Domaines et em-phase(s) en berbère tachelhit

SRPP – Séminaires de Recherches en Phonétique et Phonologie 2011-2012
LPP (CNRS/Sorbonne-Nouvelle)
http://lpp.univ-paris3.fr/
5 avril 2013
Domaines et em-phase(s) en berbère tachelhit
Mohamed Lahrouchi (CNRS/Université Paris 8)
L’emphase, appelée aussi "pharyngalisation", désigne au niveau articulatoire une constriction
secondaire dans le pharynx accompagnant l’articulation principale de la consonne dite emphatique.
Si un consensus existe sur la nature et l’inventaire des consonnes emphatiques en berbère, et sur
leur capacité à contaminer les segments voisins (Saïb 1978, Chtatou 1982, Elmedlaoui 1985,
Boukous 1990, 2009, Louali 1990), il reste un désaccord sur l’étendue de cette contamination.
D’aucuns parlent de la syllabe comme domaine minimal de la propagation de l’emphase et du mot
comme domaine maximal (Elmedlaoui 1985). D’autres évoquent le radical, mais aussi la possibilité
que l’emphase aille au delà des frontières du mot (Saïb 1978). Une référence plus ou moins
constante aux domaines prosodiques caractérise ces différentes études. Les exemples ci-­‐ dessous
du tachelhit illustrent le phénomène :
izˤi
>
[ezˤe]
« vésicule »
i-­‐zˤri
>
[ezˤre]
« vue »
a-­‐dˤar
>
[ɑdˤɑrˤ]
« jambe »
i-­‐dˤarr-­‐n
>
[edˤɑrrˤn]
« jambes »
i-­‐dˤarr-­‐n-­‐ad
>
[edˤɑrrˤnad]
« ces jambes »
a-­‐dˤar-­‐inu
>
[ɑdˤɑrˤenu]
« ma jambe »
izˤli
>
[ezˤlˤe]
« il a isolé, réservé »
izˤli-­‐j-­‐as
>
[ezˤlˤejas]
« il lui a réservé »
Une hypothèse à l’interface entre phonologie et morphosyntaxe est ici explorée. Nous proposons
de voir dans le domaine de propagation de l’emphase en berbère tachelhit l’expression d’une phase
morphosyntaxique xP (où x = v, n ou a), sujette aux principes habituels de la théorie, au premier
rang desquelles le principe de l'impénétrabilité des phases (Chomsky 2001).
Références
Boukous, A. 1990. Pharyngalisation et domaines prosodiques. Etudes et documents berbères 7 :
68-­‐91.
Chtatou, M. 1982. Aspects of the phonology of a Berber dialect of the Rif. PhD thesis,
SOAS, University of London.
Elmedlaoui, M., 1985. Le parler berbère chleuh d’Imdlawn (Maroc); segments et syllabation,
Doctorat de Troisième Cycle, Université Paris 8.
Chomsky, N. 2001. Derivation by phase. In Ken Hale: A Life in Language, 1-­‐52. MIT Press.
Louali, N. 1990. L’emphase en berbère : étude phonétique, phonologique et comparative. Thèse de
Doctorat, Université Lyon 2.
Marantz, A. 2007. Phases and words. In Phases in the Theory of Grammar, 191-­‐222. Dong In.
Marvin, T. 2002. Topics in the stress and syntax of words. Ph.D. dissertation, MIT.
Saïb, J. 1978. Segment organization and the syllable in Tamazight Berber. In Syllables and
Segments, A. Bell & J. B. Hooper (eds), 93-­‐103.
Scheer, T. 2008. Why the prosodic hierarchy is a diachretic and why the interface must be
direct. In Sound of Silence: Empty Elements in Syntax and Phonology,146-­‐192. The Netherlands:
Elsevier.