aGEOPOLITIQUE DU CONFLIT - Savoirs et Perspectives
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aGEOPOLITIQUE DU CONFLIT - Savoirs et Perspectives
Le 27 novembre 2007 GEOPOLITIQUE DU CONFLIT ISRAELO-ARABE D’après la conférence de Frédéric ENCEL, géopoliticien, Professeur à l’Institut des Sciences Politiques, directeur de recherches et consultant en risques - pays. I. GEOPOLITIQUE - Définition La géopolitique se fonde sur des outils d’analyse particuliers. 1°- la souveraineté comme élément déterminant dans les rivalités de pouvoir Les rivalités de pouvoir existent pour le renforcement, l’obtention ou la sauvegarde de la souveraineté (qui se décline par un drapeau, une justice, le droit à une force armée….), autrement dit, l’autodétermination des peuples. C’est le moteur le plus puissant qui permet aux peuples de se mouvoir. « On ne se bat pas pour moins que la souveraineté ». Par exemple à Jérusalem, la seule question qui compte vraiment, c’est : « Qui sera souverain sur la ville ? » 2°- L’importance majeure de la géographie Même sur un tout petit territoire, la géographie est un élément fondamental en géopolitique. A Jérusalem, la vieille ville ne dépasse pas la taille de la place de la Concorde, le Mur des Lamentations correspond au soubassement de l’Esplanade des Mosquées. Dans ces conditions, où mettre une frontière entre le monde musulman et Israël ? Lorsque le mollah Omar donnait l’ordre aux terroristes de détruire les Twin Towers le 11 septembre, il le faisait à partir de son ordinateur en Afghanistan. Le régime souverain (Talibans) le savait-il ? il était alors complice. L’ignorait-il ? Les implications politiques et les conséquences sont très différentes. 3°- Les représentations La représentation est une perception identitaire sur des temps longs qu’une population entretient vis-à-vis : . d’une autre population qui peut être dans les mêmes frontières (ex : Les Israéliens et les Palestiniens ont chacun une représentation de l’autre alors qu’ils sont dans les mêmes frontières), . de l’espace sur lequel on vit. Seulement 1 % de Juifs réside à Gaza. Quelle rationalité à leur maintien sur place ? Géopolitique du conflit israélo-arabe -1- Ces perceptions identitaires sont, au Proche-Orient, le soubassement du conflit, sa toile de fond. M. Abbas voit E. Olmert comme un Juif, membre d’une religion ; alors que les sionistes reviennent sur la terre de leurs ancêtres en tant que peuple et non pas en tant que religion. E. Olmert, lui, voit M. Abbas comme un arabe comme les autres, et non comme un palestinien. On est là sur un fossé de représentations, abyssal. Ce qui est difficile, c’est d’admettre de voir l’autre tel qu’il se voit lui-même. C’est une étape indispensable à la paix des arrière-pensées, comme disait Bonaparte : « c’est la seule à même d’être effective ». Et tant que le fossé des représentations de l’autre n’aura pas été comblé, on n’obtiendra qu’une paix provisoire. II. ACTEURS SUR LE TERRAIN Afin de comprendre la situation actuelle, il faut comprendre les affrontements nationalistes juifs et arabes qui se développent à la fin du XIX e siècle. Le Sionisme Le « réveil des Nationalités » en Occident est une des circonstances favorables au réveil du nationalisme juif. C’est après les pogroms antisémites de Russie, en 1881, que commence la création de communautés juives en Palestine. Avec le journaliste T. Herzl apparaît un mouvement sioniste mondial. Le sionisme fait basculer les Juifs d’une dimension essentiellement cultuelle et religieuse (qui donc n’implique pas la création d’un Etat), à une dimension politique et nationale. C’est alors que la migration des Juifs vers la Palestine commence. Le Nationalisme arabo-palestinien Simultanément et parallèlement au déclin de l’Empire ottoman se développe un sentiment d’identité arabe. C’est à partir des années 1960 que se propulse le nationalisme palestinien. Une concurrence s’établit entre les deux mouvements, nationalisme arabopalestinien et nationalisme juif, c’est un rapport de forces assez banal. Ce qui l’est moins, c’est qu’à l’époque (1948) les Etats arabes voisins annexent à leur profit respectif ce qui devait appartenir à l’Etat arabe de Palestine. (Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est). C’est le conflit israélo-palestinien qui est le problème-clé du plus large conflit israéloarabe. III. CINQ GRANDS CONTENTIEUX 1°- Les réfugiés En 1948, lors de la guerre entre Israël et les pays arabes, plusieurs centaines de milliers d’Arabes de Palestine se réfugient dans les pays arabes voisins (Liban, Syrie, Egypte, Jordanie). Aujourd’hui à la 4e génération, ils sont 4 millions. Que s’est-il passé ? Sont-ils partis d’eux-mêmes ? Leur a-t-on promis mieux ailleurs ? Ont-ils été chassés ? Ont-ils fuit parce qu’ils avaient peur ? Géopolitique du conflit israélo-arabe -2- C’est un débat dont on peut penser que les responsabilités sont partagées. Que se passe-t-il avec ces réfugiés ? Jamais un dirigeant palestinien n’acceptera de dire que les palestiniens sont partis d’eux-mêmes. Ce serait les prendre pour des lâches et accepter la légitimité du sionisme. Jamais un dirigeant israélien n’acceptera de dire que le sionisme a chassé un peuple de chez lui. Cela signifierait leur illégitimité et le droit au retour des réfugiés palestiniens. On est là dans des « représentations ». Tant qu’il n’existe pas de « plus petit dénominateur commun », il est impossible de résoudre le problème des réfugiés. Pourtant, malgré l’échec de Camp David II en 2000, on était arrivé à quelque chose d’intéressant. Les Palestiniens modérés étaient prêts à renoncer à une légitimité du droit au retour des réfugiés en contrepartie de la reconnaissance par les Israréliens de leur responsablité dans ce qui s’était passé en 1948. Actuellement, il y a 5,5 millions de Juifs et 1,5 millions d’Arabes en Israël ; démographiquement il n’est pas possible d’accueillir 4 millions de réfugiés en plus. Même s’il n’y a pas pour l’instant de solution ni de socle commun à la résolution du problème des réfugiés, une amorce de discussion est née avec la reconnaissance d’une certaine responsabilité partagée. Les Israéliens sont prêts pour essayer de discuter mais disent : « N’oublions pas les centaines de milliers de réfugiés juifs qui ont été chassés des pays arabes». 2°- Jérusalem Jérusalem est une ville sainte pour chacune des trois grandes religions monothéistes. Actuellement, Jérusalem abrite environ 200 000 Arabes palestiniens et autant d’Israéliens. Ils sont répartis dans des quartiers enchevêtrés, sur des collines et des vallées, avec les lieux saints (1 km²) au milieu de la vieille ville. Jérusalem-Ouest, israélienne depuis 1948, constitue un corridor avec le reste d’Israël ; Jérusalem-Est est reprise aux Jordaniens par Israël en 1967 à l’issue de la guerre des Six Jours. Dès lors, elle est considérée comme territoire occupé. Que peut devenir Jérusalem-Est ? Soit on revient aux frontières d’avant 1967, et Israël rapatrie ses 200 000 habitants, solution qui semble impossible et déclencherait une guerre civile. Soit Jérusalem devient internationale : Israéliens et Palestiniens ne sont pas d’accord. Soit on envisage un partage fonctionnel de Jérusalem, où personne ne devra quitter son quartier. C’est cette dernière solution qui semblerait envisageable et éviterait de mettre des barrières ou des murs. Dans la vieille ville « autour des lieux saints », se trouvent quatre quartiers : arménien, arabe musulman, arabe chrétien et juif, au milieu desquels il est également impossible de mettre des frontières. La question de Jérusalem reste au cœur du futur processus de paix qui sera peut-être relancé par la conférence de paix d’Annapolis du 27 novembre 2007. Géopolitique du conflit israélo-arabe -3- 3°et 4°- Frontières et implantations Depuis 1967, on sait globalement que ce sera « paix contre territoires ». Les Israéliens sont presque tous d’accord avec ce principe (même les nationalistes, puisque A. Sharon a abandonné la bande de Gaza). Pour l’instant, Israéliens et Palestiniens savent que le Grand Israël et la Grande Palestine, c’est fini. Projet actuel : Les Israéliens annexeraient quatre blocs au nord, au sud et à l’est de Jérusalem, quatre points stratégiques pour Israël ; en échange de ces territoires il y aurait une cession d’environ 500 km² donnés aux Palestiniens (notamment près de la bande de Gaza et de Be’er Sheva). 5°- L’eau F. Encel ne croit pas à la guerre de l’eau. Il existe effectivement des problèmes importants d’alimentation en eau dans la région. Il faut d’abord faire la paix et ensuite s’organiser avec son voisin, avec lequel il peut il y avoir achat d’eau (comme par exemple, au sud Liban, où coule le fleuve Litani). CONCLUSION - Perspectives « Je crois aux Etats Nations » Depuis la chute du communisme, il n’y a jamais eu autant de créations d’Etats. La nation européenne marque le pas. Malgré les échanges commerciaux de plus en plus importants, les identités nationales demeurent ; depuis la chute du communisme, les nouvelles républiques soviétiques se sont créées en Etats nations…. Pourquoi Israéliens et Palestiniens fusionneraient en toute fraternité ? « Je crois qu’il y aura deux Etats nations et, pour cela, il faut des frontières ». La paix La paix au Proche-Orient ne se fera pas à la franco-allemande, car les éléments nécessaires à celle-ci ne sont pas réunis aujourd’hui au Proche-Orient, mais on peut croire à la paix israélo-égyptienne, paix froide depuis 30 ans. Espérons que l’avenir fera mentir une phrase de David Ben Gourion qui disait à un journaliste qui lui demandait qu’elle était la solution au problème du conflit israélo-arabe : « Monsieur, si vous croyez qu’il y a une solution à ce problème, c’est que vous n’avez pas compris le problème ». Bibliographie Géopolitique de l’Apocalypse, Flammarion, 2002 Géopolitique du Sionisme, Armand Colin, 2006 Géopolitique du conflit israélo-arabe -4-