ACTUALITE JURIDIQUE
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N°2 Septembre 2002 ACTUALITE JURIDIQUE La Compétence Disciplinaire de l’Ordre des Médecins Pr Alain Haertig - Hôpital de la Pitié, Service d’Urologie - Paris Expert Agréé par la Cour de Cassation,Vice-Président du Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de la ville de Paris F ace à la multiplication des plaintes, le nombre de décisions ordinales ne cesse de croître. Une simple lettre affranchie entraîne en effet tout une procédure disciplinaire au sein de l’ordre des médecins pour la personne mise en cause. Le pouvoir disciplinaire est exercé au sein de l’Ordre par deux catégories de juridiction : 1. Les conseils régionaux. 2. Le conseil national dans le domaine de la discipline générale pour juger les infractions à la déontologie médicale, et les sections des assurances sociales des conseils régionaux et du conseil national pour les fautes, abus et fraudes commis par les médecins à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux. Si dans les années 1980 les conseils régionaux traitaient environ 500 affaires par an, elles en ont jugé en 2000 plus de 5000. I. L’AUTONOMIE DU POUVOIR DISCIPLINAIRE L’autonomie du pouvoir disciplinaire de l’Ordre des Médecins se caractérise à deux points de vue : 1. Le pouvoir disciplinaire ordinal ne s e limite pas aux seules fautes commises par les médecins « à l’occasion de l’exercice de leur profession » ; ils sanctionnent en effet également les actes accomplis dans leur vie civile, dès lors qu’il a été porté atteinte à l’honneur ou à la moralité de la profession (article 31 du Code de Déontologie Médicale) qui prévoit une sanction pour : « tout médecin qui ne s’abstient pas de tout acte de nature à déconsidérer sa profession ». C’est dire que dans sa vie civile tout médecin peut être poursuivi devant l’Ordre pour atteinte à la probité, comme , par exemple , un vol de clous au Bazar de l’Hôtel de Ville, ou des insultes ou injures à des citoyens sur la voie publique en arguant du titre de Docteur en Médecine, harcèlement moral, téléphonique ou verbal auprès de patients ou amis de patients voire de personnes que ce médecin n’a jamais traité… Le contentieux disciplinaire est autonome et ainsi que les faits sont portés à la fois devant les juridictions civiles, pénales et ordinales, le juge disciplinaire n’est pas tenu de surseoir à statuer. L’Ordre des Médecins n’est pas tenu d’attendre que la juridiction répressive ait rendue sa décision pour statuer, et, de surcroît il n’est pas tenu de suivre ce qui a été jugé par cette même juridiction. Il y est des cas où la sanction pourra être triple : civile, pénale et ordinale. II. LE DEROULEMENT DE LA PROCEDURE DISCIPLINAIRE La plainte d’un médecin ou d’un patient est adressée par simple lettre affranchie au Président ou au Secrétaire Général de l’ Ordre départemental des médecins de la Ville de 22 votre exercice. Avant transmission au Conseil Régional, le Président du Conseil Départemental peut demander un rapport à un membre du conseil qu’il désigne qui pourra examiner les témoignages écrits et auditionner les témoins (commissions des plaintes du Conseil Départemental de Paris). Il importe au médecin interrogé de répondre dans les plus brefs délais au Conseil Départemental en lui donnant la version des faits qui lui sont reprochés, une absence de réponse entraîne en effet une transmission automatique au Conseil Régional en s’y associant le plus souvent … La plainte fait alors l’objet d’une délibération du Conseil Départemental, ce Conseil s’associe ou non à la plainte qui est alors transmise au Conseil Régional. La section disciplinaire du Conseil Régional de l’Ordre des Médecins peut donc être saisie par deux groupes de personnes : • le Conseil National, les Conseils Départementaux de l’Ordre ou les syndicats professionnels de son ressort qu’ils agissent de leur propre initiative ou à la suite d’une plainte ; • le Ministre Chargé de la Santé, le Directeur Régional ou Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales, le Préfet de région, le Procureur de la N°2 Septembre 2002 A CTUALITE JURIDIQUE République ou tout médecin inscrit au tableau de l’Ordre. Le Conseil Régional de l’Ordre des Médecins peut estimer nécessaire de faire mener une instruction par un membre du conseil et désigne alors un rapporteur qui pourra « selon ce qui lui paraît utile à l’instruction de l’affaire, examiner les témoignages écrits et auditionner les témoins ». Le médecin concerné peut dès ce stade de la procédure se faire assister d’un défenseur « médecin ou avocat inscrit au barreau » et exercer son « droit de récusation » contre un « membre du conseil ». Aucune plainte ne peut être prononcée à l’encontre du médecin sans que celui-ci ait été entendu ou amené à comparaître » et le principe du contradictoire doit être appliqué tout au long de la procédure ce qui a été confirmé à maintes reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. « Le médecin doit comparaître en personne » et à défaut « l’affaire sera jugée sur pièces », c’est le Président du Conseil Régional qui préside l’audience qui depuis le décret du 5 mars 1993 doit être publique. Néanmoins la délibération du Conseil Régional est secrète, la décision est prise à la majorité et doit être motivée. Le jugement sera rendu en audience publique. La décision sera notifiée dans les 10 jours au Conseil Départemental qui à son tour la notifiera au médecin en caus e au Directeur Départemental des Affaires Sanitaires et Sociales, au Préfet, au Procureur, au Conseil National de l’Ordre, au Ministre Chargé de la Santé et le cas échéant à la personne qui a déposé plainte. III. LES VOIES DE RECOURS 1. L’ OPPOSITION Les voies de recours ordinaires de droit commun utilisées par le médecin contre qui une décision a été rendue par défaut c’est-à-dire sans que celui-ci ait comparu ou ait été représenté à l’audience du Conseil Régional. Le praticien peut alors « faire opposition » dans un délai de 5 jours à compter de la notification qui lui est faite par lettre recommandée avec accusé de réception. L’opposition permet un nouvel examen de l’affaire devant la formation qui a déjà statué une première fois. IV. L’APPEL DE LA DECISION DU CONSEIL REGIONAL DEVANT LE CONSEIL NATIONAL L’appel est formé par une déclaration adressée au secrétariat du Cons eil National dans les 30 jours de la notification de la décision. Comme devant le Conseil Régional, le médecin doit comparaître en personne, il peut se faire assister par un médecin ou un avocat et le Président du Conseil National peut ordonner des nouvelles mesures d’ins truction. Toutes les décisions de la section disciplinaire du conseil national sont exécutoires dès lors notification, sauf mention contraire de la décision. V. LE POURVOI EN CASSATION DEVANT LE CONSEIL D’ETAT « Les décisions rendues par les sections disciplinaires des conseils régionaux sont sus ceptibles de recours devant la juridiction administrative ». Le pourvoi en cassation est une voie de recours ouverte contre une décision rendue en dernier ressort, le pourvoi doit être exercé dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision rendue par le Conseil National de l’Ordre des Médecins. VI. LES PLAINTES LES PLUS FREQUENTES Plaintes de patients pour des certificats médicaux délivrés par des médecins notamment dans des affaires de divorce, plaintes pour des infractions au devoir envers les malades (défaut d’information, soins non consciencieux, comportement du médecin). Quant aux plaintes entre médecins, un tiers d’elles ont pour origine d’un défaut de confraternité. Au total, sur 1582 affaires jugées en matière disciplinaire par les conseils régionaux en 1998, 638 ont abouti à une relaxe, 200 à un avertissement, 153 à un blâme, 180 suspensions, 10 à une radiation et 45 à un non-lieu CONCLUSION Attention aux certificats médicaux demandés par tel ou tel patient qui pourrait en faire usage dans une éventuelle procédure judiciaire à l’encontre d’un autre chirurgien qui avait opéré antérieurement le patient Attention aux certificats de coups et blessures dans des affaires de mésentente conjugale, Attention dans des consultations d’andrologie ou de sexologie ( sous hypnose ou non) à des dérapages thérapeutiques…. Qui peuvent alors être poursuivis par les patients (es) pour viol, atteintes aux mœurs. Ne pas se prévaloir de son titre de médecin dans des contraventions, délits mineurs sur la voie publique lors de mouvements d’humeurs … 23