Giant epidermoid cyst of the skull with extra and intracranial

Transcription

Giant epidermoid cyst of the skull with extra and intracranial
Cas clinique
J. Neuroradiol., 2002, 29, 193-199
© Masson, Paris, 2002
KYSTE ÉPIDERMOÏDE GÉANT DE LA VOÛTE
À DÉVELOPPEMENT EXTRACRÂNIEN
ET INTRACRÂNIEN
À propos d’un cas
A. AKHADDAR, M. GAZZAZ, B. EL MOSTARCHID, B. KADIRI, J. LRHEZZIOUI, M. BOUCETTA
Service de Neurochirurgie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed V, Rabat, Maroc.
RÉSUMÉ
Le kyste épidermoïde est une tumeur bénigne rare au niveau de la voûte qui peut atteindre exceptionnellement de
grandes dimensions et présenter une extension endocrânienne.
Les auteurs rapportent le cas d’un patient de 38 ans qui présente un kyste épidermoïde géant de la voûte pariétale avec
une extension extracrânienne et intracrânienne, responsable de signes neurologiques focaux. Le diagnostic a été suspecté
sur les données de l’imagerie (radiographie standard, scanographie et IRM), confirmé à l’examen anatomopathologique.
Une exérèse totale du kyste et de sa capsule, suivie d’une crânioplastie ont été réalisées. Les suites postopératoires ont été
favorables.
La scanographie est supérieure pour l’étude des tables osseuses, l’IRM permet de délimiter avec précision le contingent
tumoral dans les tissus mous et la compression cérébrale. Sont rappelés les aspects étiopathogéniques, cliniques, radiologiques et thérapeutiques de cette rare affection de la voûte.
Mots-clés : tumeur de la voûte, kyste épidermoïde, scanographie, IRM.
SUMMARY
GiantFondateur
epidermoid
cyst of the skull with extra and intracranial extension
:†
R. Djindjian epidermoid cyst of the skull is a rare clinical entity that can exceptionally grow to a large size with intracranial
Intradiploic
Rédacteur en chef
extension.
Pr Luc PICARD
The authors
report
theducase
of
38-year-old
man
with adiagnostique
giantet thérapeutique,
epidermoid
cyst Centre
of the
parietal
with
and
Toute la correspondance
scientifique
Journal doit
être a
adressée
au : Pr Luc Picard, Service
de Neuroradiologie
Hôpital Saint-Julien,
hospitalier
et universitaire,bone
Case officielle
34, 54035extra
Nancy Cedex
(France).intraTél.
0033 (0) 3 83 85 16 20 - Fax 0033 (0) 3 83 85 13 91 - Email
cranial extension,
presenting with focal neurological symptoms. The diagnosis was suggested at imaging (skull radiographs,
[email protected]>.
Rédacteurs
CT and MRI),
and confirmed at histology. Complete removal of the cyst and its capsule was performed followed by cranioJ. CHIRAS : Rubrique « Enseignement », H. DERAMOND : Rubrique « Informations »,
plasty. Postoperatively,
the patient was discharged free of symptoms.
A. GASTON : Rubrique « Quel est votre Diagnostic ? », J.F. MEDER : Rubrique « Comment le font-ils ? »
CT scan
good evaluation of the bony lesion and may suggest intracranial extension. MRI is superior for evaluaComité provides
directeur
Rédacteur en chef :
tion of cerebral
compression. The pathogenesis, clinical presentation, diagnostic evaluation and therapeutic management of
L. PICARD
these rareJ.-F.lesions
are reviewed.
BONNEVILLE (Besançon), S. BRACARD (Nancy), M. BRAUN (Nancy), E.-A. CABANIS (Paris), J.-M. CAILLÉ (Bordeaux), J. CHIRAS (Paris), J. CLARISSE (Lille), G. COSNARD (Bruxelles), H. DERAMOND (Amiens), J.-L. DIETEMANN (Strasbourg), D. DOYON (Paris), J.-C. FROMENT (Lyon), A. GASTON (Paris), N. GIRARD (Marseille), G. GUIDICELLI (Marseille), A. DE KERSAINT-GILLY (Nantes), P. LASJAUNIAS (Paris), C. MANELFE (Toulouse), C. MARSAULT (Paris), J.F. MEDER (Paris), J.-J. MERLAND (Paris), J. MORET (Paris), J.P. PRUVO (Lille), Ch. RAYBAUD (Marseille), J. ROLAND (Nancy), G. SALAMON (Marseille), J. THÉRON (Caen).
Key words:
tumor of skull, epidermoid cyst, CT scan, MR imaging.
Comité scientifique
J.M. ALFONSO (Madrid), R. ANXIONNAT (Nancy), D. BALERIAUX (Bruxelles), W.O. BANK (Washington), A. BENDER (Berlin), J. BERGE (Bordeaux), D. BINNERT (Dijon), J.F. BONNEVILLE (Besançon), J. BORIES (Paris), S. BRACARD
(Nancy), G.B. BRADAC (Turin), J.P. BRAUN (Colmar), M. BRAUN (Nancy), E.A. CABANIS (Paris), J.M. CAILLÉ (Bordeaux), A. CARELLA (Bari), M. CARSIN (Rennes), Ph. CASTAN (Montpellier), F. CATTIN (Besançon), J. CHIRAS (Paris),
J. CLARISSE (Lille), G. COSNARD (Bruxelles), P. COURTHEOUX (Caen), G. CROUZET (Grenoble), S. CRONQVIST (Lund), G. DEBRUN (Chicago), H. DERAMOND (Amiens), J.L. DIETEMANN (Strasbourg), V. DOUSSET (Bordeaux), D.
DOYON (Paris), J. DUQUESNEL (Lyon), J.C. FROMENT (Lyon), A. GASTON (Paris), J.M. GIRALDON (Croix), N. GIRARD (Marseille), G. GIUDICELLI (Marseille), H. HACKER (Franckfurt), A. DE KERSAINT GILLY (Nantes), P. LASJAUNIAS (Paris), J. LEGRÉ (Marseille), M. LEONARDI (Bologne), L. MAFFEI (Rosario), C. MANELFE (Toulouse), C. MARSAULT (Paris), N. MARTIN (Paris), J.F. MEDER (Paris), J.J. MERLAND (Paris), J. METZGER (Paris), A. MORENO
(La Coruna), J. MORET (Paris), C. MORET (Nancy), I. MOSELEY (Londres), A. PASCO (Angers), C. PHARRABOZ (Paris), L. PICARD (Nancy), J.P. PRUVO (Lille), Ch. RAYBAUD (Marseille), F. RICOLFI (Paris), G. RODESCH (Paris), J.
ROLAND (Nancy), D. ROY (Montréal), J. RUSCALLEDA (Madrid) G. SALAMON (Marseille), U. SALVOLINI (Ancone), M. SAVOIARDO (Milan), G. SCIALFA (Milan), G. SCOTTI (Milan), J. SOLE LLENAS (Barcelone), J. TAMRAZ (Beyrouth), A. DE TENYI (Montevideo), J. THÉRON (Caen), J. THIEBOT (Rouen), A. TOURNADE (Colmar), F. TURJMAN (Lyon), J. VALK (Abcoude), P. VAN DERMARCK (Poitiers), J. VIGNAUD (Paris).
INTRODUCTION
La découverte d’un kyste épidermoïde (KEP) de
la voûte du crâne est le plus souvent fortuite sur une
radiographie standard du crâne, elle nécessite rarement un complément d’exploration scanographique
et IRM. De siège intradiploïque au départ, le KEP
aura tendance, par son extension centrifuge, à soufMasson,lesParis,
fler puis©détruire
deux 2002
tables osseuses avec essentiellement un développement exocrânien qui
JNR
9
2002
Vol.29 ;n° 3
Bialec
Tirés à part : A. AKHADDAR, 34, rue Oued Ziz, appartement n° 7,
Agdal, Rabat, Maroc.
e-mail : [email protected]
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mesure souvent moins de 2 cm de diamètre et nécessite rarement une exérèse chirurgicale systématique compte-tenu du caractère bénin de cette lésion.
Cependant ces KEP ne sont pas à l’abri de certaines
complications [5, 18, 23-25]. Les formes géantes sont
exceptionnelles, une trentaine de cas ont été rapportés dans la littérature [2, 4, 7, 8, 14, 18]. Elles
peuvent s’accompagner d’une extension intracrânienne et de signes neurologiques focaux. Nous en
rapportons un nouveau cas au niveau pariétal avec
extension extracrânienne et intracrânienne « en
sablier » responsable de manifestations neurologiques. Ce processus inhabituel a été exploré par scanographie et IRM (Sp T1, T2 et FLAIR) avec une
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A. AKHADDAR et al.
bonne évolution après exérèse chirurgicale et crânioplastie.
FIG. 1. — Photographie de la tuméfaction pariétale avant
l’intervention.
FIG. 1. — Photograph showing parietal deformity due to the
underlying lesion.
y a 7 années et dont l’évolution s’était faite vers une
augmentation de volume très lentement progressive.
Cette tuméfaction s’est accompagnée récemment de
quelques céphalées localisées sans vomissements ni crises convulsives.
Cliniquement, ce processus de 6 cm de diamètre
était responsable d’une déformation globuleuse de la
voûte (figure 1), indolore, de consistance molle, non
pulsative, qui faisait corps avec l’os et sur laquelle glissait le cuir chevelu, sans caractère inflammatoire en
surface. Le fond d’œil était normal et l’examen neurologique avait révélé des réflexes ostéotendineux exagérés aux membres inférieur et supérieur gauches avec un
signe de Babinski homolatéral mais sans déficit sensitivo-moteur évident. Le reste de l’examen somatique
était sans particularité et le bilan biologique ne montrait pas d’anomalie.
Les radiographies simples du crâne retrouvaient une
lacune osseuse qui intéressait la voûte pariétale, grossièrement arrondie, bien limitée et cerclée par un fin liseré de condensation (figure 2). La tomodensitométrie
(TDM), confirmait cette masse sous forme d’une hypodensité liquidienne (entre 12 et 25 Unités Hounsfield)
homogène contenant quelques calcifications à l’intérieur. De siège intradiploïque, ce processus était responsable d’une destruction des tables externe et
interne avec une extension endocrânienne. Cette masse
n’a pas été pas modifiée après injection du produit de
contraste et le parenchyme cérébral en regard ne montrait pas de caractère pathologique (figure 3). Une imagerie par résonance magnétique (IRM), s’imposait
pour mieux étudier l’extension intracrânienne
(figure 4). Il s’agissait d’un processus bien limité, en
iso-hyposignal en séquences pondérées T1 et en hyper-
FIG. 2. — Radiographie standard du crâne de profil. Lacune osseuse pariétale arrondie cernée par un liseré de
condensation.
FIG. 2. — Lateral skull radiograph. Lucent lesion in the
right parietal bone with sclerotic rim.
FIG. 3. — Coupe scanographique en fenêtre osseuse objectivant l’érosion des deux tables de la voûte avec quelques calcifications intratumorales.
FIG. 3. — Axial CT image shows erosions of the outer and
inner tables of the parietal bone and intratumoral calcifications.
OBSERVATION
Mr All. A, âgé de 38 ans, sans antécédents pathologiques notables, est admis dans notre formation pour
une tuméfaction de la région pariétale droite apparue il
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KYSTE ÉPIDERMOÏDE GÉANT À DÉVELOPPEMENT EXTRA ET INTRACRÂNIEN
signal T2, comprimant le parenchyme cérébral sans signes d’envahissement de ce dernier comme en
témoigne un fin liseré de séparation en hyposignal T2.
En coupe coronale (figure 4d), le processus se présentait « en sablier » dont les deux composantes, extracrânienne et intracrânienne étaient reliées à travers une
partie du défect osseux. Le cuir chevelu au contact
n’était pas infiltré. En séquence FLAIR, le contenu du
processus était de signal hétérogène, différent de celui
du liquide cérébrospinal (LCS). Il n’a pas été pratiqué
d’injection de gadolinium. Certains diagnostics ont été
évoqués à ce stade notamment : kyste épidermoïde, tératome, kyste hydatique ou autres lésions dysembryoplasiques.
L’acte chirurgical avait consisté en une incision cutanée arciforme à charnière inférieure centrée sur le processus suivi du décollement du cuir chevelu. On
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découvrit alors une capsule fine et clivable sous tension
qui avait été fragilisée lors de la dissection libérant ainsi
un contenu liquidien plus ou moins épais associé à des
formations pseudo-membraneuses et à des lamelles
blanchâtres nacrées : aspect qui était hautement révélateur d’un kyste épidermoïde. L’ablation était totale,
emportant la totalité de la capsule tumorale, cependant
cette dernière était adhérente à une partie de la
dure-mère au centre ce qui a nécessité une exérèse de
la dure-mère « adhérente » sur une surface de 1 cm2, le
parenchyme cérébral en regard ne présentait pas de
particularités. Après plastie durale, une crânioplastie
du defect osseux a été réalisée à l’aide de ciment acrylique (figure 5). Les suites opératoires restaient simples.
L’étude histologique confirmait la nature épidermoïde
du kyste sans caractère dégénératif notamment au niveau de la portion adhérente de la dure-mère.
a
b
c
d
e
f
FIG. 4. — IRM crâniocérébrale, coupes axiales en séquences pondérées T1 (a-c) et coronale en T2 (d) Processus d’allure kystique homogène en iso-hyposignal T1 et en hypersignal T2 avec une extension extra et intracrânienne-épidurale « en sablier » à travers le défect osseux pariétal. Le parenchyme cérébral est comprimé sans œdème périlésionnel ni discontinuité de la duremère. En
séquence FLAIR, le processus est hétérogène différent de celui du LCS (e-f).
FIG. 4. — MRI, axial T1-weighted (a-c) and coronal T2-weighted (d) images. T1W hypo- to isointense and T2W hyperintense
cystic appearing mass with intra- and extracranial extension. There is compression of the underlying brain parenchyma without associated edema ; the dura remains intact. At FLAIR imaging (e-f), the lesion is heterogeneous and it is not isointense to CSF
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A. AKHADDAR et al.
L’extension intracrânienne, quand elle existe, est
surtout épidurale. La dure-mère est généralement
respectée, tout au plus amincie avec quelques adhérences avec la capsule du kyste comme retrouvé chez
notre patient [7, 8].
Microscopiquement on observe des couches de
cellules épidermiques kératinisées desquamées entourées d’une fine capsule faite d’un épithélium
squameux stratifié. Les KEP se différencient des
kystes dermoïdes d’origine ectodermique et mésodermique, ainsi que des tératomes provenant, eux,
des trois feuillets embryonnaires. Quoique d’exceptionnels cas de dégénérescence maligne aient été
rapportés [5-7, 16] sous forme d’une prolifération
pseudo-épithéliomateuse proche d’un carcinome
épidermoïde, les KEP sont habituellement des lésions bénignes.
FIG. 5. — Radiographie du crâne de profil montrant la crânioplastie au méthylméthacrylate.
FIG. 5. — Lateral skull radiograph showing the cranioplasty
with methylmetacrylate.
DISCUSSION
Épidémiologie
Le kyste épidermoïde est une lésion dysembryoplasique bénigne qui représente moins de 0,3 à 2 %
de toutes les tumeurs intracrâniennes primitives [3,
14, 26]. Les formes intradiploïques représenteraient
25 % de tous les KEP intracrâniens. En 1838, Müller
aurait été le premier à avoir décrit un KEP intradiploïque de la voûte [20], depuis lors, moins de
200 cas ont été rapportés dans la littérature [2, 7, 16,
18], cependant vu leur caractère longtemps asymptomatique et très peu évolutif, leur incidence réelle
reste inconnue. Les formes géantes, supérieures à
5 cm de diamètre, sont plus rares, représentant 20 %
de tous les KEP de la voûte [2, 14, 18].
Tous les âges peuvent être concernés, voire même
des cas découverts en période prénatale [21], cependant ce sont surtout l’enfant et l’adulte jeune qui
sont intéressés au moment du diagnostic avec un âge
moyen de 34 ans [2, 14], sans nette prédominance de
sexe.
Anatomopathologie
Macroscopiquement, la capsule du kyste est fine,
relativement clivable par rapport aux tissus avoisinants. Le contenu kystique est avasculaire et présente à la coupe un contenu jaunâtre de consistance
plus ou moins visqueuse qui rappelle la « cire de
bougie » et disposé en lamelles concentriques [3, 6].
Un aspect pseudo-membraneux pourrait prêter
confusion avec un kyste hydatique comme cela a été
signalé dans notre cas.
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Étiopathogénie
La pathogénie de ces kystes fait l’objet de plusieurs controverses, essentiellement entre la théorie
congénitale et celle post-traumatique acquise.
L’inclusion de fragments épidermiques expliquerait la survenue de kystes secondaires à des traumatismes pénétrants du scalp [8, 10, 22, 26]. Comme
cela a été démontré au niveau des phalanges et en
intrarachidien [6]. Certains cas présentaient d’anciennes cicatrices sur le cuir chevelu en regard de la
tuméfaction.
L’existence des formes primitives serait expliquée
par le phénomène suivant : la formation de la voûte
osseuse se fait, comme celle de tous les os de membrane, par l’apparition au sein du mésenchyme primitif d’îlots ostéoblastiques. Entre ces îlots
persistent des plages de tissu conjonctif lâche laissant communiquer largement les couches sus et
sous-jacentes. Ces plages se réduisent progressivement pour ne plus laisser que les zones des sutures
crâniennes, ces dernières persistent jusqu’à la fin de
la croissance. Pour Vinchon [26], c’est au niveau de
ces points faibles que des fragments épiblastiques
pourraient s’invaginer au niveau du diploé, sous l’effet possible de la pression intra-utérine.
Qu’ils soient post-traumatiques ou dysembryoplasiques, les KEP sont des lésions bénignes d’évolution
lente dont la croissance est linéaire à une vitesse variable entre 0,16 et 1,3 générations cellulaires par
mois [1].
Clinique
Les KEP de la voûte ont été souvent de découverte fortuite sur les radiographies standards du
crâne, ils peuvent apparaître sous-forme d’une petite
tuméfaction isolée et parfaitement bénigne du scalp
longtemps bien tolérée [14]. Ce sont essentiellement
les kystes géants, en évoluant vers la partie profonde
KYSTE ÉPIDERMOÏDE GÉANT À DÉVELOPPEMENT EXTRA ET INTRACRÂNIEN
de la voûte, qui pourront être susceptibles de
comprimer le cerveau sous-jacent et de provoquer
certaines manifestations neurologiques qui peuvent
aller de quelques céphalées jusqu’à réaliser un véritable tableau d’hypertension intracrânienne [7, 18],
des crises convulsives [2, 7] voire même des déficits
neurologiques focaux [8, 18]. Quelques localisations
frontales peuvent se manifester par une exophtalmie
[4, 10]. Notre patient ne présentait pas de troubles
neurologiques importants en dehors de quelques
céphalées intermittentes et une irritation pyramidale
de l’hémicorps gauche. Certaines complications plus
rares ont été rapportées notamment infectieuses
[18], vasculaires [23, 25] et post-traumatiques [24].
Un cas inhabituel de traumatisme crânien bénin
responsable d’une contusion encéphalique par hernie transdurale d’un KEP de la voûte a été rapporté
par Prall [24].
Paracliniques
Sur les radiographies standards, le KEP se présente sous-forme d’une ostéolyse géographique, arrondie ou ovalaire, contenant une plage homogène
permettant grâce à son hyperclarté (due au contenu
graisseux) de contraster fortement avec l’os voisin, le
tout cerné d’un fin liseré de condensation [6, 10, 16].
Dans la moitié des cas, la lésion est située dans le diploé avec soufflure des deux tables, moins souvent
dans la table externe et plus rarement dans la table
interne [2, 13, 24]. Sur le plan topographique, le
siège de prédilection est habituellement la région de
la voûte au voisinage du ptérion et des parties latérales de la suture coronale cependant toutes les localisations sont possibles [2, 7, 23]. Certains kystes
géants peuvent même intéresser plus de trois os du
crâne à la fois [4, 18].
La TDM permet de préciser les limites du kyste,
son contenu et son extension intracrânienne. Le
KEP est un processus arrondi ou polycyclique, spontanément iso-hypodense relativement homogène et
bien limité. Après injection du produit de contrast
iodé, le kyste n’est pas modifié, par contre le refoulement méningé devient mieux visible [13, 14, 27].
L’examen scanographique est surtout supérieur pour
l’étude des tables osseuses à la recherche d’un amincissement voire disparition de ces deux tables
comme mentionné chez notre patient [10]. D’éventuelles calcifications peuvent être observées en péricapsulaire posant un problème de diagnostic
différentiel avec le kyste dermoïde [3]. Citons l’existence de certaines formes trompeuses de KEP intracrâniens notamment des processus spontanément
hyperdenses et/ou prenant le produit de contraste
[15, 17] ; cette hyperdensité spontanée s’expliquerait
par la calcification des débris de kératine, la saponification des débris de calcium et la présence de
pigments ferro-calciques [3]. Les rares cas de dégé-
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197
nérescence rapportés sont caractérisés par une
masse hypodense avec une prise de contrast inhabituelle et hétérogène [3, 5].
L’IRM quant à elle, a l’avantage d’apprécier les
rapports de la tumeur avec les structures cérébrales,
vasculaires et orbitaires grâce à l’étude multiplanaire. Le kyste présente habituellement un signal hétérogène en hyposignal sur les séquences pondérées
en T1 et un hypersignal en T2 proche de celui du
LCS. En densité protonique, le signal est en général
légèrement supérieur à celui du LCS. L’IRM recherche aussi une rupture de la dure-mère, signe évocateur de malignité [7]. Toutefois l’IRM ne montre pas
les calcifications et les lésions osseuses aussi bien
que la scanographie, mais elle a l’avantage de démontrer l’envahissement des sinus duremèriens et
des parties molles extracrâniennes [5, 18, 23]. Du fait
d’un contenu riche en cholestérol, l’on s’attend à des
densités ou à un signal de type graisseux, cependant
la présence de cellules desquamées, de kératine et
d’une grande quantité d’eau expliquerait que les
densités scanographiques et signaux d’IRM seraient
plutôt de type liquidien. À signaler cependant, l’extrême variabilité du signal IRM de certains cas de
KEP présentant pourtant un aspect identique à la
TDM [27]. Comme retrouvé chez notre patient, en
séquences FLAIR, le signal est hétérogène différent
de l’absence de signal du LCS. En CISS (Constructive interference in steady state), le signal est légèrement moins intense que celui du LCS et hétérogène
avec des contours irréguliers. En imagerie de diffusion, le signal est hyperintense [11]. La capsule tumorale est très fine et n’est pas facilement
identifiable d’autant plus qu’elle ne se rehausse généralement pas après injection de gadolinium [3].
L’œdème cérébral au contact de la tumeur est exceptionnel de même que l’effet de masse est souvent
discret malgré l’importance du volume tumoral.
Quelques observations ont rapporté l’aspect hétérogène de certains KEP, expliqué par la variabilité de
la proportion entre la composante graisseuse, liquidienne et calcique [2, 3, 18, 27].
La spectrométrie au carbone 13 aurait un intérêt
dans le diagnostic des KEP puisque Horowitz [17],
établissait un parallèle entre les aspects IRM in vivo
des kystes épidermoïdes et la spectrométrie au carbone 13 des pièces opératoires in vitro. L’aspect angiographique est non spécifique, il montre un
processus avasculaire extracérébral. Des KEP occipitaux responsables de compression ou d’obstruction
du sinus latéral ont été décrits [9, 23, 25].
Diagnostic différentiel
Le kyste dermoïde (caractérisé par la présence
d’annexes cutanées dans la membrane kystique)
aura plutôt une position médiane ou paramédiane
sur la voûte, avec un contenu hypodense franche-
198
A. AKHADDAR et al.
ment négatif à la scanographie et des calcifications
tumorales pariétales ou centrales, un aspect hyperintense en T1 et relativement hypointense en T2 permettra de le distinguer du KEP [3]. Au niveau de
l’os temporal, le kyste épidermoïde est parfois difficile à différencier d’un cholestéatome développé à la
suite d’infection de l’oreille moyenne [3]. En frontal,
c’est surtout une mucocèle qui peut prêter à
confusion, cependant cette dernière se retrouve en
continuité avec les cavités sinusiennes de la face [10].
Le flou des limites osseuses élimine facilement une
métastase ou une ostéite. Le granulome éosinophile
présente quant à lui un contour irrégulier, de densité
inhomogène et érodant les deux tables osseuses [6].
Le kyste arachnoïdien présente des densités et un signal superposables à celui du LCS, il apparaît en hyposignal en imagerie de diffusion [11]. Bien que rare,
le kyste hydatique devra être évoqué dans les zones
d’endémie.
Traitement
Les indications chirurgicales sont très controversées. Pour certains toute découverte de KEP doit se
solder par une exérèse chirurgicale afin de prévenir
toutes complications ultérieures [24]. Pour d’autres,
l’indication chirurgicale ne sera posée qu’en cas de
préjudice esthétique, devant l’importance de la taille
tumorale et en cas de manifestations neurologiques
[6, 8, 18].
Malgré l’évolution particulièrement lente et généralement bénigne de ces KEP, seule l’exérèse totale
de cette tumeur permet d’éviter les récidives. Elle
doit porter sur la capsule tumorale qui constitue la
partie germinative du kyste. Cette exérèse pose généralement peu de difficultés même dans les tumeurs considérées géantes. En cas de forte adhésion
de la capsule à la dure-mère, cette dernière doit être
enlevée [8], suivie d’une plastie durale. Une crânioplastie demeure nécessaire en cas de large defect osseux et en dehors de tout contexte infectieux [2, 23,
24].
Évolution
Malgré l’importance de la taille de ces KEP, ils
sont le plus souvent bénins. Cependant une surveillance régulière demeure nécessaire, même à long
terme, afin de guetter de rares récidives postopératoires [2, 12]. Les dégénérescences malignes sont exceptionnelles, survenant en particulier dans certains
cas d’excisions itératives [5, 7, 16].
CONCLUSION
Affection de l’enfant et de l’adulte jeune, le kyste
épidermoïde de la voûte est une lésion bénigne bien
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connue qui peut intéresser tous les os du crâne. Il se
traduit le plus souvent par une simple tuméfaction
de la voûte, cependant les complications ne sont pas
rares. Les formes géantes sont exceptionnelles, elles
peuvent parfois s’étendre en intracrânien et être responsable de signes neurologiques évolutifs. L’imagerie moderne notamment le couple scanographie/
IRM joue un rôle important dans l’approche diagnostic et chirurgicale. Le pronostic est généralement bon après une exérèse complète.
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