LES AUTEURS D`AGRESSIONS SEXUELLES : ÉLEMENTS DE

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LES AUTEURS D`AGRESSIONS SEXUELLES : ÉLEMENTS DE
LES AUTEURS D’AGRESSIONS SEXUELLES :
ÉLEMENTS DE COMPREHENSION
Dr Sophie BARON LAFORET
CH Thuir. 66 301.
A.R.T.A.A.S.
Compréhension : du monstre à l'humain
Comment faire exister ces personnes dans leurs actes pour
pouvoir les rencontrer.
Le premier pré supposé étant de pouvoir reconnaître ces actes
comme appartenant à de l'humain.
Dépasser des lectures simplistes de la délinquance : le
délinquant se voit, se reconnaît comme différent comme un
alien.
Oser rencontrer, s'intéresser à une personne auteur d'infraction à
caractère sexuel : c'est le défi aux professionnels qui s'y
confrontent une fois les actes nommés socialement.
1. Repères psychiatriques
2. Agression sexuelle et perversion
la place de la violence et de la destructivité
3. Classification de Groth
4. Éléments d'anamnèse
Recherche DGS/C Balier, A Ciavaldini, M Girard
Khayat/ARTAAS 1995
Conférence de consensus en 2001
2. Repères psychiatriques
Impossible d’isoler des groupes cliniques spécifiques
et de distinguer des types de personnalité ou de
fonctionnement psychique selon les types d'actes commis
par exemple, les pédophiles intra et extra familiaux,
les auteurs de viol, etc…
Tous les experts notent un polymorphisme clinique des conduites
déviantes et infinité diversité des configurations psychopathologiques.
Pathologies peu spécifiques :
État dépressif,
Alcoolisme,
Tr de l'adaptation, du contrôle
Quelle structure de personnalité ?
Souvent immaturité, voire intelligence limite,
aménagements psychopathiques…
Leur lien avec le comportement déviant doit être
questionné.
AGRESSION SEXUELLE ET PERVERSION?
Les termes de perversions sexuelles ou personnalités perverses ne sont pas
utilisés dans les classifications internationales, CIM 10 et DSM IV.
Dans la CIM10/ICD10, on les retrouve dans les
"Troubles de la personnalité et du comportement chez l'adulte".
catégorie F60-F69, avec les "troubles de la préférence sexuelle" F-65,
l'exhibitionnisme, F65.2, la pédophilie, F65.4.
Dans le D.S.M.IV dans les
"Troubles sexuels et Troubles de l'identité sexuelle",
Sont différenciées les Paraphilies, avec l'exhibitionnisme F65.2, le Fétichisme
F65.0, la Pédophilie F65.4, Le masochisme sexuel F65.5, le Sadisme sexuel
F65.5,
Il faut être attentif au vocabulaire et différencier
-les perversions sexuelles,
-les perversions,
-la perversité ou le champ pervers.
PERVERSION SEXUELLE : déviation par rapport à l'acte
sexuel "normal" ….
quand l'orgasme est obtenu avec d'autres objets sexuels …ou
par d'autres zones corporelles ou subordonné de façon
impérieuse à certaines conditions
extrinsèques
(fétichisme,
transvestisme,
voyeurisme,
exhibitionnisme, sadomasochisme) celles-ci peuvent même
apporter à elles seules le plaisir sexuel.
C BALIER différencie
La PERVERSION SEXUELLE construite sur un
scénario sexuel ludique
La PERVERSITE SEXUELLE qui utilise le recours à
l'acte sexuel violent et le clivage du moi pour éviter l'entrée
dans la psychose.
La perversité : représentation de soi fondée sur
la destruction physique et psychique de l’autre.
VIOLENCE ET DESTRUCTIVITE > SEXUEL
Un point fait l’accord des experts de la conférence de
consensus sur les auteurs de violences à caractère sexuel :
ces troubles du comportement sexuel correspondent moins à
des troubles de la sexualité qu’à des solutions
défensives vis-à-vis d’angoisses majeures concernant
le sentiment identitaire,
elles mêmes consécutives à des carences fondamentales de
l’environnement primaire au cours de la petite enfance.
La problématique de la violence, au sens de la destructivité
de l'autre, de l'altérité, est au-devant d'une problématique
sexuelle.
Le recours à la sexualité déviante est une tentative de solution,
de recours par rapport au déficit narcissique consécutif à
l’absence d’images parentales suffisamment bonnes dans le
monde psychique interne.
La notion de PERVERSION au sens de fonctionnement
psychique, fait référence à la relation d'emprise (R. Dorey)
au besoin de contrôler l'autre, de l'annuler dans la
relation, une action d'appropriation par dépossession, une
empreinte gravée sur l'autre.
Les traits pervers font obstacle à la relation : malaise de
l'interlocuteur qui a du mal à identifier ce qui l'envahit face à
un discours qui apparaît cohérent, fascination parfois,
banalisation de ce qu'il a pu faire subir à l'autre.
L'emprise vise la destructivité qui entame la capacité à
penser, à exister.
DENI DE L'ALTERITE
Le déni de l'altérité, de reconnaître l'autre dans sa différence, son altérité, est
retrouvé dans des proportions plus ou moins importantes mais toujours présente.
Hypothèses psychodynamiques :
troubles graves du narcissisme, fragilité du
sentiment de continuité identitaire, menace
d’effondrement narcissique, liés à des angoisses
majeures d’altération voire de disparition de la
représentation de soi.
Les experts d’orientation psychodynamique parlent de
« champ pervers ».
Ils différencient : `
-les conduites dominées par une
d’immaturité et une dimension névrotique
composante
ACTES CONTINGENTS : fonctionnement
névrotique, psychopathique, état limite,
mental,
-et ceux qui prennent une place centrale dans
l’économie psychique globale.
ACTES PREVALENTS : mode d'expression défensif
privilégié : angoisse de castration, de mort,
d'anéantissement
Registre de la perversité.
A l’extrême, « les perversités narcissiques », dont
l’organisation défensive est fondée sur le déni,
l’expulsion et la projection immédiate sur autrui de
toute blessure susceptible d’altérer une représentation de
soi invulnérable et sans faille.
TYPOLOGIE
Utile pour penser la singularité de la situation, situer l'acte
dans ce qu'il met en scène
Éléments partageables
Degré et signification de l'agression,
Attitudes irrationnelles, compétence sociale,
Volonté de contrôle ou de domination,
Présence de désinhibiteurs
Les classifications classiques étant peu opérantes, des auteurs
ont proposé des classifications pour penser la singularité de la
situation, situer l'acte dans ce qu'il met en scène basées sur le
degré et signification de l'agression, la volonté de contrôle ou
de domination, les attitudes irrationnelles, la compétence
sociale,
Elles permettent d'avoir des éléments partageables entre
professionnels.
La pratique m'a fait suivre André Mc KIBBEN dans l'intérêt
pour la classification de GROTH qui différencie des types
de fonctionnement selon la relation entre l'agresseur et la
victime : les termes ne renvoient pas à des définitions légales
des faits.
Classification de Groth
Agression sexuelle sur enfant
Attentat à la pudeur
Fixation Régression
Viol
Colère
Puissance Sadisme
Dans attentat à la pudeur, l'auteur obtient ce qu'il veut
de la victime par la persuasion, la séduction ; il propose
à la victime un pseudo-rapprochement, une pseudorelation.
Deux sous-catégories dans cette première catégorie de
l'attentat à la pudeur :
La fixation, avec une préférence sexuelle pour les
enfants. Peu de desinhibiteurs utilisés en général. Les
contacts avec les adultes sont limités ou formels.
L'auteur se méfie des adultes et idéalise le monde de
l'enfance comme un monde sans agressivité,
compréhensif, sincère…
La régression : les délits apparaissent à une période de
la vie, en série ils sont limités dans le temps, dans un
contexte
d'échec, de perte et la présence de desinhibiteurs est
fréquente.
Dans la catégorie viol, l'agresseur utilise les menaces,
l'intimidation, la force physique.
L'enfant est le réceptacle de l'hostilité ou de désir de
domination, soumission de l'agresseur.
Il distingue ensuite 3 sous catégories :
La colère : l'agression est commise pour se venger des
injustices qu'il estime avoir subies. Il utilise des
obscénités, des injures, et plus de force que nécessaire
pour maîtriser les victimes.
La puissance : il veut être maître de la situation, qu'on
lui obéisse et n'utilise pas plus de force que nécessaire
pour contrôler leur victime. Il donne des ordres, dirige
l'échange, interroge la victime sur sa vie personnelle….
Le sadisme : selon un rituel précis la victime est
enlevée, agressée. La douleur, les cris de la victime et sa
terreur suscitent l'excitation.
ÉLEMENTS D'ANAMNESE
Place du traumatisme
La place du traumatisme dans leur histoire et leur
devenir :
l’abuseur a souvent été lui-même victime d’agression
sexuelle ou de maltraitances physiques.
Il n'y a pas de caractère inéluctable de la répétition, ni lien de
causalité direct entre les faits subis et le délit ou crime
commis. Mais cette notion ne peut être trop vite ramenée à un
but utilitaire. Le traumatisme vécu, s'il n'a pas été cicatrisé,
devra faire l'objet d'un soutien spécifique comme avec une
victime. C'est souvent le cas quand le traumatisme n'a pas été
partagé ou fait l'objet d'une reconnaissance sociale. Sa
connaissance peut amener à évaluer des disfonctionnements
familiaux et peut retentir sur une faible empathie pour la (les)
victime (s).
1/3 ont eu d'autres comportements délictueux le plus souvent
non judiciarisés,
1/2 les comportements sexuels transgressifs sont
apparus à l'adolescence.
Leur insertion sociale est bien meilleure que celle d'auteurs de
violences non sexuelles, alors qu'ils ont un plus faible niveau
scolaire. Il s'agit plus d'une capacité de modelage que d'une
réelle intégration.
1/2 ne perçoit pas le lien entre l'acte commis, l'incarcération
ou les conséquences sur les victimes.
2/3 se sentent victimes des évènements.
Parmi les agressions sexuelles initiées par des ADOLESCENTS,
une place particulière doit être faite aux viols en réunion :
phénomène identitaire de groupe (et pas de tr spécifiques des
conduites sexuelles)
la population des enfants et adolescents auteurs d’agression
sexuelle est hétérogène
Fréquent usage de la force ou de la menace, il peut s’agir d’un
accident de parcours dans le développement psychosexuel ou de la
première manifestation d’une conduite récurrente à l’âge adulte.
LES FEMMES AGRESSEURS SEXUELS
Étude au CP de Rennes
Svt plusieurs motifs de condamnation associés : complicité
d'agression sexuelle avec corruption de mineur, viol ou
complicité de viol avec non-dénonciation de crime ou
initiation de mineur à la débauche.
3/4 des victimes sont les enfants légitimes de la mère
auteur.
Niveau scolaire très bas.
Peu d'ATCD psychiatriques (1/3) : alcoolisme, dépression,
TS, toxicomanie
Près de la moitié font état de maltraitance dans
l'enfance : violences, alcoolisme des parents, viols.
Le déni est moins fréquent :
64 %reconnaissent tout ou partie de l'infraction. 36 % nient
totalement les actes.
ATCD de carences affectives éducatives et sociales.
Vie sexuelle chaotique.
Dépendance vis à vis du compagnon, attitude souvent passive
docile, voire résignée.
Difficulté à situer leur place de femme et de mère, trouble de
l'identité sexuée et de l'image du rôle maternel.
Incapacité à poser des limites ou des interdits.
LE SYSTEME FAMILIAL INCESTUEUX
Perversité
Clivage permettant une bonne insertion sociale
Déni de la différence des générations
Souvent déni de la vieillesse, de la mort, du temps
Déni de la différence des sexes et des rôles sexuels
Désaveu de la loi symbolique, toute puissance
Alcoolisme et dépression fréquents
Famille abandonnique qui vit sous l'emprise des
angoisses de perte et d'abandon
Lien paradoxal par exemple dans le choix du partenaire
qui protège contre l'abandon et répète l'abandon.
Référence au corps, soins corporels…
L'existence d'un corps individuel est menaçant pour
l'équilibre familial, c'est sur le corps que se jour
l'emprise.
3. Le tyran familial
4. Fonctionnement pedophilique
5. Passivité et abandonnisme
3. Le tyran familial
Domination de la violence,
Rigidité du système familial
Répétition générationnelle fréquente
Dénégateurs farouches
2.Fonctionnement pédophilique
Meilleure insertion sociale,
Familles violentes avec ruptures précoces d'attachement
Demandeurs de soins, soulagés par l'arrestation
Épisodes dépressifs graves, TS.
3.Passivité et abandonnisme
Se vivent comme le jouet des évènements et des
personnes
Répression des affects
Fonctionnement abandonnique avec dépressions et
alcoolisations voire alcoolisme.
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