caractéristiques des céphalées associées aux malformations
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caractéristiques des céphalées associées aux malformations
© Masson, Paris, 2001 Neurochirurgie, 2001, 47, n° 2-3, 177-183 Histoire naturelle des MAVc CARACTÉRISTIQUES DES CÉPHALÉES ASSOCIÉES AUX MALFORMATIONS ARTÉRIO-VEINEUSES CÉRÉBRALES MAY GHOSSOUB, FRANÇOIS NATAF, LOUIS MERIENNE, BERTRAND DEVAUX, BARIS TURAK, FRANÇOIS-XAVIER ROUX Service de Neurochirurgie, Centre Hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris Cedex 14. SUMMARY : Characteristics of headache associated with cerebral arteriovenous malformations MAY GHOSSOUB, FRANÇOIS NATAF, LOUIS MERIENNE, BERTRAND DEVAUX, BARIS TURAK, FRANÇOISXAVIER ROUX (Neurochirurgie, 2001, 47, 177-183). Background and purposes. The purpose of this study was to identify the specific characteristics of headaches associated with cerebral arteriovenous malformations in order to differentiate them from other known entities of headaches such as migraine, cluster headache, and trigeminal neuralgia. This differentiation allows an early diagnosis of cAVM and a treatment to be administrated before any cerebral hemorrhage. Patients and methods. The study included 700 patients with cAVM and treated by radiosurgery. Out of this series, only 109 (48 males, 61 females, mean age of 33) presented with headaches. Headaches were studied as a possible revelation mode of a cAVM, either as an isolated sign, preceding an epileptic seizure, a cerebral hemorrhage, or associated with a neurological deficit. Analysis concerned 13 clinical parameters and 30 anatomic parameters based on angiography. Results. Headaches were found in 15.6 % ; they were isolated in 6%. They preceded a cerebral hemorrhage in 12.6 %, constituting an early alarm signal when increasing in intensity, frequency and duration. They were associated with seizures or a neurological deficit in 9.6 %. We found a predominant female sex-ratio (0.78) and occurrence at a young age (72.3 % between 10 and 40 years). Headaches were non-pulsating in 95.3 % ; nausea, vomiting, light or sound phobia were only found in 4.7 %. Headaches were unilateral and homolateral to the malformation in 80 %, corresponding to the malformation topography in 97.4 % in posterior location and 80 % in anterior location. Associated neurological symptoms existed in 20.2 % ; related to the malformation and lasting 5 to 30 minutes. Duration of pain episodes was less than 3 hours in 77 % with a frequency of 1 to 2 per month in 82.5 %. Pain was mild and responded to simple analgesics. A family migraine was found in only 3 patients. The angiographic characteristics of the Tirés à part et correspondance : M. GHOSSOUB, voir adresse ci-dessus. RÉSUMÉ Buts. Le but de l’étude est d’essayer d’identifier les caractéristiques spécifiques des céphalées associées des malformations artério-veineuses cérébrales (MAVc) et les différencier des céphalées connues comme la migraine, l’algie vasculaire de la face et la névralgie faciale, afin d’aider à établir précocement le diagnostic et proposer un traitement adapté avant la survenue d’une hémorragie cérébrale. Matériel et méthodes. L’étude porte sur 700 patients présentant une MAVc et traités par radiothérapie multifaisceaux. 109 patients dont 48 hommes et 61 femmes, d’âge moyen 33 ans, présentent des céphalées. Les céphalées sont étudiées comme mode de révélation isolé des MAVc ou comme signe précédant les crises d’épilepsie, une hémorragie cérébrale ou associé à un déficit neurologique. Treize paramètres cliniques et 30 anatomiques de la MAVc étudiés par angiographie ont été analysés. Résultats. Les céphalées sont retrouvées dans 15,6 % des MAVc ; elles sont isolées dans 6 % des cas, précèdent une hémorragie cérébrale dans 12,9 % des cas constituant un signal d’alarme précédant ou sont associées aux crises d’épilepsie ou à un déficit neurologique dans 9,6 % des cas. Nous retrouvons une prédominance du sexe féminin (sex-ratio 0,78), l’apparition à un jeune âge (72,3 % entre 10 et 40 ans). Les céphalées sont non pulsatiles dans 95,3 % des cas ; les nausées, vomissements, photophobie et phonophobie ne sont retrouvés que dans 4,7 % des cas. Les céphalées sont unilatérales et ipsilatérales à la MAVc dans 80 % des cas, suivent la topographie de la MAVc dans 97,4 % des MAVc postérieures et 80 % des MAVc antérieures. Les signes neurologiques associés sont présents dans 20,2 % des cas, sont en rapport avec la MAVc et durent entre 5 et 30 mn. Les épisodes douloureux sont < 3 h dans 77 % des cas, de fréquence à 1-2/mois dans 82,5 % des cas. Les douleurs sont modérées et répondent aux antalgiques simples. Une migraine familiale n’est retrouvée que chez 3 patients. Les caractéristiques angiographiques des MAVc associées aux céphalées sont les affé- 178 MAY GHOSSOUB et al. malformations were meningeal afferences, superficial venous drainage and posterior location. Conclusions. Headaches associated with cerebral arterio-venous malformations form a distinct category that can be determined from specific characteristics ; this should help an early diagnosis of cerebral arterio-venous malformations in order to start a treatment before the occurrence of cerebral hemorrhage. Key words: cerebral arteriovenous malformations, headache, radiosurgery. Les céphalées sont classiquement retrouvées dans les études concernant les malformations artério-veineuses cérébrales (MAVc), cependant leur analyse séméiologique reste rare dans la littérature. Nous avons essayé de dégager les caractéristiques spécifiques de ces céphalées. La liaison de ces céphalées avec la MAVc est rattachée d’une part à leur ipsilatéralité, et d’autre part à leur disparition après traitement partiel ou complet de celle-ci. Cependant les céphalées des MAVc ne forment pas un groupe bien défini mais sont souvent tantôt décrites comme des « migraines atypiques » ou des « algies vasculaires atypiques » ou même comme des « céphalées dues à des perturbations vasculaires ». L’objectif de notre étude a été d’individualiser les caractéristiques cliniques communes de ces céphalées associées aux MAVc afin de les différencier des autres céphalées comme la migraine, l’algie vasculaire de la face et la névralgie du trijumeau. Nous avons tenté de déterminer si les céphalées peuvent constituer un facteur annonciateur d’une hémorragie cérébrale. Nous avons, également, cherché à savoir s’il existait des corrélations entre l’anatomie de la MAVc et ces céphalées. MATÉRIEL ET MÉTHODE L’étude a porté sur 700 patients présentant une MAVc et suivis après traitement par radiochirurgie (RC) entre janvier 1984 et décembre 1998. Cette population comportait 406 hommes (58 %) et 294 femmes (42 %) (sex-ratio = 1,4). L’âge au moment de la RC allait de 6 à 68 ans (moyenne : 33 ans). Le groupe des céphalées comportait 109 patients dont 48 hommes et 61 femmes (sex-ratio 0,78). Les données rétrospectives ont été recueillies à partir de dossiers cliniques, ou par l’interrogatoire direct du patient et de son entourage lors de son hospitalisation pour le traitement par RC. Les céphalées ont été analysées soit comme mode de révélation soit comme un signe clinique précédant chez certains patients une hémorragie cérébrale, des crises d’épilepsie ou un déficit neurologique progres- Neurochirurgie rences méningées, le drainage veineux superficiel exclusif et la topographie postérieure. Conclusions. Les céphalées des MAVc forment une entité différente des céphalées habituelles. Les caractéristiques retrouvées dans cette étude doivent faire évoquer le plus précocement le diagnostic de MAVc afin de proposer un traitement avant la survenue d’une hémorragie cérébrale. Mots-clés : malformations artério-veineuses cérébrales (MAVc), céphalées, radiothérapie multifaisceaux. sif. En revanche, les céphalées survenant à l’occasion ou à la suite d’une hémorragie cérébrale ont été écartées de l’étude. Les céphalées associées aux crises d’épilepsie n’ont été retenues que lorsqu’elles survenaient séparément chez le même patient. Ces céphalées précédaient les crises d’épilepsie mais n’orientaient pas vers un diagnostic étiologique. L’analyse séméiologique précise des caractéristiques des céphalées a été réalisée en étudiant : l’âge d’apparition, le type de douleur, la présence de nausées et de vomissements, la présence de photophobie ou phonophobie, de catarrhe nasal ou de sécrétion lacrymale, les signes neurologiques associés, l’existence d’éventuels facteurs déclenchants ou un rapport avec le cycle menstruel, la présence d’horaire précis, la topographie ainsi que la latéralisation des céphalées par rapport à la MAVc, la durée des céphalées, leur fréquence, leur réponse aux traitements médicamenteux, leur durée d’évolution avant le traitement par RC, la présence de migraine familiale a été recherchée. Les caractéristiques anatomiques des MAVc présentant des céphalées ont été revues de façon rétrospective par deux lecteurs, à la recherche de 30 paramètres angiographiques. Dans tous les cas une angiographie en conditions stéréotaxiques avec un coefficient d’agrandissement de 1,045 était disponible. Les paramètres concernaient les caractéristiques des afférences, du nidus et du drainage de la malformation. Pour les afférences, les signes recherchées sont les suivants : dilatations, disparités de calibre, sinuosités, anévrismes, anomalies artérielles, vol artériel, recrutement, afférences méningées, nombre d’afférences, nombre de systèmes afférents. Pour le nidus, l’étude a analysé la topographie, le type de fistule, la taille, le volume et la topographie sectionnelle. Pour les efférences, les éléments étudiés ont été les suivants : dilatation, sinuosités, plicature, confluence, hypoplasie d’un sinus, réduction de la lumière d’un sinus, reflux, sténose, ectasie, recrutement, anomalies veineuses, rapport du nombre des systèmes afférents/efférents, topographie du drainage, nombre de veines de drainage, nombre de systèmes de drainage. Deux cent cinquante patients ont bénéficié d’un traitement endovasculaire au préalable et 60 patients ont été opérés. 17 patients ont bénéficié des deux traitements avant la RC. Vol. 47, n° 2-3, 2001 LES CÉPHALÉES ASSOCIÉES AU MAVc RÉSULTATS CÉPHALÉES (figure 1) RÉVÉLANT OU NON LA Céphalées, épilepsie et hémorragie (4 cas) 3,66 % Céphalées, épilepsie et déficit progressif (1 cas) 0,91 % MAVc Céphalées et déficit progressif (1 cas) 0,91 % Céphalées isolées (43 cas) 39,44 % Céphalées et épilepsie (29 cas) 26,6 % Céphalées et hémorragie (31 cas) 28,44 % FIG. 1. — Présence de céphalées comme signe clinique isolé ou associé à d’autres symptomes. FIG. 1. — Distribution of headaches alone or associated with other symptoms. Parmi les 700 patients étudiés, outre les céphalées révélatrices de la MAVc chez 43 patients (6 %), les signes révélateurs étaient l’hémorragie cérébrale chez 383 patients (54 %), les crises d’épilepsie chez 210 patients (30 % des cas) et un déficit neurologique progressif chez 21 patients (3 %). Dans 35 cas (5 %) la découverte de la MAVc a été fortuite. Pour 4 patients une MAVc a été recherchée en raison de la présence d’angiome rétinien et cutané, deux patients présentaient un souffle intracrânien, un patient un hémispasme facial et un patient une hypertension intracrânienne. Les céphalées ont été retrouvées comme signe clinique isolé ou associé à une autre symptomatologie clinique chez 109 patients (15,6 %) (figure 1) . Les céphalées isolées, révélant la MAVc ont été retrouvées chez 43 patients (39,4 %) ; les céphalées précédant une hémorragie cérébrale ont été retrouvées chez 31 autres (28,4 %). Chez 4 d’entre eux les céphalées s’étaient modifiées 6 mois ou 1 an avant la survenue de cette hémorragie, augmentant d’intensité et de fréquence (passant de 1 épisode/mois à 3 épisodes par semaine). Chez un patient les céphalées avaient disparu après l’hémorragie cérébrale et avant le traitement par RC. Les céphalées étaient associées aux crises d’épilepsie chez 29 patients (26,6 %). Il s’agissait bien de deux signes cliniques survenus séparément chez le même patient. Les céphalées précédaient souvent les crises d’épilepsie sans orienter vers le diagnostic de MAVc. Chez 4 patients (3,7 %) nous avons retrouvé des céphalées précédant des crises d’épilepsie avant qu’une hémorragie cérébrale ne révèle la MAVc. Chez un patient (0,9 %) les céphalées étaient associées à un déficit neurologique progressif, et chez un autre (0,9 %) les céphalées étaient associées à des crises d’épilepsie et à un déficit neurologique progressif. ÂGE D’APPARITION (figure 2) DES CÉPHALÉES (N = 95) Dans 72,3 % des cas les céphalées sont apparues entre 10 et 40 ans, avec un pic de 10 à 19 ans. DESCRIPTION (N = 64) DES DOULEURS ET SIGNES ASSOCIÉS La douleur était décrite comme une sensation de lourdeur, de pesanteur, de pincement, d’étau et de serrement chez 61 patients (95,3 %). La douleur était pulsatile chez 3 patients. Les signes associés à type de nausées, vomissements, photophobie et phonophobie ont été 35 Nombre de patients 31 FIG. 2. — Âge d’apparition des céphalées (n = 95). FIG. 2. — Distribution of headache by age (n = 95). 30 25 21 20 17 15 10 10 9 5 5 2 0 0-9 179 10-19 20-29 30-39 Âge 40-49 50-59 60-69 180 MAY GHOSSOUB et al. Neurochirurgie retrouvés chez ces 3 patients. Aucun ne présentait de catarrhe nasal ni de sécrétion lacrymale. Des signes neurologiques précédant la douleur ont été retrouvés chez 22 patients (20,2 %) : 15 patients (14,7 %) ont présenté des troubles visuels controlatéraux à la MAVc, à type de phosphènes ou d’hémianopsie latérale homonyme ; 5 patients (4,5 %) ont présenté des troubles sensitifs de l’hémicorps controlatéral ; 2 patients (1,8 %) ont présenté des troubles du langage. La durée de ces signes neurologiques variait de 5 à 30 minutes. FACTEURS TOPOGRAPHIE DES MAVc PRÉSENTANT DES CÉPHALÉES (N = 109/700) (figure 3) 4% 10 % 26 % 60 % DÉCLENCHANTS Les douleurs sont apparues lors d’une activité sportive chez 2 patients, et survenaient lors de la période péri-menstruelle chez une patiente. TOPOGRAPHIE DES CÉPHALÉES ASSOCIÉES (N = 87) ET DES MAVc Soixante-dix patients (80 %) présentaient des douleurs unilatérales, 10 (11,8 %) des douleurs bilatérales, 7 (8,2 %) des douleurs diffuses. Parmi ces 70 patients ayant présenté des douleurs unilatérales, 39 (57,3 %) avaient une douleur postérieure et homolatérale à la MAVc : il s’agissait d’une MAVc postérieure chez 38 d’entre eux (10 temporo-pariéto-occipitales, 7 occipitales, 6, 4 pariéto-occipitales, 4 temporales, 3 temporooccipitales, 2 temporo-pariétales, une MAVc thalamique postérieure et une choroïdienne postérieure). Un seul patient de ce groupe présentait une MAVc frontale antérieure ; 17 patients (25 %) avaient des hémicrânies homolatérales à la MAVc dont la topographie était également souvent postérieure (4 temporales, 4 temporopariéto-occipitales, 3 thalamiques, 2 sylviennes, une pariéto-occipitale, une occipitale, une cérébelleuse et une capsulo-thalamo-lenticulaire) ; 9 patients (13,2 %) avaient une douleur périorbitaire homolatérale à la MAVc (2 calleuses, deux frontales, une rolandique, une temporale, une choroïdienne et deux occipitales) ; 5 patients (7,3 %) avaient une douleur frontale antérieure également homolatérale à la MAVc (2 frontales, 2 rolandiques et une temporale). Parmi les 10 patients ayant présenté une douleur bilatérale, 5 patients (4,6 %) avaient une douleur périorbitaire correspondant à 2 MAVc calleuses, 1 frontale et 2 rolandiques ; 5 patients (4,6 %) avaient une douleur frontale antérieure avec 2 MAVc temporales, 1 pariéto-occipitale, une thalamique et une cérébelleuse. Enfin, 7 patients présentaient des douleurs diffuses correspondant à 1 MAVc temporo-pariétooccipitale, 1 temporale, 1 pariéto-occipitale, 1 sylvienne, 1 temporo-frontale et 2 cérébelleuses. Topographie postérieure Topographie antérieure Localisation profonde Fosse postérieure FIG. 3. — Répartition de la fréquence des céphalées selon la topographie de la MAVc. FIG. 3. — Headache frequency : distribution by location of cAVM. La topographie postérieure de la MAVc prédominait chez 66 patients sur 109 (60,5 %), la topographie antérieure chez 28 d’entre eux (25,7 %), 11 patients (10,1 %) présentaient 1 MAVc profonde et 4 (3,7 %) 1 MAVc de la fosse postérieure. La MAVc était située à droite chez 51 patients, à gauche chez 50 autres et médiane chez 8. DURÉE DES ÉPISODES CÉPHALALGIQUES (N = 61) Les céphalées n’excédaient pas 3 heures chez 47 patients (77 %) : 15 à 30 minutes chez 11 patients, et 2 à 3 heures chez 36 patients. Elles peristaient 24 heures chez 12 patients (19,7 %) et 72 heures chez deux autres (3,3 %). Chez ces deux derniers patients étaient migraineux connus. FRÉQUENCE (N = 57) DES ÉPISODES CÉPHALALGIQUES La majorité des patients (47 : 82,4 %) présentaient un à deux épisodes par mois. Les céphalées étaient quotidiennes chez un patient (0,7 %), survenaient avec une fréquence d’un épisode par an chez trois patients (5,3 %). 6 patients (10,5 %) ont présenté un seul épisode céphalalgique. Vol. 47, n° 2-3, 2001 INTERVALLE 1res CÉPHALÉES LES CÉPHALÉES ASSOCIÉES AU MAVc – RC (N = 73) Cet intervalle était de : 6 mois à 1 an chez 14 patients (19,2 %), 2 à 5 ans chez 12 patients (16,4 %), 5 à 10 ans chez 12 autres (16,4 %), 10 à 15 ans chez 14 patients (19,5 %), 15 à 20 ans chez 10 patients (13,7 %), 20 à 30 ans chez 11 patients (15,1 %). CARACTÉRISTIQUES ANGIOGRAPHIQUES Les paramètres anatomiques associés de façon significative aux céphalées étaient la présence d’une topographie postérieure (p = 0,03), d’afférences méningées (p = 0,001) et d’un drainage veineux superficiel exclusif (p = 0,028). DISCUSSION Les céphalées sont reconnues depuis longtemps comme une symptomatologie classique associées aux MAVc. Cependant, jusqu’à maintenant, elles ne constituent pas une incitation suffisante à réaliser des investigations pour faire le diagnostic d’une MAVc. Dans notre série de 700 patients, les céphalées n’ont permis de révéler la MAVc que chez 43 patients (6,1 %) alors qu’elles étaient présentes chez 109 d’entre eux (15,6 %). Il a fallu attendre chez les 66 autres la survenue de crises d’épilepsie ou d’une hémorragie cérébrale, avec un délai moyen de 15 ans (6 mois à 30 ans), pour poser le diagnostic de MAVc. Les céphalées peuvent constituer un signal d’alarme annonçant une hémorragie cérébrale. En effet, chez 4 patients parmi 31 ayant présenté une hémorragie cérébrale (12,9 %), les céphalées s’étaient modifiées dans un intervalle de 6 mois à un an avant la survenue de cette hémorragie. Les douleurs avaient augmenté d’intensité, de durée et de fréquence passant d’un épisode par mois à trois épisodes par semaine. La nécessité, donc, de regrouper les céphalées des MAVc dans une entité distincte découle d’un souci d’établir le diagnostic le plus précocement possible avant qu’une hémorragie cérébrale ne survienne ou même avant l’apparition des crises d’épilepsie. Ainsi, dans notre série le diagnostic aurait pu être posé plus tôt chez 66 patients (9,4 %). Les céphalées associées aux MAVc restent peu étudiées dans la littérature. Leur fréquence de survenue est variable selon les auteurs. Elle varie entre 8,7 % [26] et 48% [25]. Dans notre étude, elle est de 15,6 %. Hofmeister [8] trouve une fréquence similaire de 14 % dans une étude multicentrique récente concernant 1 289 patients, et Hendersen [5] l’évalue à 13 %. Mackenzie [12] retrouve une fréquence de céphalées de 24 % à propos de 50 patients présentant une MAVc. Il s’agissait de 12 patients dont 5 avaient présenté une hémorragie méningée ou cérébrale. Forster 181 [3] évalue la fréquence des céphalées dans sa série à 40 %, et Moody [16] retrouve des céphalées chez 38 % des patients présentant une MAVc en dehors de toute hémorragie. Notre étude a montré la prédominance du sexe féminin dans les céphalées associées aux MAVc par rapport à l’ensemble de la série avec inversion du sex-ratio (0,78 par rapport à 1,38 de la série globale). Cette prédominance reste inférieure à celle retrouvée dans les migraines et différente de celle de l’algie vasculaire de la face [6]. D’après notre étude, les céphalées des MAVc surviennent préférentiellement plus précocement que les migraines [6] : 65,3 % des patients avaient moins de 30 ans. Les céphalées sont décrites dans la majorité des cas (95,3 %) comme une impression de pesanteur, lourdeur, ou sensation de serrement ou pincement céphalique d’intensité modérée. Trois patients uniquement présentaient une douleur pulsatile. Cependant, la description de la douleur manque souvent dans les observations cliniques (45 patients de notre étude). Kurita [9] trouve une douleur pulsatile chez 9 patients parmi 17 (52,9 %) présentant des céphalées associées à une MAVc occipitale. Testa [24] rapporte des douleurs non pulsatiles lors de la description des céphalées chez un patient. Les symptômes associés à type de nausées, vomissements, photophobie et phonophobie sont retrouvés chez trois patients de notre série. Kurita [9] retrouve ces signes associés chez 3 patients parmi les 17 de sa série. Aucun patient ne présente de catarrhe nasal ou sécrétion lacrymale. Ces signes sont rapportés dans la description de Mani [13] à propos d’un patient. Les céphalées étaient ipsilatérales à la MAVc chez 80 % de nos patients. Cette caractéristique est retrouvée par tous les auteurs [12, 13, 20, 2325] et plaide en faveur du rapport entre les céphalées et les MAVc. La topographie de la douleur est souvent en rapport avec la topographie même de la MAVc. En revanche, nous n’avons pas retrouvé de prédominance de côté comme le décrit Kurita [9] pour lequel il existe une prédominance droite. Les signes neurologiques associés (20,2 %) sont en rapport, dans tous les cas, avec la localisation de la MAVc. Leur caractère controlatéral indique un rapport certain avec la MAVc. Ces signes ne persistent que 5 à 30 minutes dans notre série alors qu’ils sont plus prolongés dans le cas rapporté par Bonnaud [1]. Troost [23] décrit la persistance de ces signes pendant les céphalées. La durée des épisodes céphalalgiques est souvent brève et n’excède pas 3 heures chez 77 % des cas de notre étude. Cette courte durée est retrouvée par Pereira-Monteiro [20] et Testa [24]. 182 MAY GHOSSOUB et al. La fréquence des épisodes céphalalgiques qui était de 1 ou 2 épisodes/mois dans la majorité des cas (82,4 %) de notre étude rejoint celle décrite par Mani [13] et Testa [24]. Nous n’avons pas retrouvé d’horaire fixe à ces céphalées ni une périodicité comme ceux retrouvés dans l’algie vasculaire de la face [14, 22]. Nous n’avons pas retrouvé, dans notre série, de céphalées rebelles au traitement médicamenteux sauf chez un patient présentant des céphalées quotidiennes. Elles cèdent spontanément ou répondent facilement aux antalgiques banals. La présence de migraine familiale n’est retrouvée que chez trois patients. Kurita [9] ne retrouve aucun antécédent de migraine familiale chez les patients présentant des céphalées associées à une MAVc occipitale. En revanche, une migraine familiale se retrouvait chez la patiente décrite par Herzberg [7]. Ainsi, les critères séméiologiques des céphalées retrouvés dans cette étude sont différents de ceux de la migraine, de l’algie vasculaire de la face et de la névralgie du trijumeau [21, 22]. Dans la classification internationale des céphalées [14], elles pourraient appartenir au groupe des céphalées associées à des perturbations vasculaires. La topographie, l’unilatéralité, l’absence de changement de côté d’un épisode céphalalgique à l’autre, la durée souvent courte des épisodes douloureux, l’absence de signes accompagnateurs dans la majorité des cas et l’absence d’antécédent familial de migraine distinguent ces céphalées des migraines [9, 23]. L’absence de périodicité de la douleur et l’absence de signes végétatifs associés à type de sécrétion lacrymale, de catarrhe nasale ou d’injection conjonctivale permettent de les différencier de l’algie vasculaire de la face. Cependant, la durée de l’épisode céphalalgique de 30 minutes à 3 heures pourrait les en rapprocher. C’est probablement la raison pour laquelle nous retrouvons, dans la littérature, quelques cas de céphalées associées aux MAVc décrites sous le terme de « cluster-like headache » ou « algie vasculaire atypique » [13, 24]. Enfin, le type de la douleur, essentiellement l’absence de décharge électrique brève, la topographie et leur survenue préférentielle (67,4 %) avant 30 ans la différencient de la névralgie du trijumeau typique [14, 21, 22]. Quant aux critères angiographiques montrant une forte association avec les afférences méningées, le drainage veineux superficiel exclusif et la topographie postérieure, ils rejoignent ce qui a été retrouvé lors des études expérimentales et cliniques [10]. Il a souvent été démontré que l’embolisation exclusive des afférences méningées d’une MAVc pouvait diminuer voire supprimer ces céphalées. Neurochirurgie Dostrovsky [2] lors des études expérimentales chez les chats réalise une stimulation électrique, mécanique, thermique et chimique de l’artère méningée moyenne et du sinus sagittal supérieur. Il retrouve des potentiels évoqués au niveau du trijumeau et du thalamus. Mayberg [15] a identifié, en 1981, les fibres trigéminées innervant les vaisseaux piaux et le polygone de Willis. Depuis ce temps, une importance est donnée au système trigéminovasculaire comme voie afférente transmettant le message douloureux de la dure-mère [18]. En réalisant des études expérimentales, Mayberg montre que la majorité des fibres trigéminales proviennent des cellules ganglionnaires lors de la première division cellulaire. Ces cellules envoient des ramifications axonales innervant un ou plusieurs vaisseaux ipsilatéraux au polygone de Willis. Cependant, certaines cellules ganglionnaires projettent des deux côtés, de préférence dans la région antérieure. D’où l’hypothèse que les douleurs postérieures sont souvent unilatérales, mais les douleurs antérieures peuvent être également bilatérales. Pour Moskowitz [17, 19], les fibres périvasculaires contiennent des neuropeptides dont la propagation dans la paroi vasculaire augmente le débit sanguin cérébral et la perméabilité vasculaire. Les neuropeptides identifiés sont les tachynines (substance P), la cholécystokine 8 (CCK8), la calcitoninegene-related peptide (CGRP) et la neurokine A. La douleur ne serait pas causée de façon primaire par la vasodilatation, mais par l’excitation des fibres afférentes. Une des hypothèses serait que la distension vasculaire mécanique augmenterait la libération des vasopeptides entraînant ainsi une production locale ou diffuse dans la circulation sanguine de molécules nociceptives dont la sérotonine, l’histamine, la bradykinine, les prostaglandines et le potassium. Si les afférences méningées et les facteurs biochimiques impliqués dans les céphalées sont actuellement bien connus, les facteurs hémodynamiques restent peu étudiés et difficilement explorables. Il nous semble, cependant, intéressant de soulever l’hypothèse d’une modification hémodynamique dans la survenue des céphalées en raison de la modification des caractéristiques des céphalées augmentant d’intensité et de fréquence chez 4 patients, 6 mois ou un an avant la survenue de l’hémorragie cérébrale. La disparition de ces céphalées chez 1 patient après l’hémorragie cérébrale va en ce sens. L’hypothèse serait une mise en jeu du système trigémino-vasculaire par une augmentation de la pression tant sur les parois artérielles que sur les parois veineuses. CONCLUSION Cette étude a permis de mieux reconnaître les caractéristiques cliniques des céphalées associées aux MAVc. Ces céphalées pourraient être vite Vol. 47, n° 2-3, 2001 identifiées permettant d’établir précocement le diagnostic de MAVc et de proposer un traitement adapté avant la survenue d’une hémorragie cérébrale ou des crises d’épilepsie. Ces céphalées méritent, à notre avis, une place à part parmi les céphalées dues à des « perturbations vasculaires cérébrales ». Il s’agit dans la majorité des cas de céphalées non pulsatiles, unilatérales, et ne changeant pas de côté d’un épisode à l’autre, souvent postérieures, sans signe accompagnateur, d’une durée de 30 minutes à 3 heures, survenant à la fréquence d’un à deux épisodes par mois, cédant facilement aux antalgiques, en l’absence de migraine familiale. Au cours du suivie, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des céphalées doit faire craindre la survenue d’une hémorragie cérébrale et impose donc une prise en charge thérapeutique rapide de la MAVc. Au plan angiographique, la forte association avec des afférences méningées et une topographie postérieure prédominante soulève l’hypothèse de l’implication du système trigémino-vasculaire dans ces céphalées par transmission du message douloureux de la dure-mère avec des projections postérieures souvent unilatérales et des projections antérieures uni ou bilatérales ainsi que la mise en jeu de ce système par des facteurs hémodynamiques. RÉFÉRENCES [1] BONNAUD I, COHEN L, PIERROT-DESEILLIGNY C. Migraine et malformations artério-veineuses cérébrales. Rev Neurol (Paris), 1997 ; 153 : 792. [2] DOSTROVSKY JO, DAVIS KD, KAWAKITA K. Central mechanisms of vascular headaches. Pharmacology 1991 ; 69 : 652-568. [3] FORSTER D, STEINER L, HAKANSON S. Arterio-venous malformations of the brain : a long-term clinical study. J Neurosurg 1972 ; 37 : 562-570. [4] GAWEL M, WILLINSKY R, KRAJEWSKI A. Reversal of cluster headache side following treatment of arteriovenous malformation. 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