chambre disciplinaire de premiere instance conseil regional de l

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chambre disciplinaire de premiere instance conseil regional de l
CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE
CONSEIL REGIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS DE BOURGOGNE
7 boulevard Rembrandt – Immeuble Apogée C - 21 000 Dijon
N° 838
__________
Dr Olivier H.
c/
Dr Jean-Jacques G.
__________
Audience du 13 mars 2014
Décision rendue publique
par affichage le 27 mars 2014
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE,
Vu, enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire le 25 septembre 2013 la plainte
adressée le 15 mars 2013 au conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Côte d’Or,
présentée par le Dr Olivier H., médecin spécialiste en chirurgie digestive, exerçant son
activité libérale 11 bis Cours du Général de Gaulle à Dijon (21000), le procès-verbal de
non-conciliation du 16 avril 2013, et le procès-verbal de la séance du 9 septembre 2013 du
conseil départemental de la Côte d’Or décidant de transmettre la plainte, sans s’y associer ;
Le Dr H. demande à la chambre disciplinaire de prononcer une sanction à l’encontre
du Dr Jean-Jacques G., médecin spécialiste en anesthésie exerçant son activité libérale à la
Clinique Drevon, 7/9 rue des Princes de Condé à Dijon (21000) ; le Dr H. se plaint d’un
véritable harcèlement de la part du Dr G. lorsque celui-ci doit prendre en charge ses
patients en postopératoire, depuis le différend qui les a opposés sur la chirurgie bariatrique ;
il en donne deux exemples :
- le cas de Mme G. opérée le 12 mars 2012 d’un prolapsus du rectum par voie
coelioscopique, qui a été transférée dans le service de soins continus chirurgical le 23 mars
en raison de fièvre et de douleurs abdominales, et que le Dr G. a adressée à un autre
praticien sans qu’il en soit prévenu, après réalisation d’un scanner dont il n’a pas été
informé ; il s'est opposé à cette prise en charge ; la patiente a été transférée au CHRU le
lendemain à la demande de son fils médecin, avec un retard préjudiciable ; l’expert mandaté
par la CRCI a relevé la relation anormale entre les médecins et l’absence d’information à son
égard ;
- le cas de l’enfant M. qu’il a opéré en urgence d’une péritonite appendiculaire
évoluée et qui a été transféré en réanimation pédiatrique au CHRU sans qu’il en soit informé
par le Dr G., alors que l’enfant aurait pu être transféré à la Clinique Sainte Marthe où il
exerce également ;
Vu le mémoire en soutien de plainte, enregistré le 14 novembre 2013, présenté pour
le Dr H. par Me Telenga, qui conclut à ce qu’une sanction disciplinaire soit prononcée pour
manquement à la confraternité ;
Il revient sur le contexte qui oppose les parties depuis 2009, qui l’a contraint à
transférer son activité de chirurgie bariatrique de la Clinique Drevon à la Clinique SainteMarthe en 2011, et qui a donné lieu à une précédente sanction disciplinaire, un
avertissement, infligé aux anesthésistes de la Clinique Drevon le 27 novembre 2012 pour
manquement à la confraternité, dont l’appel est en cours ; malgré la délocalisation de la
majorité de son activité, , les anesthésistes ont continué à le harceler ; que le comportement
du Dr G. est anticonfraternel et dangereux pour les patients ;
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Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2014, présenté pour le Dr G., par
Me Wenger, qui conclut au rejet de la plainte et à ce qu’une somme de 2 500 euros soit
mise à la charge du Dr H. au titre des frais qu’il a engagés pour sa défense ;
Il soutient que les faits ont eu lieu un an avant le dépôt de la plainte ; l’action de
Mme G. n’était pas dirigée contre lui de sorte que le rapport de l’expert n’est pas
contradictoire à son égard ; les fiches de transmission démontrent l’attentisme du Dr H., qui
n’a pas jugé utile de se déplacer malgré les transmissions infirmières montrant qu’il a été
constamment prévenu de l’état de sa patiente ; s’agissant de l’enfant M., celui-ci étant sous
sa responsabilité, il a estimé, compte tenu du tableau septique préopératoire, du
déroulement de la chirurgie (micro-laparotomie ombilicale convertie en laparotomie
médiane sous-ombilicale), du risque important de complication de l’état de l’enfant et des
traitements analgésiques puissants devant lui être administrés, qu’il était préférable que la
prise en charge se poursuive dans un service de réanimation pédiatrique, afin qu’en cas de
complication, il puisse être intervenu dans les meilleurs délais ; il a informé les parents et le
Dr H. de ce transfert exclusivement commandé par l’intérêt de l’enfant ; la Clinique Drevon
n’a pas de convention avec la Clinique Sainte Marthe ;
Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant
aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 mars 2014 :
- le rapport du Dr Berthet,
- les observations de Me Telenga pour le Dr H.,
- les observations du Dr Mouraux pour le conseil départemental de l’Ordre des
médecins de la Côte d’Or,
- les observations du Dr Wenger pour le Dr G. et celui-ci en ses explications ;
Le Dr G. ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Considérant que la plainte du Dr H. s’inscrit dans un contexte ancien de conflit entre
les anesthésistes de la Clinique Drevon et le Dr H., dont ils estimaient anormalement élevé le
taux de complications en chirurgie bariatrique ; que ce différend a donné lieu à une
enquête de l’Agence régionale de santé (ARS) en juin 2011 qui n’a pas confirmé les craintes
des anesthésistes de la clinique Drevon quant aux compétences du Dr H., mais l’ARS a
toutefois préconisé que le Dr H. poursuive son activité de chirurgie bariatrique dans un
autre établissement compte tenu de la situation conflictuelle avec les anesthésistes de la
Clinique Drevon ; que, malgré le transfert effectif de l’activité de chirurgie bariatrique du
Dr H. à la clinique Sainte Marthe à compter de juin 2011, la chambre disciplinaire a été
saisie en mars 2012 d’une précédente plainte du Dr H. envers les quatre anesthésistes
associés de la Clinique Drevon pour manquement à la confraternité et à son indépendance
professionnelle, plainte qui a donné lieu à un avertissement au motif que, si les anesthésistes
n’ont pas porté atteinte à l’indépendance de leur confrère en refusant d’endormir ses
patients dès lors qu’ils étaient en droit de refuser leur concours, ils avaient en revanche
manqué à leur devoir de confraternité en dénonçant au conseil départemental des faits qui
ne s’étaient pas même produits dans la clinique où ils exercent ; que l’appel de ce jugement
du 27 novembre 2012 est actuellement pendant ; que, dans la présente instance, le Dr H.
dénonce le harcèlement dont il continue de faire l’objet, notamment de la part du Dr G. et
en veut pour preuve deux cas dans lesquels le Dr G. a pris des décisions concernant ses
patients sans l’en informer ;
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Considérant qu’aux termes de l’article 56 du code de déontologie médicale, codifié à
l’article R. 4127-56 du code de la santé publique : « Les médecins doivent entretenir entre
eux des rapports de bonne confraternité (…) » ; qu’aux termes de l’article 64 du même
code : « Lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils
doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités
personnelles et veille à l'information du malade. (…) »;
Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que, dans les deux cas soumis à
l’appréciation de la chambre disciplinaire, le Dr G. ait agi par défiance envers son confrère
ou dans le souci de l’évincer de la prise en charge de ses patients ; que les décisions qu’il a
prises ont été motivées par l’intérêt des deux patients en cause, et adaptées à leur état ; que,
dans le cas de Mme G., le Dr G. a agi sur la demande du personnel infirmier alors que la
patiente, admise en soins continus, était sous sa responsabilité partagée avec celle du
chirurgien ; que l’enfant M. en soins de suite post-intervention était sous la responsabilité
du Dr G., lequel a estimé en conscience que le risque élevé de complication justifiait un
transfert dans un service de réanimation pédiatrique ; que le Dr H. ne conteste d’ailleurs pas
l’opportunité médicale des décisions prises par le Dr G., mais seulement d’avoir été tenu à
l’écart ou informé avec retard ; que, si la chambre disciplinaire ne peut que déplorer que les
médecins en cause ne collaborent plus au traitement de leurs patients communs et ne se
tiennent pas mutuellement informés dans le respect des prescriptions de l’article 64 du code
de déontologie médicale, faisant d’ailleurs courir à ces patients un risque injustifié, le
contexte conflictuel qui a été rappelé explique les difficultés de communication entre le Dr
H. et le Dr G. et ne permet pas de caractériser un comportement anticonfraternel de la part
de l’un d’eux ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la plainte du Dr H. doit être rejetée ;
qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge les frais engagés
par le Dr G. pour sa défense;
DECIDE
Article 1 :
La plainte du Dr H. est rejetée.
Article 2 :
Les conclusions du Dr G. tendant à ce qu’il soit fait application des
dispositions de l’article 75 I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Dr Jean-Jacques G., au Dr Olivier
H., au conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Côte d’Or, au préfet de la Côte
d’Or, au directeur de l’Agence régionale de santé de Bourgogne, au procureur de la
République près le Tribunal de grande instance de Dijon, au conseil national et au ministre
chargé de la santé. Copie en sera adressée à Me Telenga et Me Wenger, avocats.
Ainsi fait et délibéré par : Mme Dorion, premier conseiller, président, et
MM. Les docteurs Berthet, Copreaux, Germond, Lattès et Nolot, membres de la chambre
disciplinaire.
Le premier conseiller, président de la
chambre disciplinaire
Odile DORION
Le greffier
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Pascale JOND-DUNAND
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