I. Le libre choix d`un régime matrimonial

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I. Le libre choix d`un régime matrimonial
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Fiche à jour au 2 janvier 2011
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Diplôme : Master 1
Matière : Régimes matrimoniaux
Web-tuteur : Béatrice Kan-Balivet
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Article 1387 du Code civil
ère
I.
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Civ.1 , 11 juillet 2006
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LE LIBRE CHOIX D’UN REGIME MATRIMONIAL
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Article 1400 du Code civil
4
Article 1498 du Code civil
5
Article 1526 du Code civil
6
Article 1536 du Code civil
6
Article 1569 du Code civil
6
II.
LE LIBRE CHOIX DU CONTENU DU REGIME
MATRIMONIAL
Article 1497 du Code civil
Date de création du document : année universitaire 2005/06
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Article 1398, alinéa 1er du Code civil
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Civ.1ère, 22 novembre 2005
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Article 1387 du Code civil
« La loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de
conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à
propos pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux
dispositions qui suivent ».
Le tribunal de grande instance est compétent pour connaître de la
détermination du régime matrimonial des époux.
Civ.1ère, 11 juillet 2006
Sur le premier moyen et la première branche du deuxième moyen, ci-après
annexés :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du
pourvoi ;
Sur la deuxième branche du deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... et Mme Y..., d'origine haïtienne, se sont mariés à NewYork (USA) en 1959 ; que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet
2003), qui a prononcé le divorce aux torts du mari, d'avoir dit le juge aux
affaires familiales incompétent pour déterminer le régime matrimonial des
époux ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu que la compétence
d'attribution du juge aux affaires familiales, définie par les dispositions de
l'article 247 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai
2004, ne comprenait ni la détermination du régime matrimonial applicable ni
la liquidation de ce régime matrimonial, a exactement décidé que la décision
d'incompétence du juge aux affaires familiales au profit du tribunal de grande
instance devait être confirmée dès lors que l'article 264-1 du code civil dans
sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 ne confiait à ce juge que le
pouvoir limité d'ordonner la liquidation et le partage des intérêts
patrimoniaux des époux et de statuer sur les demandes de maintien dans
l'indivision ou d'attribution préférentielle ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses cinq premières branches, ci-après
annexé :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé le divorce en
limitant la condamnation du mari au paiement d'une prestation
compensatoire sous forme de rente mensuelle viagère ;
Attendu qu'alors que Mme Y... se disait mariée sous le régime de la
communauté légale et M. X... sous un régime de séparation de biens de droit
de l'Etat du New Jersey, l'arrêt retient d'abord que, le divorce ayant été
prononcé aux torts du mari, l'épouse conserve de plein droit le bénéfice des
donations et avantages matrimoniaux consentis par le mari et ensuite que les
immeubles ont été acquis au nom des deux époux sans précision sur les
droits de chacun d'entre eux, de sorte que l'application à ces acquisitions du
régime de séparation de biens sera sans influence pour l'épouse ; que c'est
dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'avait dès
lors pas à surseoir à statuer en l'attente de la détermination du régime
matrimonial des époux, prenant en compte les oeuvres produites et vendues
par M. X..., artiste peintre renommé, a, sans encourir les griefs du moyen,
fixé le montant de la prestation compensatoire allouée à l'épouse ;
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D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen en sa troisième branche et le troisième moyen, en sa
sixième branche :
Attendu que le rejet des deuxième et troisième moyens dans leurs autres
branches rend ces griefs sans objet ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi…
Cette liberté contractuelle a deux significations : les futurs époux ou les
époux peuvent non seulement librement choisir leur régime matrimonial,
mais également les règles qui le régiront.
I. Le libre choix d’un régime matrimonial
La liberté contractuelle en matière de régime matrimonial signifie d’une
part, que les futurs époux choisissent librement le régime matrimonial
qu’ils considèrent le plus adapté à leur situation. Les futurs époux
peuvent écarter le régime légal, qui est le régime de communauté réduite
aux acquêts, pour adopter un autre régime, qu’il soit séparatiste ou
communautaire. Ils peuvent ainsi librement choisir parmi les 5 régimes
proposés par le législateur :
-
la communauté réduite aux acquêts :
Article 1400 du Code civil
« La communauté, qui s'établit à défaut de contrat ou par la simple
déclaration qu'on se marie sous le régime de la communauté, est soumise aux
règles expliquées dans les trois sections qui suivent. »
Ce régime a une source contestée. Nous rappellerons brièvement
les principaux arguments.
La doctrine dominante considère à l’heure actuelle que le régime de
communauté réduite aux acquêts est un effet du mariage. Aussi s’agiraitt-il non pas d’un régime conventionnel, mais d’un régime légal. Cette
position n’est pas sans pertinence car la plupart des époux qui se marient
sans recourir à un acte instrumentaire n’ont pas le sentiment de conclure
un contrat pour régler leurs relations pécuniaires. Ils n’émettent ainsi
aucune volonté, même tacitement. Un argument textuel peut également
être exploité. Les règles le concernant sont insérées dans un chapitre 2
relatif aux régimes de communauté, première partie intitulée « De la
communauté légale », par opposition à la seconde partie concernant la
communauté conventionnelle. Le régime dit légal serait donc un
véritable statut auquel les époux ne font qu’adhérer. Certains vont même
jusqu’à admettre qu’il existe une part irréductible de dispositions qui
constituent des effets légaux du mariage. Les contrats de mariage
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nommés ou innomés ne seraient que des dérogations à ce statut permises
par la loi.
Mais cette conception institutionnelle, même si elle demeure majoritaire,
est critiquée en raison de la remise en cause de la nature institutionnelle
du mariage. Outre cet argument présent, l’argument historique va
également en ce sens, puisque le contrat de mariage est avant tout un
pacte. Le fait que les droits et obligations des époux soient intégrés dans
le Code civil ne change rien à leur nature. Si le régime de la communauté
réduite aux acquêts s’applique, c’est que les époux l’ont choisi au moins
tacitement. D’ailleurs, comme les autres régimes prévus dans le Code
civil, celui-ci peut être aménagé par la volonté des parties et constituer
leur régime matrimonial. Il s’agit donc d’un régime conventionnel, le
terme de « convention » ne devant pas être utilisé au sens
d’instrumentum, mais de negotium.
Les quatre autres régimes prévus par le législateur posent moins de
difficultés.
-
la communauté de meubles et acquêts :
Ce régime a été le régime légal choisi par les rédacteurs du Code
civil de 1804 et a été remplacé par le régime de communauté réduite aux
acquêts par la loi du 13 juillet 1965. Les biens sont communs en fonction
de leur origine ou en fonction de la nature des biens. Ce régime peut se
justifier à une époque où les fortunes sont essentiellement immobilière. Il
devient inique dès lors que les fortunes sont mobilières, ce qui explique
le changement de régime légal. Ce régime reste présent dans le Code
civil :
Article 1498 du Code civil
« Lorsque les époux conviennent qu'il y aura entre eux communauté de
meubles et acquêts, l'actif commun comprend, outre les biens qui en feraient
partie sous le régime de la communauté légale, les biens meubles dont les
époux avaient la propriété ou la possession au jour du mariage ou qui leur
sont échus depuis par succession ou libéralité, à moins que le donateur ou
testateur n'ait stipulé le contraire.
Restent propres, néanmoins, ceux de ces biens meubles qui auraient formé
des propres par leur nature en vertu de l'article 1404, sous le régime légal,
s'ils avaient été acquis pendant la communauté.
Si l'un des époux avait acquis un immeuble depuis le contrat de mariage,
contenant stipulation de communauté de meubles et acquêts, et avant la
célébration du mariage, l'immeuble acquis dans cet intervalle entrera dans la
communauté, à moins que l'acquisition n'ait été faite en exécution de quelque
clause du contrat de mariage, auquel cas elle serait réglée suivant la
convention. »
-
la communauté universelle :
Lorsque la communauté est universelle, il n’existe qu’une masse de biens
appartenant aux deux époux.
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Article 1526 du Code civil
« Les époux peuvent établir par leur contrat de mariage une communauté
universelle de leurs biens tant meubles qu'immeubles, présents et à venir.
Toutefois, sauf stipulation contraire, les biens que l'article 1404 déclare
propres par leur nature ne tombent point dans cette communauté.
La communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des
époux, présentes et futures. »
-
la séparation de biens :
Les époux sont propriétaires exclusifs de leurs biens, que ce soit ceux
qu’il possédait avant le mariage ou ceux qu’ils ont acquis à titre onéreux
ou à titre gratuit pendant le mariage. Il n’existe pas de masse commune.
Article 1536 du Code civil
« Lorsque les époux ont stipulé dans leur contrat de mariage qu'ils seraient
séparés de biens, chacun d'eux conserve l'administration, la jouissance et la
libre disposition de ses biens personnels.
Chacun d'eux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant
le mariage, hors le cas de l'article 220. »
-
la participation aux acquêts :
Ce régime a été introduit dans le Code civil par la loi du 13 juillet 1965.
Pendant le mariage, c’est un régime quasi-séparatiste puisque c’est
l’indépendance qui prévaut. Les biens sont personnels aux époux ; puis,
au moment de la séparation, les intérêts vont être réglés selon les règles
du régime de communauté, mais de façon purement comptable.
Article 1569 du Code civil
« Quand les époux ont déclaré se marier sous le régime de la participation
aux acquêts, chacun d'eux conserve l'administration, la jouissance et la libre
disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui
appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession
ou libéralité et ceux qu'il a acquis pendant le mariage à titre onéreux. Pendant
la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés
sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun
des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets
constatés dans le patrimoine de l'autre, et mesurés par la double estimation
du patrimoine originaire et du patrimoine final. Le droit de participer aux
acquêts est incessible tant que le régime matrimonial n'est pas dissous. Si la
dissolution survient par la mort d'un époux, ses héritiers ont, sur les acquêts
nets faits par l'autre, les mêmes droits que leur auteur. »
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, comme le laisse entendre
l’article 1387 du Code civil. L’ingéniosité des notaires, ainsi que leur
volonté de trouver un régime parfaitement adapté à la situation des futurs
époux, ont pour conséquence la pluralité des régimes. Mais il est à noter
qu’en la matière, on constate un recul dans la diversité. Plusieurs causes
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à cela : notamment le conformisme dû en partie peut-être aux études
universitaires, aux recours à des formulaires et à la rapidité nécessaire
pour accomplir ces actes, sans compter la sécurité juridique. En effet,
une formule éprouvée est parfois plus satisfaisante qu’une clause qui
pourrait produire des effets non envisagés. En théorie néanmoins, la
diversité existe car les futurs époux peuvent même adopter un régime
étranger ou un régime issu de la tradition historique dans la mesure où,
comme l’indique l’article 1387 du Code, il n’est pas contraire aux
bonnes mœurs ou aux dispositions d’ordre public interne. A titre
d’illustration, le régime dotal ne pourrait à l’heure actuelle être
réintroduit en droit français en raison de l’inaliénabilité des biens qu’il
entraîne.
II. Le libre choix du contenu du régime
matrimonial
La liberté contractuelle signifie d’autre part, que lorsque les futurs
époux ont fixé leur choix sur un régime matrimonial, ils ne sont pas
tenus de retenir les règles fixées par la loi. Ils ne sont donc pas liés par le
régime qu’ils choisissent. Ils peuvent librement aménager le contenu de
leur régime matrimonial, notamment en combinant les règles du régime
choisi avec d’autres règles, dans les limites permises.
Ainsi les époux peuvent choisir un régime de communauté, mais
introduire des modifications quant aux règles de gestion. Ils peuvent par
exemple décider que contrairement au principe de gestion concurrente de
la communauté légale, toutes les décisions seront prises en cogestion.
Article 1497 du Code civil
« Les époux peuvent, dans leur contrat de mariage, modifier la communauté
légale par toute espèce de conventions non contraires aux articles 1387, 1388
et 1389.
Ils peuvent, notamment, convenir :
1º Que la communauté comprendra les meubles et les acquêts ;
2º Qu'il sera dérogé aux règles concernant l'administration ;
3º Que l'un des époux aura la faculté de prélever certains biens moyennant
indemnité ;
4º Que l'un des époux aura un préciput ;
5º Que les époux auront des parts inégales ;
6º Qu'il y aura entre eux communauté universelle. »
Autre exemple : le contrat peut modifier les règles relatives à la
liquidation. Ainsi, les futurs époux peuvent modifier les règles
d’évaluation des récompenses prévues à l’article 1469 du Code civil (« la
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récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que
représentent la dépense faite et le profit subsistant »). Cette disposition
n’est en effet pas d’ordre public.
La liberté est encore plus grande que celle du droit commun, en ce sens
que certains actes nuls en droit commun peuvent valablement être
stipulés dans le contrat de mariage au sens instrumentum. Ainsi en est-il
par exemple des libéralités faites en faveur du mariage. En droit
commun, le mineur est incapable, aux termes des articles 903 et 904 du
Code civil, de faire des donations. Or, il résulte de l’article 1398 du Code
civil, que le futur conjoint mineur peut accomplir une donation par
contrat de mariage au sens d’acte instrumentaire.
Article 1398, alinéa 1er du Code civil
« le mineur capable de contracter mariage est capable de consentir toutes les
conventions dont ce contrat est susceptible et les conventions et donations
qu’il y a faites sont valables pourvu qu’il ait été assisté, dans le contrat, des
personnes dont le consentement est nécessaire pour la validité du mariage. »
Mais des limites existent. Toutes ces dispositions doivent respecter
l’ordre public.
Civ.1ère, 22 novembre 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3 du Code civil ;
Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté un mariage nickah selon le
rite hanéfite devant le Cazi de Karikal (Inde) ;
qu'ils se sont installés en France ; que, par jugement du 19 novembre 1990, le
tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a prononcé le divorce des
époux et ordonné la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ; que des
difficultés ont surgi, M. X... revendiquant un régime de séparation de biens et
Mme Y... se prévalant de la communauté légale du droit français ; que, par
jugement du 13 décembre 1993, le tribunal de grande instance a dit le
mariage soumis au régime légal français de communauté ; que l'arrêt
confirmatif de la cour d'appel de Lyon du 11 janvier 1996 a été cassé par un
arrêt du 7 avril 1998 (pourvoi n° W 96-13.973 bull. I n° 140) ;
Attendu que, pour dire le mariage soumis au régime de la communauté légale
de droit français, l'arrêt attaqué retient que l'acte de mariage comporte un
contrat de mariage préalable, que ce contrat se réduit à une clause unique et
déterminante dite de "maher" et que selon le certificat de coutume versé aux
débats le "maher" est "le prix de vente que la femme fait de sa personne en se
mariant" de sorte que la clause est contraire à l'ordre public français qui ne
saurait tolérer la vente des êtres humains ;
Attendu cependant que l'acte dit "Maher" est une convention établissant le
consentement des époux au mariage, assorti du versement d'une dot, sans
contrariété à l'ordre public international français, de sorte que la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;
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PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2
décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Lyon, autrement composée ;
Ainsi un respect de l’ordre matrimonial s’impose. Il n’est donc pas
possible de réintroduire l’ancienne puissance maritale ou l’ancienne
qualité de chef de famille attribuée au mari ou de rendre un époux
incapable. Le contrat ne peut pas non plus porter atteinte aux
mécanismes fondamentaux du régime. Il n’est ainsi pas possible de
porter atteinte à la cogestion du logement familial prévue aux termes de
l’article 215 al. 3 du Code civil et 1571 al. 1er du Code civil.
L’ordre public successoral doit également être respecté. Le contrat
de mariage ne peut donc pas contrevenir à la prohibition des pactes sur
successions futures, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de régler par
contrat des successions non ouvertes.