Jens Westermeier, Himmlers Krieger. Joachim Peiper und die

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Jens Westermeier, Himmlers Krieger. Joachim Peiper und die
Francia­Recensio 2014/3
19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine
Jens Westermeier, Himmlers Krieger. Joachim Peiper und die Waffen­SS in Krieg und Nachkriegszeit. Hg. mit Unterstützung des Zentrums für Militärgeschichte und Sozialwissenschaften der Bundeswehr, Paderborn, München, Wien, Zürich (Ferdinand Schöningh) 2014, 882 S., 30 Abb. (Krieg in der Geschichte [KRiG], 71), ISBN 978­3­506­77241­1, EUR 98,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Jean­Luc Leleu, Caen
Après une première biographie de Joachim Peiper publiée en 1996 , l’auteur a entrepris de reprendre le sujet (dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue en 2009 à l’Université de Potsdam) en lui appliquant une méthodologie et un dépouillement d’archives plus élaborés.
Cette entreprise salutaire méritait assurément d’être menée, tant la figure de Peiper a cristallisé après guerre des prises de position radicalement divergentes, encore renforcées par sa mort dans l’incendie criminel de sa maison en France en 1976 : jeune (et beau) héros du front pour les uns, criminel de guerre pour les autres, responsable (entre autres) de l’exécution d’une centaine de prisonniers de guerre américains à Baugnez (Malmédy). Peiper a surtout appartenu de 1938 à 1941 au cercle étroit de Himmler et, à ce titre, l’a accompagné dans tous ses déplacements et a eu connaissance des crimes perpétrés. D’emblée, il s’agit d’un travail important, richement documenté (comme en témoignent les 164 pages de notes), fournissant une multitude de détails et s’appuyant notamment sur la correspondance d’Hedwige Potthast, maîtresse de Himmler et confidente de Peiper, ainsi que sur de nombreuses interviews de vétérans.
L’auteur se concentre naturellement sur la personnalité et le cursus de Peiper, mettant en lumière un tempérament que le psychologue militaire qui l’avait examiné en 1934 avait parfaitement cerné : celui d’un homme intelligent, volontaire, égocentrique, sarcastique et prêt à tout sacrifier à ses convictions et à ses ambitions. Ces traits se vérifieront tout au long de sa vie, après s’être développés au contact de Himmler dans la position influente qu’il a occupée à ses côtés. C’est aussi l’étude de la sociabilité SS autour de Himmler : l’épouse de Peiper, Sigurd, était la meilleure amie de la maîtresse du Reichsführer­SS qui établissait des liens quasi familiaux au sein de son état­major, au point que nombre de ses officiers ont établi leurs foyers près de sa résidence de Gmund.
Loin des clichés de fraternité d’armes et d’héroïsme, cette étude montre également les rivalités internes et les conflits personnels. À fouiller ainsi les poubelles de l’histoire – ici particulièrement malodorantes – on apprend beaucoup sur les relations interpersonnelles de ces hommes, leurs Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: http://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/3.0/de
faiblesses et leurs égoïsmes, soigneusement dissimulés dans les replis d’un voile de propagande glorieuse.
Loin de se contenter du registre biographique, l’auteur propose en effet une approche prosopographique extrêmement ambitieuse du groupe social dans lequel s’inscrit Peiper, analysant successivement le cursus des élèves officiers SS d’avant­guerre, mais aussi celui des personnes que Peiper a croisées tout au long de son existence. Le récit se trouve peuplé d’individus médiocres ou déclassés pour qui la SS a offert une promotion sociale. L’auteur taille ainsi en pièces la valeur professionnelle prêtée aux troupes SS. Il administre la preuve de la vacuité de la formation militaire dispensée à ces premières promotions d’élèves­officiers SS (1138 officiers sortis des SS­
Junkerschulen avant­guerre), formés au mieux par d’anciens sous­officiers avec peu de moyens, et encore moins de compétences et de temps (10 à 16 mois au lieu de 24 pour le Heer). Près de la moitié des élèves de ces premières promotions n’étaient d’ailleurs même pas reconnus aptes à devenir officiers par l’armée de terre, démentant les propos ultérieurs des apologistes et des ex­
généraux SS.
Peiper lui­même n’a reçu pendant la guerre qu’une seule formation de deux jours alors que, de chef de section d’infanterie au printemps 1940, il a reçu – contre toute attente et non sans provoquer des remous – le commandement du régiment blindé de la Leibstandarte SS Adolf Hitler en novembre 1943. Son talent militaire s’est surtout borné à foncer à travers les positions ennemies dans de coûteuses attaques frontales, sans se préoccuper des pertes. Si cela ne lui a pas trop mal réussi comme commandant d’un bataillon mécanisé, l’effet s’est révélé désastreux après sa nomination à la tête du régiment blindé dont le potentiel a été réduit en un mois à un quart de ses panzers, le divisionnaire étant même obligé de stopper une attaque qui virait au désastre. Au demeurant, la santé de Peiper n’a pas résisté aux épreuves du front et a régulièrement exigé son évacuation sanitaire à partir de 1944.
À travers la figure de Peiper, c’est aussi la dimension criminelle du régime qui transparaît, aussi bien dans les premières exécutions massives de Juifs à l’Est que dans l’euthanasie en 1942 de son propre frère, tombé dans le coma après une tentative de suicide. Les troupes sous ses ordres se sont rendues coupables de crimes de guerre : avec un art consommé de la destruction et de l’incendie, son bataillon mécanisé a même été surnommé « le bataillon de chalumeaux » à partir de 1943. Et Peiper n’a pas hésité au printemps 1944 à condamner à mort et à faire fusiller quatre de ses soldats pour avoir échappé au service et avoir pillé : à travers leur condamnation, il a clairement voulu faire un exemple avec la volonté d’asseoir son autorité sur ses hommes.
En évoquant le procès de Malmédy, en son temps décrié pour ses irrégularités, l’auteur démontre que ce n’est pas tant le procès qui était vicié, mais que les protestations trouvaient leur fondement dans la Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: http://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/3.0/de
campagne de dénigrement des anciens SS et dans le refus de la justice des vainqueurs par la population allemande.
L’expérience carcérale de Landsberg, avec son « école supérieure » aux diplômes validés par le ministère bavarois de l’Éducation, a eu l’avantage pour Peiper de créer un réseau qui lui a servi à sa libération, lui permettant par la suite d’occuper chez Porsche (repère d’anciens nazis) une très confortable position. C’est d’ailleurs sur l’après­guerre que l’ouvrage donne le plus à apprendre : au­
delà des aspects judiciaires, c’est toute une mythologie qui se met en place, soigneusement orchestrée par d’anciens officiers SS prompts à exploiter toute occasion de redorer le blason de leur ancienne formation.
Certes, l’ouvrage n’est pas sans quelques défauts. L’introduction – très brève pour une étude d’une telle ampleur – ne rend pas justice au travail accompli et aux résultats obtenus. La problématique, dont on peut regretter qu’elle soit pour le moins sommaire, se borne à la seule question de l’élitisme de la Waffen­SS. L’ouvrage fourmille de détails intéressants, quitte à en perdre parfois la hauteur de vue nécessaire. Des erreurs ou des lacunes sont également à signaler, lorsque l’auteur évoque le massacre du Paradis comme le pire crime commis en France pendant la campagne de France en 1940 (68). Des lectures supplémentaires auraient sans doute permis de mieux mettre en évidence certains points, telle l’importance de ces aides de camp SS (SS­Adjutanten) que l’on retrouve dans les hautes sphères du régime nazi et pour lesquels une étude sociologique eût été la bienvenue , ou encore le fait que la visite des épouses des soldats SS dans les territoires occupés était facilitée par la Reichsführung­SS pour faciliter la procréation d’enfants.
Au final, on ne peut néanmoins que saluer cette étude.
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