Bref d`auteur 10 — Copie privée pour le livre : pas sans rémunération
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Bref d`auteur 10 — Copie privée pour le livre : pas sans rémunération
Bref d’auteur 10 — Copie privée pour le livre : pas sans rémunération ! La lourdeur et les coûts associés aux moyens de reproduction dans le monde du livre papier ont mis les auteurs et les éditeurs à l’abri du désir des consommateurs de reproduire les livres à leur insu. Encore de nos jours, il n’y a souvent aucun avantage économique à photocopier un livre entier. Les nouvelles technologies numériques, les télécommunications satellitaires et la multiplication des nouveaux supports, liseuses et téléphones intelligents en tête, ont fait tomber cette barrière : des livres entiers, même volumineux et même richement illustrés en couleurs, prennent tout au plus quelques minutes à reproduire ou à transférer d’un support à un autre, ce qui fait basculer le livre dans le paradigme de la musique. Et c’est ici qu’intervient la copie privée. Quand la production de vinyles et de rubans magnétiques cède la place à la copie sur cassettes et CD et que la reproduction sans autorisation sur support vierge se répand comme la vérole sur le bas clergé, le législateur canadien réagit, dans sa réforme du droit d’auteur de 1997, en légalisant la reproduction sur support audio de la totalité ou d’une partie importante d’une œuvre. La copie privée, c’est donc une exception prévue à la loi actuelle spécifiquement pour autoriser la pratique déjà épidémique de copier les œuvres musicales. Alors, entendons-nous bien, ce n’est pas la copie privée comme telle que nous revendiquons pour le livre, mais le droit à rémunération pour copie privée et le mécanisme de perception de la redevance d’exploitation de ce droit qui est alors mis en place pour dédommager financièrement les ayants droit. Le principe est simple : à défaut de pouvoir prélever les redevances de ceux qui copient, on les prélève de ceux qui fournissent les supports pour la copie, on crée pour les prélever et les répartir une Société de perception de la copie privée (SCPCP) et le taux de redevance est fixé par la Commission du droit d’auteur. Cependant, tout n’est pas rose dans l’univers du régime de copie privée. Même si cette exception existe dans presque toutes les législations des pays industrialisés, les débats perdurent un peu partout concernant le concept de privé et la source de la copie : un usage privé qui inclut généralement la famille doit-il inclure aussi les amis? faut-il avoir acheté l’œuvre originale pour bénéficier de l’exception? Mais tout cela devient une bataille d’arrière-garde au vu du refus systématique du Canada de moderniser ce nouveau droit à rémunération. Le cauchemar commence avec le jugement d’une Cour fédérale qui casse une décision de la Commission du droit d’auteur et déclare les lecteurs audionumériques de type iPods non admissibles au droit à rémunération pour copie privée. Depuis, les auteurs-compositeurs, producteurs et éditeurs de musique mènent une lutte acharnée pour obtenir que la loi soit technologiquement neutre, c’est-à-dire rédigée de manière à évoluer avec les technologies. Ô surprise, le projet de loi C-32 (article 29.22) s’écarte complètement de cette voie : non seulement il n’élargit pas le concept de support admissible à cette rémunération, mais il ouvre toutes grandes les portes de l’exception. Même s’il interdit la copie privée à partir d’œuvres obtenues illégalement ou par contournement de verrou, il l’autorise pour toutes les œuvres, littéraires et artistiques, et ce, sans compensation ! Adieu droit à rémunération, adieu rémunération ! Tout comme les fournisseurs d’accès à Internet, les fabricants de liseuses viennent d’être déresponsabilisés de l’enrichissement injustifié qu’ils font et feront sur le dos des créateurs ! Aline Côté Présidente du comité du droit d’auteur de l’ANEL