57ème Congrès de la FNSEA

Transcription

57ème Congrès de la FNSEA
Congrès mondial des jeunes agriculteurs
Paris (Carrousel du Louvre)
Discours de clôture de Jérôme Despey
Président de Jeunes Agriculteurs
(13 juin 2003)
Seul le discours prononcé fait foi
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les congressistes,
Mes chers amis,
Je tiens en premier lieu à vous remercier très sincèrement, monsieur le Président de la
République, d’avoir tenu à honorer de votre présence la clôture du congrès mondial des jeunes
agriculteurs.
C’est avec un grand plaisir, mais aussi une certaine émotion, que nous vous accueillons
aujourd’hui, pour conclure les travaux de notre congrès.
Depuis trois jours, ce sont près de 600 jeunes agriculteurs, venus des cinq continents et
représentant plus de 100 pays, qui débattent avec ferveur de l’avenir de leur métier, avec la
volonté de continuer à remplir leur mission première, celle de nourrir les Hommes.
Je souhaite vraiment remercier tous les congressistes qui ont répondu présent à notre
invitation et qui ont fait la démarche de venir à Paris pour participer à ce grand moment
d’échange et de dialogue. Merci aussi pour les moments de convivialité et de détente que nous
avons pu passer ensemble.
Lorsqu’ils sont réunis comme aujourd’hui, je crois que les jeunes agriculteurs constituent une
force de proposition pour le devenir des agricultures du monde dont personne ne peut
contester la légitimité.
Mais ce congrès, c’est aussi le résultat d’un partenariat étroit avec des entreprises, des
organisations et des ministères. Merci à tous, pour votre soutien, en particulier le Crédit
Agricole, les Entreprises Coopératives françaises, Fendt, Groupama et Total.
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Ce congrès des jeunes agriculteurs est le premier qui est placé sous l’égide de la Fédération
Internationale des Producteurs Agricoles, la FIPA, qui a créé il y a deux ans un comité des
jeunes agriculteurs au sein de ses instances.
Cette initiative mérite d’être saluée puisqu’elle permet à des jeunes agriculteurs du monde
entier de se rencontrer régulièrement, ce qui favorise leur sensibilisation aux enjeux
internationaux. Ce nouveau souffle, venant des jeunes, est porteur d’idées. Le rôle de la FIPA
sera de faire vivre ces idées, en assurant une continuité d’action.
Monsieur le Président de la République,
A l’heure où les discussions sur l’agriculture et le commerce s’intensifient au niveau
international, dans la perspective notamment de la conférence ministérielle de l’OMC à
Cancun en septembre, les jeunes agriculteurs ont décidé de prendre leur avenir en main, en
mettant au centre des débats du congrès les grands enjeux agricoles et alimentaires mondiaux.
Aujourd’hui, sur notre planète, la moitié de la population ne mange pas à sa faim. Plus de 2
milliards de personnes sont dans une situation de sous alimentation chronique, et 800 millions
d’hommes et de femmes souffrent de la faim au point, trop souvent, d’en mourir. Et sur ces
800 millions de personnes, les trois quarts sont des paysans, tellement appauvris par la baisse
des prix agricoles qu’ils ne peuvent même plus produire pour nourrir leur famille.
Cette situation d’insécurité alimentaire mondiale est insupportable, et ne peut plus durer.
Au-delà des souffrances endurées par les populations, c’est toute l’économie des pays pauvres
qui souffre du manque de développement de la production agricole. Quittant les campagnes,
les paysans vont vers les grandes villes offrir leur main d’œuvre à si bas coût que l’ensemble
des salaires se retrouvent indexés sur ce qui a provoqué le départ de ces mêmes paysans : la
baisse des prix agricoles.
Il ne faut pas chercher plus loin d’où vient l’immense insolvabilité de la demande mondiale.
Au vu des chiffres des Nations Unies, avec une population mondiale qui pourrait doubler à
l’horizon 2050, la production agricole mondiale devrait être multipliée au moins par deux
pour que les besoins alimentaires soient convenablement satisfaits.
Il est donc indispensable, je dirais même vital, que l’agriculture se développe et que le plus
grand nombre de paysans restent actifs dans tous les pays du monde, afin de relever ce
véritable défi alimentaire.
La situation agricole et alimentaire dans les pays développés n’est bien entendu pas
comparable, mais ce n’est pas pour autant que les agriculteurs ne se posent pas des questions
sur l’avenir de leur métier.
Pour accompagner l’évolution des attentes des consommateurs et des citoyens, les
agriculteurs ont fait le choix des démarches de qualité, du respect de l’environnement, du
bien-être animal, et plus généralement de la gestion raisonnée de leur exploitation, ce qui tend
à renchérir leurs coûts de production.
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Et comme dans le même temps, les baisses de prix ont aussi fait baisser la rémunération de la
production, il n’est pas nécessaire d’être un grand économiste pour comprendre que lorsque
les produits diminuent et que les charges augmentent, c’est la rentabilité économique de
l’exploitation qui est remise en cause.
Puisque ce ne sont pas non plus les consommateurs qui ont profité des baisses de prix à la
production, vous comprendrez que nous nous intéressons de très près au secteur de la grande
distribution, mais aussi aux multinationales de l’agroalimentaire.
N’oublions jamais que pour être durable, l’agriculture doit être économiquement viable.
En fait, partout dans le monde, vous l’aurez compris Monsieur le Président de la République,
les paysans veulent vivre dignement de leur métier et du prix de leur produits.
C’est une condition impérieuse au renouvellement des générations en agriculture, et c’est
donc aussi une condition pour résoudre l’équation alimentaire mondiale.
Durant ce congrès, nous avons pu faire le constat de l’extraordinaire diversité des agricultures
du monde, avec des conditions de production incomparables, avec des écarts de productivité
qui varient de 1 à 1000 d’une région à l’autre de la planète.
Or, vous savez tous que la doctrine qui prévaut dans les négociations de l’OMC, c’est le libreéchange, et que cette doctrine va de pair avec un concept qui laisse de marbre la plupart des
paysans : le prix mondial.
Comment imaginer qu’un même prix mondial, qui souvent fait référence à des conditions de
production extrêmement favorables, puisse rémunérer équitablement le travail de tous
paysans.
Le prix mondial, c’est au mieux un prix local ou régional, au pire un leurre qui ne correspond
à aucune réalité économique, sociale et environnementale.
Et c’est avec cette logique du prix mondial que l’OMC met en concurrence les agricultures du
monde.
Le résultat, c’est une agriculture et des peuples qui souffrent dans les pays les plus pauvres, et
des paysans toujours moins nombreux et sous perfusion sociale dans bon nombre de pays
développés.
Si le vrai souci de l’OMC, c’est le développement et la croissance économique, alors il faut
impérativement que le secteur agricole bénéficie d’un traitement spécifique, car l’alimentation
des Hommes ne peut pas être traitée comme les produits industriels ou les services. J’irai
même jusqu’à dire qu’il faut s’interroger sur la pertinence de l’orientation prise à Marrakech
en 1994.
Les modalités de négociation qui seront sur la table à Cancun vont dans le sens d’une
banalisation de l’agriculture, alors que c’est sans doute ce que nous avons de plus précieux,
avec l’eau, sur cette planète.
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Nous avons besoin d’une politique agricole qui tient compte de la diversité de nos conditions
de production et des caractéristiques de nos différents marchés, une politique agricole qui
permette à tous les agriculteurs de vivre dignement du prix de leurs produits.
Je crois qu’il est possible, et même urgent, d’imaginer un nouvel ordre agricole mondial qui
favorise l’instauration de politiques agricoles régionales. A la logique actuelle de
démantèlement doit se substituer une logique d’organisation des politiques agricoles.
La protection des agricultures au niveau de ces régions ne doit pas être vue comme une
entrave aux échanges, mais comme un moyen pour les pays pauvres de développer leur
production agricole et de parvenir à un meilleur niveau d’autosuffisance alimentaire.
Dans les pays qui maîtrisent leur production et participent ainsi à la régulation de l’offre, les
efforts des agriculteurs pourraient aussi être anéantis par une ouverture totale des marchés.
En Europe par exemple, la maîtrise de la production, de même que l’ensemble des exigences
liées à la qualité des produits, à la protection de l’environnement et aux conditions de travail,
n’auraient aucun sens sans la préférence communautaire.
La libéralisation totale des marchés est une machine à broyer la diversité de nos modèles de
société auxquels nous sommes tous profondément attachés.
Monsieur le Président de la République,
Après trois jours de débats intenses, nous sommes parvenus à nous mettre d’accord autour
d’une déclaration commune qui pose les bases d’une politique agricole juste et équitable,
fondée sur les prix, dont l’objectif premier est de permettre à tous les paysans du monde de
vivre dignement de leur métier.
Nous réaffirmons que l’agriculture est une activité essentielle à la vie humaine, et qu’il faut
des paysans nombreux sur tous les territoires pour relever le défi de la sécurité alimentaire
mondiale.
Notre vision de la mondialisation n’est définitivement pas celle d’un grand marché unique qui
ignore les identités des peuples et leurs modes de vie. Elle repose au contraire sur une logique
de régulation des marchés et de protection des ressources, au premier rang desquelles
l’agriculture.
Au moment où les jeunes agriculteurs du monde tracent la voie de leur avenir, je souhaite que
la France conserve une position extrêmement ferme dans la négociation qui est en cours sur la
réforme de la PAC.
Avec ce congrès mondial, les jeunes agriculteurs ont montré qu’ils constituaient une véritable
force de proposition.
Mais ces propositions n’ont de sens que si elles sont comprises et partagées au-delà du monde
agricole.
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Aussi, pour mettre en valeur et faire découvrir au grand public toute la diversité des
agricultures du monde, nous avons réalisé une grande exposition sur le Champ de Mars, que
je vous invite tous à venir découvrir jusqu’à dimanche.
Samedi, c’est un défilé de chars représentant nos terroirs français et réalisés par les jeunes
agriculteurs de nos régions qui descendra les Champs-Élysées pour rejoindre le Champ de
Mars.
Quant aux messages forts à faire passer aux décideurs politiques, les délégations présentes à
ce congrès s’en chargeront dans leur pays, mais nous comptons vraiment sur vous, monsieur
le Président de la République, pour défendre cette nouvelle vision de la mondialisation, plus
fraternelle, plus juste, en un mot, plus humaine.
Monsieur le Président de la République,
Je vous cède la parole.
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