Impressions de voyage - Le Mouvement de la Paix
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Impressions de voyage - Le Mouvement de la Paix
Combat pour la Paix n°489 – Monde : Délégation de Témoignage Chrétien en Israël-Palestine : Impressions de voyage Monde Délégation de Témoignage Chrétien en Israël-Palestine : Impressions de voyage De par l’éducation biblique que j’ai reçue durant mon enfance, et de par les évènements très personnels de ma vie, j’ai toujours senti une partie de moi-même Moyen Orientale. Depuis 1967, je suis suspendue à l’évolution de la situation dans cette région du monde, laminée par l’éternelle sensation d’impuissance et d’isolement, sentiment qu’a atténuée depuis mon adhésion au Mouvement de la Paix. Lorsque j’ai entendu parler d’un voyage interreligieux en Israël-Palestine, organisé par la revue Témoignage Chrétien, avec 200 participants, Juifs, Chrétiens, Musulmans, ma décision fut immédiate : je me joindrai à ce voyage fondé sur la rencontre et le dialogue que je désirais. Le Rabbin Philippe Haddad avec un jeune palestinien dans la cour de l’école d’un camp à Ramallah Partir à 200, de confessions différentes ou agnostiques, mais surtout « aventuriers du dialogue et militants de la paix, à la rencontre d’Israéliens et de Palestiniens, architectes et bâtisseurs de paix : voilà qui m’enthousiasmait. Trois moments ont été bouleversants pour moi : le recueillement à Beer Sheva, l’émotion sur le mont des Oliviers à Jérusalem, et la rencontre avec le mouvement TAAYUSH. Beer Sheva est le lieu où la tradition biblique situe l’alliance de paix entre Abraham et son voisin bédouin le roi Abimelek (Gn 21, 22-34). Lors de notre passage à Beer Sheva, les paroles des témoins de ce voyage, ( le rabbin Philippe Haddad, le théologien musulman Ghaleb Bencheikh, l’évêque Mgr Jacques Noyer, le pasteur Nicole Fabre) appelaient à l’entente et à la réconciliation, renouvelaient avec force cette première alliance mythique pour promettre une paix à venir. En arrivant à Jérusalem, de nuit, le groupe s’est rassemblé sur le Mont des Oliviers, dominant la ville. De la Mosquée du Dôme du Rocher, illuminée en ce temps de Ramadan, et de la mosquée El Aksa, montaient, dans une prière collective, les voix des fidèles psalmodiant le Coran. De notre groupe se sont élevées au même instant des voix chrétiennes, juives et musulmanes pour s’unir en un bouquet de prières et d’espérances, dans le ciel de Jérusalem. Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas, tous ont mêlé, ce soir là, leur espoir d’une paix juste et fraternelle. Le troisième moment venait pour moi concrétiser la puissance mythique de Beer Sheva et la force symbolique de nos espérances au Mont des Oliviers. Une jeune israélienne nous a présenté le mouvement TAAYUSH, ce qui signifie en arabe Vivre ensemble : mouvement de résistance civile, non violent, israélo-palestinien et judéo-arabe, qui mène des actions militantes, dans les territoires occupés comme auprès de la population israélienne. Ce mouvement, constitué de citoyens israéliens, juifs et arabes, est né en octobre 2000, au début de la deuxième Intifada, au moment où la répression d’une manifestation d’Arabes israéliens à Jérusalem a fait 13 morts. Dans les territoires occupés Dans les villes assiégées des territoires occupés, TAAYHUSH travaille en collaboration avec les maires, achemine des convois humanitaires, et participe à la reconstruction des maisons détruites. Ce mouvement lutte contre le transfert silencieux des palestiniens : les villageois sont en effet harcelés par les colons israéliens jusqu’à ce qu’ils abandonnent leurs terres (arrachage de leurs oliviers, source de revenus économiques, vol ou abattage de leur bétail, bouchage de leurs puits : toutes ces actions étant tolérées ou protégées par larmée israélienne). Ce mouvement soutient le SOUMOUD, organisation palestinienne d’accrochage à la terre qui résiste avec acharnement à ces tentatives d’expulsion et d’expropriation. Le but de TAAYUSH est aussi de redonner confiance aux populations palestiniennes en menant ces actions conjointement par des Israéliens juifs et arabes, leur signifiant ainsi que tous les Israéliens ne sont pas soldats ou colons. Devant le décor du désert du Néguev, le groupe écoute la méditation de Dominique Ponnau. ( Photos de Jean-Claude Jaffré pour TC) En Israël À l’intérieur d’Israël, TAAYUSH milite pour l’égalité des citoyens juifs et arabes et travaille à informer la population sur la réalité de l’occupation ( « qui assiège, assoiffe et affame les Palestiniens »), lui signifiant aussi que tout Palestinien n’est pas terroriste. TAAYUSH, avec dautres mouvements israéliens pour la paix, fustige violemment non seulement palestiniens ( la sud, le village de la construction du mur, énorme entreprise, qui vise à séparer et diviser les territoires Cisjordanie divisée en deux parties, Nord et Béthanie coupé en deux…), mais aussi à rendre le futur Etat palestinien le moins viable et le plus déstructuré possible. La construction du mur entraîne pour le moment, le long de son tracé, l’isolation de 200 000 palestiniens, qui ne peuvent plus avoir accès ni à leurs sources d’eau, ni à leurs terres cultivables. TAAYUSH lutte également contre le cloisonnement de la société israélienne ( école, armée, mini-ethnies différentes…) et dénonce le manque d’information politique ( il existe ainsi 180 villages bédouins dans le désert du Negev, qui ne sont pas recensés depuis 1948, donc considérés comme inexistants, se heurtant à l’impossibilité de construire leurs habitations ou d’exercer leur commerce). Le mouvement TAAYUSH n’est constitué que de bénévoles, qui la plupart du temps sont de très jeunes gens, mais il bénéficie, selon ses représentants, d’une bonne couverture de presse. Ceci, nempêche pas, bien sur, que ses militants soient surveillés de près par les autorités israéliennes. Ce séjour a été pour moi une expérience où la tolérance, engendrée par le respect et lestime de l’autre, conduit à la rencontre, au dialogue, même s’il exprime des désaccords. Le problème n’est pas religieux, il est politique ( c’est aussi un des derniers propos que nous a tenus Arafat lors de notre rencontre à Ramallah), mais pour construire la paix, nous avons aussi besoin de la foi des religieux de bonne volonté, rassembleurs et fraternels. Parler, négocier, construire peu à peu ensemble… Salam, Shalom. Arlette Colle