le groupe d`ecoute musicale

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le groupe d`ecoute musicale
LE GROUPE D'ECOUTE MUSICALE
Monique CURIEL, psychomotricienne,
secteurs 75G10/75G11, EPS ESQUIROL
I . Présentation du groupe
Dans le cadre de l'hôpital de jour du 11"° secteur de paris , j'interviens depuis une dizaine
d'années dans un groupe fermé d'écoute musicale composé de 8 à 9 patients psychotiques. Les
patients sont assurés de ma permanence et s'engagent à participer de façon régulière durant 1
`année, ce qui permet un. travail sur la continuité.
Pendant un heure, on écoute les choix musicaux de chaque patient. Les échanges ont lieu entre
chaque morceau.
J'ai choisi de vous faire part ici de mon travail effectué lors de l'année 200112002 avec une
stagiaire psychologue qui était initialement professeur de musique. Le travail en collaboration avec
cette stagiaire m'a permis d'introduire un temps d'activité rythmique suivi du temps d'écoute
musical auquel les patients étaient habitués.
II. L'activité rythmique
L'activité rythmique est un travail de structuration musicale à partir de la pulsation (groupale et
individuelle) d'imitation et de dialogue rythmique ; c'est l'essai d'un contact avec une réalité
musicale qui s'adresserait à la partie saine du moi.
Chaque membre du groupe choisit un instrument et des séries de jeux rythmiques sont proposées.
Donnons en quelques exemples
y Melle F est une jeune femme très en retrait, le regard fixe , engoncée dans ses vêtements,
embarrassée par le mouvement incessant de ses mains,; quand elle s'assied, elle est repliée
sur elle même. L'activité rythmique est un moment important pour elle, elle retrouve toujours le
rythme proposé et sait entendre et reproduire le rythme des autres. A la proposition du jeu du
chef d'orchestre, spontanément elle se lève, se place au centre, accepte ainsi de s'offrir au
regard des autres. Elle donne la pulsation au groupe, soutient le groupe et son corps s'anime
avec ce rythme qu'elle a si bien intériorisée. Le temps de ce rôle, il nous semble la voir passée
de l'ombre à la lumière.
• Mme S est une patiente très participante voire envahissante, elle tient souvent la place du
leader dans le groupe ; elle aime que la musique soit forte et son choix d'instrument se porte
sur le plus gros .des tambourins; elle ne parvient pas à jouer les rythmes rapides car sa main
se plaque sur l'instrument et ne se relève pas, n'arrive pas à le quitter; progressivement se
sentant en confiance elle s'est détendue et a pu faire vivre le son; ses difficultés rythmiques se
sont atténuées et un grand sourire a illuminé son visage.
III . L'écoute musicale
Les patients soulignent souvent que pendant ce temps d'écoute, on est « tout-à- la musique», on
ne fait rien d'autre, la musique les enveloppe et le corps est tout à l'écoute. Chacun se retrouve
seul et pourtant « la présence de chacun importe à l'autre » (Winnicott in La capacité d'être seul).
L'activité motrice pendant ce temps d'écoute peut se manifester par des battements de pieds, de
doigts ou des balancements tandis que des échanges de regards et sourires peuvent circuler. La
musique éveille-t-elle des souvenirs, des émotions, des images ?
Que se passe-t-il en sourdine ? En lien avec l'histoire émotionnelle du patient, la musique peut
faire resurgir des souvenirs, souligner l'influence du temps et du vécu sur la perception musicale.
Cependant, le plus souvent, les évocations renvoient au registre sensoriel et suggèrent le plaisir
très archaïque à être porté par le bain sonore qui devient contenant.
• Monsieur A est un patient schizophrène âgé de 28 ans qui lors de l'écoute de la musique
classique ne tient pas en place , se lève, change de place se dit gêné par le volume sonore.
Anzieu dans le « Moi Peau » dit que « l'espace sonore est le premier responsable de la
distinction dehors-dedans ». Or en l'absence d'enveloppe sonore donc de limites dedansdehors, la musique était vécue comme une effraction par M. A, qu'une angoisse massive
obligeait à bouger et pouvait même le faire quitter la séance. Au fil des séances, avec mon
soutien et celui de 2 patients, un homme et une femme, M. A a trouvé sa place et a pu
s'apaiser.
• Monsieur B est un patient très régressé, il est négligé d'apparence et fait des choix
musicaux d'une culture différente de celle du groupé. L'effet de la musique sur lui l'amène à
vouloir transmettre son savoir musical et sa culture altérés par la schizophrénie. Cela l'autorise
aussi à reprendre un échange avec les autres, à proposer des images en vue d'un processus
associatif .Le groupe lui fait entièrement confiance et son discours tente de maintenir, de
sauvegarder le monde culturel qu'il a connu autrefois et qui s'effondre progressivement.
Pour terminer la séance, les patients proposent un choix musical auquel ils ont pensé durant la
semaine. L'entretien du lien comme « ce qui persiste à exister quand l'autre est absent et qu'il
reste cependantprésent psychiquement » (Fustier) s'opère donc par cette règle du choix.
Nous consignons ensuite dans un cahier les notes de la séance qui constitue donc une trace de
celle-ci. L'analyse de la séance permet d'échanger nos points de vue sur ce qui s'est passé tant au
niveau du groupe que de chaque patient, d'évoquer notre vécu et de réfléchir aux séances
suivantes. Ce temps est donc à la fois une clôture de la séance et une ouverture aux séances
suivantes.
Pour conclure, il me semble qu'au fil de ces années, la musique a une fonction de résonance
intime sur les patients psychotiques, les contient, apaise les tensions; la rythmicité des séances,
les paroles sur les affects, la capacité régressive au cours de ces séances permettent de recréer
un bain sonore.

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