DCG1 Le procureur de la République est

Transcription

DCG1 Le procureur de la République est
Classes préparatoires
au
Diplôme de Comptabilité et Gestion
UE 13
Relations professionnelles
Le procureur de la République est-il un
magistrat indépendant ?
Etude réalisée par
Pauline GUILHOT
Flora PASSARELLA
Charlotte PIAT
Promotion 2014
Février 2012
Résumé
Le procureur de la République est-il un magistrat indépendant ? Cependant le procureur
de la république se voit attribuer des pouvoirs, des fonctions spécifiques. Mais est-il apte à
user de ses attributions, ou doit-il collaborer ? En effet, même s’il fait partie de l’autorité
judiciaire, il doit collaborer avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. C’est pourquoi la
question sur le rôle du procureur français se pose également au niveau Européen.
Abstract
Today arises a fundamental question. The prosecutor is it an independent magistrate?
But the prosecutor is assigned powers, functions. But is it fit to use his powers, or should he
collaborate? Indeed he must cooperate with prosecutors. Therefore, the question of the role of
the French prosecutor also arises at the European level.
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TABLE DES MATIERES
I –LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE....................................................................... 5
A – LE PROCUREUR : DEFINITION, LIEUX D’EXERCICE ET FORMATION ....................................................................... 5
1)
Définition .................................................................................................................................... 5
2)
Organisation du parquet ............................................................................................................ 5
3)
Comment devenir procureur ? .................................................................................................... 6
B – FONCTIONS ET RECOURS .......................................................................................................................... 7
1)
Les missions du procureur de la République ............................................................................... 7
2)
Comment le saisir et pourquoi ? ................................................................................................. 7
C – LES ATTRIBUTIONS DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE ................................................................................... 8
1)
En matière pénale....................................................................................................................... 8
a.
La mission politique .................................................................................................................... 9
b.
La mission régalienne ................................................................................................................. 9
2)
En matière civile ......................................................................................................................... 9
3)
En matière constitutionnelle....................................................................................................... 9
II – LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE : INDEPENDANT OU TRIBUTAIRE ?...............10
A – LE PRINCIPE DE LA SEPARATION DES POUVOIRS ........................................................................................... 10
1)
L’origine de ce principe ............................................................................................................. 10
2)
La séparation des pouvoirs et la protection des droits de l’homme ......................................... 10
3)
Justice et séparation des pouvoirs ............................................................................................ 11
4)
De la séparation stricte à la collaboration des pouvoirs........................................................... 11
B – LES PROCUREURS DE LA REPUBLIQUE : UNE INDEPENDANCE CONTESTEE........................................................... 12
1)
Le parquet a toujours plus de pouvoir ...................................................................................... 12
2)
Le juge de l’enquête et des libertés contrôle tout de même le parquet ................................... 13
3)
La résolution de la Conférence nationale des procureurs de la République ............................. 14
C – L’UE REMET EN CAUSE LE STATUT DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE FRANÇAIS............................................... 15
1)
La Convention européenne des droits de l’homme................................................................... 15
2)
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ................................................................. 17
3)
La CEDH remet en cause le statut du procureur français ......................................................... 18
BIBLIOGRAPHIE & WEBOGRAPHIE ...........................................................................21
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Introduction
La juge d’instruction parisienne Sylvia Zimmermann, chargée d’enquêter sur la
violation multiple des sources du Monde, vient d’adresser une convocation aux fins de mise
en examen au procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Il est reproché à ce magistrat, réputé
proche du chef de l’Etat, une "atteinte au secret des correspondances par personne
dépositaire de l'autorité publique" et une "collecte de données à caractère personnel par
moyen frauduleux, déloyal ou illicite". La juge Zimmermann dispose d’éléments lui
permettant de penser que Philippe Courroye a personnellement supervisé la surveillance
téléphonique, au cœur de l’affaire Bettencourt, de trois journalistes du Monde. C’est sur la
base d’une plainte déposée par Me Georges Kiejman, l’avocat de Liliane Bettencourt, pour
violation du secret de l’enquête que le parquet de Nanterre avait motivé sa saisine (fait de
soumettre une demande à une juridiction) de l’Inspection générale des services (IGS). Il
s’agissait ainsi pour le procureur Courroye de prouver que le juge de Nanterre, Isabelle
Prévost-Desprez, qui menait des investigations parallèles aux siennes dans l’affaire
Bettencourt, était en relation avec des journalistes.
La juge Zimmermann est par ailleurs saisie d'un autre volet de l'enquête, impliquant
cette fois les services du contre-espionnage français. La Direction centrale du renseignement
intérieur (DCRI), sur ordre de l'Elysée, s'était, en juillet 2010, procuré les fadettes (factures
téléphoniques détaillées) du journaliste Gérard Davet, afin de découvrir sa source dans
l'affaire Woerth-Bettencourt. L'Elysée s'était ému des fuites dans ce dossier.
Aussi, le statut du procureur de la République française est à nouveau mis en cause par
la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Celle-ci a « épinglé » la France pour
l'absence d'indépendance de son parquet - au sein duquel officie le procureur - à l'égard du
pouvoir exécutif.
Ainsi nous pouvons nous demander si le procureur de la République est un magistrat
indépendant ?
En effet, le pouvoir judiciaire doit être, par principe, indépendant du pouvoir exécutif,
c’est-à-dire qu’il doit n’avoir aucun lien direct avec celui-ci.
Le procureur de la République représente le ministère public devant toutes les
juridictions de l’ordre judiciaire. Il est soumis au principe de l’indivisibilité. Il est placé sous
l’autorité du procureur général, nommé par décret du président de la République sur avis
simple du Conseil Supérieur de la Magistrature. Il intervient lorsqu’une infraction est
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commise dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel il exerce ses fonctions. Le
procureur de la République dirige l’activité de la police judiciaire en contrôlant les placements
et les prolongations de garde à vue. Il a la possibilité de classer les affaires « sans suite », de
mettre en œuvre des mesures alternatives aux poursuites, de renvoyer l’auteur de l’infraction
devant un tribunal et d’ouvrir une information par la saisine du juge d’instruction. Le
procureur présente oralement ses réquisitions devant les tribunaux mais n’assiste pas aux
délibérations des jugements.
Auprès des tribunaux de grande instance, sont dits « magistrats » le procureur de la
République et ses substituts. Auprès de la cour d’appel, ce sont le procureur général, les
avocats généraux et les substituts du procureur général. Ils ont la charge de la poursuite pénale
et dirigent l’activité des gendarmes et des policiers lorsque ceux-ci exercent des fonctions de
police judiciaire. Ils ont aussi de nombreuses attributions en matière civile : protection des
mineurs, changement de nom, liquidation de biens, contrôle de l’état civil et des officiers
ministériels.
La magistrature debout représente l’ensemble des magistrats du ministère public
chargés de rechercher et de poursuivre les auteurs d’infractions. Le parquet est représenté par
le procureur de la République ou par le procureur général, selon les juridictions.
Pour répondre à cette problématique nous définirons dans une première partie le rôle du
procureur de la République en précisant son statut, ses fonctions et ses attributions
spécifiques. Puis dans une seconde partie nous nous demanderons si le statut du procureur de
la république respecte le principe de la séparation des pouvoirs, à savoir s’il est un magistrat
indépendant ou au contraire, si plus d’indépendance est nécessaire pour satisfaire ce principe.
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I –Le procureur de la République
A – Le procureur : définition, lieux d’exercice et
formation
1) Définition
Magistrat du parquet, le procureur de la République est un personnage-clé dans le
fonctionnement de l’activité judicaire.
Étymologiquement, le mot « parquet » servait à désigner le lieu où se tenaient les
magistrats du Ministère Public. Il s’agissait d’une enceinte délimitée sur trois côtés par les
sièges des juges et sur le quatrième par la barre.
Les procureurs de la République font partie du corps de la magistrature, ainsi que les
substituts, les procureurs généraux, leurs substituts respectifs, les avocats généraux, les juges
du siège et les auditeurs de justice.
Le procureur de la République représente la société dans les décisions judiciaires. Il
effectue un travail de prévention et applique le droit dans l’intérêt des citoyens. Il analyse, du
point de vue de la loi, les plaintes et les dossiers émis par les institutions publiques (police,
services sociaux, administration…) et les particuliers.
2) Organisation du parquet
Le parquet est organisé comme suit : le procureur de la République a autorité sur ses
substituts, il est lui-même soumis aux instructions et directives du procureur général de la
Cour d'appel.
De plus, l'ensemble des membres du parquet sont placés sous l'autorité du garde des
Sceaux, ministre de la justice.
Lors d’un procès, le procureur se trouve à côté du Président du tribunal et des ses
assesseurs comme le montre le schéma ci-dessous.
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3) Comment devenir procureur ?
Comme tous les autres magistrats, le recrutement du procureur et sa formation sont
assurés par l'École Nationale de la Magistrature (E.N.M) qui se situe à Bordeaux et à Paris. Le
magistrat est recruté sur concours du ministère de la justice et bénéficie alors d’un statut
constitutionnel.
Le concours ouvre ses portes aux titulaires d'un master 1 de droit (bac + 4) ou d'un
diplôme d'I.E.P (Institut d’Etude Politique), et aux anciens élèves d'une école normale
supérieure (âge limite : 27 ans).
Il existe un deuxième concours destinés aux fonctionnaires et agents de l'administration
ayant moins de 46 ans et 5 mois et justifiant de quatre années de service public.
Un troisième concours est accessible aux candidats ayant moins de 40 ans et justifiant
de huit années d'activité professionnelle dans le domaine privé, d'un mandat d'élu local, ou de
l'exercice de fonctions juridictionnelles à titre non professionnel.
Dans tous les cas, la nécessité d'être de nationalité française et de jouir de ses droits
civiques est requise. Il est important de savoir qu’il n'est pas possible de se présenter plus de 3
fois au concours d'entrée. L’entrée à l'ENM oblige les élèves, nommés auditeurs de justice, à
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prêter serment. Les études durent trente et un mois et les étudiants sont rémunérés. La
scolarité comprend une formation théorique d'une durée de neuf mois et de nombreux stages
pratiques.
À l'issue de l’examen, le jury détermine le rang de classement et émet une
recommandation sur les fonctions les mieux adaptées à chacun pour un premier poste. Le
jeune magistrat s'engage pendant dix ans avec la possibilité d'exercer plusieurs métiers au
siège et au parquet.
B – Fonctions et recours
1) Les missions du procureur de la République
Sa mission est aussi claire que difficile à remplir : défendre les intérêts de la société et
veiller à l’ordre public.
Il exerce un rôle d’arbitre en tant que représentant des citoyens et de la communauté. Il
défend les intérêts du plus grand nombre devant la cour. A ce titre il est amené à requérir
devant les tribunaux et cour d’assise.
Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la
recherche et la poursuite des infractions à la loi pénale. Pour ce faire, il dirige l'activité des
officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal. Il reçoit les plaintes et
les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il contrôle les mesures de garde à vue et
visite les locaux de garde à vue au moins une fois par an.
Le procureur intervient aussi en droit privé (pour des changements de nom, les
questions d’adoption…), il est le chef de l’état civil.
2) Comment le saisir et pourquoi ?
Lorsqu’une affaire juridique se présente, le procureur est le premier magistrat à être
informé.
En général, les dossiers viennent des agents de police ou de la gendarmerie. Cependant,
n’importe quel citoyen peut saisir le procureur auprès du Bureau des plaintes du Parquet. La
plainte est enregistrée sous un numéro qui lui est affecté. Cette plainte est ensuite examinée
par le Parquet constitué des vices-procureurs, des substituts et du procureur de la République
à proprement parlé. Le schéma ci-dessous retrace la procédure.
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C – Les attributions du procureur de la République
Les attributions du procureur de la République sont fixées par les articles 1 et 31 du
Code de procédure pénale : « Le ministère public exerce l'action publique et requiert
l'application de la loi ». Ainsi, le procureur a pour mission de rechercher et faire rechercher
l'existence d'infractions (contraventions, délits et crimes) ainsi que de décider des suites à y
donner (classement sans suite, citation directe, poursuites ou mesures alternatives aux
poursuites).
En France, le procureur de la République a des attributions en matière pénale, en
matière civile et en matière constitutionnelle.
1) En matière pénale
En matière pénale, ses attributions sont définies dans le code de procédure pénale. Le
procureur de la République assure une double mission : une mission politique et mission
régalienne.
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a. La mission politique
Selon l'article 30 du Code de procédure pénale : « Le ministre de la justice conduit la
politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son
application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du
ministère public des instructions générales d'action publique. Le procureur, étant membre de
la hiérarchie judiciaire, doit mettre en œuvre la politique pénale, comme le précise l’article cidessus. Selon les priorités du gouvernement le procureur sera amené à réorienter l'action de
son parquet dont il rend compte au procureur général.
b. La mission régalienne
Il convient de constater que, dans le système judiciaire français, en vertu du principe
d'opportunité des poursuites, le procureur de la République est seul juge des suites à donner à
une infraction (engagement des poursuites, mise en œuvre de procédures alternatives,
classement sans suite de l’affaire) sous réserve du pouvoir propre du procureur général de la
cour d'appel du ressort mais aussi du garde des Sceaux et du ministre de Justice.
2) En matière civile
En application des articles 421 à 429 du Code de procédure civile, le parquet peut et
doit, dans certains cas déterminés par la loi, intervenir en tant que partie principale ou partie
jointe dans des instances civiles par voie de conclusions écrites gérées également par le
service civil.
En effet, d’après le Code de procédure civile, le ministère public peut agir en tant que
partie principale « pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à
celui-ci » et en qualité de partie jointe « lorsqu'il intervient pour faire connaître son avis sur
l'application de la loi dans une affaire dont il a communication ».
3) En matière constitutionnelle
Le rôle du procureur de la République dans le traitement de la question prioritaire de
constitutionnalité (QCP) est limité à un simple avis. Il doit être informé de chaque question
posée, et peut donner un avis exprimé sous la forme de réquisitions orales ou d'un écrit. Si cet
avis est donné par un écrit distinct et motivé, il sera adressé à la Cour de cassation en cas de
transmission de la question.
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Entre le 1er septembre 2010 et le 1er septembre 2011, le procureur a donné un avis
favorable dans 55% des affaires ayant donné lieu à transmission de la QPC à la Cour de
cassation.
II – Le procureur de la République : indépendant ou
tributaire ?
A – Le principe de la séparation des pouvoirs
1) L’origine de ce principe
Le principe de la séparation des pouvoirs nous vient de Grande-Bretagne. En effet, ce
sont les anglais qui, au 17ème siècle, on commencé à l’appliquer. Ce sont les premiers qui ont
essayé de partager le pourvoir politique qui n’appartenait traditionnellement qu’au Roi. Dans
un second temps, ce sont les penseurs politiques français (dont Montesquieu) et américains
qui, au 18ème siècle, ont théorisé et popularisé ce principe : « une même autorité ne doit pas
cumuler entre ses mains tous les pouvoirs au sein de l’Etat ».
2) La séparation des pouvoirs et la protection des droits de
l’homme
L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 se
réfère également à cette théorie en disposant que « Toute société dans laquelle la garantie des
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droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
La séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire apparaît ainsi comme le corollaire
indispensable de la protection des droits naturels de l’homme : le contrôle mutuel qu’exercent
les trois pouvoirs les uns envers les autres préserve l’individu des atteintes à ses droits
fondamentaux. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs constitue un obstacle au
despotisme et à la tentation du pouvoir personnel, puisqu’aucune personne ne peut concentrer
entre ses mains la totalité des attributs de la Souveraineté.
3) Justice et séparation des pouvoirs
La question de la place de la justice dans la séparation des pouvoirs présente sous la
Vème République un paradoxe. En effet, dans le texte de la Constitution du 4 octobre 1958, les
expressions « pouvoir exécutif », « pouvoir législatif » et « pouvoir judiciaire » n’apparaissent
pas explicitement. Même si personne ne peut douter que le Parlement représente le pouvoir
législatif et que le Président de la République et le gouvernement exercent le pouvoir exécutif,
il n’est pas si facile d’identifier le « troisième pouvoir ». La Constitution consacre, certes, son
titre VIII à « l’autorité judiciaire » mais celle-ci ne recouvre pas la totalité des organes à qui la
République confie le pouvoir de juger.
Cependant, cela ne signifie pas que la Constitution ne garantit, à l’égard de la justice,
qu’une version affaiblie de la séparation des pouvoirs. Au contraire. L’indépendance de
l’autorité judiciaire tient, dans la Constitution, principalement à deux articles. D’une part,
l’article 64 proclame cette indépendance et prévoit que le président de la République en est le
garant, qu’il est assisté à cette fin du Conseil supérieur de la magistrature, qu’une loi
organique porte statut des magistrats et que les magistrats du siège sont inamovibles. D’autre
part, l’article 66 prévoit que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure,
dans les conditions prévues par la loi, le respect du principe selon lequel nul ne peut être
arbitrairement détenu.
Ainsi, la Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire tant à l’égard du
statut des magistrats que dans l’exercice de leur mission de protection de la liberté
individuelle.
4) De la séparation stricte à la collaboration des pouvoirs
Toutefois, la théorie classique de la séparation des pouvoirs n’a pas toujours été
strictement mise en œuvre. En effet, une séparation trop stricte des différents pouvoirs peut
aboutir à la paralysie des institutions, tel fut le cas en France sous le Directoire (1795-1799) et
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sous la IIème République (1848-1851), où le conflit entre l’exécutif et le législatif s’est à
chaque fois soldé par un coup d’Etat. Aussi de nombreux régimes privilégient-ils le principe
de la collaboration des différents pouvoirs, à celui de leur stricte séparation: la distinction
entre le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire demeure, mais ces
différents pouvoirs disposent de moyens d’action les uns à l’égard des autres. Le chef de
l’Etat peut dissoudre l’une des deux chambres composant le Parlement (Assemblée nationale
ou Sénat), le pouvoir législatif peut renverser le Gouvernement, la soumission des magistrats
du parquet à l’autorité hiérarchique du Gouvernement en sont autant d’exemples.
Ainsi, le principe de la séparation des pouvoirs n’est pas toujours appliqué et les
procureurs de la République n’ont pas le statut de magistrats indépendants.
B – Les procureurs de la République : une indépendance
contestée
1) Le parquet a toujours plus de pouvoir
Le projet de réforme de la procédure pénale, aujourd’hui abandonné, aurait consacré un
accroissement du pouvoir du parquet (procureur) au détriment du juge du siège (juge
d’instruction remplacé par un juge de l’enquête et des libertés, ou JEL).
Depuis les années 1990, on a constaté un accroissement continu des pouvoirs du
parquet. Le nombre d'enquêtes menées par le juge d'instruction a diminué de 8 % à 4 % des
affaires pénales et le parquet exerce aujourd'hui un quasi-pouvoir de jugement.
La médiation pénale (mesure alternative aux poursuites pénales) permet, depuis 1999,
qu’une peine puisse être négociée (y compris de la peine d’emprisonnement) avec le parquet.
En théorie, un juge du siège doit valider la décision, mais en pratique, il a très peu de marge
de manœuvre : il ne peut qu’accepter ou refuser la peine choisie par le parquet ou demander
un complément d’information. Ce transfert de pouvoirs aboutit à ce résultat étonnant qu’en
France, près de la moitié des mesures répressives sont proposées par le parquet.
Ce transfert des compétences du siège au parquet pose problème dans la mesure où le
parquet français n’est pas une autorité indépendante. Il peut à la fois enquêter et poursuivre
mais aussi juger et cela met en cause l’indépendance et l’impartialité qui sont les deux
conditions d’un procès équitable.
La loi (n°2007-291) du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure
pénale s'était inscrite dans la continuité du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée
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nationale créée à la suite de l'affaire dite d'Outreau, afin d'améliorer la procédure qui entoure
un procès pénal. Pour mettre fin à la "solitude" du juge d'instruction, la loi créait les pôles de
l'instruction, seuls compétents pour connaître des affaires criminelles ou faisant l'objet d'une
cosaisine (affaires d'une certaine gravité ou complexité justifiant d'être confiées à un collège
de magistrats).
En principe, toutes les informations judiciaires devaient être suivies dans les TGI dans
lesquels était constitué un pôle de l'instruction. Elles devaient être systématiquement confiées
à un collège de trois juges d'instruction. Ce collège de l'instruction devait exercer les
prérogatives confiées au juge d'instruction par le code de procédure pénale. Initialement, ces
pôles devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2010. Finalement, l’entrée en vigueur est
reportée au 1er janvier 2014.
Le 29 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) rappelle que, pour
être qualifié d'autorité judiciaire, le magistrat compétent « doit présenter les garanties requises
d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties ». Ce rappel est un sérieux avertissement
et confirme que la réforme du statut du parquet est inéluctable.
2) Le juge de l’enquête et des libertés contrôle tout de même le
parquet
Les pouvoirs donnés au juge de l’enquête et des libertés ou JEL lors de la réforme de la
procédure pénale seront suffisants pour assurer un contrôle du parquet. Le JEL devra avoir
rang au moins de vice-président et il pourra demander à la chambre de l’enquête et des
libertés de la cour d’appel de dessaisir le parquet et de reprendre elle-même l’affaire en cas de
carence de celui-ci.
Le procureur est libre de parole : « La plume est serve mais la parole est libre ».
L'article 33 du Code de procédure Pénale dit clairement qu'il développe librement les
observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice.
Quelles sont les limites de cette liberté?
D'abord le Procureur est avant tout un homme ou une femme avec sa propre
personnalité, sa propre sensibilité aux événements. L'orientation politique personnelle a sans
aucun doute une influence dans les réquisitions et le comportement en général bien que cela
ne soit jamais dit. En 2011, plusieurs policiers sont poursuivis en correctionnelle pour divers
délits graves tels que faux en écriture, violences, etc. Le Substitut réclame légitimement de
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fortes condamnations et les accompagne de phrases d'où il ressort que les pratiques de ces
policiers sont les mêmes que celles utilisées pendant la guerre par la Gestapo.
Il a été convoqué devant le Conseil supérieur de la Magistrature afin qu'il soit envisagé
une sanction eu égard au fait que ses chefs avaient considéré ces propos comme ayant atteint
au respect et à la dignité des justiciables.
Le Conseil Supérieur de la Magistrature a décidé, que bien que ces propos soient«
inappropriés et maladroits », ils ne constituaient pas une faute disciplinaire
C’est pour l’importante responsabilité qu’ont les procureurs que la Conférence
Nationale des Procureurs de la République appelle solennellement l'attention sur la gravité de
la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les parquets, et l’urgence de leur donner les
conditions d’exercer dignement leurs nombreuses missions.
3) La résolution de la Conférence nationale des procureurs de la
République
Le 8 décembre 2011, la Conférence nationale des procureurs de la République a rendu
public une déclaration signée par 126 des 163 procureurs français dans laquelle les procureurs
de la République expriment leur malaise et leur difficulté à exercer leur profession.
En premier lieu, les procureurs de la République veulent restaurer l’image de leur
fonction, gravement altérée par le soupçon de leur dépendance à l’égard du pouvoir exécutif.
En tant que magistrats et garants des droits et libertés individuelles, les procureurs de la
République appellent à la mise à niveau de leur statut, par un renforcement des pouvoirs du
Conseil supérieur de la magistrature pour leur nomination et le contrôle de l’exercice de leurs
fonctions, afin de répondre aux nécessités d’une justice impartiale, et de permettre d’établir la
confiance des citoyens. En effet, il est légitime que le procureur applique une politique pénale
nationale définie par le Garde des Sceaux, mais dans les affaires individuelles, le procureur
doit pouvoir agir en tant que magistrat, en toute impartialité et objectivité. Ce qui impose qu'il
n'y ait pas de suspicion de dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Cela passe par une
modification des conditions de leur nomination.
En second lieu, les procureurs de la République requièrent des conditions d’exercice
serein. Les magistrats du parquet se trouvent aujourd'hui confrontés à une situation
d'insécurité alors qu'ils doivent faire face à une avalanche de textes qui modifient sans cesse
le droit et les pratiques, au nom de logiques parfois contradictoires, et de missions nouvelles
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depuis plus de dix ans. Cette situation entraîne un risque au plan de l'exercice de leurs
missions au quotidien.
En dernier lieu, des moyens très insuffisants sont mis à la disposition des parquets pour
que les procureurs de la République puissent exercer leurs responsabilités et la plénitude de
leurs fonctions (l’exercice de l’action publique, la direction de la police judiciaire, la garantie
du respect des droits et libertés individuels). En effet, une étude de la commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) a mis en évidence sur l’année 2008 que le procureur
français était en Europe investi des charges les plus lourdes, et doté, pour les assurer, des
moyens les plus faibles. Le nombre de magistrats pour 100.000 habitants est en France de 4
alors qu'il est de 10 en moyenne dans les autres pays européens.
Les procureurs de la République alertent le législateur, le gouvernement, ainsi que
l’ensemble de leurs concitoyens sur la gravité d’une situation qui ne leur permettra plus, avec
leur équipes d’accomplir sérieusement leurs missions, s’il n’y est pas d’urgence remédié par
une réforme de leur statut, une stabilisation autoritaire, et l’affectation de moyens humains,
matériels, et financiers.
La Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) est une association
créée il y a une dizaine d'années pour permettre la réflexion des procureurs et porter leur
parole. Son président, Robert Gelli, est procureur de Nîmes. La résolution a été signée à ce
jour par les trois quarts des procureurs de France.
C – L’UE remet en cause le statut du Procureur de la
République français
1) La Convention européenne des droits de l’homme
La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, plus
connue sous le nom de « Convention européenne des droits de l’homme », a été ouverte à la
signature à Rome le 4 novembre 1950 et est entrée en vigueur le 3 septembre 1953. La
Convention a concrétisé certains des droits et libertés inscrits dans la Déclaration universelle
des droits de l’homme et créé une juridiction internationale compétente pour condamner les
Etats ne respectant pas leurs engagements.
Les Etats ayant ratifié la Convention, qu’on appelle aussi «Etats parties à la
Convention», reconnaissent et garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques non
seulement à leurs ressortissants, mais également à toute personne relevant de leur juridiction.
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La Convention garanti notamment le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au
respect de la vie privée et familiale, la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience
et de religion, le droit au respect de ses biens. Elle interdit notamment la torture et les peines
ou traitements inhumains ou dégradants, l’esclavage et le travail forcé, la détention arbitraire
et illégale, et les discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la
Convention.
La Convention peut évoluer grâce à l’interprétation de ses dispositions par la Cour.
Avec sa jurisprudence, la Cour fait de la Convention un instrument vivant, elle a ainsi élargi
les droits garantis et a permis leur application à des situations qui n’étaient pas prévisibles lors
de l’adoption de la Convention.
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2) La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)
La Cour européenne des droits de l'homme (aussi appelée CEDH ou Cour de
Strasbourg) est un organe juridictionnel supranational créé en 1959 par la Convention
européenne des droits de l'homme, dans le cadre du Conseil de l'Europe. Son siège, depuis le
1er novembre 1998, est fixé à Strasbourg.
La Cour est composée d’un nombre de juges égal à celui des Etats parties à la
Convention (47 juges à ce jour). Les juges sont élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe, à partir de listes de trois noms proposées par chaque Etat. Ils sont élus pour un
mandat de neuf ans non renouvelable. Si les juges sont élus au titre d’un Etat, ils siègent à
titre individuel et ne le représentent pas. Ils sont totalement indépendants et ne peuvent
exercer aucune activité incompatible avec leur devoir d’indépendance et d’impartialité.
La composition de la Cour peut varier d’une affaire à l’autre, elle peut siéger dans
quatre formations principales différentes. Les requêtes manifestement irrecevables sont
examinées par un juge unique. Un comité de 3 juges peut rendre à l’unanimité une décision de
recevabilité et statuer sur le fond d’une affaire qui a fait l’objet d’une jurisprudence bien
établie de la Cour. Une requête peut également être attribuée à une chambre de 7 juges qui se
prononce à la majorité, le plus souvent sur la recevabilité et le fond de l’affaire. Dans des cas
exceptionnels, la Grande Chambre de 17 juges examine les affaires qui lui sont déférées soit à
la suite d’un dessaisissement par une chambre, soit lorsqu’un renvoi de l’affaire est accepté.
17
La Cour ne peut pas se saisir d’office. Elle est compétente pour statuer sur les
allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme et doit pour ce
faire être saisie de requêtes individuelles ou interétatiques. Ainsi, la Convention distingue
deux types de requêtes : les requêtes individuelles, introduites par un individu, un groupe
d’individus ou une organisation non gouvernementale estimant que leurs droits ont été violés,
et les requêtes interétatiques, introduites par un Etat contre un autre Etat.
De 1959 à 2009, la France a été condamnée 576 fois sur 773 arrêts. Elle est au 7ème
rang des pays les plus condamnés après la Turquie, l'Italie, la Russie, la Pologne, l'Ukraine et
la Roumanie.
3) La CEDH remet en cause le statut du procureur français
Depuis quelques années, la CEDH porte une attention particulière sur l’indépendance
des magistrats et plus précisément sur celle des magistrats du parquet, le statut des procureurs
français est hybride : ils sont à la fois indépendants et soumis hiérarchiquement. C’est ce
statut qui est remis en cause par la jurisprudence de la Cour.
Prenons pour exemple l’affaire Medvedev. C’est dans le cadre d’une coopération
intergouvernementale contre le trafic de stupéfiants, que le Winner battant pavillon
cambodgien est intercepté et contrôlé au large du cap vert par la marine française qui trouve
une importante quantité de cocaïne à son bord. Après consignation des marins dans les
cabines du Winner, le navire est amené au port de Brest au cours d’un voyage de 13 jours et à
l’arrivée duquel les marins sont placés en garde à vue. Une partie de ces marins avaient
introduit une requête devant la Cour pour avoir été victimes d'une privation arbitraire de
liberté par les autorités françaises et pour ne pas avoir été aussitôt traduits devant un juge ou
un autre magistrat habilité par la Loi à exercer des fonctions judiciaires.
Après avoir examiné la conformité de la procédure mise en œuvre par la France quant à
la nécessité de placer les conditions de la privation de liberté sous le contrôle de l’autorité
judiciaire, la Cour européenne des droits de l’Homme avait estimé, dans son arrêt rendu le 10
juillet 2008, pour condamner l’Etat français sur le fondement de l’article 5§1 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,
que le parquet français ne saurait être considéré comme une « autorité judiciaire » au sens de
la Convention, « car il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif
pour pouvoir être ainsi qualifié ».
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La CEDH remet en cause la conception française de l’autorité judiciaire de manière très
explicite.
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Conclusion
In fine, la question se pose de savoir comment le droit en France va s’adapter à la
demande d’indépendance des procureurs de la République ?
En effet, leur statut, leurs pouvoirs, leurs fonctions et leurs attributions sont clairement
définis. Cependant, le projet de réforme de la procédure pénale consacre un accroissement du
pouvoir du parquet au détriment du juge du siège (juge d’instruction) et des juges de fond.
De plus la médiation pénale, permettant qu’une peine soit négociée avec le parquet (s’il
s’agit d’un premier délit), favorise un transfert de pouvoirs aboutissant à un résultat
surprenant en France, soit, que près de la moitié des mesures répressives sont décidées par le
Parquet.
Au niveau Européen, Le 29 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'Homme
rappelle que, pour être qualifié d'autorité judiciaire, le magistrat compétent « doit présenter les
garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties ». Ce rappel est un
sérieux avertissement et confirme que la réforme du statut du parquet est inéluctable.
Enfin, les procureurs de la République parviennent à prouver que l’image de leur
fonction est altérée par leur dépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Ils conduisent la
politique pénale générale et sont à l’origine d’une partie de la jurisprudence. Par exemple,
l’usage de stupéfiant n’est pas punit grâce aux substituts qui, depuis des années, requièrent la
relaxe.
En tant que magistrats et garants des droits et libertés individuelles, les procureurs de la
République appellent à la mise à niveau de leur statut, par un renforcement des pouvoirs du
Conseil supérieur de la magistrature pour leur nomination et le contrôle de l’exercice de leurs
fonctions, afin de répondre aux nécessités d’une justice impartiale, et de permettre d’établir la
confiance des citoyens.
20
Bibliographie & Webographie
BIBLIOGRAPHIE :
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Auteurs : Jean-Marc Auriac et Claude Lobry
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Dépôt légal : octobre 2008
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