kyste anevrismal osseux cervical a propos de deux

Transcription

kyste anevrismal osseux cervical a propos de deux
Rachis, 1993, vol. 5,
nO 3
CAS CLINIQUE
KYSTE ANEVRISMAL OSSEUX CERVICAL
A PROPOS DE DEUX OBSERVATIONS
ANEVRYSMAL BONE CYST OF THE CERVICAL SPINE
ABOUT TWO CASES
r.
BILLEY, C.** DROMER, A* MASSRI, E.* GINESTY, M.*** GIGAUD, B.** FOURNIE, S* LASSOUED
*Service de Rhumatologie
et de Réadaptation Fonctionnelle, Centre Hospitalier
** Service de clinique de Rhumatologie,
Toulouse Prupan
*** Service de Neurochirurgie,
Toulouse Prupan.
Général,
Cahors
RESUME
SUMMARY
Les auteurs rapportent
deux observations
de kyste
anévrismal
osseux (KAO) du rachis cervical.
Ils
rappellent l'expression
clinique et radiologique
de ces
dystrophies osseuses et insistent sur la nécessité d'une
exérèse chirurgicale
complète en raison du risque de
récidive locale.
The authors report two cases of aneurysmal bone cysts of
the cervical spine. They remind their clinical and
radiologicalfeatures and emphasize the need for complete
excision because of the risk oflocal recurrence.
Mots clefs : Kyste anévrismal osseux - Rachis cervical.
Keys words : Aneurysmal
Le kyste anévrismal osseux (KAO) est une dystrophie
osseuse bénigne intéréssant le plus souvent la métaphyse
des os longs mais aussi le rachis (1,3,6,7).
Parmi les
localisations rachidiennes l'atteinte cervicale est le moins
souvent rencontrée. Le caractère histologique rassurant de
ces tumeurs ne doit pas faire oublier le potentiel évolutif
local et la possibilité de récidives post-opératoires. Nous
rapportons deux observations de KAO cervicaux.
133
bone cyst - Cervical spine.
T.BILLEY,
C.DROMER,
A. MASSRJ, E.GINESTY,
M.G!GAUD,
B.FOURNIER,
S.LASSOUED
OBSERVATIONS
Observation 1
Madame G ..., 28 ans, est hospitalisée pour une cervicalgie
moyenne d'apparition brutale et spontanée irradiant au
membre supérieur droit. L'examen clinique note une
raideur douloureuse cervicale globale, l'abolition du réflexe
bicipital droit et la diminution de la force musculaire du
biceps. Il n'existe pas de syndrome pyramidal.
Les
explorations biologiques sont normales. La radiographie du
rachis cervical montre une lyse du corps de la Se vertèbre
cervicale (CS) avec un pincement discal sus-jacent (fig 1).
La tomodensitométrie confirme la lyse du corps vertébral et
du pédicule droit de CS par une prolifération de densité
tissulaire refoulant le fourreau durai (fig 2). La résonance
magnétique nucléaire (IRM) en séquence T2 trouve un
hypersignal de CS avec une disparition des espaces sous
arachnoïdiens
en regard mais sans hypersignal
intramédullaire. La patiente bénéficie, par un abord antérieur,
d'une corporectomie totale de CS, et sub-totale de C4 et de
C6. Un greffon osseux intersomatique est mis en place.
L'examen anatomopathologique
de la pièce opératoire
conclu au diagnostic de kyste anévrismal riche en cellules
Figure 2 :
Observation
1 : scanner de C5.
Destruction du corps vertébral et du pédicule droit.
Refoulement du fourreau duraI.
géantes. Après 3 ans, l'évolution
est favorable
avec
disparition des cervicalgies et récupération du déficit moteur.
Observation 2
Madame V ... , 28 ans, présente une cervicalgie lors d'un
"faux mouvement". La découverte d'une lyse de la 4e
vertèbre cervicale (C4) conduit à son hospitalisation.
L'examen
clinique met en évidence
une limitation
douloureuse
cervicale de toutes les amplitudes et des
reflexes ostéotendineux vifs et diffusés aux 4 membres. Il
n'existe pas de syndrome lésionnel sensitif ou mot,eur. Le
bilan biologique est normal. Douze heures après son
admission,
apparaît un déficit moteur distal du membre
inférieur gauche. L'IRM cervicale montre en séquence Tl
un hyposignal de C4 et la disparition des espaces sousarachnoïdiens (figure 3) et en séquence T2 un hypersignal
du corps vertébral de C4, et l'absence d'hypersignal
intramédullaire. La patiente est rapidement opérée par voie
antérieure
(curetage de C4 et arthrodèse).
L'examen
Figure 1 :
Observation 1 : radiographie du rachis cervical de profil.
Tassement et lyse du corps de C5.
Pincement discal C4-C5.
134
KYSTE ANEVRISMAL
OSSEUX
anatomopathologique met en évidence un kyste anévrismal
osseux (prolifération
sans caractère malin de cellules
fusiformes et de cellules géantes plurinuclées avec une
vascularisation
riche formant des lacs). Après 1 an,
l'évolution est satisfaisante.
CERV1CAL
cas personnels (6). Le KAO atteint préférentiellement
l'adolescent et l'adulte jeune dans la deuxième décennie
avec une prédominance féminine. La localisation cervicale
du KAO représente 22 % de l'ensemble des localisations
rachidiennes (13 % pour le sacrum, 31 % pour le rachis
lombaire et 34 % pour le rachis dorsal) (6). Il s'agit le plus
souvent d'une atteinte de l'arc postérieur dont l'extension
antérieure déterminerait l'atteinte du corps vertébral. La
localisation isolée corporéale, retrouvée dans notre 2e
observation,
semble exceptionnelle
(3,6, Il). Plusieurs
vertèbres peuvent être touchées par contigüité (8, Il). Le
mode de découverte est classique : tuméfaction, douleurs,
compression radiculaire isolée ou syndrome de la queue de
cheval, compression médullaire (3,6, la, Il). La radiographie
standard objective le plus souvent le KAO (3,4,6). L'aspect
classique est celui d'une lésion lytique et soufflée du corps
vertébral dont la corticale est amincie en coquille d'oeuf. A
un stade plus évolué il peut exister un collapsus ou une
destruction somatique, aspect retrouvé dans nos deux
observations. L'atteinte des éléments de l'arc postérieur se
traduit par une lésion lytique ("vertèbre borgne ou vertèbre
sans nez"), plus ou moins expansive
(6). L'étude
angiographique
réalisée en pré-opératoire
au temps
capillaire met en évidence des images caractéristiques,
reflet de la distribution
sinusoïdale
du KAO (1). Les
techniques récentes (tomodensitométrie
et imagerie par
résonance magnétique nucléaire) permettent de préciser la
localisation et l'extension locale par rapport aux structures
neurologiques. La résonance magnétique nucléaire montre
le plus souvent des images de signal élevé en Tl, se
renforçant en T2, expansives, polylobulées entourées par
une étroite couronne de bas signal en Tl et en T2. Il existe
parfois des niveaux liquides mais qui ne sont pas
spécifiques des KAO (4,9). La certitude diagnostique est
donnée par l'étude anatomopathologique
qui met en
évidence un tissu fibreux riche en fibroblastes et en cellules
géantes multinucléées avec de nombreux espaces sanguins
caverneux anastomosés entre eux. Le diagnostic différentiel
avec une tumeur à cellules géantes n'est pas toujours aisé,
d'autant plus qu'il semble exister des associations (2,6,8). La
biopsie à l'aiguille
est déconseillée
en raison de sa
fréquente négativité et des risques hémorragiques (6). Le
traitement reste encore discuté mais de nombreux auteurs
s'accordent sur la supériorité du geste chirurgical (3,6, 8, la,
Il). L'exérèse doit être complète (curetage ou résection) et
peut conduire à un geste de stabilisation par greffe osseuse
avec ou sans ostéosynthèse. Dans les cas ou il existe une
atteinte corporéale et des éléments de l'arc postérieur, il
paraît nécessaire d'aborder le rachis par voie antérieure et
postérieure (8, 10). La radiothérapie seule n'a pas démontré
son efficacité, le taux de récidive étant élevé et le risque de
complications
radio-induites
non négligeable (myélite,
sarcome) (3, 6, Il). Elle garde tout son intérêt si la chirurgie
n'a pas conduit à une exérèse complète de la tumeur.
Certains auteurs, dans des situations difficiles (volume
tumoral important, extension majeure, risque opératoire
DISCUSSION
En 1942, Jaffré et Lichtenstein décrivent les deux premiers
cas de KAO (7). Il s'agit d'une tumeur osseuse bénigne assez
rare (1,5 à 4 % des tumeurs et dystrophies
osseuses)
touchant volontiers les os longs, mais également l'axe
rachidien. La fréquence de l'atteinte vertébrale varie de 3 à
20 % selon les séries (3, 6). Hay et coll en 1978 dans une
revue de la littérature anglo-saxonne rapportent 78 cas de
KAO rachidiens issus de 27 publications, complétés par 14
Figure 3 :
Observation 2: IRM cervicale, séquence Tl.
Hyposignal de C4.
Diminution des espaces sous-arachnoïdiens.
135
T.BILLEY,
C.DROMER,
A. MASSRI,
E.GINESTY,
élevé, difficultés
de reconstruction),
soulignent
la
possibilité de l'embolisation artérielle du KAO (3,4), Cette
technique
peut être répétée et ne compromet
pas la
réalisation des autres traitements. La capacité des KAO à
récidiver localement
et sur les greffes osseuses doit
conduire à surveiller
régulièrement
cliniquement
et
radiologiquement les patients (8).
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M.GIGAUD,
B.FOURNIER,
S.LASSOUED

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