Le s fich e s d e Ju risp ru d e n ce d e w w w .e Ju ris.b e

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Le s fich e s d e Ju risp ru d e n ce d e w w w .e Ju ris.b e
L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Vente d’immeubles
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Immeubles par destination n° 63
1.
Cour d’appel de Bruxelles, Arrêt du 22 février 2006
L’enlèvement par le vendeur de divers accessoire (frigo, placard, miroirs, etc…) pouvant être
considérés comme immeubles par destination.
Action non fondée : manque de preuves et préjudices non-démontré.
(Jura & Immobilia 2007, p. 285)
Arrêt du 22 février 2006
La Cour,
(…)
- Le jugement attaqué, prononcé contradictoirement le
13 mars 2003 par le tribunal de première instance de
Nivelles, décision dont il n’est pas produit d’acte de
signification ;
- La requqête d’appel, déposée au greffe de la cour le
24 avril 2003 ;
- Les conclusions des parties ;
I. La procédure en première instance.
1. Le 24 octobre 2001 les époux S.-H. ont introduit une
demande contre Madame Françoise D. devant le
tribunal de première instance de Nivelles tendant à faire
condamner celle-ci au paiement de la somme de
404.530 BEF, à majorer des intérêts moratoires à partir
du 8 juin 2001, des intérêts judiciaires et des dépens.
Les demandeurs exposent avoir acquis en vente
publique une villa à Limal, chemin des M. 4. La
défenderesse, ancienne propriétaire, devait libérer les
lieux dans les trois mois.
Après son départ, les époux S.-H. ont constaté que
Madame D. avait enlevé divers éléments intégrés de la
construction (placard, accessoires de salles de bains,
frigo intégré, lave-vaisselle et four, rails de rideaux).
Les frais de remplacement de ces objets s'élèvent à
404.530 francs.
En conclusions, les demandeurs déclarent se fonder sur
l'article 1382 du Code civil.
2. Devant le tribunal, Madame D. conclut au nonfondement de la demande et introduit une demande
reconventionnelle en paiement de 50.000 francs pour
procédure téméraire et vexatoire.
3. Par jugement du 13 mars 2003, le tribunal déclara la
demande partiellement fondée et condamna Madame
D. à payer aux demandeurs 3.938,50 euros, majorés des
intérêts à dater du 3 mai 2001.
Le tribunal considère:
- Qu’il n'y a pas eu agréation lors de la délivrance du
bien (décision implicite);
- Que Madame D. ne pouvait enlever le frigo et est
tenue de payer de ce chef la somme de 1.363,41 euros;
- Qu’elle est de même tenue à la réparation du
préjudice résultant de l'enlèvement du placard dans la
chambre: 1.574,87 euros;
- Que l'absence des rails de rideaux n'est pas établie, la
demande étant non fondée sur ce point;
- Que pour les accessoires de salles de bains, il est dû
727,55 euros, à majorer des frais de placement, évalués
à 123,95 euros, soit un total de 1.000,22 euros;
- Qu'une perte locative dans le chef des acquéreurs n'est
pas établie;
- Que la défenderesse est ainsi tenue de payer 3.938,50
euros;
- Que la demande reconventionnelle est dès lors non
fondée.
Aucun acte de signification de ce jugement n'est
produit.
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II. Procédure en appel.
4. Par requête déposée au greffe le 24 avril 2003
Madame D. a relevé appel du jugement du 13 mars
2003.
Elle demande de réformer le jugement, de déclarer la
demande originaire non fondée et sa demande
reconventionnelle originaire fondée, les intimés étant
dès lors condamnés à payer la somme de 2.000 euros
5. Les intimés concluent au non-fondement de l'appel et
introduisent un appel incident par lequel ils reprennent
leur demande relative aux pertes locatives et au
dommage résultant de l'enlèvement des rails,
l'appelante étant dès lors condamnée au paiement de
10.028,03 euros, somme majorée des intérêts
judiciaires.
Ils introduisent en outre une demande incidente tendant
au paiement de la somme de 2.500 euros à titre de
dommages et intérêts pour appel téméraire et vexatoire,
somme à majorer des intérêts judiciaires.
6. L'appel et la demande incidente ont été introduits
régulièrement et dans le délai légal. Ils sont
recevables.
III. Eléments de fait.
7. Le 22 décembre 2000, les époux S.-H. ont acquis
lors d'une vente publique une villa avec jardin située à
Limal, pour une contenance de 60 ares, 10 centiares. Ce
bien appartenait en indivision à l'appelante et à son exépoux, ceux-ci étant divorcés aux termes d'un jugement
prononcé le 25 octobre 1996, transcrit le 10 mars 1997.
Ledit bien était réalisé dans le cadre de la procédure de
liquidation. Lors de la vente, la villa était occupée par
Madame D.
Le cahier des charges dressé par le notaire
instrumentant mentionne que le bien serait libre dans
les trois mois de la signification de la vente devenue
définitive et après paiement du prix.
8. Un rapport d'expertise fut établi par le géomètreexpert immobilier Th. Oldenhove le 14 mars 2001, en
vue de déterminer la valeur locative de l'immeuble
depuis le 1er mars 1990 jusqu'au 1er mars 2001 (1).
Les acquéreurs ont pris possession des lieux le 16 ou le
17 avril 2001. Selon l'appelante, la remise des clés à la
fille du notaire Vinel a eu lieu le 17 avril 2001 tandis
que les intimés soutiennent avoir reçu les clés le 18
avril 2001 en les retirant à l'étude du notaire. Ces thèses
ne sont pas nécessairement inconciliables.
9. Le 19 avril 2001, les acquéreurs ont écrit au notaire
Vinel pour se plaindre du mauvais état de, l'immeuble,
en particulier de la saleté de celui-ci ainsi que de
l'enlèvement de plusieurs objets:
- placard de la grande chambre
- dans les salles de bains, les miroirs, porte-essuies,
porte-savons, porte papier de toilette etc.
- dans la cuisine, le frigo
- les tringles à rideaux
- les clés de l'immeuble.
En outre les époux S.-H. signalent que le lave-vaisselle
est "tout à fait cassé", que la taque vitrocéramique est
"hors d'usage", que le four et les éviers ,sont
"irrécupérables".
10. Le 20 avril 2001, le notaire Vinel répercutera le
contenu de cette lettre en invitant Madame D. à "faire
le nécessaire immédiatement pour restituer ces objets".
11. Madame D. répondit par lettre du 28 avril 2001.
Aucun accord n'intervenant par la suite, les époux S.-H.
ont introduit la procédure le 24 octobre 2001.
IV. Discussion
12. Pour départager les parties, il convient d'examiner
si les objets litigieux faisaient ou non partie de la vente
de la villa.
Il conviendra aussi de rechercher si, en ne délivrant pas
certains objets, l'appelante a commis une faute à l'égard
des acquéreurs, les intimés fondant expressément leur
demande sur l'art. 1382 du Code civil et non sur une
obligation contractuelle (de délivrance) dans le chef de
Madame D.
1. Le frigo.
13. Il n'est pas contesté que, lors de son déménagement,
Madame D. a repris le frigo qui se trouvait dans la
cuisine.
Il s'agissait selon facture produite par l'appelante d'un
"réfrigérateur 320 L INTE SIEMENS" acquis le 14
octobre 1998. Madame D. a payé, hors TVA, un
montant de 28.926 francs pour l'appareil et 1.240 francs
pour la livraison.
14. Le procès-verbal de constat de l'huissier Pollak du
20 avril 2001 mentionne:
"Le frigo encastré est manquant. La porte de la cuisine
équipée destinée à cacher cet appareil repose sur le sol.
Ses attaches de fixation ont disparu".
Les époux S.-H. ont acquis après la vente un nouveau
frigo REX pour le prix de 49.900 francs hors TVA et
3.000 francs pour le placement (2).
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15. Madame D. a écrit le 28 avril 2001 qu'elle
considérait le réfrigérateur "comme bien amovible car
non rattaché à la cuisine elle-même sinon par quelques
vis et la prise de courant".
16. Les époux S.-H. soutiennent, en invoquant les
attendus du jugement dont appel, "que compte tenu du
caractère intégré du frigo, celui-ci doit être considéré
comme immeuble, dès lors qu'il doit être installé dans
une niche prévue à cet effet, attaché à l'aide de vis et
que la porte avant doit être recouverte d'une porte décor
qui doit elle-même faire l'objet d'un placement particulier, avec accroches sur la porte du frigo par un
mécanisme ad hoc".
17. Il ne peut être considéré qu'un réfrigérateur, soit un
appareil dont la durée de fonctionnement peut être
évaluée à quelques 15 ans au plus, installé dans une
cuisine et fixé au moyen de deux vis, et sur lequel est
appliquée une porte de décoration ait réellement été
destiné à l'usage perpétuel de la villa et attaché à
perpétuelle demeure.
18. Dans la mesure toutefois où la vente portait sur une
maison avec "cuisine équipée" (voir affiche du notaire
instrumentant (3)), le réfrigérateur doit par contre
logiquement faire partie de l'ensemble. Madame D. n'a
d'ailleurs retiré ni la cuisinière ni le lave-vaisselle qui
auraient pu également être démontés.
Une faute dans le chef de Madame D. n'est toutefois
pas démontrée. Il résulte en effet du rapport
d'évaluation de l'expert Oldenhove dressé le 14 mars
2001 (4) que ce frigo avait été remplacé en 1998 par
Madame D., contrairement à tous les autres
équipements qui dataient de la construction, soit 1985,
que les appareils ménagers étaient "amortis et à
remplacer". Ce rapport constitue une pièce objective
établie en période non suspecte.
Madame D. avait ainsi procédé au remplacement du
réfrigérateur du temps de la séparation de fait et elle a
pu considérer de bonne foi que l'immeuble faisant
l'objet de la licitation dans le cadre de la liquidation
entre ex-époux ne comprenait pas le frigo qui n'avait
pas été acquis par les deux époux.
La demande originaire n'est donc pas fondée sur ce
point.
2. L'Armoire dans la chambre.
19. Le même rapport de l'expert Oldenhove donne la
description à la chambre 1 à l'étage d'un "placard, de
valeur assez réduite, étant considéré par les
propriétaires comme mobilier".
Madame D. écrivait le 28 avril 2001 au notaire Vinel :
« Placard de la chambre - ce meuble a été acheté
d'occasion, démonté, des panneaux ont été ajoutés sur
le côté et le dessus pour ajuster le meuble à la pièce.
Les quelques trous (six, si ma mémoire est bonne) dans
le mur, seulement du côté droit, correspondent à la
fixation d'un panneau extérieur qui avait été ajouté pour
refermer l'ensemble. Quand j'ai fait repeindre la
chambre en 1997, il m'a paru inutile de vider le meuble
et de le déplacer... "
Le procès-verbal du 20 avril 2001 de l'huissier
mentionne l'absence de Placard dans la grande
chambre, sur un espace d'environ 3 mètres sur + 1- 60
cm: « Ce placard a disparu. De nombreux indices
peuvent attester de sa présence:
- qu'il n'y a pas de plinthes à cet endroit,
- que les murs n'y ont été peints que partiellement,
- qu'il y a 6 trous dans !e mur juste à droite de la porte
d'entrée,
- qu'il y a une ligne blanche de colle ou de silicone au
plafond,
- qu'il y a des traces de présence de mobilier sur le
revêtement de sol."
20. La thèse de l'appelante est plausible, étant qu'il
s'agit d'une armoire achetée d'occasion et installée sur
place. Des panneaux ont été placés sur un côté et sur le
dessus pour l'ajuster et "refermer l'ensemble". La
fixation était incontestablement légère puisque seules
six vis ont été utilisées sur un des côtés et que le tout a
pu être démonté sans aucun dommage à l'immeuble.
L'armoire litigieuse n'était donc manifestement pas un
bien mobilier attaché au fond "à perpétuelle demeure",
ce qui n'est présumé que lorsqu'il y est "scellé en plâtre
ou à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être
détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser
ou détériorer la partie du fond à laquelle ils sont
attachés" (art. 525, 1er al. du Code civil). Cette
présomption n'est en l'espèce pas renversée.
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3. Les accessoires et miroirs de salles de bains.
21. Les miroirs de salles de bains ne sont présumés être
immeubles "lorsque le parquet sur lequel (ils) sont
attachés fait corps avec la boiserie" (art. 525, 2ème al.
du Code civil). En l'espèce, il s'agissait de miroirs
attachés par des simples fixations vissées au mur (voir
constat de l'huissier Pollak et photos 3 et 5) et il n'est
donc pas établi que les propriétaires ont eu l'intention
de les fixer à perpétuelle demeure.
Le même raisonnement peut être tenu pour les quelques
équipements de salles de bains (porte-serviettes, portesavons, porte-papier de toilette) fixés au mur par une
simple vis sur cheville et aisément remplaçables, sans
endommager les murs, par des objets du même type.
4. Rails et tringles à rideaux.
6. Demande de l'appelante pour procès téméraire et
vexatoire
24. Si la demande originaire est déclarée non fondée, il
n'en résulte toutefois pas qu'elle avait un caractère
téméraire et vexatoire à l'égard de Madame D., les
demandeurs originaires ayant pu raisonnablement se
tromper sur l'étendue réelle de la vente. Le jugement
dont appel leur a d'ailleurs donné gain de cause ce qui
confirme que la solution juridique du litige n'était pas si
simple. Une collusion entre les époux S.-H. et l'exépoux de Madame D. n'est pas démontrée.
Sur ce point, l'appel est dès lors déclaré non fondé.
7. Demande incidente des intimés pour appel téméraire
et vexatoire.
22. Les rails et tringles à rideaux qui se trouvaient dans
l'immeuble ne sont pas décrits de manière précise.
Madame D. déclare dans sa lettre du 28 avril 2001 que
les tringles à rideaux étaient en bois. L'huissier Pollak
ne fait état d'aucune dégradation résultant du
démontage.
25. L'appel étant déclaré en-grande partie fondé, il ne
peut avoir un caractère téméraire et vexatoire.
Les époux S.-H. N’établissent pas qu'en l'espèce il
s'agissait d'éléments intégrés à la construction de telle
manière qu'ils étaient devenus immeubles.
Statuant contradictoirement,
Par ces motifs,
La Cour,
Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des
langues en matière judiciaire,
5. Pertes locatives.
23. Il résulte de ce qui précède qu'un retard dans la
location de l'immeuble ne peut être mis à charge de
Madame D. du fait de l'enlèvement de meubles et
objets, ce chef de demande étant non fondé.
Les intimés évoquent en outre à tort "l'état lamentable"
de l'immeuble ou la saleté de celui-ci. Un état
contradictoire des lieux au moment de la vente n'est
en effet pas produit et il n'est nullement prouvé que la
villa ait été dégradée après la vente.
Il est par ailleurs inconcevable que les intimés aient pu
donner le bien en location sans faire procéder à une
remise en état complète.
La demande originaire est dès lors non fondée et l'appel
principal sur ce point fondé.
Déclare l'appel et la demande incidente recevables.
Déclare l'appel fondé dans la mesure ci-après.
Met à néant. le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a
reçu les demandes et liquidé les dépens et, statuant à
nouveau, déclare la demande originaire non fondée.
Déclare l'appel pour le surplus non fondé.