Clubbers contre kibboutzniksx - moodle@insa

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Clubbers contre kibboutzniks
Faut-il jouir de la société de consommation ou renouer avec l’esprit pionnier du sionisme ?
Le moshav Bnei Zion, une coopérative agricole située près de Tel-Aviv, a été pendant soixante
ans un bastion du sionisme. Ses 97 familles fondatrices ont cultivé des pamplemousses et des
oranges pour l’exportation et élevé leurs adolescents dans l’espoir qu’ils intègrent les unités
d’élite de Tsahal. Aujourd’hui, la vieille coopérative volaillère du moshav a été reconvertie :
elle héberge une entreprise de design industriel et une société qui fabrique des capteurs destinés
à alerter les conducteurs qui s’assoupissent au volant. Des terres agricoles ont été revendues
pour y faire construire des logements habités par des familles aisées dont les enfants n’ont
qu’un rapport très lointain avec ces jeunes qui, pendant des décennies, ont alimenté la flamme
sioniste.
Tirée par les exportations de hautes technologies, l’économie israélienne a affiché une
croissance de 6,3 % pendant le premier trimestre de cette année. Pourtant, la prospérité n’est
pas synonyme de sécurité. Alors que les Israéliens entament un nouvel été sous le signe de
l’instabilité régionale, certains s’interrogent : une société de consommation avancée, avec
l’individualisme qu’elle suppose, est-elle compatible avec la solidarité et la détermination
nécessaires à la défense d’un petit Etat entouré de voisins hostiles ? et le fossé grandissant entre
les riches et les pauvres en Israël ne risque-t-il pas de saper la volonté de défense du pays ?
Tel-Aviv, la ville la plus occidentalisée du pays, est particulièrement dans le collimateur. Après
la guerre de l’été dernier, le général Elazar Stern, chef du département des ressources humaines
de l’armée israélienne, a suscité un tollé lorsqu’il a déploré que, sur les 119 soldats israéliens
tués pendant cette guerre, seuls 3 étaient de Tel-Aviv, une agglomération de 380 000 habitants,
la deuxième après Jérusalem. Par comparaison, Eli, une colonie de Cisjordanie qui compte 2
500 habitants, a elle aussi perdu 3 soldats. Le général Stern attribue ces disparités au fort taux
d’adolescents qui se dérobent au service militaire. Il a aussi reproché à la société israélienne
dans son ensemble de s’amollir.
Imprégnés de l’idéologie sioniste, les collectifs agricoles israéliens ont produit bon nombre des
hommes d’Etat et des chefs militaires du pays, depuis le premier Premier ministre, David Ben
Gourion, jusqu’au héros de la guerre des Six-Jours, Moshe Dayan, en passant par le très décoré
Ehoud Barak, l’actuel ministre de la Défense d’Israël. Si les kibboutzim n’ont jamais représenté
plus de 7 % de la population d’Israël, pas moins de la moitié des pilotes de l’armée de l’air
israélienne sont issus des exploitations communautaires.
Autant dire que, dans une économie capitaliste devenue l’une des plus prospères de la planète,
les idéaux socialistes des sionistes fondateurs appartiennent au passé. A en croire certains
Israéliens, la solidarité a laissé place à un fossé grandissant entre les riches et les pauvres.
Le colonel Tziki Sela, responsable des effectifs de l’armée israélienne, reconnaît que les jeunes
du pays ont toujours à cœur de remplir leurs obligations en matière de conscription. Pendant la
guerre de l’été dernier, plus de réservistes qu’il n’en fallait se sont portés volontaires pour
servir le pays.
Mais ce sont les tendances à long terme qui inquiètent de nombreux Israéliens. Le nombre de
recrues qui demandent à être réformées pour raisons psychologiques est aussi en augmentation
– 7 % de plus qu’il y a dix ans, révèle le colonel Sela. La plupart d’entre eux sont des
simulateurs parfaitement sains, estime-t-il : ils tirent parti du laxisme qui règne lors du
processus d’évaluation.
“Ils ne veulent pas passer trois ans dans l’armée”
Dans la bulle qu’est devenu Tel-Aviv, les discothèques ne démarrent qu’après 2 heures du
matin. Avant l’aube, des jeunes ivres de musique viennent s’échouer sur les trottoirs. “On veut
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juste vivre une vie normale, il n’y a pas de mal à ça”, fait valoir Rotem Levy, 23 ans. “C’est
planétaire, partout les gens pensent davantage à eux.” Même si, dans ce groupe, tous disent
avoir accompli leur service militaire, ils ont tous des amis qui ont été réformés pour des motifs
douteux. L’un de leurs potes, racontent-ils, a dit au recruteur qu’il entendait des voix ; un autre,
qu’il faisait encore pipi au lit. “Les gens ne veulent pas passer trois ans dans l’armée alors
qu’ils pourraient commencer une carrière”, commente Adi Cohen, 23 ans.
Depuis une dizaine d’années, les changements économiques ont remis en question l’esprit
socialiste des sionistes fondateurs, qui était à la base du système de protection sociale israélien.
Ainsi, les allocations familiales ont été fortement réduites. Résultat, le contrat social est rompu.
Pendant la guerre de l’été dernier, des milliers d’Israéliens du Nord ont connu la faim dans les
abris antibombes. L’Etat avait sous-traité ses missions d’aide à des sociétés privées qui se sont
enfuies dès que les missiles ont commencé à pleuvoir.
Les Israéliens sont à la croisée des chemins. Ils doivent renouer avec l’esprit du sionisme, qui
visait à construire une société morale, sans quoi ils risquent de voir s’aggraver les divisions
internes. Israël ne peut pas se permettre d’être une banlieue high-tech parmi d’autres le long de
l’autoroute planétaire de la consommation. “Israël n’est pas la France”, commente M. Katzir,
26 ans. “S’il n’est pas juste, il ne durera pas.”
Peter Waldman
The Wall Street Journal