français , Louis Ferdinand Destouche plus
connu sous le nom de Céline . Cet homme est né en 1894 a Courbevoie et meurt en
1961.
Son père travaille au sein d'une compagnie d'assurances et sa mére tient un commerce
d'antiquités , de dentelles et de porcelaine .
Leur fils Louis , obtient son certificat d'études primaires en 1907 . Entre 1907 et 1909
, il effectue un séjour linguistique en Allemagne. A partir de février 1909 , il est
inscrit l'University school de Rochester et un mois plus tard change pour Pierremont
Hall a Broadstairs .
Le 21 septembre 1912 , Louis Destouches devance l'appel et s'enrole dans l'armée
pour trois ans . Il effectue ses classes a Rambouillet au sein du 12e régiment de
cuirassiers . Il est nommé brigadier le 5 aout 1913 , puis maréchal des logis , le 5 mai
suivant . Il devient ainsi , sous-officier , quelques semaines avant son vingtiéme
anniversaire.
Dés la guerre déclarée , il part en mission de reconnaissance avec le 12e régiment de
cuirassiers . D'abord a Audun-le-Roman , en aout , puis dans la région d'Armentières ,
au mois d'octobre , dans les Flandres . C'es la , que Louis Destouches connait son
baptéme du feu . Volontaire pour assurer une liaison risquée dans le secteur de
Poelkapelle , entre le 66e et le 125e régiment d'infanterie , il est blessé par balle au
bras droit .
Opéré a Hazelbrouck , il est ensuite envoyé a l'hopital du Val-de-Grace a Paris et
devient médaillé militaire le 24 novembre 1914 , avant de recevoir la croix de guerre
avec étoile d'argent .
Le 27 décembre suivant , il est transféré a l'hospice Paul Brousse de Villejuif . En
janvier 1915 , il est opéré une seconde fois au bras droit , il rejoint le domicile
parental pour une convalescence de trois mois .
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Alors déclaré inapte au combar , il est réaffecté au consulat général de France a
Londres , au service des passeports . Il est ensuite réformé aprés avoir été déclaré
handicapé a 70% en raison des sequelles de sa blessure au bras droit .
Aprés la guerre , Louis Destouches s'installe a Rennes ou il se marie en 1919 avec
Edith Follet , fille du directeur de l'école de médecine de Rennes . Celle-ci , donna
naissance a l'unique fille de Céline , Colette Destouches , l'année suivante.
Louis s'inscrit a l'école de médecine en 1920 et obtient son doctorat quatre ans plus
tard .
Sa carrière littéraire commence véritablement en 1932 , avec la parution de Voyage au
bout de la Nuit , qui manque de peu le prix goncourt .
A partir de la fin des années trente , Céline se rapproche des milieux de l'extreme
droite française et écrit plusieurs pamphlets fortement antisémites .
Pendant
l'occupation
allemande
il
affirme
clairement
son
engagement
collaborationniste a travers des lettres publiées dans certains journaux . Il l'un de ceux
qui souhaitent la victoire de l'Allemagne nazie .
A la libération , Céline est contraint de fuir d'abord en Allemagne , puis au Danemark
ou il vit pendant cinq ans sous la surveillance des autorités .
Il rentre finalement , en France en 1951 et continue a écrire .
Louis Destouches meurt a Meudon , dix ans aprés son retour d'exil .
2) Le témoignage :
Ici , Céline relate son expérience de combattant durant la Premiére Guerre mondiale ,
a travers le personnage de Ferdinand Bardamu , alter-ego fictif de l'auteur .
Le roman Voyage au bout de la nuit , fut publié en 1932 et édité par les éditions
Denoel .
Il ne sagit pas de mémoires ou d'un témoignage , malgré la narration a la première
personne . Ce livre est roman . Mais l'auteur s'appuie sur son expérience et ses
souvenirs , pour faire connaitre sa vision de la guerre et plus généralement de la vie
humaine. Cela confére donc a l'ouvrage une certaine dimension autobiographique .
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Le roman a été écrit sur une dizaines d'années , pendant les années 1920.
L'auteur s'est distingué dans l'écriture de son roman , par un style imité de la langue
parlée et influencé par l'argot. Ce style a d'ailleurs choqué les contemporains de
Céline , lors de la parution de son ouvrage .
Ici il s'agit d'un style d'écriture principalement axé sur la reflexion du personnage
principal , réflexion notamment sur l'absurdité de la guerre et le lot de désillusions qui
vont avec . Mais il y'a également une dimension descriptive trés fort dans son style ,
qui fait appel aux sens du lecteur .
3) L'analyse :
Il s'agit d'un récit a la première personne , dont le narrateur est l'engagé volontaire
Ferdinand Bardamu . L'emploi du "Je" , de la première a la dernière page du roman ,
place le lecteur en présence d'une personnage s'adressant directement a lui . Ainsi ce
choix narratif produit un "effet de réel' .
Ce roman se caractérise par le rejet et la critique virulente de l'héroisme et du
nationalisme , autants de valeurs que Céline tourne en dérision et dont il dénonce
l'absurdité . A ces valeurs , il oppose la lacheté de Bardamu , qui est le seul moyen de
résister a la folie humaine et de survivre a la guerre.
Bardamu manifeste dans un premier temps son incomréhension face a la guerre : "Lui
, notre colonel savait peut etre pourquoi ces deux gens la tiraient (...) mais moi ,
vraiment , je savais pas."(p.16) et "La guerre en somme , c'était ce qu'on ne
comprenait pas..." (p.17) . Ainsi , dés les premières pages , le désir de Bardamu , de
fuir l'absurdité de la guerre est mis en évidence : "J'avais envie de m'en aller ,
énormément , absolument , tellement tout cela m'apparaissait soudain comme l'effet
d'une formidable erreur." (p.17) . La lacheté lui apparait comme la seule chose qui ait
du sens , dans cette guerre qu'il ne comprend pas , puisque c'est la seule chose qui lui
permettrait de sauver sa vie : "Dans une histoire pareille , il n'y a rien a faire , il n'y a
qu'a foutre le camp" (p.17) .
Cette lacheté , Bardamu l'assume jusqu'au bout . Comme il le dit "Oui tout a fait
lache , Lola , je refuse la guerre (...) avec tous les hommes qu'elle contient (...) Alors
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vivent les fous et les laches!" (p.73-74) . Dans cette partie du roman , le narrateur est
alors a l'arriére du front , ou régne un contexte civique et patriotique trés fort .
Cependant , Bardamu ne s'empéche pas de fustiger ce conformisme , persuadé de la
lucidité et de la réalité de sa propre vision de la guerre . Certes c'est un lache , mais un
lache vivant et c'est tout ce qui lui importe : "Voyez donc bien qu'ils sont morts pour
rien (...) ces crétins (...) Il n'y a que la vie qui compte." (p.74) . Ainsi , pour l'auteur ,
ceux qui se sont résignés a mourir pour la patrie sont des sots . Il est en totale
opposition avec la vision héroique des soldats sacrifiés , véhiculée par la propagande
étatique .
L'ouvrage donne une image trés négative de la hiérarchie militaire et des officiers
supérieurs , ainsi que de leur mentalité .
L'officier que Bardamu décirt de la façon la moins péjorative est son colonel : "Notre
colonel , il faut dire ce qui est , manifestait une bravoure stupéfiante!" (p.18) .
Cependant , comme on l'a vu , pour Céline le courage et l'héroisme sont des valeurs
absurdes a la guerre , le colonel est donc pour lui , un autre de ces imbéciles résignés
a mourir , ce qui finit d'ailleurs par lui arriver .
Quand il apprend la mort du maréchal des logis Barousse , il réagit avec satisfaction :
" C'est une bien grande charogne en moins dans le régiment" se dit t'il (p.22-23) .
La hiérarchie militaire est vue , au mieux comme incompétente et au pire comme
impitoyable avec les soldats .
L'officier qui représente le mieux la vision médiocre qu'a Céline a des gradés est sans
doute le général des Entrayes , décrit comme quelqun qui "...semblait préférer par
dessus tout ses bonnes aises." et "engeulait tout le monde quand meme si son
ordonnance ne lui trouvait pas (...) un lit bien propre et une cuisine amenagée a la
moderne." (p.28) . Céline , met ainsi en évidence le fait que les soldats et les officiers
vivent dans deux mondes différents , meme si ils font la meme guerre , les seconds
faisant passer leurs caprices et leur confort , avant le bien etre des premiers , qui sont
pourtant les plus nombreux et les plus exposés a la mort . Cela est mis en évidence
quand il raconte comment "On lui (...) trouvait un village ou les troupes ne campaient
pas encore et si il y'en avait déja (...) on les foutait a la porte tout simplement " (p2829) . Le "lui" est ici , le commandant d'Etat major Pinçon , qui lui illustre réelement la
haine de Bardamu a l'encontre des officiers : "...ce saligaud de commandant (...)
Pinçon salaud là ..."(p.29) .
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En quelque sorte , les simples soldats subissent l'autorité et les priviléges des offciers
comme ils subissent la guerre : résignés et sans protester .
La fraternité entre combattants , n'est que trés peu evoquée par Bardamu . En effet , il
ne semble pas beaucoup fraterniser avec l'ensemble de ses camarades .
Cependant , il se lie avec certains d'entre eux notamment Léo Robinson qui partage sa
volonté son besoin , de fuir la guerre . Ainsi , c'est avec , les "laches" dans son genre ,
qui refusent la guerre , que Bardamu se sent le plus a l'aise .
Pour ceux qui voient la guerre comme une façon de prouver leur courage , il éprouve
généralement du mépris . Cela est illustré quand il parle du sergent Branledore qui
"...se mit a me disputer sauvagement la palme de l'héroisme" comme de quelqun
"...dont l'imagination , avait un peu de retard sur la mienne." (p109) , c'est a dire
comme de quelqun de limité .
L'auteur a fait une partie de ses études en Allemagne avant la guerre . Ainsi comme il
le rappele "Je les connaissais un peu les allemands." (p16-17) .
Il ne voit pas comme les bétes déshumanisés représentés par la propagande officielle .
A aucun moment , on ne trouve une quelconque forme de haine a l'égard des
adversaires . Jamais , Bardamu n'emploie un sobriquet tel que "les boches" pour les
désigner . Généralement il les appele simplement , "les allemands". Sa haine , on l'a
vu , il la réserve surtout a ses officiers supérieurs .
La violence de la guerre est omniprésente dans cet ouvrage . Dés les premiéres pages
. La premiére scéne de violence se déroule en aout 1914 , quelque part dans les
Flandres . A cette occasion , Céline voit son colonel et un cavalier volaient en éclat
suite a des tir d'obus , al'occasion d'une mission de reconnaissance .
Plusieurs fois l'auteur évoque des confusions entre plusieurs troupes françaises qui
finissent par se tirer dessus entre elles , tout en croyant qu'il s'agit de l'enemi .
Mathieu CHAZEL (Université Paul-Valéry Montpellier III

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