kyste synovial intracanalaire responsable d1une
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kyste synovial intracanalaire responsable d1une
Rachis, 1996, vol. 8, ,,°3 pp /5/-/54 FAIT CLINIQUE KYSTE SYNOVIAL INTRACANALAIRE RESPONSABLE D1UNE COMPRESSION RADICULAIRE AIGUË LUMBAR INTRASPINAL SYNOVIAL CYST CAUSING EXTRADURAL COMPRESSION J. Service d'Orthopédie. LEGAYE Clinique Universitaire U.C.L. Mont-Godinne B. 5530 Yvoir Belgique RESUME SUMMARY Le kyste synovial est une étiologie rare de compression radiculaire lombaire. Le cas que nous rapportons est à l'origine d'une sciatalgie aiguë. Le diagnostic et les caractéristiques de cette pathologie sont discutés. Lorsque le kyste est compressif, son excision chirurgicale apporte un résultat bénéfique rapide à moindre risque. Cependant, la plupart, asymptomatiques par eux-mêmes, ne nécessitent qu'un traitement médical dans le cadre de la pathologie rachidienne, dégénérative ou port-traumatique, à laquelle ils sont associés. Intrasynovial cyst is an unusual cause of lumbar nerve root compression. This case describes one involving acute radicular pain. Pathology and diagnosis are discussed. When symptomatic, surgical excision should provide good relief with minimal morbidity. Nevertheless, most of then need only medical care, being asymptomatic by themselves and associated to other spinal pathology. Mots clefs : Rachis facettaire intraspinal. Keys words : Lumbar spine - Facet degeration - Synovial cyst - Intraspinal face! cysts. lombaire - Dégénérescence facettaire - Kyste Les kystes arthro-synoviaux se rencontrent au poignet, au genou, à la cheville ou à la hanche. Le kyste synovial rachidien, quoique relativement courant, est moins souvent diagnostiqué. En effet, sa symptomatologie est la plupart du temps discrète, confondue avec la pathologie dégénérative qui lui est associée. Quelquefois pourtant, sa simple présence occasionne un syndrome compressif intracanalaire. Nous en rapportons de type mécanique évolutif. un cas, responsable d'une lombalgie avec conflit radiculaire rapidement Cette lésion, bénigne mais mimant parfois des pathologies plus graves, doit être prise en compte dans l'exploration d'une compression radiculaire extra-durale, afin d'y apporter le traitement approprié. 151 J. LEGAYE OBSERVATION Mr. L. J., âgé de 41 ans, ouvrier maçon, présente une lombosciatalgie SI droite d'apparition récente et d'aggravation rapide. Le test de Lasègue est positif, réveillant la douleur dès 15° de mobilisation. Les réflexes, le tonus musculaire et la sensibilité sont conservés. Un premier épisode lombalgique est survenu 4 mois auparavant, sans notion de traumatisme. Une radiographie et un scanner du segment lombaire n'ont visualisé à ce moment ni lésion discale ni anomalie intra-canalaire. Face à la persistance et à l'intensité de la sciatalgie, une myélographie, complétée d'un scanner, est réalisée (figures 1 et 2). La racine SI droite apparaît refoulée par un processus compressif latéral extra-dure-mèrien, sans contact avec le disque L5-S 1. Ce disque est par ailleurs d'aspect normal. La résonance magnétique définit cette masse comme un processus kystique, situé à proximité de la facette articulaire (figure 3). Sur les l'images pondérée T2, l'hypersignal centraI, caractéristique d'une cavité liquidienne, est entouré d'une frange d'hyposignal générée par une paroi fibreuse. Une zone d'hypersignal sous-jacente, non délimitée, atteste une réaction inflammatoire locale. L'électromyographie confirme]' atteinte radiculaire S J droite récente. L'infiltration de corticoïdes au sein de la facette articulaire puis en injection épidurale sont inefficaces. L'indication chirurgicale est dès lors posée. Un abord postérieur centré est réalisé. Le ligament jaune est ouvert..en livre -et...J.a.iss0--pédicmlé-latéralement. Le kyste apparaît~.Qus f9.I:~9' l!1l.f.lJIl.~stiss.ulaire accolé' à la duremère. Cette formation est réséquée prudemment. La commtflricàtionavec I\r-cav;·ee'aiticulaire n'est pas visualisée. L' ex a1'1'1 en' 'anatbtno'-'pathologique décrit le kyste comme constitué d'un stroma fibreux, 'parcouru de vaisseaux. Des macrophages chargés en hémosidérine y sont disséminés, témoignant d'épisodes hémorragiques. La surface est recouverte de cellules aplaties cOlTespondant à des synoviocytes (figure 4). Le diagnostic de kyste arthro-synoviaJ est ainsi confirmé. Figure 1: Myélographie. Compression extrinsèque du sac durai au niveau L5-S 1 par un processus intracanalaire .. L'évolution clinique est d'emblée favorable. La sciatalgie disparaît rapidement et la récupération fonctionnelle est totale. La pathologie dégénérative sous-jacente se révélera cependant6 mois plus tad, sous la forme d'une réelle hernie discale, expulsée dans le canal rachidien suite à un gffort de soulèvement. L'exérèse chirurgicale restaurera le bon résultat fonctionnel. DISCUSSION Les kystes rachidiens intracanalaires sont de diverses natures. Ils ont été différenciés par Kao en kystes paraneul'aux, provenànt de la racine postérieure, en kystes arachnoïdiens péri-radiculaires, en kystes de la face interne du Figure 2: Myélo-scanner: La masse intracanalaire comprimant le fourreau duremèrien, indépendante du disque, est en contact avec j'articulaire L5-Sl. Cette articulaire présente un minime pincement de l'interligne. 152 KYSTE SYNOVIAL INTRACANALAIRE RESPONSABLE D'UNE COMPRESSION RADICULAIRE AIGUË ligament jaune et en kystes synoviaux juxta-facettaires, dont existe une forme kystique et une forme ganglionnaire (6,8). La forme kystique correspond à une extrusion de membrane synoviale à travers des tissus capsulaires abîmés. Le stroma conjonctif vascularisé est bordé de cellules synoviales et a un contenu liquidien. La forme ganglionnaire, par contre, résulte d'une dégénérescence mucineuse du tissu conjonctif péri-articulaire, sans limite distincte. Quelle que soit leur forme, les kystes synoviaux rachidiens sont associés à une pathologie prédisposant à leur formation: une lombarthrose, une séquelle traumatique, une polyarthrite rhumatoïde, c'est-à-dire des pathologies sources de déstabilisation articulaire. En effet, ces kystes se rencontrent particulièrement en L4-L5, là où les sollicitations articulaires sont importantes. La localisation cervicale est plus rare (1.3,6,7.9,10,12,14) La distinction entre la forme kystique et ganglionnaire est souvent malaisée. La couche synoviale peut être détruite du fait de l'hyperpression, et le liquide synovial peut être remplacé par du tissu fibreux, présentant des séquelles d'hémorragie ou d'inflammation chronique (5), De même, le pertuis reliant le kyste synovial à l'articulation est rarement objectivable en raison de ces remaniements (1). Dès lors, la dénomination commune de "kyste para-facettaire" est plus indiquée, La plupart de ces kystes sont asymptomatiques par euxmêmes et découverts fortuitement. Il ne requièrent alors aucun traitement propre, hormis celui de l'affection qui les a fait détecter. Certains ont cependant une expression clinique distincte par compression intracanalaire radiculaire, ou même par syndrome de la queue de cheval. L'évolution de cette symptomatologie peut être aiguë, mimant une herest peu nie discale (1). La radiographie conventionnelle contributive au diagnostic. Des signes indirects aspécifiques d'instabilité intervertébrale et de dégénérescence interarticulaire sont fréquents (2). Parfois, une discrète érosion osseuse par le kyste est observée. Cette érosion peut conduire à tort au diagnostic de lésion infectieuse ou tumomyélographique du kyste pararale (5,7,9). L'expression facettaire est une empreinte postéro-Iatérale du fourreau durai, à grand rayon de courbure, située en regard de l' articulation interapophysaire (10,12). Ces images sont aspécifiqucs et donnent le change avec une tumeur nerveuse ou un fragment de hernie exclue (9). Le scanner est plus propice au diagnostic (4.9). Le kyste se présente comme une masse hypodense dorso-latérale, adjacente à une articulaire dégénérative et en arrière du plan des racines nerveuses (57). Il diffère en cela de l'image de la hernie discale, sessile, au contact du disque et en avant des racines. La paroi kystique se manifeste par un anneau dense, parfois calcifié. L'existence de ces calcifications signe la chronicité du kyste et témoigne d'épisodes d'hémorragies intrakystiques. Occasionnellement existe une image de vide intra-articulaire (9,12). La résonance magnétique est encore plus performante (4,6,7,9). Elle permet, outre une bonne localisation du Figure 3: Résonance magnétique en T2 intracanalaire, entourée d'un correspondant à une paroi fibreuse non délimité, révèle l'inflammation plan sagittal. Image d'hypersignal anneau générant un hyposignal et calcifiée. L'hypersignal sous-jacent, générée par la compression locale. .., , ,' '#"" ~ If' #~ h • .•.. ;, .• ' , •./1 .•... ••••of .. ••• ; ~- ." A • Figure 4: Etude histologique du kyste réséqué. Le stroma conjonctif contient des structures vasculaires. Il est parsemé de macrophages contenant de l'hémosidérine, témoignant d'épisodes hémorragiques intrakystiques (H). 153 1. LEGAYE RÉFÉRENCES kyste, l'analyse de sa constitution. Le liquide intrakystique génère sur les images pondérées Tl un signal hypointense hétérogène, et sur les images pondérées en T2 un signal hyperintense, bordé d'un anneau périphérique de bas signal si la paroi est fibreuse, calcifiée et chargée en hémosidérine. Il existe occasionnellement un réhaussement du signal de l'apophyse articulaire en raison de l'hyperhémie de voisinage, résultant de l'inflammation et de l'hypertrophie synoviale (1.4.7,10,13,14). L'existence immédiate de l'hypersignal en T2 différencie le kyste de la hernie expulsée en voie de dégénérescence kystique, pour laquelle l'hypersignal n'apparaît que tardivement (3). L'arthrographie fut préconisée comme essentielle au diagnostic par la mise en évidence d'un pertuis de communication avec l'articulaire (2,12). Celui-ci est cependant inconstant, obstrué, voire refermé par l'inflammation locale ou du fait de la pression intrakystique. Ceci explique l'inconstance des résultats des infiltrations intra-articulaires de corticoïdes (3,6,11). 1, BAUM JA, HANLEY E.N,: Intraspinal synovial cyst simulating spinal stenosis. Spi ne, 1986,11(5):487-489. 2. BJORKENGREN AG" KURZ L.T" RESNICK SARTORIS O.J., GRAFIN S.R.: Symptomatic intraspinal synovial cysts, opacif cation treatment by percutaneous injection. AJR, 1987, 149:105-107. 3. BLANO J.H., SCHMIDEK H.H.: Symptomatic intraspinal synovial cyst in a 66-year-old runner, J, Rheumatol., 1985,12(5):1006-1010, D" and marathon 4, DAVIS R., ILIYA A., ROQUE c., PAMPATI M.: The advantage of magnetic resonance imaging in diagnosis of a lumbar synovial cyst. Spi ne, 1990,15(3):244-246, 5. FINKELSTEIN S.D., SAYEGH R., WATSON P" KNUCKEY N.: The juxta-facet cysts. Spine, 1993,18(6):779-782, La myélographie réalisée en position assise et debout revêt un intérêt à la fois diagnostic et pathogénique (12). Il a été observé que la mise en extension du segment lombaire, en position debout, distend le cul de sac articulaire supérieur et vide le cul de sac inférieur, tandis que la mise en flexion, en position assise, a l'effet inverse. Dès lors, une cavité kystique en communication avec l'articulation se gonflera en position debout, surtout si la paroi est encore souple, peu fibreuse et peu calcifiée. Le caractère mécanique de la lombalgie et de la radiculalgie en est par là précisé. L'indication d'exérèse chirurgicale du kyste para-facettaire est fonction de sa taille, de sa localisation et de sa symptomatologie (II). Cependant, même sans répercussion clinique directe, la présence d'un tel kyste est un signe indirect d'instabilité vertébrale. Lors de la chirurgie, le kyste est souvent mal délimité (7). Il se confond avec le tissu dure- 6. HSU K.Y., ZUCHERMAN J.F., SHEA W.J" JEFFREY R.A.: Lumbar intraspinal synovial and ganglion cysts (facet cysts). Spine, 1995,20(1):80-89. 7. JACKSON O.E., ATLAS S,W" MANI J.R., NORMAN D,: Intraspinal synovial cysts, MR Imaging. Radiology, 1989,170:527-530. 8, KAO C,C., UIHLEIN A" BICKEL W.H.: Lumbar intraspinal extradural ganglion est. J, Neurosurg, 1961,29:168-172. 9. LEMISH W., APSIMON T" CHAKERA T.: Lumbar intraspinal synovial cysts, Recognition and CTdiagnosis. Spine,1989,14(12):1378-1383. 10, LIU S.S., WILLIAMS K.O" DRA YER B.P" SPETZLER R.F., SONNTAG V.K.H.: Synovial cysts of Ihe lumbosacral spine, diagnosis by MR imaging, AJR,1990,154:163-166, mèrien auquel il est souvent accolé. De plus, en flexion lombaire, qui est la position chirurgicale, il se vide de son contenu. Les racines ne seront aussi visualisées qu'en fin de dissection, refoulées en avant sous le kyste. Si ces kystes ne sont pas à l'origine d'une compression mécanique intracanalaire, ils répondent bien au traitement médical, comportant l'injection épidurale de corticoïdes, la mise au repos et le soutien lombaire provisoire par corset (2,6). L'indication de décompression chirurgicale repose sur un diagnostic soigneux, concordant avec l'expression clinique de la lésion. 11, POLIVY K.o., HANELIN J., BOYO R,J,: Synovial facet joint cyst causing extradural compression, Spine, 1987,12(4):412-414. 12, SELLIER N., VALLEE c., CHEVROT A., FRANTZ N., REVEL M., AMOR B., MENKES C.J" PALLAROY G,: La sciatique par kystes synoviaux et diverticules articulaires lombaires à développement intra-rachidien. Etude saccoradiculographique, tomodensitométrique et arthro graphique. Rev. Rhum., 1987,54(4):297-301. CONCLUSION 13. SUMMERS R.M., QUINT D.J.: Case report 712. Skeletalradiol., 1992,21 :72-75. Le kyste para-facettaire est une lésion bénigne dont le diagnostic est facilité par l'usage du scanner et surtout de la résonance magnétique. Il importe en effet de le distinguer de lésions tumorales ou infectieuses. Le traitement sera 14, YUH W.T., DREW J.M., WEINSTEIN LN, McGUIRE C.W., MOORE T.E., KATHOL M.H., EL-KHOURY GY: Intraspinal synovial cysts, Magnetic resonance evaluation. Spine, 1991,16(7):740-745. évalué en fonction de la symptomatologie, ne réservant la chirurgie qu'aux cas de franche compression nerveuse. 154