Serions-nous plus libres sans l`Etat

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Serions-nous plus libres sans l`Etat
corrigé bac 2012
Examen : Bac S
Epreuve : Philosophie
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RAPPEL DU SUJET
SUJET 2 : SERIONS-NOUS PLUS LIBRES SANS L'ETAT ?
LE CORRIGÉ
I – L’ANALYSE DU SUJET
L'AVIS DU PROF
Ce sujet est un sujet classique de philosophie politique. Il ne présente pas de difficulté à supposer qu’on ait eu
un cours sur l’Etat ou qu’on ait une idée précise de ce qu’est un Etat. Cependant il interroge la relation de
l’homme à l’Etat du point de vue de sa liberté. Ainsi ce sujet met en relation deux des cinq chapitres du
programme de philosophie : la politique (l’Etat) et la morale (la liberté).
- L’Etat, c’est la structure organisée et hiérarchique qui permet le fonctionnement d’un pays, (appelé alors « un Etat »).
L’Etat est cependant bien cette organisation hiérarchisée et non le pays lui-même, le peuple. Ainsi l’Etat est ce qui « en
haut » permet au peuple d’être gouverné.
- La liberté, c’est l’état de l’homme doué de conscience, c’est-à-dire ayant la capacité de faire des choix et d’agir donc
avec raison. Ce n’est pas seulement comme on l’entend communément « faire tout ce que l’on veut ». Si on peut faire
ce que l’on veut, c’est parce qu’on est capable de savoir ce qu’on veut et de décider de faire ce que l’on veut.
- Ainsi le sujet interroge d’emblée l’opinion commune selon laquelle la liberté consiste à faire ce que l’on veut. Selon
elle, l’Etat est un frein à la liberté. Ce sujet invite le candidat à revenir à la définition philosophique de la liberté,
« pouvoir faire des choix », qui ne semble en rien entrer en contradiction avec l’Etat. En effet, dans un Etat
démocratique du moins, l’Etat n’impose aucun choix, ce n’est en tout cas pas sa vocation première.
- Cette première lecture ne doit pas faire oublier au candidat l’intitulé exact du sujet : il s’agit de déterminer si l’homme
serait « plus libre » « sans l’Etat », c’est-à-dire d’établir une gradation en relation avec l’organisation hiérarchique ou
non de la société. D’un côté, on a : avec ou sans Etat ; de l’autre : on a « plus ou moins » de liberté, il ne fallait donc pas
s’engouffrer dans le « libre ou pas libre » ! Le sujet est nuancé, et il ne fallait pas trop vite tomber dans la radicalité, en
affirmant que c’est dans une société sans Etat qu’on est le plus libre.
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II – LA PROBLEMATIQUE
Les hommes jouissent de leur liberté par l’usage qu’ils font de leur raison, cela relève d’un choix et d’une conduite
personnels. Un Etat, étant par définition ce qui organise la société dans son ensemble, n’entre pas en contradiction
avec la liberté des hommes, il est plutôt censé rendre possible cette liberté. Cependant l’Etat est une organisation
hiérarchisée : il s’appuie pour être réellement efficace sur des institutions, des hommes chargés de gouverner, des lois
qui permettent de sanctionner tout acte qui menacerait la vie collective. Or, parce qu’ils sont extérieurs à moi et qu’ils
constituent un ensemble de pouvoirs qui encadrent ma conduite et donc mes choix, l’Etat entre en contradiction
nécessairement avec ma liberté, ma capacité intérieure d’orienter ma conduite et de faire des choix.
Par exemple, en France, la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans. Je ne peux donc choisir de ne pas me scolariser. Je
dois aller à l’école. « Aller à l’école », telle est la conduite dictée par l’Etat français à tout jeune qui a moins de 16 ans.
Pourtant je sais bien que je peux m’y soustraire, car l’obligation n’est pas la contrainte. Cela est un devoir moral auquel
personne ne peut me contraindre, me forcer. Ainsi sachant que je le dois, je peux toujours user de ma liberté et ne pas
le faire. Ainsi se pose la question : « Serions-nous plus libres sans l’Etat ? » S’il n’y avait pas un Etat français, par
exemple, pour dicter une quelconque conduite à qui que ce soit, ne pourrions-nous pas dire que les hommes seraient
plus libres ?
Le problème est clair : avec ou sans Etat, les hommes sont libres. Ils ont la capacité de faire des choix parce qu’ils
sont doués de raison ; l’organisation sociale n’y change rien. Cependant, l’organisation sociale hiérarchisée suppose
une conduite dictée de l’extérieur aux hommes, il y a des lois et un ensemble de pouvoirs qui orientent leurs choix et
leurs conduites.
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III – LA BOITE A OUTILS: LES CONNAISSANCES UTILES AU TRAITEMENT DU SUJET
Voici quelques pistes qui permettraient l’organisation d’une réflexion progressive, argumentée et illustrée par des
exemples.
-
La liberté étant la capacité de décider par soi-même, avec ou sans Etat, les hommes sont libres car ils sont dotés
de raison et c’est ce qui leur permet d’être libres. Mais leur liberté semble plus restreinte avec l’Etat, car il oriente la
conduite et les choix des citoyens. C’est en ce sens que nous pourrions défendre la thèse nuancée selon laquelle « les
hommes seraient plus libres sans Etat », mais il faut veiller à comprendre le sens du conditionnel : nous serions plus
libres sans Etat, mais nous ne pouvons nous passer d’un Etat qui organise la société. Ainsi, c’était le présupposé du
sujet comme le présupposé de l’opinion commune (on admet communément que l’Etat est un mal nécessaire). Ainsi
nous admettons que nous sommes moins libres avec l’Etat, parce que, même s’il limite notre liberté, il la garantit.
-
La conséquence d’une telle thèse est la critique possible de la société : la société a-t-elle besoin de l’Etat ? L’Etat
est-il vraiment un mal nécessaire ? L’Etat est-il nécessaire ? La société doit-elle nécessairement s’organiser de manière
hiérarchique ? Si nous étions plus libres sans Etat, alors nous devrions détruire l’Etat. C’est la thèse anarchiste. Les
élèves de terminales y pensent souvent, mais leur intuition est souvent perturbée par une méconnaissance de la
doctrine anarchiste. Proudhon ou Bakounine sont présents dans les anthologies de textes de philosophie qui servent de
manuel aux élèves. Ils défendent l’idée selon laquelle l’Etat, parce qu’il porte atteinte à la liberté de l’homme, doit être
détruit. Ainsi les hommes doivent retrouver leur liberté en s’émancipant de toute autorité extérieure à soi. Ce n’est donc
pas l’opinion commune sur l’anarchie, à savoir : l’anarchie c’est l’absence de loi, et donc le désordre, si chacun fait ce
qu’il veut c’est la loi du plus fort. C’est ce qui décrédibilise la doctrine anarchiste. Or l’idée anarchiste, c’est de refuser
toute autorité (an- privatif, arché : autorité) pour être soi-même auteur, autorité, grâce à sa raison.
-
On pouvait défendre l’idée selon laquelle les hommes ne sont pas plus ou moins libres, mais qu’ils sont
absolument libres à partir du moment où ils font usage de leur raison. C’est là qu’est la critique des anarchistes : le
problème de l’Etat c’est qu’il empêche les hommes de faire usage de leur raison. Mais on retrouve la thèse proprement
philosophique de Kant : les hommes sont libres grâce à leur raison, il faut qu’il soit tuteur et non mineur, c’est-à-dire
dans un état de minorité. On peut donc décider de mettre de côté l’Etat pour montrer que c’est la raison et l’usage qu’on
en fait qui permet aux hommes d’être libres. On retrouve ainsi l’idée de départ « avec ou sans Etat, les hommes sont
libres » et on montre l’importance de la définition de l’homme comme être de raison.
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Autres références possibles :
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Epictète, les stoïciens (approche philosophique) : être libre c’est faire bon usage de sa raison en distinguant ce
qui dépend de moi et ce qui ne dépend pas de moi. Les hommes sont libres s’ils se concentrent sur ce qui dépend
d’eux, à savoir le jugement, le désir, tout ce qui vient de leur esprit. Dans cette approche strictement philosophique, la
question de l’Etat est bien mise de côté. L’homme est libre parce qu’il est doué de raison.
-
Pierre Clastres (approche anthropologique) : les hommes peuvent se passer d’Etat, car on a observé des
sociétés sans Etat où la vie sociale est harmonieuse grâce à un exercice du pouvoir centré sur la parole. Le chef, chez
les indiens d’Amazonie permet de maintenir la paix en parlant avec les autres tribus. Cela permettrait d’alimenter la
thèse selon laquelle si nous étions plus libres sans Etat, nous pourrions nous en passer.
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