Je - Toubkal
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UNIVERSITÉ MOHAMMED V – AGDAL FACULTÉ DES SCIENCES Rabat N° d’ordre 2449 THÈSE DE DOCTORAT Présentée par CHLAIDA Malika Discipline : Biologie Spécialité : Génétique des populations VARIABILITE ALLOZYMIQUE ASSOCIEE AU FLUX MIGRATOIRE DES POPULATIONS DE SARDINE, SARDINA PILCHARDUS, LE LONG DE LA COTE NORD OUEST AFRICAINE Soutenue le 04 juin 2009 Devant le jury : Président : M. A. BERRAHO : Directeur Général de l’Institut National de Recherche Halieutique Examinateurs : M. H.JAZIRI : Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat Mme. T. BENAZZOU : Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat M. A. YAHYAOUI : Professeur à la Faculté des Sciences de Rabat M. S. PLANES : Directeur de Recherche -CNRS/EPHE- Université de Perpignan, France M. L. OURAGH : Professeur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat Mlle. C. Fauvelot : Chargée de recherche à l’IRD, Perpignan, France Membre invité : Mme. G. BIANCHI : Docteur Fonctionnaire Principal des Pêches à l’FAO DEDICACES A la mémoire de mon père A ma mère A mon mari, Abdelmajid A mes enfants Hamza, Ziyad et Fadl A mes frères et sœurs particulièrement Mohamed et Fatiha AVANT –PROPOS Les travaux présentés dans ce mémoire ont été effectués au laboratoire de Zoologie et de Biologie Générale de la Faculté des Sciences de Rabat en collaboration avec l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) de l’Université de Perpignan (France) et l’Institut National de Recherche Halieutique (INRH) à Casablanca. A cet effet, Je remercie Monsieur Hassan JAZIRI, Professeur de l’Enseignement Supérieur à la Faculté des Sciences de Rabat et mon Directeur de thèse. Je tiens à le remercie pour m’avoir guidée dans cette thèse, pour tous les conseils et les informations précieuses qu’il m’a fait passer au cours des discussions des résultats des différentes parties de ce travail, pour sa gentillesse et pour sa simplicité. Je le remercie de m’avoir soutenue et aidée pour mener mon travail à bien. Qu il soit assuré de mes plus vifs remerciements et de ma profonde reconnaissance. Je remercie Monsieur Serge PLANE, Directeur de Recherche au CNRS et Directeur de l’ UMS 2978 CNRS- EPHE (Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement, Moorea Polynésie Française) et co-Directeur de ce travail. Je tiens à le remercier chaleureusement d’avoir accepté de co-encadrer ce travail et de bien distraire de son temps et être parmi les honorables membres de jury malgré ses charges de recherches et de responsabilités. Merci pour m’avoir aidée dans l’analyse et l’interprétation de mes résultats, pour son bienveillant et chaleureux accueil que il m’a réservé chaque fois que je me rendais en stage à Perpignan. Il m’a accordé beaucoup de son temps précieux, et il m’a guidée avec rigueurs, amabilité et grande générosité pour l’élaboration de ce travail, Il m’a frappé par la simplicité de son abord et son gentillesse exemplaire, ses qualités intellectuelles et humaines, qi’ll trouve ici le témoignage de ma profonde considération. Je remercie Monsieur Abdellatif BERRAHO, Directeur Général de l’INRH, d’avoir autorisé mon inscription et de m’avoir fait l’honneur de présider mon jury de thèse. Je le remercie vivement pour ses encouragements et son soutien durant toutes les étapes de la réalisation de ce travail qui n’aurait jamais pu voir le jour sans son aide précieuse. C’est surtout grâce à lui que l’on a accepté de me faire confiance et j’ai pu ainsi initier ce travail sur l’identification génétique des stocks halieutiques à l’INRH. Jamais aucun mot ne pourra exprimer le respect et la reconnaissance que je dois à Madame Touria BENAZZOU, Professeur de l’Enseignement Supérieur à la Faculté des Sciences de Rabat et Responsable de l’UFR "Gestion et exploitation des ressources naturelles des zones humides " dont le présent travail constitue l’un des axes de recherche. Elle était toujours là chaque fois que j’avais besoin de son aide et de ses conseils, elle a mis tous les moyens dont dispose le laboratoire de Zoologie et de Biologie Générale pour me faciliter la tâche et rendre mon passage agréable au sein de ce laboratoire. Madame Touria BENAZZOU, a également toujours consacré beaucoup de son temps pour discuter les résultats des analyses génétiques et d’apporter ses suggestions et critiques. Je la remercie beaucoup d’avoir lu et corrigé ce manuscrit ses conseils pertinents m’ont été d’une grande efficacité pour l’amélioration de la qualité de ce manuscrit, tant en terme de rédaction que de présentation. Je la remercie aussi de m’avoir permis de changer les idées et de me soutenir dans les moments difficiles de la rédaction et de la préparation de mon dossier de soutenance. C’est un grand honneur pour moi qu’elle soit parmi les membres de jury de ma thèse. Qu’elle soit assurée de toute ma gratitude et de mon profond respect. Un grand merci à Monsieur Ahmed YAHYAOUI, Professeur de l’Enseignement Supérieur à la Faculté des Sciences de Rabat, qui m’a fait l’insigne honneur d’être rapporteur de ce travail et membre de son jury. Qu’il trouve ici toute ma reconnaissance et ma gratitude Je tiens à remercier très chaleureusement Monsieur Lahoussine OURAGH, Professeur et Chef du Laboratoire d’Analyses Génétiques et Vétérinaires (LAGEV) de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat au sein du quel la phase préliminaire de ce travail a été réalisée. Je le remercie d’avoir accepté de manière tout à fait dévouée de faire partie du jury de ma thèse malgré un agenda trop chargé. Qu’il trouve ici l’expression de ma haute considération et de mes remerciements les plus sincères. Je souhaite remercier, également, Mademoiselle Cécile FAUVELOT, Chargée de Recherche à l’IRD, Perpignan (France) pour avoir accepté d’être rapporteur de cette thèse et membre de son jury. Je la remercie également d’avoir lu et corrigé ce manuscrit, de répondre rapidement, par email, à toutes les questions qui m’apparaissaient obscures. Qu’elle soit assurée de mes remerciements les plus vifs. J’adresse mes remerciements les plus sincères à Madame Gabriela BIANCHI, Fonctionnaire Principale des pêches à la FAO, qui a accepté volontairement de participer au jury de ma thèse malgré ses multiples charges administratives et scientifiques au sein de cette organisation. Sa participation constitue pour nous le témoignage incontestable de l’intérêt que porte la FAO, par l’appui du projet Nansen, à la préservation de la ressource halieutique dans la région de l’Afrique Nord- Occidentale à travers la contribution dans sa gestion rationnelle et son exploitation durable et ce par l’encouragement de la recherche fondamentale génératrices de nouvelles informations scientifiques. Qu’elle soit assurée de mes plus vifs remerciements et de l’expression de toute mon estime. Je désire inclure dans ces remerciements toutes les personnes qui ont contribué à l’avancement de cette thèse. Je commencerai par Mme Souad KIFANI, Chef d’URD à l’INRH, pour avoir assuré le suivi de ce travail au niveau de l’INRH, pour son soutien et ses encouragements. Je la remercie aussi pour m’avoir aidée à assimiler la partie hydrodynamisme de la zone d’étude. Les chercheurs du laboratoire « Suivi des ressources et de leur exploitation » de l’INRH; Aziza LAKHNIGUE et Ahmed MARHOUM pour m’avoir aidée et soutenue dans ce travail. V. LAURANT et P. LENFANT (EPHE de Perpignan) qui m’ont assisté lors des traitements statistiques de mes données, Y. STRATOUDAKIS et A. SILVA de l’IPIMAR ( Portugal) de m’avoir invitée au projet européen "SARDYN" ce qui m’a facilité les contacts qui m’ont été d’une grande utilité dans ce travail, M.François BONHOMME (Université de Montpellier II) pour ses remarques et ses critiques constructives qu’il m’avait fait chaque fois que son avis a été sollicité, M.S. BENCHRIFI, Chef du Département des ressource halieutiques de l’INRH, M.CHBANI, N. CHAROUKI, S. AYOUBI, H.MASKI et tous les Scientifiques et équipage du bateau de recherche de l’INRH « Al Amir Moulay Abdallah » et celui de l’IMR (Norvège) « Dr. Fritdjof Nansen » de m’avoir assuré la collecte des échantillons à bord, R, HOUSSA, A. KALMOUNI et M.BAHADDA du laboratoire de cartographie de l’INRH. Une petite pensée à M.ELHAJJI, Merci de m’avoir aidée dans la traduction de mes articles et de répondre présent à tout moment. Merci aux familles NAJID et ElALLAM de la France pour leur soutien moral et logestique. Je n’oublie pas de remercier tous les techniciens de l’INRH qui m’ont aidée dans la dissection des sardines, M. NAJI, S. SEMMOUMY et A. YOUSOUFi et A.NABICH de l’IAV, M .BARECHDY, secrétaire du Département des Ressources Halieutiques de l’INRH qui a assuré la mise en forme de ce manuscrit anis que S.BENHAR, Y.JAID Les préparatrices Rachida, Najat et les secrétaires du département de Biologie de la faculté des Sciences de Rabat J’arrive bientôt au terme de ces remerciements mais auparavant, je tiens à remercier tous mes collègues de l’INRH pour tous leurs gestes d’encouragements et d’appui qu’ils ont toujours exprimés à mon égard, leur bonne humeur m’a permis de travailler dans une ambiance agréable, je pense plus particulièrement à A.BOUMAAZ, A.SRAIRI, A.DRIDI, A.RAMZI et L.BESMAIL. Je terminerai ces remerciements par une pensée aux personnes qui me sont les plus proches. Mes amis et ma petite famille qui a subi les derniers moments de la rédaction de cette thèse, les sauts d’humeur, les moments de colère, les absences, qu’elle trouve ici le témoignage de ma profonde et sincère gratitude et affection, même si immenses soient elles ne seront à la hauteur de sa présence et sa tolérance. J’ai probablement oublié des noms et je m’en excuse à l’avance. Que toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail, trouvent ici l’expression de ma profonde reconnaissance. J’espère qu’ils trouvent ici satisfaction d’y avoir collaboré. SOMMAIRE Introduction générale………………………………………………………………………….1 Contexte scientifique et problématique……………………………………………………….5 Objectifs du travail………………………………………………………………...11 Première partie : Généralité Chapitre I : Notions de base et concepts utilisés dans ce travail 1. Notion de Population............................................................................................................ 14 2. Le concept de stock : ............................................................................................................ 15 3. Cycle de vie des poissons :................................................................................................... 16 4. Identification des stocks et aménagement des pêcheries : ................................................... 18 5. Méthodes d’identification des populations halieutiques : .................................................... 19 6. Génétique des populations ................................................................................................... 22 7. 1.Notion de marqueurs génétiques ....................................................................................... 25 7.2. Les marqueurs enzymatiques ........................................................................................... 26 Chapitre II : Répratition, Environnement et Biologie de la sardine 1. Taxonomie............................................................................................................................ 28 2. Répartition ............................................................................................................................ 29 3. Environnement: .................................................................................................................... 30 3.1.Particularité de la côte marocaine................................................................................. 32 3.2. Cas particulier du Cap Ghir........................................................................................... 33 3.3. Méditerranée ................................................................................................................. 34 4. Comportement ...................................................................................................................... 35 5. Biologie ................................................................................................................................ 35 5.1. Croissance..................................................................................................................... 35 5.2. Reproduction ................................................................................................................. 36 5.3. Frayères et nourricières de la sardine le long de la côte nord ouest africaine :....... 36 5.4. Stratégie d’adaptation de la sardine dans le système d’upwelling des Canaries :...... 38 6. Exploitation .......................................................................................................................... 38 Deuxième partie : Variabilité génétique Chapitre II : Matériels et Méthodes 1. Stratégie d’échantillonnage .................................................................................................. 41 2. Traitement des échantillons et préparation des extraits enzymatiques : .............................. 44 3.1. Traitement génétique......................................................................................................... 44 3.2. Protocole ........................................................................................................................... 44 4. Traitements statistiques utilisés :.......................................................................................... 45 Chapitre II : Structure génétique des populations de la sardine, Sardina pilchardus, dans la région du Nord Ouest Africain 1. Identification génétique des populations de sardine, Sardine pilchardus, dans l’Atlantique marocain ................................................................................................................................... 48 2. Mise en évidence d’un Cline génétique chez les populations de sardine, Sardina pilchardus, le long de la côte nord ouest africaine (NOA).......................................................................... 51 Chapitre III : Variation temporelle de la variabilité génétique des stocks de Sardina pilchardus liée aux flux migratoire le long de la côte Atlantique marocaine Troisième partie : Synthèse des résultats et discussion générale 1. Structure génétique des populations de la sardine au large de la région du Nord Ouest africain (NOA) ......................................................................................................................... 59 2. Relation entre structure génétique et comportement migratoire chez sardina pilchardus le long de la côte atlantique marocaine ........................................................................................ 67 Conclusion générale et perspective Références bibliographiques Annexes Index des figures Figure 1 : Evolution de la capture de la sardine en Atlantique marocain durant la période 1990-2007 ______________________________________________________________ 1 Figure 2 : Carte de distribution des unités de stock de la sardine et des zones de pêches des petits pélagiques adoptées le long de l’Atlantique marocain (FAO, 1997) ______ 8 Figure 3: Aires de peuplement de la sardine, principales pêcheries et schéma des migrations saisonnières présumées le long de la côte nord-ouest africaine (Belvèze, 1984)___ 11 Figure 4 : Cycle de vie de la sardine, Sardina pilchardus, et influence de différents paramètres sur le cycle de vie _________________________________________ 17 Figure 5 : Photo de la sardine européenne, Sardina pilchardus, (Walbaum, 1792) _______ 29 Figure 6 : Carte de l'aire de répartition de la sardine européenne, Sardina pilchardus (d’après Whitehead, 1985) _________________________________________________ 30 Figure 7: Circulation générale dans l'océan Atlantique (d'après Tchernia, 1969) _________ 32 Figure 8 : Structuration mésoéchelles de l’hydrodynamique dans la zone atlantique du Maroc Filament du cap Ghir (d’après Van Camp et Nykjear. 1988). _______________ 33 Figure 9 : Circulation générale de l’eau de surface en Méditerranée (d’après Millot, 1987). 34 Figure 10 :Carte synthétique représentant les zones de répartition et les aires de ponte de la sardine dans la zone d’étude _________________________________________ 37 Figure 11: Evolution historique des captures de la sardine dans la région du Nord Ouest africain__________________________________________________________ 40 Figure 12 : Cartes représentant les sites d’échantillonnage réalisé durant l’étude. _______ 43 Figure 13: Représentation schématique de la circulation mésoéchelle entre le cap Juby et l’Archipel des Iles Canaries (d’après Barton et al., 1998). __________________ 63 Figure 14: Filament du Cap Juby et structures associées (d’après Barton et al., 2004 http://www.sos.bangor.ac.uk/~oss041/fax99/Templates/paperlist.htm). _______ 64 Figure 15: Position des échantillons prélevés au large de Safi durant l’hiver 2003 et l’hiver 2004. ___________________________________________________________ 65 Figure 16: Proposition, à partir de nos données, de délimitation des stocks de sardines dans la région du Nord Ouest africain. _______________________________________ 66 Figure 17: Proposition de délimitation de stocks de sardine à partir de l’ensemble des données génétiques (ADN et Allozymes) (Ramon et Castro, 1997 ; Laurant et al, 2006, 2007 ; Atarhouch et al, 2007 et Chlaida et al, 2005, 2008) ____________ 67 Figure 18: Présentation schématique de la structure génétique de la sardine obtenue pour les deux saisons _____________________________________________________ 68 Indexe des tableaux Tableau 1 : Détail de l’échantillonnage réalisé dans l’étude…………………………42 Tableau 2 : Détail des systèmes enzymatiques analysés en fonction des tampons et des tissus utilisés…………………………………………………………………………45 Résumé L’analyse génétique, par les marqueurs allozymiques, de 7 échantillons de sardine collectés en hiver 2003 sur la côte marocaine puis de 14 échantillons de sardine prélevés, en hiver 2004, sur toute la côte du Nord Ouest africain, la méditerranée marocaine et le golfe de Cadiz a montré une coupure génétique importante entre deux groupes de sardine vivant dans cette région. Le premier se situe au nord de la baie d’Agadir (30°48 N) et s’étend jusqu’au golf de Cadiz (36°43.2'N), il regroupe les échantillons issus de Larche, de Safi, d’Essaouira et qui présente des ressemblances avec de la méditerranée marocaine. Le second groupe se répartit depuis Sidi Ifni (29°12 N) jusqu’a la limite sud de l’aire de répartition de l’espèce en Mauritanie (19°03’ N). Cette coupure génétique est probablement la conséquence d’une barrière au flux de gènes de nature hydrologique au niveau du Cap Ghir. Le suivi spécifique du locus SOD*a mis aussi en évidence un cline génétique chez la sardine dans cette zone. L’analyse, par la même méthode génétique, d’une autre série d’échantillons collectée en été 2006 a montré que la structuration en deux groupes est globalement respectée et que la différence entre les deux saisons ne concerne que la position de la coupure entre les deux stocks . En effet, la barrière entre les deux groupes, qui en hiver, se situe au niveau de S.Ifni se déplace un peu plus au sud au niveau de Tarfaya pendant l’été. Ce déplacement de la barrière entre les deux populations serait la conséquence d’une migration génique (sud –nord) de la sardine pendant l’hiver confirmée par la confrontation de résultats génétiques avec la stratégie de reproduction de la sardine le long de la côte atlantique marocaine. Cependant, la migration génique ne peut pas à elle seule expliquer cette situation. La migration nord-sud dite trophique et qui s’effectue pendant l’été peut aussi apporter des informations : L’étalement vers le sud du stock nord pendant l’été serait la conséquence d’une richesse trophique engendrée par un upwelling qui s’intensifie entre Safi et Tarfaya durant cette période. Ces résultats offrent une nouvelle perspective sur la gestion des stocks de sardine, qui idéalement doit maintenant être géré en tant que deux stocks le long de la côte nord ouest africaine. Ils portent aussi des informations sur la migration de la sardine le long de la côte marocaine dont les hypothèses précédentes devraient être revues à la lumière de ces résultats qui doivent être à leur tour confirmés dans le future par d’autres analyses génétiques se basant sur les marqueurs ADN hyperpolymorphes neutres, tels que les microsatellites. Mots clés : Sardina pilchardus, structure génétique, allozymes, migration, gestion, Nord Ouest africain, upwelling. INTRODUCTION GENERALE Les écosystèmes d’upwelling tels que le courant des Canaries, le courant de Benguela, le courant de Californie et le courant de Humboldt abritent les plus importantes ressources de petits pélagiques côtiers (sardine, maquereau, sardinelle, anchois, et chinchard). Ce phénomène de remontée des eaux froides riches en sels nutritifs est à l’origine de la forte productivité biologique qui caractérise ces zones. La région du Nord Ouest africain (NOA), qui s’étend du détroit de Gibraltar (36°N) entre l’Espagne et le Maroc au cap Roxo au Sénégal (12 °N), correspondant à l’écosystème du Courant des Canaries, est une zone qui se caractérise par un potentiel halieutique considérable. Ce potentiel est constitué essentiellement de poissons pélagiques dont la capture moyenne dépasse les 1.5 millions de tonnes par an, ce qui représente plus de 75% des captures halieutique de cette région, avec une dominance de sardine (plus de 700 000 tonnes par an). La plus grande prise de sardine enregistrée durant les deux dernières décennies (une moyenne de plus de 600 000 tonnes) a été réalisée au Maroc qui détient la plus grande biomasse (1-8 millions de tonnes) (FAO, 2007 ; 2008) ( Figure 1). Capture en tonne 1200000 1000000 800000 600000 400000 200000 06 07 20 20 04 05 20 20 02 03 20 20 00 01 20 20 98 99 19 19 96 97 19 19 94 95 19 19 92 93 19 19 19 19 90 91 0 Années Figure 1: Evolution de la capture de la sardine en Atlantique marocain durant la période 1990-2007 (FAO, 2008) Cependant, les conditions d’exploitation des ressources pélagiques dans cette zone ont subi une grande mutation au cours des dernières décennies. Le mythe de l’existence de ressources inépuisables entretenu, jadis, par la disponibilité des stocks aisément exploitables a fait place aujourd’hui à une prise de conscience des dangers de leur effondrement. Par ailleurs, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), 1 considère qu’à ce jour près de 15% des stocks de poissons sont définitivement détruits et que près de 70% sont en danger de surexploitation. Pour éviter de tel scénario, il est devenu urgent de comprendre les raisons des disparitions des stocks. Les effondrements les plus spectaculaires de stocks de poisson sont ceux de la sardine de Californie ( Mac Call, 1976 ; 1983) et du Japon ( Hayasi., 1983) dans les années 1950, de l’anchois du Pérou dans les années 1970 (Sharp., 1987 ; Roy, 1992), du pilchard d’Afrique du sud au milieu des années 1960-1970 ( Shannon et al., 1988), de hareng de la Mer du Nord ( Saville et Bailey, 1980) ou le signal d’alarme donnée par la chute de biomasse de la sardine au Maroc en 1997 ( FAO, 2001) ; autant d’exemples qui témoignent de l’extrême sensibilité de ces espèces face aux fluctuations thermiques et hydrodynamiques, du milieu (Cury, 1989), ajoutée à la surexploitation dont les conséquences peuvent être également désastreuses à long terme. Il n’est pas sûr que l’écologie pourra à elle seule résoudre ce problème ce qui rend plus que nécessaire la connaissance des liens intimes qui unissent les populations. De ce fait, la communauté scientifique internationale et pour la première fois, s’alarmait de l’impact des activités humaines sur la dégradation de milieux naturels et les menaces d’épuisement des ressources biologiques. Les pays participant à la Conférence de Rio de Janeiro le 5 juin 1992 s’engageront à la préservation de ces ressources à travers la signature d’une Convention sur la diversité biologique. La biodiversité est définie par cette Convention comme étant la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres systèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. La prise en compte de la diversité intra spécifique dans la gestion des ressources marines exploitées et la définition de l’étendue géographique des populations durables ou les groupes de sous populations reliés par un flux de gènes constituent donc des impératifs permettant d’assurer la durabilité de l’exploitation (Grant et al., 1999). La notion de gestion durable est universelle et concerne tous les types de ressources naturelles, qu’elles soient minérales, végétales ou animales. D’un point de vue biologique, la gestion durable doit permettre d’assurer le maintien de la diversité biologique, de la productivité, de la capacité de 2 régénération de façon à satisfaire les besoins actuels et futurs. Ceci est en accord avec ce qui a été proposé à la fin des années 1980 par la Commission des Nations Unies sur l’Environnement, qui a défini la notion de développement durable comme suit: « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, 1988). Dans ce contexte, la préservation des ressources naturelles est devenue une priorité nationale au Maroc ; une attention particulière est adressée à la richesse halieutique notamment à la sardine, la pêche et l’industrie de transformation de cette espèce qui font vivre des centaines de milliers de personnes, procurent des devises à l’économie nationale par l’exportation de conserve et de farine de poisson et contribuent à assurer l’équilibre protéique de l’alimentation d’un grand nombre de marocains. A ce rôle socio-économique majeur s’ajoute un rôle écologique clé. En effet, il a été de plus en plus démontré que l’espèce pélagique dominante dans un écosystème marin, en particulier dans les systèmes d’upwelling et au cours des périodes de grandes variations de biomasse des petits pélagiques, peut jouer un rôle structurant dans la dynamique de l'écosystème de par le contrôle qu’elle pourrait exercer sur d'autres espèces de poissons pélagiques, sur les niveaux trophiques supérieurs (les poissons piscivores, les oiseaux marins et les mammifères) et sur les niveaux trophiques inférieurs (zooplancton) (Cury et al., 2000 ; 2003). Tenant compte de cette importance tant économique qu’écologique, une gestion rationnelle de cette ressource exige la circonscription d’unités d’aménagement correspondant à une réalité biologique et la compréhension des mécanismes biologiques et environnementaux structurant sa répartition afin de déterminer les niveaux de prélèvement durables. Au Maroc, l’aménagement de cette ressource se fait dans le cadre d’unités de gestion géographiques établies sur la base de critères tels que la répartition moyenne des densités, les zones de ponte, les zones de pêche, les variations morphométriques et méristiques (FA0, 1978). Les mesures de gestion mises en œuvre (limitation de l’effort de pêche, plafonnement des captures, taille marchande/moule autorisé ou fermeture de la pêche dans certains secteurs 3 durant la période de reproduction de l’espèce) prennent en compte les potentiels relevés respectivement dans chacune des zones conventionnellement appelées zone nord, zone A, zone B et zone C qui sont des unités établies par la FAO pour faciliter la gestion des pêcheries pélagiques au Maroc et dans la zone COPACE (FAO, 1978). Toutes ces mesures doivent considérer, en premier lieu, l’état de la ressource comme facteur déterminant pour la pêche. Cette importante information est obtenue par le diagnostic de l’état des ressources halieutiques (ou évaluation des stocks) tâche qui s’effectue annuellement, depuis 1978 avec l’assistance du projet FAO : Projet COPACE ( Projet Intégral de Développement et d’Aménagement des Pêches dans l’Atlantique Centre- Est) à l’échelle de la région du nord ouest africain du fait que le stock sardinier, comme c’est d’ailleurs le cas pour les autres stocks pélagiques, est un stock partagé avec les pays voisins. Parmi les éléments techniques indispensables à l’évaluation des stocks halieutiques et, par la suite, à l’aménagement des pêcheries, la connaissance des unités des populations et les limites des stocks exploités apparaissent comme un élément majeur. Il n’existe pas de définition exacte du terme « évaluation des ressources » qui ne se limite pas à leur simple quantification, car ce vocabulaire englobe toutes une série de démarches et de recherche qui, en se regroupant et en s’additionnant, fournissent des renseignements sur une population. Le travail du spécialiste de l’évaluation des stocks doit servir en fin de compte à formuler des avis à l’intention des décideurs concernant l’aménagement et le développement des pêcheries (Belvèze, 1984). Dans la région du Nord Ouest africain, l’estimation des points de références et objectifs de gestion uniforme pour tous les stocks de la région se fait presque exclusivement par le recours au modèle global, invariable depuis 2001 (FAO, 2006). Dans le travail d'évaluation des stocks qui repose généralement sur les propriétés biologiques propres à la population, on comprend l’importance de distinguer les stocks différents. En somme, une attitude responsable vis à vis de cette ressource exige la conservation non seulement de la diversité spécifique mais aussi celle de l’ensemble du patrimoine génétique. Une gestion responsable doit donc avoir pour étape préliminaire la définition des unités d’aménagement qui passe obligatoirement par l’identification des unités de populations constitutives d’un peuplement, en particulier lorsqu’il s’agit de petits pélagiques connus pour leur instabilité aussi bien dans le temps que dans l’espace. De ce fait, la nécessité d’améliorer 4 les connaissances scientifiques sur la biologie de l’espèce (zone et période de ponte, régime alimentaire, unité de stock etc.…), sur la migration ainsi que sur les conditions de son exploitation s’est peu à peu imposée. C’est dans ce contexte que la problématique de l’identification des stocks de sardine dans la région du Nord Ouest africain a été soulevée. Contexte scientifique et Problématique Que connaît t-on de la structure génétique et les limites de la sardine, Sardina pilchardus dans son aire de répartition ? Depuis les années 1920, des tentatives d’identification et de délimitation des stocks de sardine, Sardina pilchardus, ont été entreprises dans des secteurs géographiques restreints et sur des périodes fragmentées. Elles se basaient essentiellement sur des études morphométriques et méristiques (comptage des vertèbres et des branchiospines etc..). Ces études ont aboutit à des définitions différentes de groupes géographiques ou d’unités de stocks de sardine. Cependant l’absence de différences phénotypiques invariables et significatives sur un large secteur géographique a empêché le consensus sur la structure de la population de sardine dans son domaine de distribution. Seule les travaux de Fage (1920), d’Andreu (1969), de Furnestin et Furnestin (1970) et de Parrish (1989) ont été largement admis et ont définis quatre stocks de sardine le long de l’Atlantique : Le stock Atlantique septentrional, distribuée de la Mer du Nord (57°) à la côte cantabrique de l'Espagne (43° N). Le stock Atlantique méridional ou Ibérien, distribué entre les côtes espagnoles et portugaises (de 43°N à 36°N). Le stock Marocain distribué du Cap Spartel (36°N) au Cap Juby (28°N), Le stock saharien distribué du Cap Juby à la baie du levrier (21°N). Ce dernier stock se trouvant à la limite sud de l’aire de répartition de Sardina.pilchardus serait en partie à l’origine des captures de cette espèce en Mauritanie et au Sénégal (Fréon et Stéquert., 1979 ; Belvèze et Erzini, 1983) Le stock méditerranéen du détroit de Gibraltar à l’Adriatique a été ensuite identifié aussi les mêmes critères (Lee, 1962 ; Moura et Dos Santos, 1987). 5 Quelles sont les limites géographiques et la structure génétique des stocks de sardine peuplant les eaux du nord ouest africain ? Au Maroc comme dans l’ensemble de la région nord ouest africaine, un grand nombre d’auteurs se sont penchés sur l’étude de la variabilité intraspecifique de cette espèce. On retiendra plus particulièrement les travaux de Furnestin (1950, 1959,1970) basées essentiellement sur les critères anatomiques et morphologiques, il a appelé "sous espèces (ou races)" la sardine du stock marocain. Avec le développement de la pêche de cette espèce et des concepts de gestion des ressources, il devenait nécessaire d’identifier des unités de gestion individualisées basée le plus que possible sur des réalités biologiques. Les premières conclusions en la matière sont données lors du groupe de travail ad hoc sur la sardine (FAO, 1978) et portant sur le peuplement sardinier des côtes atlantiques. Ces conclusions sont basées sur les différences observées dans le nombre de vertèbres (Krzeptowski, 1975; Bravo de Laguna et al ., 1976; Belvèze et Rami, 1978, en FAO, 1978), dans le profil électrophorétique des protéines musculaires (Baron, 1972; Barkova et al., 1976; Biaz, 1976) et sur la croissance et suggèrent l’existence de stocks présentant une certaine indépendance. Dans les échantillons capturés au large de Casablanca et un peu au nord, le décompte des vertèbres et les différences dans les observations par électrophorèse indiquent que ces sardines pourraient appartenir à un stock unitaire différent de celui pêché dans la zone A (zone située entre Safi et Sidi Ifni). Les analyses électrophorètiques et les études de croissance montrent qu’il peut y avoir aussi une certaine indépendance des stocks situés (respectivement) dans la zone A (SafiAgadir), B (Sidi Ifni-Cap Bojador) et C (Cap Bojador- Cap Blanc). Toutefois, il n’y a pas de preuve bien nette d’une telle séparation et les observations sur les variations saisonnières des rendements entre les différentes zones de pêche indiquent qu’il peut très bien y avoir des migrations importantes d’une zone à l’autre. Les migrations, le mélange et la séparation des sardines dans les différentes zones appellent un complément d’information. 6 Le groupe de travail ad hoc du COPACE/FAO sur la sardine (FAO, 1985) révisait son jugement et concluait par contre, sur la base des travaux de Belvèze (1984) relatifs à la biologie de l’espèce et à la concentration spatio-temporelle de l’activité de la pêche, à l’existence de trois unités de stock seulement, correspondant aux trois aires de reproduction identifiées : une petite population au nord de Casablanca, une population qui se reproduit dans La zone B et qui alimente en été la pêcherie A, et une population dans la zone C. Tous les Groupes de Travail qui ont suivi ont adopté l’existence de trois stocks séparés (Figure 2): • Stock Nord (35°N45'-32°N) • Stock Central (32°N-26°N) (Zone A+B) • Stock Sud (26°N- jusqu’à l’extension sud de l’espèce) (Zone C) 7 Figure 2 : Carte de distribution des unités de stock de la sardine et des zones de pêches des petits pélagiques adoptées le long de l’Atlantique marocain (FAO, 1997). Des études récentes remettent en cause ces subdivisions. En Méditerranée, Ramon et Castro (1997) par les marqueurs allozymiques et (Tinti et al., 2002) par l’analyse de la divergence des séquences de cytochrome b (ADN mitochondrial), montrent que les échantillons prélevés en Mer d’Alboran semblent se distinguer du reste de la Méditerranéenne est parfois assimilée au stock atlantique (Borsa, 1997).Ainsi, le front d’Alméria-Oran constituerait une barrière pour la sardine en Méditerranée. En Atlantique, une étude morphologique réalisée plus récemment (Silva, 2003) regroupe, d’une part, les individus du Sud de la Péninsule Ibérique avec ceux du Maroc. Les résultats de l’analyse des marqueurs allozymiques (Laurent et al ., 2007), montre une homogénéité génétique entre les échantillons prélevés entre le nord du Maroc, la Mer du Nord et la Mer d’Alboran et une différenciation 8 génétique des populations périphériques (Acores, Madeira et Mauritanie), ces derniers ont été aussi différencié par l’ADNmit (Kasapidis et al., 2004 ; Laurent et al ., 2007). Une autre étude sur la structure génétique de la sardine dans les eaux marocaines utilisant les marqueurs ADN, a fait l’objet d’un projet de recherche entre l’INRH et l’IAV (Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II du Maroc). Ce projet de recherche a démarré en même temps que la présente étude dont les principaux résultats sont un peu controversés. Dans un premier temps, l’analyse des séquences de la région de control de l’ADN mitochondrial de la sardine n’a pas révélé de différenciations génétiques au sein des populations de sardines au niveau de l’Atlantique et entre l’Atlantique et la Méditerranée mais cette étude a souligné l’isolement génétique de la population situé au large de Safi qu’ils ont qualifié comme résultant d’un goulot d’étranglement ( Atarhouch et al., 2006).Dans un deuxième temps, l’utilisation d’une technique dite EPIC- PCR ( Polymorphisme des introns) et traitant les mêmes échantillons a mis en évidence une divergence entre les populations de sardine vivants en Mer d’Alboran et celle vivants en Atlantique marocain. Ces dernières présenteraient une coupure génétique faible au niveau du Cap Ghir et confirmerait l’identification à part de la population de Safi (Atarhouch et al. ; 2007). Les divergences de ces résultats font que, les subdivisions des stocks de sardine le long des côtes ouest africaines, adoptées lors du groupe de travail FAO (1985), sont toujours utilisées et que la question soulevée depuis les premiers groupes de travail sur l’évaluation des stocks de sardine dans cette région n’est pas pour autant résolue. Quelle est la nature, le sens et la période des déplacements effectués par la sardine le long de la côte Atlantique marocaine ? Une deuxième problématique est aussi pertinente que la précédente, il s’agit de la caractérisation des mouvements de sardine le long de la côte marocaine, la nécessité d’avoir des informations relatives à la migration des sardines est aussi urgente que l’identification et la délimitation des stocks. 9 En effet, l’exploitation de certaines pêcheries de poissons connus par leur trajet migratoire, comme c’est le cas des thonidés et des petits pélagiques, est fonction de l’intensité du flux migratoire car des captures importantes imputées sur la portion migrante du stock sont réalisées. Cependant, une surexploitation de cette portion peut également aboutir à l’effondrement de ces stocks étant donnée que les poissons se déplacent en fonction des saisons à la recherche de nourriture et pour les besoins de la reproduction qui est très influencée par les conditions thermiques du milieu (Olivar et al., 2001 ; Riveiro et al., 2000). Aussi, des investissements peuvent être mis en place sur le trajet de migration visant le traitement et la transformation de cette portion de poisson qui migre chaque année pendant des saisons bien précises. En terme économique, les pertes peuvent être considérables si des informations erronées et/ou non vérifiées sont à l’origine de ces investissements. En ce qui concerne la sardine marocaine, les différentes campagnes acoustiques entreprises dans la région ont permis d’identifier des zones de concentrations sans toutefois toujours permettre de répondre à certaines questions essentielles telles que celles se référant à la structure des populations, à la portée des migrations, individuelles et par bancs, et aux facteurs présidant ces déplacements. Bravo de Laguna (1980) et Belvèze (1984) donnent une compilation des connaissances sur la distribution, les migrations et la ponte des principales espèces de la région Atlantique marocaine. Cette compilation permet de dégager certaines zones de concentrations permanentes et l’existence de cycles supposables de migrations sans toutefois aller jusqu’à permettre de tirer des conclusions quant aux sens, l’amplitude et la cause de ces mouvements et pourtant ces hypothèses sont, jusqu'à nos jours, prises comme étant définitives (Figure 3). 10 Figure 3: Aires de peuplement de la sardine, principales pêcheries et schéma des migrations saisonnières présumées le long de la côte nord-ouest africaine (Belvèze, 1984) Objectifs du Travail : La synthèse des résultats précédemment obtenus montre que la problématique de la définition des unités de stock au sein du peuplement sardinier du Nord Ouest africain reste toujours posée. Les problèmes que pose cette incertitude en matière d’évaluation et d’aménagement de cette ressource poussent à reconsidérer les hypothèses en vigueur à la lumière des résultats qui seront fournis par cette étude et la synthèse des travaux réalisés sur cette espèce. 11 L’objectif premier de ce travail est donc d’apporter des éléments de réponse supplémentaires à la question posée à travers l’utilisation des marqueurs allozymiques et de formuler des hypothèses sur les processus évolutifs qui ont abouti à la structuration génétique des stocks de sardine dans la région du nord ouest africain. Le second objectif est de déterminer si la structure génétique observée est stable au cours de l’année. La sardine étant une espèce migratrice, un mélange de populations par migration sera détecté par les analyses génétiques. On procédera, également, à la détermination des facteurs régissant la répartition et les mouvements de la sardine dans cette zone en faisant une compilation des données génétiques avec celles liées à certains traits du cycle de vie de l’espèce et à son environnement hydrodynamique. Grâce à ce travail, nous espérons apporter des réponses plus précises sur la séparation des stocks ce qui permettrait de réviser les délimitations des stocks utilisées dans cette région et aboutir à des informations nouvelles concernant la migration de la sardine le long de ces côtes. Ces deux informations sont très importantes aussi bien pour la gestion des stocks de sardine dans la région du nord ouest africain que pour la sauvegarde de l’espèce. Pour se faire, nous adopterons le développement suivant : Dans la première partie « Généralités » nous exposerons d’abord un rappel sur les notions de base utilisées dans ce travail (notions de population, de stock et les concepts de base de la génétique des populations), ensuite nous présenterons notre modèle biologique (environnement, répartition, biologie). Dans la deuxième partie, variabilité génétique des stocks de sardine dans la région du Nord Ouest africain, en premier chapitre, Matériels et Méthodes, nous présenterons notre stratégie d’échantillonnage ainsi que le protocole expérimental que nous avons suivi. Les autres chapitres seront présentés à travers des publications qui traiteront dans le chapitre 2, de la structure génétique des populations de la sardine dans les eaux atlantique marocaines, par le biais du premier article, et des clines génétiques chez les populations de sardine dans la région nord ouest africaine par le biais du deuxième article. Le chapitre 3 traitera des variations de la structure génétique ou cours de l’année et du flux migratoire de la sardine dans l’Atlantique marocain (Article 3). 12 Dans la dernière partie, une discussion générale des résultats obtenus et une compilation des informations disponibles sur la structure génétique des stocks de sardine permettront d’apporter des éléments de réponses aux questions posées. Une synthèse de l’ensemble des résultats permettra aussi de proposer un certain nombre de recommandations ainsi que des perspectives répondant aux inconnues qui n’ont pu être résolues par le présent travail. 13 PREMIERE PARTIE : GENERALITES Chapitre I : Notions de base et concepts utilisés dans ce travail __________________________________________________________Généralité, Chapitre I La mise en place d’un système de gestion implique donc une bonne connaissance des stocks de pêche et de leur dynamique. Cependant, les études réalisées sur l’identification des stocks de poissons soulèvent la nécessité de définir les notions de population et surtout, le concept de stock qui ont fait l’objet de vives discussions parmi les scientifiques (Mork et al. ,1985 ; Pogson et al., 1995 ; Jordan et al., 1997 ; Begg et al., 1998 ; Buonaccorsi et al., 1999 ; Murta, 2000). En effet, la définition de ces deux termes est importante aussi bien pour le généticien que pour l’halieute. Il existe plusieurs définitions en fonction des méthodes et du domaine d’étude considéré. 1. Notion de Population Selon le petit Larousse : "Une population est un ensemble d’animaux ou de végétaux de la même espèce vivant sur un territoire". Cette définition, bien que simple, reste insuffisante pour traduire la portée de ce concept en génétique des populations et en halieutique. Daget et Le Guen (1975) définissent une population halieutique comme un ensemble d’individus vivant dans un écosystème déterminé et possédant des caractères communs transmissibles par hérédité. Laurc et Le Guen (1981) ajoutent à ceci «dans l’idéal, il n’existe aucun échange avec les individus extérieurs à la population et, à l’intérieur, aucune barrière ne freine les échanges génétiques entre sous-ensembles». Cette définition, telle que proposée par ces auteurs, nous amène vers la notion d’isolement et d’homogénéité et qui peut être définie comme une uniformité des caractéristiques individuelles ou brassage qui correspond à la notion de population panmictique de Calaprice (1980), selon laquelle «la panmixie est une situation idéale dans laquelle tous les croisements possibles sont également probables». C’est donc un système de croisement qui suppose que la rencontre des gamètes se fait au hasard. Cependant, ces conditions ne sont pas toujours remplies, et on peut rencontrer des compartiments à l’intérieur des populations ou les échanges sont faibles ou périodiques on parlera alors de la notion de sous- population qui, suffisamment isolée, serait en pratique considérée comme une population. D’autres auteurs ont défini le mot population selon le comportement de l’espèce vis à vis de l’environnement : «La population est une collection d’individus d’une même espèce qui se sont adaptés à des conditions d’environnement et qui ont à préserver cette adaptation tant que ces conditions perdurent», Marchal (1991). Mais pour le généticien des 14 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I populations, la population est un ensemble d'individus qui montrent une unité de reproduction: tous les individus d'une population ont la même probabilité de se croiser entre eux. 2. Le concept de stock : Contrairement au concept de population autour duquel il y a eu, plus ou moins, un consensus de la part de la communauté scientifique. Le concept de stock continu de nos jours à susciter un grand débat entre scientifiques, particulièrement entre généticiens et halieutes. L’halieute, tout en reconnaissant l’importance de la population en aménagement doit souvent, du fait de la non identification de celle ci, travailler sur des stocks ce qui constitue une approximation souvent grossière. Ihssen et al. (1981) définissent un stock comme un groupe intraspécifique, possédant une intégrité spatiale et temporelle, où les individus peuvent s’accoupler aléatoirement. De ce fait, l’utilisation des termes « stock » et « population » est souvent confuse et confondue dans la littérature. Ces deux définitions, de population et de stock, peuvent en fait être complètement confondues si l’on ne considère que les caractéristiques biologiques de l’espèce. Selon les rapports C.P.S (1976), le stock est associé à une population au sens biologique dans le cas idéal, dans la pratique l’association n’est pas nécessairement aussi simple. La notion de population est liée à des considérations biologiques alors que la notion de stock est associée à l’exploitation. La population est une unité génétique, le stock est une unité de gestion. Cette idée est partagée par Laurec et Le Guen (1981) : « le stock est, par définition l’ensemble des animaux exploitables. Lorsque la population est isolée et homogène, le stock constitue alors une entité, indépendante d’autres stocks de la même espèce et gérée individuellement. Les événements extérieurs, par exemple la pêche dans d’autres secteurs, n’ont pas d’effets sensibles». Pour d’autres auteurs, le stock est tout simplement un ensemble d’espèces de poissons prêt à être exploités (Milton et Shaklee, 1987, Smith, 1990) dans une zone particulière avec un certain type d’engin. Toutes ces définitions ont tendance à présenter le stock comme étant une unité de gestion plutôt qu’une unité biologique, cependant la polémique n’est pas pour autant finie. En effet, Hilborn et Walters (1992) et indépendamment de toute définition pratique, proposent la définition suivante : «le stock est arbitrairement un groupe de poissons 15 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I assez large qui se reproduisent entre eux et avec les membres des autres groupes dont les caractéristiques du cycle de vie sont similaires». Avec le développement du concept de la biodiversité et de la sauvegarde des espèces, on recommande, de plus en plus, de ne pas dissocier la notion de stock de celle de population. Les présents usages du concept de stock sont généralement constitués avec le concept de population et incluent quelques notions d’intégrité génétique (Begg et al ., 1999 ; waldman ,2005). Dans ce travail, nous adopterons ces recommandations en ne considérant que les caractéristiques biologiques de l’espèce dans la définition du stock. De ce fait, nous utiliserons la définition du stock d’Ihssen et al. (1981) qui rejoint la notion de population en biologie et en évolution. Les considérations liées à l’exploitation par la pêche ne seront pas directement prises en compte. 3. Cycle de vie des poissons : L’identification et la définition des unités de stocks halieutiques sont une donnée importante dans l’aménagement des pêcheries. Elle nécessite une parfaite connaissance du cycle de vie du poisson avec entre autre, la caractérisation des sites de ponte, de la fécondité, de l’importance du recrutement (Intégration des nouveaux recrues à la population adulte, Laurec et legen, (1981), des migrations et de la mortalité naturelle. En général, le cycle de vie d’un poisson peut être schématisé par deux phases, la phase larvaire et la phase adulte, reliées ente elles par deux phénomènes biologiques, le recrutement et la reproduction (Figure 4). L’abondance d’un stock est donc dépendante de ces phases, elles-mêmes sous l’influence des facteurs de la colonne d’eau (Burton, 1996 ; Gaggioti et Vetter, 1999 ; Boudry et al., 2002). Par exemple, la reproduction est soumise à des conditions de température (Lluch-Belda et al.,1989 ; Parrish et al., 1989 ; Koutrakis et al., 2004), la dispersion larvaire à des conditions hydrologiques particulières (Alvarez et al., 2001 ; Siegel et al., 2003) et le recrutement, à la fois à des conditions hydrologiques (Bakun, 1996 ;Alvarez et al., 2001 ; Chavez et al., 2003), de température (Planque et Frédou, 1999 ; Brochier et al 2008) ou encore de salinité (Chan et al., 2001). Toutes ces données sont importantes et constituent une étape primordiale dans l’identification des stocks de poissons par des techniques avancées (Begge et al. , 1999 b). 16 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I Figure 4 : Cycle de vie de la sardine, Sardina pilchardus, et influence de différents paramètres sur les étapes du cycle de vie Les petits pélagiques ont une grande importance socioéconomique de par le monde et leurs captures représentent environ 40% des prises mondiales de poissons (FAO, 2006). Cependant les stocks et la dynamique de ces espèces ne sont pas bien connus. La difficulté à les étudier est liée au fait que ces espèces présentent souvent des abondances irrégulières probablement dues à une forte variabilité du recrutement, une mortalité importante, une pêche excessive (Gaggioti et Vetter, 1999 ; Schwartzlose et al., 1999) ou encore suite aux variations climatiques ou hydrologiques (Lluch-Belda et al., 1989 ; Cury et Roy, 1991; Guisande et al., 2001). La sardine européenne, Sardina pilchardus, est une espèce très exploitée en nord ouest africain et en Atlantique Nord-Est présente, elle aussi, des fluctuations importantes des stocks (Cendrero, 2002 ; ICES, 2005 ; FAO, 2007). Comme pour d’autres espèces et malgré une exploitation croissante, ni la biogéographie, ni les limites (géographiques et saisonnières) des stocks, ni les dynamiques et ni les mouvements des populations de sardines ne sont bien appréhendées. 17 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I 4. Identification des stocks et aménagement des pêcheries : La définition des unités de stocks de poissons est fondamentale pour l’aménagement des pêcheries. En effet, les modèles actuels d’évaluation des stocks considèrent des populations ’’fermées’’ caractérisées par un cycle de vie homogène et répondant, de manière semblable, à l’exploitation. La violation du concept de l’unité de stock peut mener à la disparition de la diversité génétique, aux changements des caractéristiques et des taux de productivité biologique, aux pêches excessives, à l'épuisement des stocks les moins productifs et des réponses inattendues à un régime donné de gestion (Begg et al., 1999b). Ces effets sont rares mais fort probables. En effet, des simulations faites sur le comportement d’un ensemble de stocks (Frank and Brickman, 2000) montrent que le fait de ne pas prendre en compte des relations stock - recrutement différentes peut masquer la surexploitation dont ont fait objet les stocks sous-jacents en aboutissant, pour la gestion des pêcheries, à des points de référence inhabituels. Une autre étude, Daan (1991) révèle que les paramètres du stock montrent des tendances biaisées si l’on considère comme identiques les différentes mortalités de pêche des stocks étudiés. Une alternative à ces modèles classiques d’évaluation est fournie par des modèles expliquant, dans l’espace et dans le temps, la dynamique et la migration des populations de poissons. Les modèles développés ces dernières années sont valables aussi bien pour l’évaluation (Quinn et al., 1990 ; Methot, 2000 ; Buckland et al., 2004 ) que pour la gestion des stocks ( Pelletier and Mahévas, 2005). Cependant, le succès de leur application est lié en grande partie à la disponibilité des données sur le taux de migration obtenues généralement par le marquage expérimentale des poissons, tâches qui en plus d’être onéreuse, est difficile à appliquer pour la plus part des poissons. L’identification des stocks est donc une composante intégrale des évaluations des stocks. Par conséquent, le concept clé assurant la stabilité de la pêcherie est de définir l’étendue géographique des populations durables ou les groupes de sous-populations reliées par un flux de gène (Grant et al ., 1999). 18 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I 5. Méthodes d’identification des populations halieutiques : En milieu marin, il est difficile de définir les limites géographiques des stocks de poissons. Ceci est lié essentiellement aux caractéristiques intrinsèques de ce milieu qui se présente comme un espace dépourvu de frontières au sein duquel les poissons peuvent se déplacer librement (Alheit et Hagen, 1997). Pour procéder à l’identification des populations de poissons, une large variété de méthodes, directes et indirectes, sont utilisées dont la puissance et la faiblesse dépendent de l’espèce étudiée, de la définition de l’unité de stock utilisée et du degré de résolution spatiale considérée (Cadrin et al., 2005). IL est généralement recommandé d’utiliser une large gamme de techniques complémentaires pour la même espèce « holostic approach » ce qui permet de résoudre les anomalies apparentes entres les différentes méthodes et aboutir à une définition correcte d’un stock (Begg and Waldman, 1999 ; Swain et al . , 2005). Les méthodes d’identification des stocks peuvent être groupées en trois catégories (Cadrin et al., 2005). i) méthodes basées sur les traits du cycle de vie du poisson comme la reproduction, la mortalité, la croissance et la distribution, ii) méthodes basées sur les marques naturelles comme la morphologie du corps, la morphologie des otolithes ou leur composition chimique, les parasites et les caractères génétiques et iii) méthodes basées sur l’application de marques comme le marquage-recapture « tagging » ou le marquage thermique des otolithes. Le marquage-recapture consiste à observer, directement, les individus dans leur milieu. Cette méthode est peu utilisée car, en plus d’être coûteuse, elle est techniquement difficile à mettre en place. Le principe de cette méthode consiste à marquer les poissons sur un site donné et de les recapturer après un certain laps de temps. En général, le nombre de poissons recapturés est relativement faible en proportion du nombre de poissons marqués. A partir de cette méthode, il est aussi possible d’estimer les voies et les distances de migration en fonction des sites où les poissons sont recapturés. De telles expériences ont été réalisées sur plusieurs espèces de poissons et ont permis d’estimer la distances parcourue lors de la migration des poissons et de vérifier les mélanges éventuels entre stocks (Uriarte et Lucio, 2001 ; de Pontual et al., 2003 ; Pickett et al., 2004 ; Laurenson et al., 2005). 19 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I Cette technique est utilisée aussi pour estimer l’abondance d’une population à partir de modèles mathématiques comme le modèle de Lincoln-Petersen. Cependant, le nombre de poissons marqués recapturés est souvent très faible ce qui rend aléatoire l’obtention de résultats satisfaisants par cette méthode. Le recours aux méthodes indirectes pour l’identification des stocks constitue souvent une alternative à cette technique. Ces méthodes ne nécessitent qu’un échantillonnage ponctuel et régulier et peuvent être entreprises à grande échelle. Les techniques les plus utilisées sont : La morphométrie est une méthode facile à utiliser. Comparées aux autres techniques d’identification des stocks, la morphométrie est une technique moins chère et ne nécessite pas un échantillonnage complexe ou des analyses statistiques difficiles. Elle se base sur l’observation des critères morphométriques tels que la forme du corps (aplatissement, allongement), l’emplacement des nageoires (la position des nageoires pelviennes par rapport aux pectorales) la couleur de la dentition, le diamètre de l’œil, la position de l’orifice anal, la taille céphalique, l’empreinte du muscle adducteur ect.. Cette méthode, qui a permis d’avoir des informations sur les limites des stocks de poissons pour de nombreuses espèces (Lee, 1962 ; Andreu, 1969 ; Livingston et Schofield, 1996 ; Murta, 2000), est maintenant utilisée conjointement à d’autres critères. Cependant, l’inconvénient de cette méthode et que les dimensions du corps sont principalement affectées par les facteurs environnementaux. Certaines formes de corps sont typiquement associées à des niches écologiques spécifiques (Swain et al. , 2005). Les parasites «marqueurs» sont des parasites qui infestent les individus appartenant à un même stock. La composition spécifique et l’abondance des parasites peuvent varier d’une population à l’autre. Cette variation est aussi due aux fluctuations biogéographiques et aux tolérances environnementales des parasites. Chaque parasite possède un cycle de vie propre et exige certaines conditions environnementales qui peuvent être typiques à une zone particulière. Les parasites permanents sont donc particulièrement spécifiques comme c’est montré pour le maquereau (Lester et al., 2001) et le merlu (Oliva et Ballon, 2002). Pour qu’un parasite soit un bon marqueur de stocks, il est important que sa transmission soit directe (entre 20 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I deux individus) (Mackenzie, 1983) et qu’il ne soit présent que dans une seule zone (Sankuratrhi et al., 1983). Une possibilité importante de discrimination entre stocks de poissons est donnée par l’utilisation des otolithes, les otolithes sont des concrétions minéralisées situées dans l’oreille interne des poissons téléostéens qui jouent un rôle à la fois dans l’audition et dans l’équilibration (Grassé, 1958). La discrimination se fait d’abord par la comparaison de la forme de l’otolithe (Côté et al., 1980 ; Campana et Casselman, 1993 ; Begg et Brown, 2000 ; Bolles et Begg, 2000 ; De Vries et al., 2002). Des résultats encourageants sont obtenus par cette méthode car la forme de l’otolithe est liée à la croissance de l’individu, les deux sont extrêmement liés aux conditions environnementales vécues. Ensuite, on a cherché à compléter ces informations par la microchimie étant donné que la composition en oligo-éléments de l’eau diffère souvent d’un lieu à l’autre, les stocks de poisson peuvent être distingués par des empreintes chimiques retenues dans les otolithes. (Edmonds et al., 1991 ; Edmonds et Fletcher, 1997). Il est donc possible par cette méthode de déterminer l’origine des individus, les migrations et donc de préciser les limites géographiques des stocks (Arai et al., 2000 ; Jessop et al., 2002). Des effets combinés des influences physiologiques, ontogénétiques et environnementales sur le dépôt des oligo-éléments signalés par Fowler et al., (1995) peut rendre difficile l’interprétation des résultats. Les paramètres du cycle de vie ont été souvent employés pour différencier entre les stocks de poisson. Cependant, l’établissement de ces données demande un large échantillonnage s’étendant sur plusieurs régions et s’étalant sur plusieurs années (Gulland, 1969). Comme les caractères morphologiques, ces paramètres résultent d’une combinaison entre la génétique et les influences environnementales (Swain et al., 2005). La différence de croissance et de maturité peut indiquer que les populations occupent des environnements différents et donc des territoires séparés à travers leur histoire de vie (Begg, 2005), mais peut également refléter des différences adaptatives entre populations (Billerback et al.,2000 ; Kokita , 2004). D’ailleurs, la croissance et le taux de maturité affectent la productivité de la population.Ce sont donc des paramètres fondamentaux dans la gestion des stocks et doivent, de ce fait, être pris en compte dans la délinéation des unités de stocks (Swain et al., 2005). 21 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I Les marqueurs génétiques, dont l’utilisation s’est généralisée durant les trois dernières décennies, sont considérés comme une puissante méthode d’identification des stocks halieutiques puisqu’ils reflètent directement l’isolement reproducteur qui constitue le mécanisme fondamental structurant les différences observées entre les populations. En effet, les marqueurs génétiques déterminent quel est le pool de gènes commun à un même stock. Théoriquement, même si les stocks se mélangent sur un site, il serait possible de déterminer à quel stock un individu appartient, à condition que les reproductions restent indépendantes. En plus de permettre la définition des limites géographiques d’un stock (Rico et al., 1997 ; Exadactylos et al., 1998 ; Guarniero et al., 2002), il est possible de suivre l’histoire et l’évolution des stocks, c’est-à-dire d’évaluer s’ils ont subi une diminution ou une augmentation récente ou passée d’abondance ou encore d’étudier les voies de colonisation des sites qu’ils occupent (Borsa et al., 1997 ; Grant et Bowen, 1998 ; Gilles et al., 2000). 6. Génétique des populations La génétique des populations traite des fluctuations spatio-temporelles des fréquences alléliques et donc de la structure génétique des populations d’êtres vivants sous l’influence de la sélection naturelle, de la dérive génétique, des mutations et des migrations et cherche à expliquer l’adaptation et la spéciation. La génétique des populations est basée sur les fondements de la pensée de Mendel. Elle a pour but de rendre compte de l’évolution à travers l’utilisation de modèles mathématiques qui sont ensuite confrontés aux données de populations naturelles. Le modèle de base utilisé en génétique des populations a été proposé par G. H. Hardy et W. Weinberg en 1908. Ce modèle d’équilibre des fréquences alléliques constitue une loi qui expliquait simplement la transmission des allèles entre générations. Cette loi s’énonce comme suit :« Dans une population isolée d'effectif illimité, non soumise à la sélection, et dans laquelle il n'y a pas de mutation, les fréquences alléliques restent constantes. Si les accouplements sont panmictiques, les fréquences génotypiques se déduisent directement des fréquences alléliques et restent aussi constantes. ». Pour faciliter les calculs et le raisonnement, les auteurs ont proposé les hypothèses suivantes : • La reproduction sexée doit se faire au hasard (Panmixie) • La population est de taille infinie (la fréquence d’un événement est égale à sa probabilité, loi des grands nombres) • Les générations sont non chevauchantes (Générations séparées) 22 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I • Pas de migration (Aucune copie alléliques n'est apportée de l'extérieur) • Pas de mutation • Pas de sélection naturelle (Tri sélectif sur les gènes) Si toutes ces conditions sont remplies, la fréquence des génotypes de la génération suivante, dans le cas de deux allèles A et a, est alors donnée par le développement de (p+q) 2, où p est la fréquence du premier allèle et q est la fréquence du deuxième allèle. p (AA) = p2 avec p la fréquence de l’allèle A p (Aa) = 2pq avec q la fréquence de l’allèle a q (aa) = q2 et avec p2+2pq+q2 = 1 Quand les hypothèses de la loi de Hardy et W. Weinberg ne sont pas réunies, ceci peut causer une déviation significative, c'est à dire que les fréquences génotypiques observées seront différentes des attendus théoriques. Les déviations observées peuvent être dues à des faits susceptibles de modifier les fréquences alléliques au sein de la population. Ainsi, la dérive génétique et la sélection naturelle peuvent êtres la conséquence de la migration, de la présence de mutations ou de tailles finies de population. La mutation est une modification aléatoire de l’information génétique et héréditaire, elle va transformer un allèle en un autre, nouveau ou déjà présent dans la population. Le rôle de la mutation est de produire de nouveaux gènes mais reste négligeable sur l’évolution des fréquences alléliques. En effet, une fois le gène apparu, la mutation n’a plus d’action sur son devenir. Ce sont alors les autres pressions évolutives qui vont influencer sa distribution, la mutation peut être considérée comme le moteur de l’évolution par la création de nouveaux allèles. La migration est le passage de gène d’une population à une autre, soit sous forme passive (œufs, larve), soit sous forme active (adultes si ceux ci sont mobiles). On parle dans ce cas de flux génique (Nem) qui est calculé en nombre de migrants par génération et correspondant au produit entre la taille efficace (Ne) (nombre d’individus ayant participé réellement à la reproduction) et le taux de migration m. De ce fait les fréquences alléliques, au départ différentes entre deux populations, tendent à être identiques sous l’effet du flux génique pour atteindre l’équilibre. Cette homogénéisation des fréquences alléliques est très 23 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I rapide, il suffit de l'échange d'un nombre restreint de migrants par génération pour effacer toute différenciation génétique de deux populations par dérive génétique. C’est d’ailleurs l’un des inconvénients de l’utilisation des marqueurs génétiques neutres. Cet échange est insuffisant pour empêcher des différences génétiques liées aux traits adaptatifs, tels que des caractères morphologiques ou les traits du cycle de vie (Allendorf et phelps, 1981 ; Kolijonen and wilmot, 2005 ; Magoulas, 2005 ; Swain et al., 2005). La dérive génétique est l'évolution d'une espèce causée par le hasard. C'est la modification de la fréquence d'un allèle, ou d'un génotype, au sein d'une population, indépendamment des mutations, de la sélection naturelle et des migrations. Cette cause de variation de la fréquence d'un allèle est donc le fruit du hasard. Les effets de la dérive génétique sont d'autant plus importants que la population est petite, car les écarts observés par rapport aux fréquences alléliques d’origine y seront d'autant plus perceptibles étant donnée que la vitesse de la dérive génétique est proportionnelle au terme 1/ 2Ne (où Ne est la taille efficace). En effet, quand la population à une abondance réduite sur plusieurs générations on parle de « goulot démographique », elle va perdre par dérive une partie de sa diversité allélique et ceci peut aboutir à la formation de « goulot d’étranglement ». Un goulot d’étranglement correspond à une perte de diversité génétique due à une réduction de l’effectif d’une espèce. La sélection naturelle est un des mécanismes qui guident l’évolution des espèces, c’est le fondement même de la théorie de Darwin (1809-1882). Ce mécanisme est particulièrement important du fait qu’il explique l’adaptation des espèces à leur environnement. Elle désigne le fait que les traits héréditaires qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre. Cela découle logiquement du fait que les porteurs de ces traits ont plus de descendants, et que ces derniers portent aussi ces traits (Féral, 2002). Au sein d’une même espèce la diversité génétique peut être responsable de l’adaptation des organismes à différentes conditions environnementales sous l’effet de la sélection naturelle. En effet, la diversité génétique est l’élément nécessaire à tout changement évolutif d’une espèce et correspond à l’ensemble du patrimoine génique d’une même espèce. En effet, plus le nombre d’allèles présent dans une espèce est important plus cette espèce pourra potentiellement répondre aux variations de son environnement et la sélection naturelle restera le facteur le plus important pour expliquer les adaptations locales. 24 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I La modification de la diversité génétique des poissons marins peut être affectée par les paramètres du milieu ainsi que par certaines caractéristiques liées au cycle de vie de ces espèces. En effet, les poissons présentent des capacités de dispersion très élevées (Shaklee et al., 1982 ; Bonhomme, 1995). Cette dispersion, liée à la dérive passive des larves planctoniques ou à la migration active des adultes, joue un rôle important dans la conquête de nouveaux espaces et dans l’homogénéisation des populations ainsi que dans l’évolution et l’interaction biotique entre des organismes marins (Palumbi, 1994 ; Bonhomme, 2000 ; Waples, 1998 ; Sotka et al., 2004). Chez les poissons pélagiques, l’environnement hydrodynamique jouent un rôle primordial. Les populations sont régulièrement soumises à des phases de forte mortalité et d’expansion à cause de perpétuels changements dans leur habitat (changement de la température de surface, modification de l’intensité des upwellings, intensité des courants etc…) (Grant et Bowen, 1998 ; Lecomte et al., 2004). Les poissons pélagiques sont caractérisés par une faible diversité génétique due à de nombreux goulots d’étranglement et à des extinctions suivis d’effets fondateurs et expansions (Lecomte et al., 2004) . De plus, les petits poissons pélagiques, répondant rapidement à leur environnement, vivent dans des milieux peu fragmentés et donc peuvent réaliser des migrations à grandes échelles, de l’ordre de plusieurs centaines de kilomètres (Tameishi et al ., 1996 ; Uriarte et Lucio, 2001 ; Yatsu et Kaeriyama, 2005). De telles migrations supposent que le pool génétique peut être homogénéisé par ce biais. Un tel constat fait que les études de structure génétique des populations de petits pélagiques sont le plus souvent homogènes ou difficiles à mettre en évidence (Spanakis et al., 1987 ; Borsa et al., 2002 ; Magoulas, 2005). 7. 1. Notion de marqueurs génétiques Les principes de la génétique mendélienne sont utilisés dans la génétique des populations qui est donc dépendante des capacités à connaître le déterminisme des caractères étudiés c’est à dire à déduire les génotypes à partir des phénotypes observés. Les données de la morphologie, de l’anatomie ou de la physiologie ont rarement permis de déterminer avec exactitude les génotypes, seul à l’heure actuelle les approches biochimiques et moléculaires le permettent. Les premières sont des marqueurs exprimés et les seconds sont des marqueurs basés directement sur les séquences de l’ADN. Ils apportent des informations sur le patrimoine génétique de l’échantillon, c’est-à-dire sur la séquence d’ADN. Les marqueurs génétiques sont considérés comme les plus puissants marqueurs utilisés dans l’identification des stocks de poissons du moment qu’ils reflètent directement l’isolement reproducteur, 25 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I mécanisme fondamental structurant les différences observées entre populations (Begg et Waldman, 1999). Étant donné que l’approche adoptée dans ce travail est la recherche des différences entre populations de sardine par l’utilisation des marqueurs exprimées. Nous ne présenterons que les marqueurs enzymatiques dans la partie qui suit. 7.2. Les marqueurs enzymatiques La variation des protéines enzymatiques est une expression indirecte des différences des séquences d’amino-acides existantes entre les groupes. Jusqu'à l’arrivée des techniques moléculaires, les différences des fréquences alléliques indiquées par l'électrophorèse des protéines étaient les premiers marqueurs employés pour évaluer les différences génétiques entre les stocks (Wirgin et Waldman, 1994). Depuis son application pratique en génétique par Hubby et Lewontin (1966), l’électrophorèse enzymatique est largement employée par ce que représentant un coût financier plus faible, un protocole ayant peu de contraintes permettant d’analyser rapidement et en même temps un nombre important d’individus. Elle se caractérise aussi par sa haute reproductibilité et la capacité d'indiquer la codominance des allèles (Féral, 2002). Les marqueurs enzymatiques sont plus souvent désignés par le terme allozymes qui sont les variations alléliques d’une enzyme. En effet, chaque individu diploïde possède deux séquences d’ADN (une sur chaque chromosome homologue) correspondant à la même enzyme, qui à la traduction, peuvent donner deux formes enzymatiques différentes ou allozymes si les séquences sont différentes. Ces différences en séquences d’acides aminés composant l’enzyme peuvent être mises en évidence par une électrophorèse. Cependant, les limites à l’utilisation de cette technique sont, en plus de la limitation du polymorphisme observé, le cryptage de certaines mutations que peuvent affecter l’ADN du fait de la redondance du code génétique. On considère qu’un nombre important de mutation (2/3) sont masquées, ce qui sous estime la variabilité génétique des organismes. Le principe de l’électrophorèse des protéines est présenté en annexe I. Les allozymes sont considérées en général comme des marqueurs neutres (Ryman et al., 1979 ; Magoulas, 2005 ; Swain et al , 2005). Ces marqueurs ont apporté des informations sur la structure génétique des populations (Avise et Smith, 1974 ; Allendorf et al ., 1976) et ils restent très utilisés en génétique des populations (Castilho et McAndrew, 1998 ; Osinov et 26 __________________________________________________________Généralité, Chapitre I Lebedev, 2000 ; Rios et al., 2002 ; Exadactylos et al., 2003). Cependant, certains auteurs ont montré l’effet de l’environnement sur l’expression enzymatique (Lemaire et al., 2000 ; Pogson et al., 1995). De ce fait les résultas de ce travail sur l’identification des stocks de sardine vont être comparés à ceux obtenus sur la même espèce et dans la même zone par les marqueurs d’ADN ne reflétant pas cet effet de l’environnement. 27 Chapitre II : Répartition, Environnement et Biologie de la sardine _________________________________________________________Généralité, Chapitre II 1. Taxonomie Les espèces les plus communes de sardines correspondent aux genres Sardina et Sardinops qui avec les genres Engraulis (Anchois), Scomber (maquereaux) et Trachurus (chinchards) constituent le groupe des petits pélagiques qui dominent les eaux tempérées et subtropicales. Les sardines appartiennent à un groupe taxonomique complexe qui regroupe les poissons pélagiques marins ou dulçaquicoles comme les aloses, les harengs (Lavoué et al., 2007). Les deux principaux genres de sardines se répartissent dans les différents zones d’upwellings du monde, où les eaux sont froides à tempérées et où la production primaire est importante. (Whitehead, 1985; Parrish et al., 1989). Dans le genre Sardina, il n’existe qu’une seule espèce, Sardina pilchardus (Walbaum, 1792), ou sardine européenne. Dans la suite de notre travail, pour des raisons de commodité, nous utiliserons le nom de sardine ou Sardina pilchardus. Embranchement Vertébrés Classe Ostéichtyens (poissons osseux) Sous-classe Actinoptérygiens Ordre Clupéiformes Classe Clupéidés Famille Clupeidae Genre Sardina Espèce pilchardus 28 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II Figure 5 : Photo de la sardine européenne, Sardina pilchardus, (Walbaum, 1792) 2. Répartition La sardine, Sardina pilchardus, est rencontrée en Atlantique Nord, en Méditerranée et en Mer Noire, sa répartition s’étend sur les côtes Atlantiques depuis le Dogger-bank en mer du Nord jusqu’à la côte saharienne en Mauritanie. Sa répartition et son abondance sont très influencées par les conditions hydroclimatiques, l’isotherme 13° C marque à peu près sa limite septentrionale et l’isotherme 25°C sa limite méridionale. Elle est présente depuis la Mer du Nord jusqu’en Mauritanie avec des populations résiduelles aux Iles Madères, aux Acores et aux Iles Canaries (Parrish et al., 1989). L’aire de répartition de la sardine a vu, périodiquement, ses limites se délatter ou se rétracter selon les anomalies de température de l’eau. Au milieu des années 1960-1970, la limite sud de l’extinction de l’espèce s’est prolongée jusqu’au Sénégal, coïncidant avec une intensification de l’upwelling dans cette zone et s’est reculée dans le nord dans les années suivantes (Fréon et Stequert, 1979 ; Lluch-Belda et al., 1989 ; Corten et Van Kamp, 1996 ; Alheit et Hagen, 1997 ; Binet et al., 1998) ( Figue 6). 29 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II Figure 6 : Carte de l'aire de répartition de la sardine européenne, Sardina pilchardus (d’après Whitehead, 1985) 3. Environnement: A travers sa vaste aire de distribution, la sardine est sujet à des variations qui conditionnent sa répartition et sa biomasse notamment la richesse en plancton, l’hydrologie et la température de l’eau. Chaque zone de cette aire est caractérisée par un régime particulier qui est déterminé par des différences saisonnières de la température, de la disponibilité de la nourriture, de la stabilité de la colonne d’eau, de l’upwelling, des courants, du régime du vent ainsi que de la topographie du fond et de la configuration des côtes qui détermine le modèle de circulation des eaux et affecte le gradient environnemental et biologique (SARDYN Report, 2006). La production annuelle primaire et secondaire va donc subir les conséquences de ces variations difficiles à établir (Belvèze et Bravo De laguna (1980). L’environnement hydrodynamique dans lequel vit la sardine est important pour cela, nous détaillons cette partie. La sardine vit dans la colonne d’eau située entre la surface et 150 m de profondeur en zone côtière et sur le plateau continental (Schwartzlose et al., 1999 ; Cury et al.,2000).Dans la partie qui suit, nous présenterons la courantologie de surface de la région du Nord Ouest Africain qui est une zone d’upwelling et celle de la Méditerranée, en particulier le détroit de 30 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II Gibraltar, zones où se localisent nos points de prélèvement. Nous développerons aussi l’hydrologie au niveau de la zone particulière du Cap Ghir sur la côte Atlantique marocaine. L’aire de répartition de la sardine le long des côtes africaines s’étend du détroit de Gibraltar au sud de la Mauritanie, soit sur environ 2100 km. La température de l’eau de surface varie en fonction des saisons, de 16°C à 20°C et la salinité de 36,4 à 36,6. Les eaux de surface des côtes africaines sont soumises au courant des Canaries, orienté du Nord vers le Sud, transportant de l’eau froide (Le Floch, 1974) et à l’origine de l’upwelling. Les eaux remontant grâce à l’upwelling proviennent de fonds de 200 m et ont une température inférieure à 16°C et une salinité inférieure aux eaux de surface (de l’ordre de 35,7) (Belvèze et Erzini, 1983). Le courant des Açores traverse ces îles, passe par Madère et rejoint le courant des Canaries, pouvant alors créer une liaison hydrologique entre ces sites. Le courant des Açores crée au nord un front hydrologique limitant les échanges d’eau avec le nord. (Figure 7) Les changements saisonniers des régimes du vent qui affectent le littoral depuis le nord ouest de l’Espagne jusqu’au Sénégal (Mittelstaedt, 1983) sont à l’origine des upwellings saisonniers, estivaux dans le nord, hivernaux dans le sud et permanents dans la zone centrale située entre le nord de la Mauritanie et le Sahara (Wooster et al.,1976 ; Nykjaer et Van Camp, 1994). En effet, un upwelling associé à une biomasse élevée de plancton est rencontré durant toute l’année au environs de 20° N et au sud du Cap Blanc témoignant d’une richesse en sels nutritifs des eaux de l’Atlantique Central (Postel et al ., 1995). Au Nord de l’Atlantique Central, ce phénomène n’est observé que durant la première partie de l’année (Minas et al.1982). 31 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II Figure 7: Circulation générale dans l'océan Atlantique (d'après Tchernia, 1969) 3.1. Particularité de la côte marocaine La présence d’un upwelling côtier constitue donc une des caractéristiques océanographiques majeures des côtes atlantiques marocaines. Les données récentes sur l’activité hydrodynamique des régions d’upwelling côtier, rendues possible grâce au développement de l’océanographie spatiale, font émerger une complexité des processus entrant en jeux dans la structuration de la circulation dans ces régions. La signature de l’upwelling s’accompagne de structures hydrodynamiques actives à mésoéchelles d’une portée géographique dépassant la centaine de kilomètres, se manifestant par des systèmes tourbillonnaires et des filaments qui se détachent des eaux d’upwelling comme le filament du Cap Ghir (Figure 8). Ces structures découlent dans la région d’upwelling de l’Atlantique du Maroc, d’interactions entre le régime d’upwelling sur le plateau et le régime océanique au large. Ces interactions s’opèrent sous l’effet d’un ensemble de facteurs dont la topographie du fond, la configuration de la côte africaine et la position et le relief des îles Canaries. Les filaments d’upwelling et les structures qui leur sont associées se révèlent être des éléments importants dans les échanges entre les masses d’eaux côtières et hauturières. Les panaches se détachant vers le large constituent un mécanisme potentiellement actif dans le transfert des nutriments et de la matière organique de la zone néritique vers le large (Arístegui 32 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II et al., 2001). Certains mouvements giratoires et structures filamentaires se manifestent de manière récurrente en différentes latitudes du courant des Canaries bien que présentant des amplitudes variables. Leurs modalités de fonctionnement, objet actuellement de nombreux projets de recherche, laissent supposer que ceux-ci pourraient fonctionner comme des plateformes d’endiguement et de rétention permettant le développement des larves néritiques parfois loin du plateau continental ou au contraire constituer un phénomène dispersif des œufs et larves. 3.1.2. Cas particulier du Cap Ghir Un exemple de structures hydrodynamiques récurrentes en face des côtes marocaines est donné par le filament d’eau froide du cap Ghir. Celui-ci résulterait des interactions du courant géostrophique et des eaux d’upwelling avec la topographie du fond (Mittelstaedt, 1987 ; Nekjaer, 1987). Ce filament s’étend sur une longue distance pouvant atteindre 200 Km vers le large. Des tourbillons, anticyclonique sur son flanc nord et cyclonique sur son flanc sud, pourraient jouer un rôle dans sa régénération (Figure 8). . Figure 8 : Structuration à mésoéchelle de l’hydrodynamisme dans la zone Atlantique du Maroc, Filament du cap Ghir (d’après Van Camp et Nykjear. 1988). 33 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II L’identification et l’analyse des processus hydrodynamiques à mésoéchelle pourraient donc être primordiales pour progresser dans la compréhension des mouvements de dérive et des structures de rétention d’ichtyoplancton et déboucher sur une conceptualisation des stratégies adaptatives de la sardine face à un environnement dispersif. 3.2. Méditerranée La Méditerranée est une mer principalement oligotrophe, la température des eaux varie entre 12°C l’hiver et 22°C l’été, la salinité peut être supérieure à 37,4 (en Méditerranée occidentale). En Méditerranée, la circulation hydrologique de surface est circulaire (Castagne et al. (1992). Il existe un front hydrologique bien connu dans la mer d’Alboran, qui résulte de la circulation anticyclonique (parfois cyclonique) de l’eau atlantique (MAW – Modified Atlantic Water, Eau méditerranéenne d’origine Atlantique). Un autre front, le front Nord Baléares, indique les limites de propagation vers le nord de MAW. Le MAW se propage par circulation anticyclonique des côtes algériennes vers les côtes italiennes puis françaises créant le courant Nord. Dans le Golfe du Lion, la présence de vents forts crée aussi de nombreux upwellings côtiers permettant le mélange des eaux méditerranéennes avec MAW (Figure 9). Figure 9 : Circulation générale de l’eau de surface en Méditerranée (d’après Millot, 1987). 34 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II 4. Comportement La sardine est une espèce grégaire, les bancs ayant tendance à se désagréger la nuit (Whitehead, 1985). Les bancs peuvent être composés d’individus d’âge et de sexe différents mais de tailles équivalentes (Cury et al ., 2000). En cas de fortes abondances, les bancs ont tendance à être mono-spécifiques. En revanche, si la sardine est moins abondante, les bancs seront composés de plusieurs espèces de petits pélagiques, notamment des anchois et/ou des chinchards (Cury et al., 2000). Les individus occupent des zones différentes en fonction de leur âge. La sardine effectue des migrations verticales au cours de la journée, ces migrations sont conditionnées par l’intensité lumineuse et la quantité de nourriture (Giannoulaki et al., 1999). Elle est, en général, présente à des profondeurs comprises entre 30 à 55 m, en journée, et remonte entre 15 et 35 m la nuit (Whitehead, 1985), suivant la migration nycthémérale du zooplancton. Elle réalise aussi des migrations horizontales au cours de la journée, se rapprochant des côtes durant la nuit (Skrivanic et Zavodnic, 1973). En plus de ses migrations journalières, la sardine effectue de plus grands déplacements en fonction des saisons. Ces migrations sont probablement conditionnées par l’âge des individus, la présence de nourriture, la reproduction et les conditions thermiques du milieu (Olivar et al., 2001 ; Riveiro et al., 2000). 5. Biologie La sardine présente un cycle de vie qui se caractérise essentiellement par une croissance rapide, une durée de vie courte, une taille petite, une maturation rapide associée à une grande fécondité et une mortalité élevée surtout en phase larvaire (Rochet, 2000 ; Rose et al., 2001). Elle vit sur le plateau continental à une profondeur maximale de 150 m et sa présence est souvent associée à celle de l’anchois, Engraulis encrasicolus (Abad et al., 1998). 5.1. Croissance La taille de la sardine peut atteindre 27 cm dont 90 % est atteinte durant la première année de son cycle. La croissance durant les années qui suivent est beaucoup plus faible malgré une longévité, qui peut aller jusqu’à 14 ans (Whitehead, 1985). Dans la région du Nord Ouest Africain, la taille de la sardine augmente du nord au sud (FAO, 2007) ceci est 35 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II probablement en relation avec une richesse trophique du milieu et la température engendrée par l’upwelling auquel sont soumises ces côtes. La sardine atteint sa maturité sexuelle durant les deux premières années de sa vie. La croissance et la maturité sexuelle présentent de larges variations tout au long de l’aire de répartition (Monteiro et Jorge, 1982 ; Pérez et al., 1985 ; Alemany et Alvarez, 1993 ; FAO, 2001a). 5.2. Reproduction La sardine pond principalement entre septembre et juin sur les côtes Atlantiques européennes et en Méditerranée, et d’octobre à juin sur les côtes Africaines (Whitehead, 1985, Ettahiri et al. , 2003 ; Amnezoui et al., 2006). La ponte de la sardine est fortement corrélée aux facteurs environnementaux, comme la température et l’hydrodynamisme (Olivar et al., 2001). Elle s’effectue entre 12°C et 18 °C et se prolonge sur la majeure partie du plateau continental (Larraneta, 1960, Ettahiri et al., 2003 ; Coombs et al., 2006 ; Bernal et al., 2007). Dans l’Atlantique du Nord Est, les sardines pondent préférentiellement en hiver et au printemps, la durée de la ponte augmente du nord (1 à 2 mois) au sud (6 mois) (Riveiro et al.., 2000 ; Ettahiri et al., 2003 ; Coombs et al., 2006 ; Stratoudakis et al., 2007). En Méditerranée, la ponte se prolonge également sur 6 mois avec un maximum en hiver (Abad et Giraldéz, 1993 ; Ganias et al., 2007). Les sardines possèdent une forte fécondité, chaque femelle peut libérer jusqu’à 35 000 oeufs pélagiques (Whitehead, 1985), 23 000 œufs pour la sardine marocaine (Amnezoui et al., 2006). Cependant, la mortalité des larves est importante et influence fortement le recrutement. La stratégie utilisée pour compenser la forte mortalité potentielle est basée sur une allocation d’énergie à la reproduction favorisant la production massive d’œufs, c’est la stratégie dite « r » (Cury et Roy, 1989; Bakun, 1996). La phase larvaire dure 60 jours (Ramirez et al., 2001), les larves vivent entre 10 et 40 m de profondeur et se dispersent plus largement la nuit (Olivar et al., 2001). 5.3. Frayères et nourricières de la sardine le long de la côte nord ouest africaine : Le suivi des œufs et larves par les différentes campagnes de prospections effectuées sur le plateau continental de la région nord oust africain (Furnestin et Furnestin, 1970 ; Barkova et Domanevsky, 1976; Belvèze, 1984 ; Ettahiri et al ; 2003, Berraho et al., 2007) 36 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II montre que les œufs sont retrouvés sur l’ensemble du plateau avec des discontinuités souvent au niveau de certains caps où le plateau se rétréci. Des concentrations sont rencontrées dans les secteurs allant de Rabat à Larache (~35°-34°N), du cap Cantin au cap Sim (~32°30’31°30’N), du cap Ghir à Sidi Ifni (~30°30’-29°30’N), du cap Draa au cap Juby et parfois jusqu’au cap Bojador (~29°-28°N/27°N), du cap Bojador à la baie de Cintra (~26°30’22°30’N) et du cap Barbas au cap Blanc (~22° -21°N) (Figure 10). Les lieux de forte occurrence des larves sont concomitants à ceux où les œufs sont retrouvés, avec un étalement de la distribution larvaire vers le sud ouest (Barraho, 2007). Les œufs et larves sont par conséquent observés sur le plateau dans des secteurs où les adultes peuvent être absents, ce qui par ailleurs s’explique par une déportation de ceux-ci par les courants de surface (John et al ., 1980 ; Ettahiri et al., 2003). Les observations des campagnes de prospections des œufs et larves comportent de ce point de vue des lacunes inhérentes au fait qu’elles ne couvrent pas les secteurs situés au delà du plateau. -20 36 -19 -18 -17 -16 -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 R O N ST D -8 -7 -6 -5 36 TANGER K C O 34 34 E ON Z 32 30 Z E ON A CASABLANCA SAFI B 32 C. Ghir Agadir 30 TAN TAN 28 28 Tarfaya Laayoune C 26 C. Boujdor NE O Z 26 24 24 Dakhla 22 22 Cap Blanc Banc d'Arguin 20 20 Cap Timiris 18 18 Aire de répartition géographique Nourriceries et zone principale de fraie 16 16 St Louis 14 -20 14 -19 -18 -17 -16 -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 Figure 10 : Carte synthétique représentant les zones de répartition et les aires de ponte de la sardine dans la zone d’étude 37 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II 5.4. Stratégie d’adaptation de la sardine dans le système d’upwelling des Canaries : Les petits pélagiques en général et la sardine en particulier présentent des stratégies d’adaptation à l’hydrodynamisme, notamment aux échelles moyennes, qui se manifestent par la sélection par ces espèces de fenêtres spatio-temporelles de reproduction comme solution optimale aux contraintes environnementales telles que la dérive et le mixage des couches superficielles auxquelles sont soumises les phases les plus vulnérables de son cycle de vie avec comme objectif d’en minimiser les pertes et d’accroître le nombre d’individus qui participeront aux générations suivantes (Parrish et al., 1983 ; Roy et al., 1989 ; Roy et al., 1992). Les variations spatio-temporelles de l’intensité et la période de ponte observées ces dernières années associées aux variations de dimensions des œufs et de la composition biochimiques des larves en survie dans des conditions de famine, suggèrent que la sardine démontrent des stratégies de reproductions visant la survie des oeufs et des larves (Effet parental) (Riveiro et al.,2000 ; Riveiro et al., 2004). 5.5. Régime alimentaire La sardine se nourrit de phytoplancton et de zooplancton principalement de copépodes et de poisson avec une importance relatives de ces proies selon le secteur et la saison (Varela et al., 1988 ; Garrido et al., 2006). En atlantique nord ouest africain par exemple, la sardine est phytoplanctonophage pendant les périodes d’upwelling (c’est le cas de la zone C) et zooplanctonophage entre ces périodes (c’est le cas de la sardine dans la zone A et B) (Belvèze, 1984). 6. Exploitation L’exploitation de la sardine par des bateaux en provenance de la péninsule Ibérique, a démarré dans les années 1920 à partir des ports situés au Nord du Maroc, et s’est ensuite progressivement prolongée vers le sud (Belvèze, 1984 ; Binet, 1998). Il a été rapporté par Barkova et Domanevsky (1976) qu’au cours de la période 1966-1973, l’aire de distribution de la sardine s’est élargie de 10° vers le sud (de 28° N à 18° N). Une activité de pêche a été enregistrée au sud 26° N après 1969 (Binet, 1998) ainsi que des apparitions sporadiques de la 38 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II sardine au Sénégal (Fréon et Stequert 1979). Bien que la frontière latitudinale de la transition Sardinelle/Sardine varie annuellement, une pêcherie régulière s’est développée récemment en Mauritanie avec une capture annuelle dépassant les 60.000 tonnes durant les dernières années (Hofstede et Dickey-Collas 2006 ; FAO, 2008). La présence de la sardine a été aussi signalée au Sénégal où les prises enregistrées durant les trois dernière années sont de l’ordre de 10.000 tonnes (FAO, 2008) L’espèce est également abondante dans les eaux atlantiques de la péninsule ibérique avec une biomasse d’environ 500.000 tonnes (ICES, 2005) où elle fait la cible des senneurs Portugais et Espagnols (Pestana, 1989 ; Carrea et Porteiro, 2003). Dans l’ensemble de la zone du COPACE, quatre pêcheries de sardine se sont développées chronologiquement du nord au sud (Figure 3). Les flottilles exploitant ces pêcheries sont hétérogènes et sont constituées de petits senneurs traditionnels, senneurs congélateurs et chalutiers pélagiques (FAO, 1997) i) La pêcherie nord se répartit entre le Cap Spartel et Eljadida (36°N et 33°N) et elle est exploitée par une centaine de senneurs marocains basés essentiellement à Larache et à Casablanca (Chlaida., 1997 ; FAO, 1997). ii) La pêcherie A : Eljadida-Sidi Ifni (33°N-29°N), est traditionnellement liée à l’activité des unités marocaines provenant des ports de Safi, Essaouira et Agadir. Cette pêcherie a connu un grand développement au milieu des années 1970. iii) La pêcherie B : Sidi Ifni-Cap Bojdor (29°N-26°N), était la zone préférentielle de la flottille espagnole basée aux Iles Canaries. Après le départ de la flotte européenne en 1995, cette pêcherie n’est actuellement exploitée que par des unités marocaines dont les principaux ports de débarquement sont Tan Tan et Laâyoune ouverts respectivement en 1982 et en 1989 (FAO, 2001b) iiii) La pêcherie C : Cap Bojdor-Cap Blanc (26°N-21°N), a fait principalement l’objet d’une exploitation par les flottes étrangères dans le cadre d’accords bilatéraux avec des senneurs espagnols et des chalutiers (russes, ukrainiens et autres) (FAO, 2001b) et par les marocains (flottille nationale ou bateaux affrétés). 39 _________________________________________________________Généralité, Chapitre II Les débarquements de sardine enregistrés dans la région du Nord Ouest Africain depuis le début de l’exploitation ont connu des fluctuations importantes qui sont dues à la jonction de plusieurs facteurs dont principalement la surpêche et l’impact des conditions hydroclimatiques sur l’abondance et la biomasse des stocks de sardine (Figure 11). 1200000 capture en tonnes 1000000 800000 600000 400000 200000 0 40 19 45 19 50 955 19 1 60 19 65 19 70 975 19 1 80 19 85 990 19 1 95 19 00 20 05 20 Années Figure 11: Evolution historique des captures de la sardine dans la région du Nord Ouest africain (source INRH et Rapports FAO) 40 DEUXIEME PARTIE : Variabilité génétique Chapitre I : Matériels et Méthodes _________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre I 1. Stratégie d’échantillonnage Pour répondre aux deux questions soulevées dans la problématique posée en introduction, notre étude s’est déroulée en trois phases. Nous avons d’abord entamé une étude préliminaire dont le but était d’avoir une première idée sur la structure génétique de la sardine en Atlantique marocain qui abrite 75% (FAO, 2007) de la richesse en sardine et de maîtriser la technique d’analyse utilisée. Dans une seconde phase, nous avons élargi notre échantillonnage à l’Atlantique de la région du Nord Ouest africain, à la Méditerranée marocaine et au golf de Cadiz. Dans la troisième partie de notre étude, nous avons voulu comparer la structure génétique de la sardine observée en hiver dans l’Atlantique marocain avec celle obtenue en été. Ceci nous a permis aussi d’émettre des hypothèses concernant les mouvements de la sardine le long de la côte Atlantique marocaine. Les échantillons de sardine ont été prélevés à bord du bateau de recherche norvégien, N/R Dr, Fridtjof Nansen, lors de sa campagne de prospection acoustique des hivers 2003 et 2004 (novembre- décembre).Le but de ces campagnes océanographiques était l’estimation de la biomasse des poissons pélagiques le long des côtes de la région nord ouest africaine par une approche acoustique. Dans un premier temps, la collecte a été réalisée lors de la période de ponte 2003 et 2004 en raison du regroupement de la sardine au niveau des frayères. Ceci permet de minimiser le degré de mélange entre individus appartenant à différentes populations. Ces lots ont été complétés par deux échantillons qui ont été collecté en saisons de ponte 2003 et en 2005 à bord du bateau de recherche «Le Capricornio» de l’IPIMAR (Institut Portugais d’Investigation et de Recherches Maritimes). Pour la saison estivale, l’échantillonnage a été réalisé en juillet 2006 à bord du bateau de recherche de l’INRH, N/ R Amir Moulay Abdallah.Cette période coïncide avec la période de recrutement de la sardine (ou d’engraissement) qui a lieu en été (ou automne selon les zones). Certaines zones n’ont pu être échantillonnées par le biais des campagnes océanographiques, les échantillons ont alors été obtenus directement dans des débarquements de pêche professionnelle. Il s’agit des échantillons de Larache (hiver 2003, hiver 2004 et été 2006) de M’diq, de Ras Kebdana (Avril 2005) et de Dakhla (été 2006). Les coordonnées géographiques, les noms des échantillons ainsi que leurs effectifs sont 41 détaillés dan le tableau 1. _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI Tableau 1: Détail de l’échantillonnage réalisé dans l’étude Site Saison Latitude Longitude N Période de ponte Larache Janvier 2003 35°11'N 06° 10' W Safi Décembre 2002 32°20’4N 09° 48' W 30 Agadir Décembre 2002 30°37'N 09° 56' W 19 Tarfaya Décembre 2002 28°01’N 13° 02' W 37 Laâyoune Décembre 2002 26°47'N 13° 51' W 39 Dakhla Décembre 2002 23°54'N 16° 39' W 42 38 Sud Portugal Janvier 2003 37°N Safi Décembre 2004 32°28'N 09°2' W 50 Essaouira Décembre 2004 31°37'N 09°54'W 49 Agadir Décembre 2004 30°48.4’N 09°59'W 43 Sidi Ifni Décembre 2004 29°12'N 10°41'W 50 Tarfaya Décembre 2004 28°13'N 12° 49'W 50 Laâyoune Décembre 2004 27°06'N 13°34'w 50 Bojdor Décembre 2004 25°59'N 14°45'W 50 Dakhla Décembre 2004 23°15'N 16°19'W 30 Cap Blanc Décembre 2004 20°55'N 17°24'W 50 Mauritanie Décembre 2004 19°03N 16°28'W 50 36°43.2'N 06°32'W 49 Ras Kebdana Avril 2005 35°09'N 02°26'W 46 M'diq Avril r 2005 35°40'N 05°18'W 42 Larache Avril 2005 35°11'N 06°10'W 49 Cadiz Avril 2005 40 Période d’engraissement (trophique) Larache Juillet 2006 35°11'N 06°1 0'W 46 Safi Juillet 2006 32°25'07"N 09° 2 0' 10"W 50 Agadir Juillet 2006 30°27'50"N 09° 4 2' 10" W 50 Sidi Ifni Juillet 2006 29°18,35 N 10°22 ,42'W 49 Tarfaya Juillet 2006 28°08'10"N 12°10 '30"W 50 Laayoune Juillet 2006 27°07'40"N 13°29' 80"W 49 42 _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI Dakhla Juillet 2006 23°15'N 16° 19'W 49 Bojdor Juillet 2006 25°59'N 14°45'W 50 Lors des campagnes océanographiques, les prélèvements sont effectués suivant un tracé qui a été prévu pour la campagne, dans des carrés géographiques. L’échantillonnage s’est fait à raison d’un échantillon de 50 individus par station choisis au hasard. Les stations sont également sélectionnées de manière aléatoire au niveau de chacun des carrés géographiques. Tous les échantillons ont subi le même mode de conditionnement. Ils ont été congelés immédiatement à bord (–25°C) dans des bacs en plastique étiquetés. L’étiquette mentionnait : la date du prélèvement, les coordonnées géographiques, le numéro de la station et le poids de l’échantillon. Au niveau des ports, un bateau est échantillonné au hasard où 50 individus sont prélevés aléatoirement. Les sardines sont immédiatement pesées au gramme près et mesurées au centimètre près puis congelées jusqu’au retour au laboratoire (Figure Figure 12 : Cartes représentant les sites de prélèvement réalisé durant l’étude au cours de chaque campagne d’échantillonnage. 43 12). _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI 2. Traitement des échantillons et préparation des extraits enzymatiques Au Laboratoire, les échantillons sont décongelés, les paramètres biologiques sont relevés pour des analyses ultérieures (Taille, poids, sexe stade de maturité sexuelle, couleur du contenu gastrique).Un morceau de foie de 0,5 g est mis dans des tubes «Eppendorff» et homogénéisé manuellement dans quelques gouttes d’eau distillée. En effet, les enzymes étudiées sont solubles dans l’eau et conservent toute leur activité. De même, des prélèvements de 1 cm3 de muscles ont été effectués. Au début du travail (Echantillonnage hiver 2003), l’extraction des protéines musculaires se faisait par broyage dans de l’eau distillée à l'aide d'un broyeur électrique suivi d’une centrifugation à 12000 rpm pendant 10 à 12 minutes. Par la suite, l’extraction des protéines musculaires a été faite manuellement dans un bac de glace ce qui nous a permis de gagner énormément de temps (Echantillons 2004 et 2006). Les surnageants contenant les enzymes solubles sont récupérés, partagés en aliquotes dans des tubes «Eppendorff» et conservés à (-30° c), afin d’empêcher la dégradation des protéines jusqu’à leur utilisation pour les électrophorèses. 3. Traitement génétique Les avantages de la technique d’analyse génétique dite « allozymes » (que nous avons passée en revue dans la première partie) ainsi que les résultas obtenus précédemment sur différentes espèces par ce type d’analyse (Mork et al., 1985; Roldan et al., 1998) démontrent la capacité des allozymes à identifier la structure génétique des stocks de poisson sur des zones géographiques plus ou moins étendues (c’est le cas pour notre étude). Ceci nous a encouragé à opter pour cette technique. Un détail sur le principe de l’électrophorèse des protéines est donné en annexe 1. 3.1. Protocole L’électrophorèse a été conduite sur gel d’amidon. Neuf systèmes enzymatiques, codés par 12 locus ont été analysés. La nomenclature adoptée pour désigner les systèmes enzymatiques suivra les recommandations de l’IUBC (International Union of Biochemistry Committee), ainsi que celle adoptée par (Shaklee et al., 1990) pour les poisson : SOD* [EC.1.15.1.1], PGM* [EC. 2.7.5.1], IDH* [EC.1.1.142], AAT* [EC. 2.6.1.1], MDH* [1.1.1.37], ME* [EC 1.1.1.40], MPI* [EC.5.3.1.8], EST* [EC. 2.6.11] et LDH* (EC.1.1.1.27). Les enzymes ont été séparées dans des gels horizontaux préparés avec 48 g d’amidon (Sigma) et 400 ml d’une solution de tampon choisie préalablement 44 _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI selon les systèmes enzymatiques : TG 9.0 (Tris/Glycine pH 9.0) ; TC 8.0 (Tris/Citrate pH 8.0) ; TC 8.5 (Tris/ Citrate pH 8.5) ; TCB 8.7: (Tris/Citrate/Borate, pH 8.7) (Pasteur et al., 1987) (Tableau 2). Tableau 2: Détail des systèmes enzymatiques analysés en fonction des tampons et des tissus utilisés Enzyme Locus Tampon Tissu Aspartate Amino transferase AAT* TC 8.0 Foie Enzyme Malique ME-1* TC 8.0 Foie Enzyme Malique ME-2* TC 8.0 Foie Estérase EST* TC 8.5 Foie Isocitrate Déshydrogénase IDH* TC 8.0 Foie Lactate déshydrogénase LDH-1* TC B 8.7 Muscle Lactate déshydrogénase LDH-2* TC B 8.7 Muscle Manose Phosphate Isomérase MPI* TC 8.0 Foie Malate déshydrogénase MDH-1* TC 8.0 Foie Malate déshydrogénase MDH-2* TC 8.0 Foie Phosphoglucomutase PGM-1* TG 9.0 Muscle Superoxyde dismutase SOD* TG 9.0/ TC B 8.7 Muscle 4. Traitements statistiques utilisés Afin de désigner les allèles et les génotypes rencontrés, l’allèle le plus fréquent dans le premier échantillon analysé est noté 100, les autres sont numérotés en fonction de leur mobilité relative par rapport à cet allèle en appliquant la formule : Distance parcourue par l’allèle sur distance parcourue par l’allèle 100 (Shaklee et al., 1990). Les fréquences alléliques pour chaque locus sont calculées à partir des matrices des génotypes obtenues par lecture directe des "zymogramme" sur gel. Une population sera considérée polymorphe pour un locus si la fréquence de l’allèle le plus commun est inférieure à 0.95. Le calcul des fréquences alléliques a été réalisé à l’aide du programme GENETIX 4.05 (Belkhir et al., 1996–2004; http://www.univ-montp2.fr/genome-pop/genetix.htm) qui regroupe l’ensemble des indices les plus couramment utilisés en génétique des populations au niveau : - Intra-populationnel : Fréquences alléliques au sein de chaque population, taux d’hétérozygotie observée (ho) et taux d’hétérozygotie estimée (hc) ainsi que le paramètre Fis (Wright, 1951). 45 _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI - Inter-populationnel : Indice de fixation Fst, la distance minimale de Nei (Nei, 1978) et l’estimation indirecte du flux génique (Nem) par le biais du nombre moyen de migrants par génération. Nous pouvons ainsi, par le calcul du Fis, vérifier si les échantillons sont à l’équilibre de HardyWeinberg, le Fis, estimé d’après les formules de Weir et Cockerham (1984), mesure la déviation par rapport aux proportions selon l’équilibre Hardy-Weinberg et varie entre –1 et +1. Ces valeurs témoignent d’un excès d’hétérozygotes (valeurs négatives) ou d’un déficit (valeurs positives). Cela permet de mettre en évidence un déséquilibre au sein de la population étudiée qui peut être induit par différents facteurs comme la sélection, la migration ou la dérive génétique. Le calcul du Fst par l’utilisation de l’estimateur Thêta (θ) de Weir et Cockerham (1984) et par permutation entre les populations deux à deux, permet d’estimer le niveau de la différenciation entre les populations étudiées à chaque locus polymorphe. Ce paramètre mesure la différenciation génétique de sous- populations et varie entre 0 à 1. Des valeurs proches de 1 indiquent une différenciation importante alors que les valeurs proches de 0 montrent l’absence de différenciation (Hedrick 1983). Des valeurs moyennes de Fis et de Fst, tenant compte de tous les locus polymorphes sont également calculées. Ces calculs seront suivis de tests statistiques tels que les tests exactes grâce au logiciel GENEPOP v 3.3 (Raymond et Rousset, 1995), ces tests estime si les fréquences alléliques ou génotypique diffèrent significativement entre échantillons, ou le test de permutation sur GENETIX qui estime si Fst sont différent de zéro quand les génotypes sont permutés entre échantillons, le seuil de significativité est ajusté par application de la correction de Bonferroni (Rice, 1989). Un détail sur les statistiques F et l’estimateur Thêta (θ) de Weir et Cockerham (1984) est présenté en annexe 2. Pour calculer la distance génétique entre échantillons on a utilisé l’algorithme non biaisé (Nei, 1978) plus adapté à des échantillons de faibles tailles comparé à la distance standard Ds (Nei, 1972) .A partir des distances génétiques et pour mieux visualiser la structuration obtenue, on a réalisé un dendrogramme selon la méthode du « Neighbour joining » dont le principe est de regrouper les éléments susceptibles de minimiser la longueur totale de l’arbre (Li, 1997). Les différents groupements ont été réalisés par le logiciel PHYLIP v 3.5 (Felsentsein, 1986–1995). La structure génétique a été aussi explorée par une analyse de composante principale (PCA) utilisant les fréquences alléliques via le logiciel PCAGEN (Goudet, 1999) 46 _______________________________________________________Variabilié Génétique, ChapitreI D’autres tests statistiques peuvent aussi être réalisés, plus robustes, comme les AMOVA (analyse hiérarchique des variances moléculaires) qui teste la pertinence des groupes préalablement définis en estimant le pourcentage de la variance expliqué par les différences intragroupes et intergroupes (Excoffier et al., 1992).Ces tests peuvent être réalisés grâce au logiciel ARLEQUIN (Schneider et al., 2000). Nous avons aussi étudié la corrélation entre les distances géographiques et la différentiation génétique grâce à un test de Mantel (1967) en suivant la procédure de MANTEL disponible sur GENETIX. σ, le taux de dispersion par génération nécessaire pour produire un déséquilibre au centre du cline, a été estimé en utilisant le changement en fréquences alléliques ( Szymura et Barton, 1986) Selon la formule: σ =w Dr D = déséquilibre de liaison moyen au centre de le cline qui diminue pour les populations qui montre peu de locus polymorphes (c’est le cas ici) pour cela, nous avons estimé D en utilisant un coefficient de corrélation R entre les locus. D et R sont estimés en utilisant le programme LINKDIS (Black and Krasfur, 1985) disponible sur GENETIX. w = largeur du cline (distance en km nécessaire pour que la fréquence allélique passe de 0 à 1), a été calculée selon la méthode de Barton et Gale (1993). r = 0.5 si les loci sont indépendants Pour vérifier si nos locus sont sélectionnés, nous avons réalisé un test de Beaumont et Nichols (1996) qu’est une méthode qui se base sur la distribution des Fst possibles sur la diversité de gène plutôt que sur la fréquence d'allèle. Les locus qui s’écarte de l’attendu sous neutralité (outlier loci) seront les locus sous sélection (Guinand et al., 2004). 47 Chapitre II : Structure génétique des populations de la sardine, Sardina pilchardus, au large de la région du Nord Ouest Africain _________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre II 1. Identification génétique des populations de sardine, Sardina pilchardus, dans l’Atlantique marocain FIRST APPROACH FOR THE IDENTIFICATION OF SARDINE POPULATIONS SARDINA PILCHARDUS (WALBAUM 1792) IN THE MOROCCAN ATLANTIC BY ALLOZYMES Malika Chlaida1, Souad Kifani1, Philippe Lenfant 2 and Lahoussine Ouragh 3 1 Institut National de Recherche Halieutique, 2 Rue de Tiznit, Casablanca 20000, Maroc 2 3 EPHE, Université de Perpignan, 66860 Perpignan Cedex, France LAGEV, IAV Hassan II. B.P.6202-Instituts, 10101 Rabat, Maroc Publié à « Marine Biology », Decembre 2005 Marine Biology, 149: 169–175. Résumé de l’article Nous avons entrepris ce travail pour répondre à la problématique de la délimitation des stocks de sardine, Sardina pilchardus, dans les eaux atlantiques du Maroc qui renferment la plus forte biomasse de sardine. Cette question est devenue urgente aussi bien chez les décideurs que chez les scientifiques. Pour se faire, nous avons utilisé la technique des allozymes qui, en plus de ne pas être onéreuse, nous a permis d’obtenir, en peu de temps, une première vision sur la structure génétique des stocks de sardine en Atlantique marocain. C’est le premier travail qui a utilisé les marqueurs génétiques pour identifier les stocks de sardine au Maroc. Nous avons suivi le protocole déjà décrit dans le chapitre 1 de la deuxième partie. L’analyse a porté sur 7 stations soit 251 individus collectés en période de ponte durant l’hiver 2002-2003 (le détail des échantillons est présenté dans le tableau 1, deuxième partie, chapitre Matériels et Méthodes). Nous avons testé deux enzymes la LDH* et la SOD*, seule la SOD* était polymorphe. Nous avons réalisé les analyses statistiques tels que les F-stats de Weir et Cockeram 1984), le dendrogramme en « Neighbour joining » via le logiciel PHYLIP v 3.5 (Felsentsein, 1986–1995) et l’AMOVA (Excoffier et al., 1992). 48 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II Les résultats obtenus ont montré que les populations analysées, pour ce locus, ne s’écartaient pas de l’équilibre de Hardy-Weinberg (Fis moyen = –0.062, p<.0.01) et qu’il y avait une forte hétérogénéité entre les populations étudiées (Fst moyen = 0.22, p<0.00). Les paramètres calculés, fréquences alléliques entre populations, les Fst par paire et le flux génique (Nem) corroborent que la sardine en Atlantique marocain est structurée génétiquement comme suit : Une première population homogène s’étale au sud du Maroc, de Dakhla à Tarfaya, une autre population est identifiée au niveau nord du Maroc, au large de Larache et qui serait homogène avec celle du sud du Portugal, la population d’Agadir serait une population chevauchante entre ces deux dernières. Une autre population a été diffirenciée des autres et se trouverait au large de Safi. Cette structure a été vérifié par AMOVA, ainsi une fraction importante de la variation a été expliquée entre ces trois populations identifiéés (27.5%; P<0.05) (Article 1). Les résultats de cette étude génétique ont révélé l’absence d’un continuum, sur un plan génétique, chez la sardine le long de son aire de répartition. La différenciation génétique observée concerne des individus prélevés en hiver durant la saison de ponte. Le lien génétique qui semble exister entre des sardines provenant du secteur nord du Maroc et du sud de la péninsule ibérique, laissant envisager la possibilité d’une population établie au nord du Maroc et au delà du détroit de Gibraltar, est une donnée qui contredit ce qui était admis sur l’existence d’une race marocaine séparée de la race européenne par le détroit de Gibraltar (Furnestin et Furnestin, 1970 ; Belvèze, 1984; Parich, 1989). La nette démarcation génétique des groupes se trouvant de part et d’autre de la région s’étendant entre la baie d’Agadir et le Cap Draa, semble indiquer l’existence d’une zone de transition, et est également en contradiction avec la présence d’une race marocaine et d’une race saharienne de part et d’autre du cap Juby (Furnestin et Furnestin, 1970). L’interruption du flux génique à ce niveau, également mis en évidence par Jaziri et Benazzou (2002) à la latitude du Cap Ghir chez la moule Mytillus galloprovincialis, suggère la possibilité d’un isolement entre populations situées de part et d’autre de cette zone. Cet isolement peut trouver une interprétation dans la possibilité de l’existence d’un obstacle suffisamment stable pour limiter le flux des gènes de part et d’autre de la zone de transition. En effet, le flux génique peut être limité en présence de barrières hydrologiques (Roldan et al., 1998, Patarnello et al., 2007) ce qui peut fragmenter une population. 49 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II Comme nous l’avons détaillé dans la section généralités, la côte marocaine présente des caractéristiques hydrologiques particulières, notamment la présence d’un upwelling côtier, des structures hydrodynamiques récurrentes comme le filament du Cap Ghir et la présence de certains gires liés à la topographie de la côte, ces gires peuvent jouer un rôle important dans la rétention d’œufs et de larves et par conséquent, dans la formation de structure génétique isolée (Bakun, 1996). Il a été aussi rapporté que l’adaptation des espèces marines aux conditions environnementales rencontrées sur leur différents habitats occasionne souvent la naissance de structures dans les populations et qui sont détectées par les marqueurs génétiques (Chapman et al., 1999 ; Lundy et al., 2000 ; Planes and Romans, 2004). La présence d’un groupe génétiquement différencié dans la région de Safi, conduit à penser que les concentrations permanentes au sud de la baie d’Agadir ne seraient pas, comme proposé précédemment par Furnestin et Furnestin, (1970) et Belvèze (1984), le seul pourvoyeur du secteur du cap Cantin au cap Ghir en sardines, mais que ces concentrations rencontrées dans cette zone proviendraient également d’une population établie localement ou un peu au large. Le phénomène de homing (retour des adultes vers leur lieu de naissance au moment de la ponte) semble aussi jouer un rôle dans l’établissement de la structuration observée. Les sardines adultes, connues par leur important trajet de migration, ne peuvent effectuer leur ponte que dans des zones bien précises (frayères) où règnent des conditions topographiques et hydrologiques bien particulières et y retournent pour effectuer leur ponte (Bakun, 1996 Cury et al.,1994 ; Mullon, 2002). Ce comportement des reproducteurs favorise l’isolement génétique des populations. Les résultats émergeants de ce travail préliminaire démontrent, bien que conduit par un seul locus, l’existence de populations autosuffisantes de sardine rattachées à différentes zones du plateau de l’Atlantique marocain et que les conditions hydrologiques agiraient comme des barrières invisibles aux flux de gènes. La vérification de ces hypothèses nécessite la recherche et l’analyse d’autres locus polymorphes et/ou vérifier la stabilité de la structure obtenue à l’échelle du temps sur des échantillons de sardine prélevés à la même période et couvrant la totalité de la régions nord ouest africaine (NOA). 50 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II 2. Mise en évidence d’un Cline génétique chez les populations de sardine, Sardina pilchardus, le long de la côte nord ouest africaine (NOA) EVIDENCE OF A GENETIC CLINE FOR SARDINA PILCHARDUS ALONG THE NORTHWEST AFRICAN COAST Malika Chlaida, Véronique Laurent, Souad Kifani, Touria Benazzou, Hassan Jaziri and Serge Planes M.Chlaida and Souad Kifani Institut National de Recherche Halieutique, 2 Rue de Tiznit, Casablanca 20000, Maroc V. Laurent and S. Planes: UMR 5244 CNRS-EPHE-UPVD, Université de Perpignan, Avenue Paul Alduy, 66860 Perpignan Cedex, France. T. Benazzou and H. Jaziri: Faculté des Sciences, BP 1014, Avenue Ibn Batouta, Agdal, 10 106 Rabat, Maroc. Correspondence to M. Chlaida: tel: +212 22220249; fax: +212 22266967; e-mail: [email protected]. Publié à « ICES Journal of Marine Science », Decembre 2008 ICES Journal of Marine Sicence, 66: 264-271. Résumé de l’article Dans cet article, nous vérifions la stabilité de la structure génétique de la sardine observée précédemment toute en élargissant le réseau d’échantillonnage et en analysant d’autres systèmes enzymatiques, nous essayons aussi de décrire les processus évolutifs et biologiques à l’origine de cette structure. Un total de 700 individus provenant de 14 localités répartis aléatoirement le long des côtes de la région du Nord Ouest africain (depuis la limite sud de l’aire de répartition de la sardine en Mauritanie jusqu’au nord du Maroc), de la méditerranée marocaine et de la baie de Cadiz. L’échantillonnage a été effectué en saison de ponte 2004. (Tableau 1, Deuxième Partie, ChapitreI). SOD*, PGM*, IDH*, AAT*, EST*, ME*, ME*, MDH*, MDH2* et MPI* ont été analysées dans cette étude en suivant le même protocole que dans la première partie. L’analyse statistique, à la fois par les Statistiques de Weir et Cockerham, 1984 et AMOVA (Excoffier et al., 1992), montre que tous les échantillons analysés sont en équilibre de Hardy-Weinberg (Fis = 0.018, p=0.128) et qu’il y a une différenciation génétique 51 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II hautement significative au sein de l’ensemble des échantillons (Fst = 0.205, p<0.000) ce qui est rare chez les poissons pélagiques (Bembo et al, 1996 ; Ramon and Castro, 1997 ; Lundy et al., 2000 ; Cimmaruta et al., 2005 ; Laurent et al, 2006). Cette différenciation est principalement observée par le locus SOD* qui s’est révélé très informatif et qui pourrait constituer un bon marqueur de stock. Deux groupes ont ainsi été significativement identifiés. Le premier se situe au sud de la région NOA et s’étend de la Mauritanie jusqu'à Sidi Ifni. Le deuxième groupe de Sardina pilchardus concerne la partie nord de la région NOA, depuis le nord de Sidi Ifni jusqu’au large de Cadiz. Ce deuxième groupe présente une grande ressemblance avec les échantillons de la Méditerranée marocaine. Les résultas de cette étude confirment ceux obtenus pour l’hiver 2003 et montrent que la coupure génétique observée au niveau du Cap Ghir est stable dans le temps (au moins à court terme) et qu’il existe plusieurs barrières au flux génique dans la région NOA : La première est un front situé au niveau de la baie d’Agadir, est généré par des conditions hydrologiques qui semblent être stables dans le temps. Cette barrière a été aussi reconnue chez les espèce sédentaires comme les moules (Jaziri et Benazzou, 2002). Une deuxième barrière, plus flexible, se trouve au niveau du détroit de Gibraltar qui semble permettre un certain degré de mélange entre la Méditerranée et l’Atlantique. Cette coupure serait la conséquence d’un isolement des populations de sardine de la Méditerranée quand le niveau de la mer était plus bas, le seule échange avec l’atlantique s’effectuant au niveau du détroit de Gibraltar. Un suivi spécifique des fréquences alléliques du locus SOD* a mis en évidence un clin génétique le long de la zone d’étude. Une corrélation significative a été obtenue entre le Sod*100 et la latitude (r2= 0.78, p < 0.001) et le Sod*-100 et la longitude (r2 = 0.878, p <0.001). Les clines génétiques sont des gradients de fréquences alléliques ou d’hétérozygotie qui peuvent être le résultat de deux phénomènes distincts: soit la présence de zones hybrides (Barton et Hewitt, 1985), une zone hybride étant une zone géographique où des populations génétiquement différentes peuvent se croiser, soit la présence d’un processus sélectif ou encore la combinaison des deux phénomènes. La circulation et les mouvements giratoires des masses d’eaux au niveau du Cap Ghir supposent que la dispersion est faible à ce niveau, mais si on se base sur la théorie des clines qui suppose qu’il y a un équilibre entre la dispersion et la sélection (Sotka and Palumbi, 2006), la sélection serait aussi marginale. Il est donc difficile 52 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II de comprendre le changement important des fréquences alléliques du locus sod-80* dans la région d’Agadir (passant de 0.08 à Tarfaya à 0.23 à Sidi Ifni et à 0.33 à Agadir) si l’on se réfère uniquement aux conditions océanographiques comme seule barrière au flux de gènes. A partir de nos données, nous n’avons pas pu évaluer le rôle de la sélection dans ce cline nous n’avons qu’un seul locus qui montre une hétérogénéité significative. Par conséquent, le déséquilibre de liaison (DL) qui pourrait être le résultat d’un processus sélectif n’a pas été examiné. Il est aussi possible que le locus SOD* ne soit pas directement celui qui est soumis à la sélection et que le processus dit « hitch-hiking» soit possible, c'est-à-dire qu’il a été « autostoppé » par un autre locus qui serait sous influence de la sélection (Faure et al., 2008). La théorie des clines permet d’obtenir des informations quant à l’impact de la sélection mais aussi de la migration. Ignorant tout processus sélectif, nous avons utilisé le changement en fréquences alléliques pour estimer le taux de dispersion par génération (Barton and Gal, 1993). Nous avons obtenu un taux de dispersion de 189 km +52 km par génération sur l’ensemble des échantillons (2066 km) ce qui représente 9.1% de la largeur de le cline et c’est 10 fois plus que ce qui est observé chez les autres espèces. Cette valeur n’a pas, en fait, trop de signification par ce que d’une part, il est impossible d’estimer l’impact de la sélection et d’autre part, nous considérons la distance entre la Mauritanie et Ras Kebdana comme largeur totale de le cline alors que la majeure partie du changement s’opère entre Agadir et Sidi Ifni (200 km). Cependant, la liaison entre les deux locus (SOD* et PGM*) n’était pas significative autour d'Agadir rendant impossible l’estimation du taux de dispersion au niveau du break. Ceci indiquerait probablement que le processus sélectif est beaucoup plus important. Toutefois, les résultas du test de Beaumont et Nichols (1996) montre qu’aucun des locus étudié ne s’écarte de l’attendu sous neutralité et donc n’est soumis à la sélection, ce résultat est a prendre, néanmoins, avec beaucoup plus de précaution car ce test n’a pas beaucoup de pouvoir quand il n’a y pas assez de locus polymorphes. Cette structure ne peut pas être, non plus, l’effet d’un isolement par la distance bien qu’une corrélation soit obtenue entre la différenciation génétique et la distance géographique 53 ________________________________________________Variabilté génétique, Chapitre II par le test de Mantel (r=0.80). Il s’agit plutôt d’un ‘’artéfact’’ de cline (la divergence est hautement significative de part et d’autre du Cap Ghir). Au terme de cette investigation, nous retrouvons la structure génétique de sardina pilchardus obtenue en 2003 dans l’Atlantique marocain (Chlaida et al., 2005, Article1) et nous mettons en évidence deux coupures principales dans cette structure génétique. La première se trouve au niveau du Cap Ghir et sépare en deux stocks la sardine dans la région NOA. La deuxième coupure, qui serait flexible, se situe au niveau du détroit de Gibraltar. Les limites entre ces stocks sont assurées essentiellement par des barrières hydrologiques. Cependant, vu le nombre limité de locus polymorphes, beaucoup de travail reste à faire et une analyse spatiotemporelle est nécessaire pour confirmer ce résultat mais surtout chercher les mécanismes évolutifs qui en sont la cause. 54 Chapitre III : Variation temporelle de la structure génétique des stocks de Sardina pilchardus liée au flux migratoire le long de la côte Atlantique marocaine ________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre III RELATIONSHIP BETWEEN GENETIC STRUCTURE AND MIGRATORY BEHAVIOUR ON SARDINA PILCHARDUS POPULATIONS IN THE MOROCCAN ATLANTIC COAST Malika Chlaida1, Omar Ettahiri1, Cecile Fauvelot2 Serge Planes2, et Hassan Jaziri3, M.Chlaida and Omar Ettahiri : Institut National de Recherche Halieutique, 2 Rue de Tiznit, Casablanca 20000, Maroc Cecile Fauvelot and S. Planes: UMR 5244 CNRS-EPHE-UPVD, Université de Perpignan, Avenue Paul Alduy, 66860 Perpignan Cedex, France. H. Jaziri: Faculté des Sciences, BP 1014, Avenue Ibn Batouta, Agdal, 10 106 Rabat, Maroc. Correspondence to M. Chlaida: tel: +212 22220249; fax: +212 22266967; e-mail: [email protected]. Soumis au journal « Fisheries Research » Résumé de l’article La répartition et l’abondance de la sardine sont très influencées par les conditions hydroclimatiques. Comme tous les poissons pélagiques, elle répond rapidement à son environnement, vit dans des milieux peu fragmentés et donc peut réaliser des migrations à grandes échelles, de l’ordre de plusieurs centaines de kilomètres (Tameishi et al., 1996 ; Uriarte et Lucio, 2001 ; Yatsu et Kaeriyama, 2005). Ces migrations sont probablement conditionnées par l’âge des individus, la présence de nourriture, la reproduction et les conditions thermiques du milieu (Olivar et al., 2001 ; Riveiro et al., 2000). La sardine du plateau continental marocain fait partie des espèces pélagiques inféodées aux upwellings du courant des Canaries, elle effectue des déplacements saisonniers parallèlement à la côte atlantique. Ces mouvements ont été déjà décrits par (Furnestin et Furnestin (1970) ; Johanneson et al, 1975 ; FAO, 1978, Lambouf, 1977 ; Belvèze et Erzini, 1983 et Belvèze, 1972,1984) (Figure 3). Ces auteurs indiquent que pendant la saison estivale, la sardine du sud du Maroc migrerait vers le nord du Cap Ghir pour alimenter en sardine la pêcherie Safi –Agadir pendant cette période, la sardine serait attirée par une 55 ________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre III richesse trophique en relation avec le développement d’un upwelling estivale entre Cap Cantin et Cap Ghir. Cette idée est soutenue par d’importantes prises de sardine effectuées par les bateaux de pêche opérant dans cette zone (Belvèze et Herzini., 1983, FAO., 1985). Aussi, ces auteurs pensent que pendant l’hiver, les sardines emprunteraient, pour le retour, le chemin inverse. Cette migration hivernale serait associée à la reproduction de la sardine qui s’effectue principalement pendant cette période (Ettahiri et al, 2003, Berraho et al., 2007). Toutefois, ni le sens ni l’amplitude de ce flux migratoire n’ont été vérifiés par des techniques moléculaires ou de marquage. Pour vérifier ces hypothèses à travers l’étude de la variation de la structure génétique entre la saison d’hiver et celle d’été, nous avons analysé 8 échantillons de sardine collectés pendant l’été 2006 et répartis depuis Larache jusqu'à Dakhla. Seuls ont été examiné les locus qui se sont révélés polymorphes dans les précédentes analyses en l’occurrence SOD* et PGM*. Pour pouvoir comparer la structure génétique observée en été et celle observée en hiver, on a introduit dans la base de données « GENETIX » les génotypes relatifs à ces nouveaux échantillons et ceux concernant 8 autres échantillons collectés précédemment en hiver 2004 au niveau des mêmes sites. Le détail de ces échantillonnages est présenté dans le chapitre I de la deuxième partie, tableau 1. On a aussi réalisé des groupements en utilisant le programme PCAGEN (Goudet., 1999) et la structure obtenue a été vérifiée par un test AMOVA (Excofier et al , 1992). Les résultas obtenus montre que quelque soit la saison, deux stocks de sardine sont génétiquement identifiés le long de la côte atlantique marocaine (FST = 0.135, p<0.000). Un stock nord du Maroc regroupant les échantillons d’Agadir, de Safi de Larache et de Sidi Ifni et un autre stock au sud du Maroc s’étalant de Tarfaya jusqu’a Dakhla. La zone de Transition entre ces deux stocks se situe entre Sidi Ifni et Tarfaya, cette zone est occupée par le stock sud en hiver et par le stock nord en été. De ce fait, la limite entre les deux stocks se situe en hiver au niveau de Sidi Ifni et en été cette barrière se trouve au niveau de Tarfaya. La ségrégation a été confirmée par un test AMOVA (Excofier et al., 1992) qui explique 20.12 de la variance totale avec une haute significativité (p<0.000). 56 ________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre III Ces résultats pourraient être en grande partie expliquer par le fait que la sardine, espèce migratrice, effectue, parallèlement à la côte atlantique marocaine des déplacements saisonniers. Ces résultats, confirment donc les mouvements décrits précédemment mais ils contredisent ce qui a été admis sur le sens de cette migration. Le Fst global qui passe de (0.205, p<0.000) en hiver à (0.135, p<0.000) en été pourrait donner une indication sur ce mélange qui se produit en été. Ce déplacement de la frontière entre les deux stocks serait probablement la conséquence d’une migration génique, orienté sud –nord, des sardines appartenant au stock sud pendant l’hiver. En effet, la confrontation de ces résultats avec les données de la reproduction de la sardine le long de la côte atlantique marocaine montre qu’en hiver, la reproduction de la sardine s’étend de la région d’Agadir jusqu’a Lagouira avec des concentrations au niveau de la région de Dakhla, au niveau des zones situées entre Tarfaya et Tan Tan, et au nord du Cap Ghir. Ces zones ont été identifiées comme étant des frayères (Ettahiri et al., 2003 ; Berraho et al., 2007) expliquant l’étalement du stock sud sur toute la zone situé entre Dahkla et le sud de Sidi Ifni et un recul du stock nord vers la frayère se trouvant au nord du Cap Ghir. Ces déplacements laissent suggérer que la sardine se déplace en hiver, principale période de ponte, à la recherche de zones propices à la reproduction, correspondant à un homing (Bakun et al., 1996). Ce retour des adultes vers des sites de ponte spécifiques résulterait d’une stratégie adaptative de l’espèce (Mullon et al., 2002 ;. Sinclair, 1988). Par contre, la situation change en été où le potentiel de reproduction se maintient au sud de Tarfaya –Boujdor, ce potentiel est très faible voir absent au nord de cette frontière, ce qui engendrerait une contraction du stock sud au niveau de la région Tarfaya.-Dahkla. La nourriture étant abondante et assurée par un upwelling permanant dans cette zone (Makaoui et al ., 2005), par conséquent les sardines n’ont pas besoin de se déplacer pour se nourrir Cependant, la migration génique ne peut pas à elle seule expliquer cette situation. La migration orienté nord-sud, dite trophique, qui s’effectue pendant l’été peut aussi apporter des informations : L’étalement vers le sud du stock nord pendant l’été serait la conséquence d’une richesse trophique engendrée par un upwelling qui s’intensifie entre Safi et Tarfaya durant cette période. Cette migration trophique serait dictée par un accroissement de la taille de la population suite au recrutement de nouveaux individus issus de la ponte hivernale et d’individus qui seraient venus des populations établies au large. La migration de la sardine et a été déjà décrite par (Furnestin, 1970 ; Belvèze et Herzini, 1983 ; INRH, Anonyme) . 57 ________________________________________________Variabilité génétique, Chapitre III Il semble aussi que les barrières hydrologiques qui constituent des obstacles au flux génique, notamment la barrière du Cap Ghir, changent aussi d’étanchéité d’une saison à l’autre. En hiver elles sont plus rigides et en été elles deviennent plus au moins flexibles toute en assurant une hétérogénéité entre les deux stocks de sardine.Ce point est détaillé dans la partie discussion. En conclusion de cet article, nous pouvons dire que la jonction des facteurs liés à l’environnement hydrodynamique de l’espèce et aux spécificités du son cycle de vie, en particulier la stratégie de ponte adoptée par la sardine, est à l’origine aussi bien de la structuration génétique chez la sardine marocaine que de ses mouvements saisonniers tout au long de la côte. 58 TROISIEME PARTIE : Synthèse des résultats et discussion générale _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Ce travail de thèse avait pour but d’étudier l’éventuelle existence de stocks de sardines génétiquement différents dans la sous région du Nord Ouest africain, d’avoir des informations sur la migration de la sardine à travers la vérification de la stabilité de la structure génétique au cours de l’année et de tenter d’expliquer les processus évolutifs qui ont abouti à cette structuration. Pour ce faire, on s’est basé sur le principe de la génétique des populations et de la génétique évolutive. L’approche suivie a consisté en l’utilisation des marqueurs enzymatiques pour évaluer le polymorphisme génétique entre populations. 1. Structure génétique des populations de la sardine au large de la région du Nord Ouest africain (NOA) Pour approcher la structure génétique des populations de la sardine des côtes NOA, nous avons analysé, dans un premier temps, 7 échantillons de sardine collectés en hiver 2003 au niveau de la côte Atlantique marocaine et le sud de la péninsule Ibérique par l’étude du locus SOD*. Dans un deuxième temps, nous avons élargi notre réseau d’échantillonnage qui a couvert 14 échantillons de sardine qui ont été prélevés en hiver 2004 le long de la côte Atlantique de la région NOA, du sud de la péninsule Ibérique et de la Méditerranée marocaine. Nous avons analysé d’autres locus polymorphes en suivant une analyse génétique strictement identique. Ces côtes de la région du NOA s’étendent sur une longue distance de plus de 2000 km. Au sein d’un tel espace, certains phénomènes peuvent engendrer des isolations entre les populations telle que la présence de fronts océaniques comme celui d’Alméria-Oran (Quesada et al., 1995 ; Naciri et al., 1999 ; Rios et al., 2002) ou celui du Cap Ghir (Jaziri et Benazzou., 2002) ou encore des conditions environnementales variables comme les upwellings et les courants qui peuvent limiter le flux génique (Waters et Roy, 2004). Sinclair (1988) et Sinclair et Iles (1989), avancent par ailleurs l’idée selon laquelle la différenciation d’une espèce marine en populations autosuffisantes serait déterminée, sous la contrainte de structures hydrologiques géographiquement distinctes et pérennes, au niveau des stades précoces du cycle de vie. La richesse populationnelle d’une espèce (nombre de populations autosuffisantes), dépendrait du nombre de structures physiques que comporterait son aire de répartition et auxquelles les stades précoces seraient adaptés pour permettre leur rétention. 59 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale En ce qui concerne la sardine des côtes atlantiques de la région du Nord Ouest africain, nous avons mis en évidence une différenciation génétique en deux groupements qui peuvent être considérés comme des métapopulations à cause de leur extension géographique et de l’absence de différenciation génétique à l’intérieur de chacun d’eux. Le premier groupe s’étale depuis la limite sud de l’extinction de l’espèce en Mauritanie (durant l’hiver 2004 la sardine n’a pas été rencontrée ni au sud de la Mauritanie ni au Nord du Sénégal) jusqu’a Sidi Ifni et le second s’étend d’Agadir jusqu'à la baie de Cadiz. Les populations de la Méditerranée marocaine s’identifient des autres groupes tout en ayant des similitudes avec les populations du Nord (Agadir –Baie de Cadiz). Les résultats obtenus sur la structure génétique des populations de sardines indiquent, bien que faible, une différenciation génétique entre les populations atlantiques et méditerranéennes. Ce résultat corrobore ceux trouvés par les allozymes (Ramon et Castro., 1998 ; Laurent et al ., 2007) et par les marqueurs ADN ( Atarhouch et al., 2007). En Méditerranée, il est connu que le front Almeria-Oran représente une barrière hydrologique importante qui peut entraîner une discontinuité dans les variations génétiques (Quesada et al., 1995 ; Roldan et al., 1998 ; Naciri et al., 1999 ; Rios et al., 2002 ; Patarnello et al., 2007). De ce fait, les populations se situant de part et d’autre de ce front présentent de fortes différences génétiques (Borsa et al., 1997), ce qui a d’ailleurs été observé chez Sardina pilchardus avec une structuration plus à l’Est (Ramon et Castro, 1997) et pour les anchois, Engraulis encrasicolus (Bembo et al., 1996). Cependant la frontière entre les populations méditerranéennes et atlantiques chez Sardina pilchardus est mal définie et l’influence du front d’Alméria-Oran chez ces populations n’est pas bien démontrée. La Mer d’Alboran (du Détroit de Gibraltar au front Almeria-Oran) est souvent considérée comme un appendice de l’atlantique. Parmi les rares études réalisées dans cette zone, Aurelle et al. (2002) ont observé l’existence de cette frontière pour Coris julis alors que Jaziri et Benazzou (2002) ne l’ont pas mis en évidence pour Mytilus galloprovincialis, ni Naciri et al. (1999) pour Dicentracus labrax pour lequel une barrière génétique importante a été localisée au niveau du front Almeria –Oran. De nombreux poissons possèdent, par ailleurs, une répartition Atlantoméditerranéenne et certains ont fait l’objet d’études génétiques (Patarnello et al., 2007). Chez les bars (Dicentrarchus punctatus et Dicentrarchus labrax), les résultats obtenus sont différents entre les deux espèces: D. punctatus présente peu de différences génétiques entre les populations africaines et méditerranéennes contrairement à D. labrax (Bonhomme et al., 60 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale 2002). De la même façon, les soles Solea senegalensis présentes sur les côtes atlantiques africaines sont génétiquement proches des populations de soles de la Méditerranée (Tinti et Piccinetti, 2000). D’après nos données, la barrière entre les populations de sardine de la Mer d’Alboran et celle de l’Atlantique serait située au niveau du Détroit de Gibraltar. Cette barrière est peu étanche et permettrait un degré d’échange entre la Méditerranée et l’Atlantique ce qui explique la faible différenciation observée entre l’Atlantique et la Méditerranée ou plutôt entre l’Atlantique et la Mer d’Alboran (échantillons que nous avons analysés) (Fst entre M’dik-cadiz=0.032 ; Fst entre Ras. Kebdana-Cadiz=0.082) On peut même dire que les populations de sardine en Mer d’Alboran seraient intermédiaires entre celles existants en Méditerranée Ouest et en Atlantique. En Atlantique, les populations de sardine sont structurées en deux groupes situés de part et d’autre du cap Ghir où la séparation est très significative. Le premier groupe (Atlantique Nord) allant d’Agadir jusqu aux côtes portugaises a été identifié en incluant les résultats de 2003 et ceux de 2004). Ce résultat est en accord avec celui observé par Laurent et al. (2007) par les allozymes qui ont trouvé une homogénéité entre les populations de sardine depuis le nord du Maroc jusqu’à la Mer du Nord, et aussi avec les résultats d’ Atarhouch et al. (2006, 2007) par l’ADN ( Polymorphisme des introns) qui ont, en plus, mis en évidence une structure géographique à partir des séquences de la D-loop, avec une forte hétérogénéité entre les individus du Golfe de Gascogne et ceux du Maroc. L’examen des paramètres morphologiques de la sardine dans cette zone a abouti à la même conclusion (Silva, 2003). D’après ces résultats, ce stock sardinier du Nord serait délimité au sud par la frontière du cap Ghir et au nord par une barrière localisée quelque part au niveau des côtes atlantiques portugaises (au nord du cap Saint Vincent). En effet, la séparation du GULF STREAM en deux courants, l’un se dirigeant vers le nord, Courant Nord Atlantique, et l’autre se dirigeant vers le sud et donnant lieu au courant des Açores, au courant du Portugal et au courant des Canaries, pourrait créer une barrière hydrologique. Cette bifurcation se produisant justement en face des côtes portugaises (Figure 7). Un autre stock est identifié au sud du Cap Ghir entre Sidi Ifni et la limite sud de l’aire de répartition de l’espèce en Mauritanie. Le même résultat a été trouvé par les analyses sur 61 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale l’ADN (Polymorphisme des introns) d’Atarhouch et al. ( 2007) mais avec une séparation peu significative des populations autour du cap Ghir ( Essaouira et Tan Tan ) et une nette démarcation des populations situées plus au sud ( Tan Tan, Laâyoune et Dakhla). Cette différenciation génétique des populations périphériques par rapport au reste des populations de l’aire de répartition a été aussi observée par Laurent et al. (2007) par les allozymes chez les populations de Mauritanie (Ils n’ont analysé que cet échantillon au sud du cap Ghir) ce qui corrobore notre résultat. Une Barrière au flux génique se situe donc au niveau du Cap Ghir (ou un peu plus au sud) et serait la cause de cette ségrégation. La barrière du Cap Ghir est générée par des structures hydrodynamiques complexes liées en grande partie à la circulation géostrophique. Ces structures hydrodynamiques sont caractérisées par les upwellings du courant des Canaries, qui sont étroitement liés au système de haute pression des Açores et des vents alizés (nord-sud) qu’il engendre (Belvèze, 1984). La topographie de la côte africaine a aussi un rôle dans la genèse de cette barrière. En effet, des filaments d’amplitudes variables se détachent du courant au niveau des Caps sous l’effet des vents. Ces filamenets se dirigent vers l’océan sur plusieurs km et dont certains sont accentués par le relief de la chaîne Atlas c’est le cas du filament du Cap Ghir qui persiste durant toute l’année (avec des amplitudes variables). Ce filament sépare le courant des Canaries de la côte en automne (Pelegi et al., 2005). A une échelle petite, des contres courants (ou tourbillons) sont actifs sur le flanc sud, ils transportent des masses d’eau relativement chaudes de la Baie d’Agadir vers le nord du Cap Ghir ( Figure 8). L’ensemble de ces éléments crée des systèmes tourbillonnaires, des gires et des structures mésoéchelles cycloniques et anticyclonique qui minimisent la dispersion en hiver. La persistance du filament du Cap Ghir au cours de l’année, pourrait-elle jouer un rôle dans la structuration des populations de sardine de part et d’autre du Cap Ghir ? Neuer et al. (2003) ont montré que la distribution des taux d’accumulation des sédiments et des foraminifères, typiques de l’upwelling, au large du Cap Ghir, laisse supposer un système d’upwelling similaire à travers tout l’holocène. Ceci tendrait à renforcer l’hypothèse d’un rôle possible de cette structure dans la discrétisation des populations de sardine de la région sous l’effet d’une déportation d’ ichtyoplancton vers le large. On peut en effet également retenir de la typologie établie par Neuer et al. (2003) que le filament montre des patterns structuraux récurrents spécifiques à chaque saison et que malgré 62 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale une certaine évanescence de cette structure durant les saisons automnale et hivernale, saison correspondant par ailleurs à la période de ponte de la sardine, celle-ci reste active et pourrait jouer un rôle dans l’interruption du flux génique de part et d’autre du panache d’eau froide, coupure déjà observée dans le cas des moules (Jaziri et Benazzou, 2002). Si au niveau du Cap Ghir, ces structures hydrodynamiques favorisent plutôt la rétention que la dispersion en hiver, il n'en est pas le cas en ce qui concerne la zone située au sud du Cap Ghir où la position du relief des îles Canaries joue un rôle dans cette hydrodynamique (Effet des Iles). En effet, des filaments pareils mais d’amplitude moindre, se détachent entre Cap Juby et Cap Boujdor, contournent les îles Canaries et retrouvent la côte marocaine. Une articulation de tourbillons cycloniques et anticycloniques prolonge le mouvement de dérive des eaux froides d’upwelling vers le large et permet l’advection des eaux océaniques vers le plateau (Barton et al., 1998) (Figure 13). Le sillage des îles Canaries perturbe la circulation géostrophique et contribue à la formation de structures mésoéchelles (cycloniques et anticycloniques) (Barton et al., 2004) (Figure 14). L’emboîtement de ces structures aboutit à une sorte de plateforme d’endiguement qui peut jouer un rôle dans le maintien d’un flux génique entre les zones situées de part et d’autre du cap Juby. Barkova et Domanevsky (1976) ont suggéré précédemment que l’explosion de la sardine en face du Sahara dans les années 1970 serait le fait d’une dérive des larves vers le sud à partir de la région du Cap Juby. Figure 13: Représentation schématique de la circulation mésoéchelle entre le cap Juby et l’Archipel des Iles Canaries (d’après Barton et al., 1998). 63 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Figure 14: Filament du Cap Juby et structures associées (d’après Barton et al., 2004 http://www.sos.bangor.ac.uk/~oss041/fax99/Templates/paperlist.htm). Cas particulier de la population de Safi : Une structuration « côte- large » des populations de la sardine le long de la côte marocaine a été également mise en évidence. En effet, la population de Safi (32°) dans les échantillons de l’hiver 2003 s’est génétiquement distinguée des autres populations (Chlaida et al., 2005). Ce résultat a été aussi observé par l’analyse des marqueurs ADN (Atarhouche et al., 2007) dont l’échantillonnage a été effectué dans la même zone et durant la même période. Par contre, ce résultat n’a pas été retrouvé en hiver 2004 où la population de Safi constitue avec le groupe du Nord une entité homogène. Cette différence serait due au fait que l’échantillon qui a servi durant les analyses 2003 a été collecté, accidentellement, un peu vers le large de Safi en hiver 2003 (32°N 20’09°48’W) alors que celui qui a été analysé en 2004 a été prélevé plus proche de la côte (32° N 28’,9°20’W) au même isobathe que les autres échantillons analysés en 2004 (Figure 15). Cette information nous a permis d’émettre une hypothèse quant à l’existence d’autres populations de sardine abritant le large des côtes marocaines, il s’agit d’une structuration côte –large. 64 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Cette hypothèse est soutenue par le fait que la sardine ne déserte jamais la région de Safi on pense qu’il y’a une concentration permanente de sardine à ce niveau. Les observations faites lors de certaines campagnes acoustiques de l’INRH au large de Safi confirment l’existence de ces concentrations. (Chbani et al., 1985) Figure 15: Position des échantillons prélevés au large de Safi durant l’hiver 2003 et l’hiver 2004. Nous présentons la synthèse de nos résultats sous forme de schéma dans la figure 16 et une synthèse générale des résultats de toutes les études, Allozymes et ADN, faites sur la délimitation des stocks de sardine dans la même zone et sur l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce dans la figure 17. 65 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Figure 16: Proposition, à partir de nos données, de délimitation des stocks de sardines dans la sous région du Nord Ouest africain. 66 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Figure 17: Proposition de délimitation de stocks de sardine à partir de l’ensemble des données génétiques (ADN et Allozymes) (Ramon et Castro, 1997 ; Laurant et al, 2006, 2007 ; Atarhouch et al, 2007 et Chlaida et al, 2005, 2008) 2. Relation entre structure génétique et comportement migratoire chez sardina pilchardus le long de la côte atlantique marocaine L’analyse d’un lot de 8 d’échantillons collectés en période estivale le long de la côte marocaine nous a permis de vérifier la stabilité de la structure génétique au cours de l’année et de vérifier si il y a des migrations (ou des mouvements) saisonnières effectuées par les populations de sardine parallèlement à la côte atlantique et des mélanges consécutifs à ces mouvements. L’approche adoptée est identique à celle suivie pour l’analyse des échantillons d’hiver. 67 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale Les résultats obtenus montrent que sur la côte atlantique marocaine, la structure génétique des populations de sardine en deux stocks, le premier au nord et le second au sud, est globalement respectée. La différence par rapport à la structure observée en hiver se résume au fait que la barrière entre les deux stocks de sardine, qui a été localisée au niveau de sidi Ifni du (sud du cap Ghir) en hiver, se déplace au sud et se localise en été au niveau de Tarfaya (un peu au nord du cap Juby) (Figure 18). Figure 18: Présentation schématique de la structure génétique de la sardine obtenue pour les deux saisons Ces résultats sont en contradiction avec les observations faites précédemment par (Furnestin et Furnestin (1970), (Johanneson et al, 1975 ; FAO, 1976, Lambouf, 1977 ; Belvèze et Erzini, 1983 et Belvèze, 1972,1984) qui proposaient le chemin inverse de migration c’est à dire que la sardine se déplacerait en été de la zone comprise entre le nord du Cap Juby et Sidi Ifni et se dirigerait vers le nord pour envahir la zone comprise entre Cap Ghir et Cap Sim. 68 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale La synthèse de nos résultats montre que l’environnement hydrodynamique serait en grande partie responsable de la structure génétique de la sardine dans cette zone et que la barrière au flux génique serait probablement d’ordre hydrologique. En effet, le front du Cap Ghir, bien que présentant des amplitudes saisonnières liées au l’activité des structures hydrodynamiques adjacentes (courant des Canaries et structures mézoéchelles dans la baie d’Agadir) persiste toute l’année, et selon le mode de fonctionnement de ces structures hydrodynamiques, il serait imperméable en hiver. En effet, le Courant des Canaries, n’atteint que le Nord d’Agadir pendant cette période, s’affaibli en hiver et par conséquent le filament du Cap Ghir qui s’en détache est aussi relativement faible, par contre, les gires et les structures mézoéchelles s’intensifient dans la Baie d’Agadir, ( Barton et al , 2004) l’ensemble de ce complexe hydrodynamique fonctionne de sorte que la Baie d’Agadir constitue en hiver, principale période de ponte des sardines, une zone de rétention d’adules et de matériel ichtyologiques aboutissant à un isolement génétique. En été, le front du Cap Ghir peut être franchi, mais à moindre degré, par les populations de sardine situées au nord d’Agadir. En effet, le Courant des Canaries s’intensifie en été et arrive jusqu' au sud de la baie d’Agadir emporterait ainsi sur son chemin les bancs de sardine vers le sud. Les structures mésoéchelles de la baie d’Agadir qui fonctionnaient comme des contres courants en hiver s’affaiblissent en été (Barton et al .1998, 2004, Stevens et Johanson, 2003), les sardines en provenance du nord peuvent alors arriver jusqu au nord du Cap Juby. Pour conclure cette partie, nous nous sommes basés sur les travaux réalisés par (Johnson et Stevens, 2000; Stevens et Johnson, 2003) qui montrent que la circulation verticale est différente dans la zone comprise entre Cap Sim et Cap Ghir (31°30’–30°37’N) et la zone située entre Sidi Ifni (29°12’N) et le nord du Cap Juby (_29’N) et qu’elle présente un pattern saisonnier. Ce changement saisonnier de l’environnement hydrodynamique, en particulier au niveau du front hydrologique du Cap Ghir, se traduit en terme de mouvements des populations de sardine. En fait, la zone comprise entre Cap Ghir et Cap Juby est envahie en hiver par les sardines en provenance du sud; la barrière du Cap Ghir, imperméable en hiver, constitue un obstacle face aux sardines du stock nord. 69 _______________________________________Synthèse des résultats et discussion générale En été, cette barrière est peu étanche et permet une dilatation du stock nord vers cette zone. Nous avons qualifié la zone située entre Cap Ghir et Cap Juby comme étant une zone de transition entre les deux stocks identifiés dans cette étude. De part sa topographie, son régime hydrologique, cette zone présente des caractéristiques importantes; c’est une zone qui abrite une importante frayère et une nourricerie de sardine (Ettahiri et al., 2003 ; Berraho et al ., 2007). Nous avons aussi montré, à travers nos observations de la couleur du contenu gastrique des individus analysés dans ce travail que dans cette zone ce contenu présente une couleur intermédiaire entre celle observée chez la sardine du sud et celle du nord d’Agadir. De ce fait cette zone mérite beaucoup plus d’attention aussi bien de la part des scientifiques que de la part des décideurs. 70 CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES ______________________________________________Conclusion générale et perspectives Dans la zone du Nord Ouest africain nous avons mis en évidence l’existence de deux stocks de sardine fortement différenciés de part et d’autre du Cap Ghir. Ces deux stocks présentent une grande ressemblance avec les populations de sardine de la Mer d’Alboran qui serait intermédiaires entre les populations de l’Atlantique et celles du reste de la Méditerranée. Nous avons aussi mis en évidence l’existence d’un front identifié comme permanent aux flux génique au niveau du Cap Ghir, ce dernier est ferme en hiver et plus flexible en été. Un autre front entre l’Atlantique et la Méditerranée, qui semble transitoire, est assuré par le détroit de Gibraltar a été aussi mis en évidence. Nos résultats corroborent ceux issus des données génétiques disponibles sur la même espèce. Nous attestons aussi par la présente étude que la technique d’analyse utilisée dans ce travail, en l’occurrence la méthode d’électrophorèse des protéines enzymatiques (Allozymes), est une méthode fiable dont les résultats peuvent être comparés à ceux obtenus par les marqueurs d’ADN qui sont réputés être informatifs et ne reflétant pas l’effet de l’environnement. L’approche globale (Holostic approach) est souvent préconisée et consiste en la combinaison des résultats obtenus par différentes techniques d'identification des stocks, particulièrement ceux relatifs à la morphométrie, aux caractéristiques de cycle de vie de l'espèce, à l’électrophorèse et à la biologie moléculaire permettant d'établir un schéma plus au moins définitif de la structure des populations (Waldman, 1999).Il n’a y pas une seule technique meilleure, plusieurs approches sont souhaitables pour résoudre la problématique de différenciation de stocks(Allendorf et Phelps, 1981). Ce travail nous a aussi permis de montrer qu’a travers l’utilisation des marqueurs génétiques, il est possible d’avoir des informations relatives aux mouvements des poissons migrateurs. En effet, la sardine migre en fonction de la température à la recherche d’exigences thermiques pour la ponte ( Bakun et al., 1996 ; Roy et al. , 2003) et en fonction de la disponibilité en ressources trophiques durant la période d’engraissement (Santos et al., 2001 ; Muiٌo et al., 2003 ; Suda et al., 2005), mettant ainsi en évidence l’impact important des conditions environnementales sur les populations des poissons pélagiques et la capacité de ces dernières à répondre rapidement aux modifications saisonnières de l’environnement hydroclimatique. Ces changements deviennent néfastes et peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les stocks halieutiques en général si elles sont brusques, continues dans le temps et associées à une surexploitation. 71 ______________________________________________Conclusion générale et perspectives En conclusion, cette étude montre clairement l’existence d’une coupure dans la structure génétique des populations de sardine dans l’Atlantique du Nord Ouest Africain cette coupures structurent les populations de sardine dans la région NOA en deux stocks indépendants. Ces résultats offrent une nouvelle perspective sur la gestion de la sardine, qui idéalement doit maintenant être gérée en tant que deux stocks séparés dans la région NOA, exigent la mise en place de mesures d’aménagement communes à tous les pays exploitant ces stocks partagés, aussi bien au niveau de la région du Nord Ouest africain pour le stock sud, qu’au niveau du Maroc et de l’Union européenne en ce qui concerne le stock nord, afin d’assurer une meilleure gestion en vue d’ une exploitation durable des pêcheries sardinières. Les hypothèses émises antérieurement quant au sens du flux migratoire des stocks de sardine le long de la côte marocaine devraient être aussi revues. Dans ce sens, des investigations génétiques plus poussées sont nécessaires pour fournir plus d’informations. Une attention particulière doit être destinée à la zone comprise entre Cap Ghir et Cap Juby, zone qui pourrait être considérée comme le « Pace maker » du peuplement sardinier de la région du Nord Ouest africain. Par ailleurs, toutes les analyses que nous avons effectuées ont été, essentiellement, conduites par le locus SOD* que nous pouvons considérer pour le cas de cette espèce comme un bon marqueur de stock. Quelques études ont déjà montré la possibilité qu’une structure génétique soit portée par un seul locus (Mork et al., 1985 ; Beaumont et al., 1996). Nous avons proposé une hypothèse expliquant l’existence d’un cline génétique le long du littoral marocain. Cependant, et vu le nombre limité de locus polymorphes, il est difficile pour nous de tirer clairement des conclusions sur les facteurs expliquant les processus évolutifs aboutissant à ce cline (dispersion ou sélection ?) et agissant sur les sardines et notamment sur les fréquences alléliques du locus SOD*. Les premiers essais que nous avons entrepris dans ce sens montrent que le locus SOD* n’est peut être pas soumis à la sélection et que ce sont les conditions hydrologiques, particulièrement au niveau du Cap Ghir, qui minimisent l’effet de la dispersion et maintiennent la structure génétique observée. Les perspectives de recherche envisagées suite à ce travail concernent l’étude de la structure génétique des populations de sardines à petite échelle, notamment au niveau du détroit de Gibraltar et de la zone de transition comprise entre Cap Juby et Cap Ghir, en 72 ______________________________________________Conclusion générale et perspectives intensifiant l’échantillonnage de façon à mieux comprendre la structure génétique dans ces zones complexes, de mieux tracer les limites entre les deux stocks et d’appréhender l’effet réel du locus SOD* par l’élaboration de modèle intégrant les jeunes, les adules et les différentes classes d’âge et notant tous les changements qui affectent la structure génétique de la sardine au cours du temps. Autres que les introns déjà testés pour cette espèce, nous envisageons aussi dans nos perspectives, l’utilisation de marqueurs hyperpolymorphes, tels que les microsatellites. 73 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ________________________________________________________________Bibliographie A Abad R., Miquel J., Iglesias M., Alvarez F., 1998. Acoustic estimation of abundance and distribution of sardine in the Nortwestern Mediterranean. Fisheries research, 34: 239-245. Alemany F and Alvarez F., 1993. Grouth differences among sardine (Sardina pilchardus Walb.) populations in western Mediterranean.Sci. Mar., 57,229-234. Alheit J and Hagen E., 1997. Long-term climate forcing of European herring and sardine populations. Fisheries Oceanigraphy 6 (2): 130-139. Allendorf F.W., Ryman N., Stennek A., Stahl G., 1976. Genetic variation in Scandinavian brown trout (Salmo trutta L.): evidence of distinct sympatric populations. Heriditas 83 : 73-82. 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Le principe de cette méthode repose donc sur le caractère amphotère des protéines. L’ionisation porte sur les groupements terminaux acide ou basique (NH3+, COO- et groupements imidazole) des résidus aminés qui déterminent la charge nette de la protéine. La vitesse de migration de la protéine à l’intérieur du support ( gel d’amidon ou de polyacrylamide) dépend de la charge nette à un pH donné, du poids moléculaire et des différentes interactions que la protéine peut avoir avec son solvant .En électrophorèse, seules les différences de charge nette sont détectées .Elles correspondent à des substitutions d’acides aminés dans la structure primaire de la molécule, ces substitutions étant issues de mutations sur les codons au niveau d’un nucléotide de l’ADN. Cependant, toutes les mutations de triplets ne sont pas décelables en raison de la redondance du code génétique, ainsi que les substitutions amines qui ne modifient pas la charge nette de la protéine (substitution neutrebasique, acide-neutre etc.…).On considère que les deux tiers des mutations sont cryptiques, ce qui sous estime la variabilité génétique des organismes. Révélation des allozymes Les techniques électrophorétiques sont couplées à des méthodes histochmiques qui permettent une révélation spécifique des fonctions enzymatiques. Les procédés histochimiques permettent soit de colorer les produits de dénaturation de la protéine ou d’un 92 ____________________________________________________________________Annexes corps chimique qui lui est associé, soit d’obtenir un produit coloré à l’emplacement de cette protéine en utilisant ses propriétés catalytiques. L’interprétation des zymogrammes Considérons un gène codant une enzyme et possédant deux allèles codominants. Que l’enzyme soit monomère (formée d’une seule chaîne polypeptidique) ou polymère (formé de plusieurs), toutes les molécules produites par ce gène seront identiques chez un individu homozygote, et leur zymogramme présentera une bande unique dont l’emplacement sur le gel dépendra de la charge de la molécule. Chez les hétérozygotes, deux types de chaînes peptidiques sont produites, de sorte que : - Si l’enzyme considérée est monomères l’hétérozygote présentera deux bandes - Si l’enzyme considérée est dimère, les deux chaînes polypeptidiques produites par l’hétérozygote s’associeront au hasard et donneront naissance à trois sortes de molécules : des homodimères et hétérodimères. Sur les zymogrammes les hétérozygotes montreront trois bandes (cf. figure) - Si l’enzyme est trimère, l’hétérozygote montrera quatre bandes - Si l’enzyme est tétramère, l’hétérozygote montrera cinq bandes. + + 0 0 Monomère Dimère Diagramme des représentations allozymiques chez les hétérozygotes et les homozygotes pour des enzymes monomères et dimères (D’après Pasteur et al.1987) 93 ____________________________________________________________________Annexes ANNEXE II Statistiques F et estimateurs de Weir & Cockerham (1984) Les statistiques F Wright (1951) a construit un ensemble d’outils mathématiques, les statistiques F, permettant de décrire la répartition de la variabilité génétique entre et au sein des populations. Il a définit le jeu de paramètres suivant : - Fst mesure la différentiation génétique entre les populations - Fis mesure la déviation par rapport aux proportions attendues sous l’équilibre de Hardy Weinberg (i.e. structure attendue lorsque l’union des gamètes se fait au hasard) au sein de chacune des populations - Fit mesure la déviation par rapport aux proportions attendues sous l’équilibre de Hardy Weinberg sur l’ensemble des populations. Différentes méthodes d’estimation ont été développées pour estimer ces paramètres, celle développée par Weir et Cockerham est détaillée ici. Estimation des statistiques F par la méthode de Weir & Cockerham (1984) Weir & Cockerham (1984) ont montré la correspondance entre les paramètres F de Wright et les composantes de la variance des fréquences alléliques dans des populations structurées. Trois nouveaux paramètres, équivalents respectivement à Fst F is et F it, peuvent être estimés par le biais d’une analyse de variance : - θ, la corrélation des allèles de différents individus dans une même sous -population -ƒ, la corrélation des allèles d’un même individu dans une sous- population donnée -F, la corrélation des allèles au sein des individus sur l’ensemble des sous -populations 94 ____________________________________________________________________Annexes On considère un modèle à r sous populations de même taille, dérivées d’une population ancêtre à l’équilibre de Hardy -Weinberg et en équilibre de liaison, les souspoulations sont supposées n’avoir divergé les unes des autres que sous l’effet de la dérive génétique et de la dérive d’échantillonnage. Pour le cas d’un locus à deux allèles, les composantes de variance sont : - a, la composante de la variance entre les sous-poulations - b, la composante de la variance au sein des populations - c, la composante de la variance au sein des individus et les estimateurs des paramètres F, θ et ƒ sont : c 1− F = a+b+c a θ= a+b+c c 1− f = b+c 95 ____________________________________________________________________Annexes Résumé L’analyse génétique, par les marqueurs allozymiques, de 7 échantillons de sardine collectés en hiver 2003 sur la côte marocaine puis de 14 échantillons de sardine prélevés, en hiver 2004, sur toute la côte du Nord Ouest africain, la méditerranée marocaine et le golfe de Cadiz a montré une coupure génétique importante entre deux groupes de sardine vivant dans cette région. Le premier se situe au nord de la baie d’Agadir (30°48 N) et s’étend jusqu’au golf de Cadiz (36°43.2'N), il regroupe les échantillons issus de Larche, de Safi, d’Essaouira et qui présente des ressemblances avec de la méditerranée marocaine. Le second groupe se répartit depuis Sidi Ifni (29°12 N) jusqu’a la limite sud de l’aire de répartition de l’espèce en Mauritanie (19°03’ N). Cette coupure génétique est probablement la conséquence d’une barrière au flux de gènes de nature hydrologique au niveau du Cap Ghir. Le suivi spécifique du locus SOD*a mis aussi en évidence un cline génétique chez la sardine dans cette zone. L’analyse, par la même méthode génétique, d’une autre série d’échantillons collectée en été 2006 a montré que la structuration en deux groupes est globalement respectée et que la différence entre les deux saisons ne concerne que la position de la coupure entre les deux stocks . En effet, la barrière entre les deux groupes, qui en hiver, se situe au niveau de S.Ifni se déplace un peu plus au sud au niveau de Tarfaya pendant l’été. Ce déplacement de la barrière entre les deux populations serait la conséquence d’une migration génique (sud –nord) de la sardine pendant l’hiver confirmée par la confrontation de résultats génétiques avec la stratégie de reproduction de la sardine le long de la côte atlantique marocaine. Cependant, la migration génique ne peut pas à elle seule expliquer cette situation. La migration nord-sud dite trophique et qui s’effectue pendant l’été peut aussi apporter des informations : L’étalement vers le sud du stock nord pendant l’été serait la conséquence d’une richesse trophique engendrée par un upwelling qui s’intensifie entre Safi et Tarfaya durant cette période. Ces résultats offrent une nouvelle perspective sur la gestion des stocks de sardine, qui idéalement doit maintenant être géré en tant que deux stocks le long de la côte nord ouest africaine. Ils portent aussi des informations sur la migration de la sardine le long de la côte marocaine dont les hypothèses précédentes devraient être revues à la lumière de ces résultats qui doivent être à leur tour confirmés dans le future par d’autres analyses génétiques se basant sur les marqueurs ADN hyperpolymorphes neutres, tels que les microsatellites. Mots clés : Sardina pilchardus, structure génétique, allozymes, migration, gestion, Nord Ouest africain, upwelling. 96