1 MISE EN OEUVRE DU STATUT DE ROME EN DROIT NIGERIEN

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1 MISE EN OEUVRE DU STATUT DE ROME EN DROIT NIGERIEN
MISE EN OEUVRE DU STATUT DE ROME EN DROIT NIGERIEN
La mise en œuvre de certaines dispositions du Statut de Rome à l’occasion de la révision du
code pénal traduit l’avance du Niger par rapport aux autres Etats de la sous-région et, en
particulier, par rapport aux Etats ayant déjà ratifié le Statut de Rome. La mise en œuvre du
Statut doit permettre la coopération du Niger avec la Cour pénale internationale (CPI) dans la
conduite de ses enquêtes et poursuites (principe de coopération). Elle doit également
permettre aux juridictions nigériennes de connaître des crimes visés par le Statut puisque
celles-ci auront la primauté sur la CPI dont la compétence n’est que subsidiaire à celle des
juridictions nationales (principe de complémentarité).
1. Permettre aux juridictions nigériennes de poursuivre les crimes visés dans le
Statut de Rome et de conserver leur primauté juridictionnelle
Caractère subsidiaire de la Cour pénale internationale
En vertu du principe de complémentarité, il incombe en premier lieu aux juridictions
nationales d’enquêter sur, et de poursuivre, les crimes de génocide, crimes contre l’humanité
et crimes de guerre. La Cour pénale internationale n’interviendra que dans des cas limités
lorsqu’un Etat Partie n’aura pas eu la capacité ou la volonté de mener à bien la procédure au
niveau national.
Primauté des juridictions nationales
Afin que les juridictions nigériennes soient en mesure de connaître de telles affaires, il
apparaît donc nécessaire d’incorporer les crimes du Statut de Rome dans le code pénal mais
également d’harmoniser les principes de responsabilité pénale (individuelle et des supérieurs
hiérarchiques civils et militaires), ainsi que les causes d’exonération de la responsabilité
pénale.
La mise en œuvre au Niger : le projet de nouveau code pénal
L’actuel projet de nouveau code pénal prend en compte une partie de ces considérations
puisque les articles 212 à 215 incorporent les crimes du Statut de Rome au code pénal. De
plus, le projet de nouveau code pénal contient des dispositions relatives à l’entente criminelle
(Art. 216) et à la défense d’ordre supérieur (Art. 217, alinéa 1). Il faut également saluer le
caractère progressif des articles 218 et 219 relatifs au défaut de pertinence de l’immunité
attachée à la qualité officielle d’une personne et à l’imprescriptibilité de l’action publique et
des peines relatives aux crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
Le projet de nouveau code pénal est cependant extrêmement problématique dans la mesure où
les définitions des crimes retenues ne sont pas celles prévues par le Statut et où les
définitions retenues semblent contraires au Statut. Contrairement à la définition de
l’article 6 du Statut de Rome, la définition du génocide figurant à l’article 212 du projet de
nouveau code pénal requiert l’existence d’un « plan concerté » comme élément constitutif
d’un génocide. De plus, alors que l’élément essentiel de la définition du crime de génocide est
l’«intention de détruire », la définition de l’article 212 ne contient pas cet élément constitutif
qui, en droit international, constitue l’élément principal de la définition du génocide. La
définition du crime contre l’humanité est également problématique dans la mesure où elle ne
couvre pas l’ensemble des actes prévus dans l’article 7 du Statut et fait également intervenir la
notion de plan concerté. De plus, la structure du ce Titre nouveau semble assimiler les crimes
contre l’humanité aux crimes de guerre dans la mesure où les articles 213 (crimes contre
1
l’humanité) et 214 (crimes de guerre) figurent dans une même section 2 intitulée « des autres
crimes contre l’humanité »). Le Statut de Rome consacre le caractère distinct de ces trois
crimes et cette classification n’apparaît donc pas justifiée. Au delà de la définition des crimes,
et contrairement aux exigences de l’article 28 du Statut, le projet ne règle pas la question de la
responsabilité des supérieurs hiérarchiques civils et militaires.
L’actuel projet de nouveau code pénal semble s’être largement inspiré des définitions prévues
dans le code pénal français ainsi que dans le code pénal belge. Or, il est essentiel de garder à
l’esprit que les définitions françaises et belges sont antérieures à l’adoption du Statut de
Rome et sont en train de faire l’objet d’une révision afin de les mettre en conformité au Statut
de Rome. Il apparaît donc particulièrement problématique de s’inspirer de ces dispositions
alors qu’il est reconnu qu’elles ne sont pas conformes au Statut de Rome et qu’elles doivent
faire l’objet de modifications à cet égard.
•
Bien que le projet de code pénal ait été déposé devant l’Assemblée Nationale, son
adoption dans ses termes actuels ne permettrait donc pas de satisfaire les exigences
du Statut de Rome en la matière. Il apparaît à cet égard souhaitable de retarder le
vote afin de retravailler ces dispositions et de les compléter afin d’éviter de procéder
à l’adoption d’un code pénal qui devra immédiatement faire l’objet de nouveaux
amendements.
2. Mise en place de procédure d’exécution des demandes de coopération de la CPI
Obligation de coopération
La mise en œuvre du Statut de Rome implique également la mise en œuvre de procédures
permettant de répondre aux demandes d’assistance de la CPI dans la conduite de ses enquêtes
et preuves. Le Statut de Rome prévoit dans son article 88 que les Etats veillent à prévoir dans
leur législation nationale les procédures qui permettent la réalisation de toutes les formes de
coopération avec la Cour pénale internationale (CPI). Il est donc essentiel de prévoir, au sein
du Code de procédure pénale, un titre relatif à la coopération avec la CPI, dont les
dispositions régiront le régime juridique de l’exécution des demandes d’assistance que la CPI
présentera au Niger (demande d’arrestation et de remise d’un suspect à la CPI, demande de
collecte et préservation d’éléments de preuve demandées par la CPI, etc…).
L’absence de procédures de coopération avec la CPI dans le projet de nouveau code de
procédure pénale
Le projet de nouveau code de procédure pénale ne prévoit aucune disposition relative à la
coopération avec la CPI. La révision du code pénal et du code de procédure pénale sont
l’occasion de procéder en une fois à toutes les modifications rendues nécessaires par le Statut
de Rome.
Régler la question de la mise en œuvre du Statut de Rome par un texte unique portant
modification des dispositions pertinentes du code pénal et du code de procédure pénale
Plutôt que de ne modifier que partiellement le code pénal, il semblerait juridiquement plus
opportun de régler l’ensemble des questions liées à la mise en œuvre du Statut de Rome en
une seule fois. L’adoption d’un texte unique regroupant l’ensemble des amendements
nécessaires et portant modification du code pénal et du code de procédure pénale remplirait
cette exigence de clarté et de prévisibilité juridique et permettrait de régler l’ensemble des
questions relatives à la mise en œuvre du Statut de Rome au Niger.
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