Planète Paix n°506 - Livre sur le Proche

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Planète Paix n°506 - Livre sur le Proche
Planète Paix n°506 – Livre sur le Proche-Orient :
Bâtisseurs de paix
Mondialiser la Paix
Livre sur le Proche-Orient : Bâtisseurs de paix
Planète Paix a rencontré David Chemla, Président de La Paix
Maintenant, à l’occasion de la publication de son livre
Bâtisseurs de paix . De mars 2004 à mai 2005, l’auteur s’est
rendu en Israël et en Palestine à de nombreuses reprises pour
y réaliser des entretiens. Il a interviewé des hommes et des
femmes, israéliens et palestiniens, connus ou non qui
partagent une même vision afin de proposer une solution de
compromis pour mettre fin au conflit. Militaires, leaders
religieux ou politiques, universitaires, responsables
associatifs ou encore écrivains comme David Grossman, on
retrouve leurs noms au bas des accords de Genève, ou sur la
pétition Ayalon-Nusseibeh. L’auteur a voulu comprendre leurs
engagements et découvrir le cheminement qui les a conduit là
où ils en sont aujourd’hui.
Il existe de nombreuses études, livres ou publications sur le
Proche Orient, mais Bâtisseurs de paix semble répondre à un
autre souci qu’une lecture géopolitique du conflit. On y
trouve une mosaïque de 16 personnages au parcours très
différents, Israéliens et Palestiniens, dont le point commun
est de travailler à des solutions de paix comme l’initiative
de Genève ou la Voix des peuples. Quel objectif poursuivezvous en recueillant ces récits souvent très personnels ?
Cela fait plus de 25 ans que je milite au sein de La Paix
Maintenant en France pour que la paix advienne dans cette
région où j’ai beaucoup d’attaches. J’avais vécu auparavant
une dizaine d’années dans un kibboutz en Israël. Pendant
toutes ces années de militantisme, je m’étais toujours demandé
comment, au-delà des soutiens que nous apportions aux
initiatives de paix en Israël, aider les populations
israélienne et palestinienne à casser les stéréotypes que
chacune avait de l’autre, comment les amener à se reconnaître
afin d’être capable de s’engager ensuite dans un processus
politique qui mènerait à un accord de paix. Il faut savoir que
ces deux sociétés se côtoient depuis maintenant 38 ans sans se
connaître. Le seul moment où ces deux sociétés ont commencé à
s’ouvrir l’une à l’autre fut pendant la parenthèse des années
qui a suivi les accords d’Oslo. Mais depuis le début de la
seconde Intifada, la majorité des Palestiniens ne perçoivent
les Israéliens qu’au travers de l’image de soldats ou de
colons alors que pour beaucoup d’Israéliens, les Palestiniens
sont tous des terroristes potentiels. Quand on vit dans
l’espèce de cocotte minute qu’est le Moyen-Orient, où le
quotidien est scandé par des événements souvent tragiques, il
est certes difficile pour les populations de se détacher d’une
actualité très prégnante et de réfléchir rationnellement à la
situation. Après la signature de l’accord de Genève et le
succès de la pétition de la Voix des Peuples, qui à ce jour a
recueilli plus de 400 000 signatures (25 0000 israéliens et
150 000 palestiniens), je me suis dit qu’il y avait là une
opportunité formidable, celle d’écouter le parcours de
quelques unes des personnalités qui menaient ces initiatives.
C’était tous des personnes, représentatives, enracinées dans
leurs sociétés respectives, des patriotes qui avaient à un
moment de leur vie pris conscience de l’existence de la
réalité de l’autre et qui depuis s’étaient engagées dans le
combat pour la paix. J’ai pensé que le récit de leurs
itinéraires pouvait aider à comprendre la réalité complexe de
ce conflit et ses blocages et qu’il pouvait, bien mieux que la
lecture d’une plate-forme politique, servir d’exemple dans une
démarche de pédagogie de la paix.
Ces récits qui mêlent histoire personnelle et grande histoire,
racontent comment par leur propre cheminement, des hommes et
des femmes militants de la cause de leur peuple sont devenus
militants de la paix. Y a-t-il là une leçon à tirer pour
construire la paix dans cette région ?
Bien qu’il y ait évidemment une asymétrie dans les situations,
il y a d’un côté un occupant et de l’autre un occupé, on
constate à la lecture de ces récits l’existence d’un
parallélisme dans les motivations qui ont conduit ces
personnalités à s’engager dans leurs projets respectifs. Ils
sont tous motivés d’abord par la recherche de l’intérêt bien
compris de leur propre peuple. Tous les Israéliens que j’ai
interrogés sont conscients de la profonde altération subie par
la société israélienne, une société qui, du fait de
l’occupation, se trouve en contradiction avec les valeurs sur
lesquelles cet Etat s’est construit. Parallèlement, les
Palestiniens témoignent de leur découverte de la réalité
israélienne et de la nécessité de trouver une solution
réaliste à ce conflit leur permettant de retrouver leur
dignité. Il faut comprendre que nous sommes face à un conflit
complexe confrontant chacun des deux peuples à son identité,
deux peuples qui portent un lourd héritage suite à une
histoire traumatique, certes qui n’est pas comparable, mais
qui les amène souvent à analyser le présent à travers le
prisme du passé. Or, la solution passe par la nécessité pour
chacun d’abandonner une part de ses rêves : celui du contrôle
par les Israéliens d’un territoire en Cisjordanie dans lequel
s’est passée une grande partie de l’histoire biblique et celui
de l’application du droit du retour en Israël pour les
descendants des réfugiés parce que, comme le dit l’un de mes
interlocuteurs palestiniens, si l’on devait l’appliquer, cela
conduirait à la création de deux états palestiniens, l’un en
Cisjordanie et à Gaza et l’autre en Israël où du fait de la
démographie les Arabes deviendraient vite majoritaires. Ainsi,
on comprend que la paix ne peut se construire que par la
redéfinition par chacun de son projet collectif national.
C’est donc en partant des conséquences du conflit sur leur
propre société et du constat qu’ils n’arriveront pas à
détruire leur ennemi respectif, que mes interlocuteurs se sont
engagés dans ce processus de reconnaissance et de dialogue.
Mais ils n’ont pu accomplir ce chemin l’un vers l’autre
qu’après s’être préalablement reconnus. Pour réussir à
partager une vision d’un futur possible dans deux états, il
faut, comme le dit l’un de mes interlocuteurs palestiniens,
réussir à se mettre à la place de l’autre.
C’est avec ces hommes et ces femmes que la paix progressera.
Comment depuis la France pouvons-nous être utiles à leur
projet de paix ?
Si nous voulons avoir un rôle constructif dans ce conflit, il
faut, quelles que soient nos attaches personnelles vis à vis
de l’un ou l’autre camp, réussir à dépasser les a priori que
nous pourrions avoir et écouter les douleurs et les attentes
de chacun des deux protagonistes. Il faut sortir des schémas
manichéens qui, trop souvent ici, positionnent la communauté
internationale comme partisane et soutenir par contre les
acteurs qui, comme ces bâtisseurs de paix, sont engagés sur
place dans le combat quotidien de la paix. A la lecture de ces
témoignages, on constate que très souvent c’est en s’éloignant
de la région que ces acteurs ont pu se découvrir mutuellement
et se reconnaître, notamment au cours de séminaires à
l’étranger. Cela doit nous encourager à continuer à favoriser
ces rencontres. Nous devons aussi faire pression sur notre
gouvernement pour le pousser à s’impliquer plus dans le
développement économique des territoires. Il est impératif que
le désengagement de Gaza, qui a été vécu comme un traumatisme
pour une partie de la société israélienne tout en bénéficiant
d’un large soutien de la population, soit le début d’un
changement significatif du quotidien des Palestiniens. Et dans
ce projet, la communauté internationale, et l’Europe en son
sein, a un rôle majeur à jouer.
Vous êtes vous-même un militant de la paix, les rencontres
avec ces personnages ont donc rencontré aussi votre propre
itinéraire. En avez-vous tiré un enseignement pour vous-même ?
Depuis des années j’essaie de ma place ici, modestement, de
favoriser une solution politique à ce conflit qui déchire une
région qui m’est chère. Mon engagement s’est nourri de mes
rencontres, dès les années 70, avec ces militants israéliens
que je connais, acteurs politiques ou intellectuels qui
cherchaient désespérément à l’époque des partenaires dans
l’autre camp. Aujourd’hui, ces partenaire existent. Ces
rencontres m’ont permis de les découvrir. Ecouter leurs
parcours m’a permis d’appréhender concrètement l’identité
palestinienne. Ce travail m’a beaucoup appris et m’a conforté
dans mon engagement. Je ne suis pas pour autant naïf. Je sais
que pour l’instant, ces bâtisseurs ne sont pas majoritaires
dans leur camp mais je sais qu’ils représentent les véritables
intérêts de leur peuple et que d’une certaine façon, ils
préparent l’avenir.
Chemla David, Bâtisseurs de paix , Editions Liana LEVI, 2005.
Prix public : 15 €
Présentations du livre
Toulouse : 15 octobre à 15h à la librairie Ombres blanches
(50, rue Gambetta 31000).
Infos : 05 34 45 53 33
Bruxelles : 25 novembre à 21h au Centre Communautaire Laïc
Juif (CCLJ) Rue de l’Hôtel des Monnaies
Strasbourg : 3 décembre à 17 ou 18h à la librairie Kléber (1,
rue des Francs Bourgeois).
Rens. : 03 88 15 78 88
Montreuil : début novembre. La date reste à fixer.
En savoir plus : www.lapaixmaintenant.org