Arrêt du 6 septembre 2007

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Arrêt du 6 septembre 2007
L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit de la vente d’immeuble
Contrat de courtage et les pratiques de commerce n° 124
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour d’appel de Mons, Arrêt du 6 septembre 2007
Quelle que sait la qualification qui lui est donnée, est contraire à la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du
commerce la clause qui a pour effet d'engager le consommateur pour une durée indéterminée, sans
spécification d'un délai de résiliation. En conséquence, elle doit être annulée et ne peut fonder la demande en
paiement d'une commission pour une vente réalisée après l'expiration du contrat.
Selon les circonstances, il est permis de reconnaître en l’espèce un nouveau mandat tacite après l'échéance du
terme conventionnel qui, sans impliquer l'exclusivité et en vertu de l'exécution de bonne foi, autorise l'octroi
d'une juste rémunération (RRD 2008, p. 268).
Arrêt du 6 septembre 2007
La Cour,
(…)
Ayant appris que l'acte authentique de vente allait être
passé entre ses clients et les époux Calicis-Cardinal
pour un prix de 277.000 €, l'appelante émit le 7 mai
2003 une facture d'honoraires de 9.528,75 €, tva
incluse.
Le 12 mai 2003, le conseil de l'appelante mit en
demeure les époux Delmarche-Moreaux de s'acquitter
de cette facture.
I. Les faits
La Procédure
Par convention du 27 mai 2002, les intimés ont donné
mandat à la SA Immo Invest de vendre l'immeuble dont
ils étaient propriétaires à Loverval pour un prix de
372.000 fi; mandat consenti pour une durée de six mois
sans tacite reconduction.
La rémunération de l'appelante était fixée à 3 % du prix
de vente, outre la tva, et payable à la signature de l'acte
authentique.
Trois offres d'achat seront signées par des amateurs
recrutés par l'appelante:
- le 6 décembre 2002, les époux Calicis-Cardinal
offrent 243.000 €, sous condition suspensive
d'obtention d'un prêt hypothécaire,
- le 11 décembre 2002, les consorts Pasin-Befera
offrent 260.300 €,
- le 13 décembre 2002, les époux Calicis-Cardinal
offrent 262.500 €, sous condition suspensive
d'obtention d'un prêt hypothécaire.
Le 21 décembre 2002, les époux Calicis-Cardinal
signent par l'entremise de l'appelante une convention de
vente portant sur l'immeuble litigieux, pour un prix de
262.500 €, vente conclue sous la condition suspensive
de la ratification par les propriétaires vendeurs dans un
délai de dix jours.
Le 23 décembre 2002, l'appelante informe par écrit les
vendeurs de la liste des clients contactés et de la
convention conclue le 21 décembre 2002 en leur
demandant de prendre position quant à cette vente.
Par citation du 25 août 2003, la SA Immo Invest a
assigné les époux Delmarche-Moreaux en paiement de
9.528,75 € en principal, outre les accessoires, à titre
d'honoraires sur la vente litigieuse.
Le jugement déféré, prononcé le 7 octobre 2004, a dit
la demande recevable mais non fondée.
L’appel
Objet et recevabilité
Par requête déposée le 6 septembre 2005, la SA Immo
Invest a relevé appel des dispositions du jugement
déféré la déboutant de sa demande.
L'appel est recevable.
Fondement
Le tribunal a considéré, en substance, que la demande
n'était pas fondée dès lors que l'intervention de
l'appelante était postérieure au 27 novembre 2002, date
de l'expiration de son mandat.
Les intimés concluent à la nullité du contrat sur pied de
l'article 88 de la loi sur les pratiques du commerce en
ce qu'il ne comprend pas de clause de renonciation.
L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit de la vente d’immeuble
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Contrat de courtage et les pratiques de commerce n° 124
La sanction édictée par l'article 88 de la loi du 14 juillet
1991 n'est pas applicable en l'espèce dès lors qu'elle
vise uniquement les contrats énumérés à l'article 86 de
cette loi, à savoir les contrats portant sur la vente de
produits et services au consommateur effectuées par un
vendeur à la résidence du consommateur ou d'un autre
consommateur, ainsi qu'au lieu de travail du
consommateur; pendant une excursion organisée par ou
pour le vendeur; dans les salons, foires et expositions,
(pour autant qu'il n'y ait pas paiement sur place de la
somme totale) et que le prix excède 200 €, quod non
en l'espèce où il n'est pas établi que la convention
originaire aurait été conclue hors de l'établissement de
l'appelante, la convention litigieuse ayant été dressée à
Charleroi dans les bureaux de l'appelante comme en
atteste la mention manuscrite figurant à ce document.
Les «conditions particulières» de la convention
litigieuse prévoient que, «si la vente se réalise
postérieurement au terme du présent mandat avec un
acheteur qui' a contacté le mandataire durant la période
dudit mandat, la rémunération sera due au mandataire
comme s'il avait réalisé lui-même l'opération». '
Les intimés soutiennent à tort que cette clause serait
abusive au sens de l'article 32.23 de la loi sur les
pratiques du commerce, en ce qu'entendue comme
décrivant les modalités de rémunération de l'appelante,
elle constaterait de manière irréfragable l'adhésion des
intimés à une clause dont ils n'auraient pas eu
effectivement l'occasion de prendre connaissance avant
la conclusion du contrat dans la mesure où ladite clause
figurait au verso de la convention du 27 mai 2002.
En effet, le consentement des intimés n'a pu être surpris
dès lors que le verso du contrat qu'ils ont signé
renvoyait lisiblement et en caractères gras, destinés à
attirer leur attention, aux conditions générales
imprimées au verso de ce document.
En revanche, les intimés sont fondés à exciper de la
nullité de la clause précitée, comme contraire aux
articles 33 et 32.16 de la loi du 14 juillet 1991 sur les
pratiques du commerce, aux termes desquels sont
nulles et interdites les clauses ou conditions d'un
contrat ayant pour effet d'engager le consommateur
pour une durée indéterminée, sans spécification d'un
délai raisonnable de résiliation.
Tel est en effet le cas en l'espèce où, quelle que soit la
qualification donnée à la clause litigieuse - pénalité
conventionnelle ou définition des honoraires dus au
mandataire exclusif - elle engageait les cocontractants
de l'appelante pour une durée indéterminée dans
l'hypothèse où la vente serait conclue après l'expiration
du terme contractuel du mandat avec un acquéreur
trouvé par l'intermédiaire de l'appelante.
Cette clause doit en conséquence être annulée et ne
peut fonder la demande originaire.
Il apparaît cependant des éléments soumis à
l'appréciation de la cour qu'après l'échéance du terme
conventionnel un nouveau mandat tacite a été confié à
l'appelante par le seul intimé Delmarche: la signature
des offres par les conjoints Calicis-Cardinal et par les
consorts Pasin-Befera implique nécessairement que ces
personnes aient au préalable visité le bien litigieux, ce
qui n'a pu se faire à l'insu et sans le consentement dudit
intimé, lequel - contrairement à son épouse - était
toujours occupant de l'immeuble mis en vente.
Si pareil mandat tacite n'implique pas l'exclusivité
prévue à la convention signée le 27 mai 2002, il
demeure que le principe d'exécution de bonne foi des
conventions commande que soit dans les conditions de
l'espèce allouée à l'appelante et à charge du seul intimé
une juste rémunération de son intervention sans
laquelle la vente litigieuse ne se serait en définitive pas
réalisée avec les acquéreurs qu'elle avait trouvés.
La circonstance que l'immeuble fut vendu à un prix
inférieur à celui prévu au mandaI du 27 mai 2002 est
indifférente dans la mesure où les intimés ont euxmêmes réduits leurs prétentions originaires en cédant
l'immeuble à un prix très proche de celui obtenu par
l'appelante.
Il se justifie dans ces conditions d'allouer à l'appelante
la commission réclamée, dont le taux est conforme aux
usages de la profession et dont l'assiette fut
légitimement calculee sur le prix de vente qu’elle avait
obtenu
L’appel s’avère partiellement fondé
PAR CES MOTIFS,
Dispositif conforme