VANDAL De HélierCisterne

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VANDAL De HélierCisterne
VANDAL
De HélierCisterne
Un talent prometteur
Ça commence, ou quasiment, dans le bureau d’un juge (Corinne Masiero, pour une fois de l’autre côté du
miroir, merci pour elle) où une mère complètement débordée (Marina Foïs) et son grand fils récidiviste (vol
de voiture) se voient sévèrement admonestés par l’autorité publique qui réclame une mesure
d’encadrement. Conclusion, Chérif, 15 ans, déménagera à Strasbourg, où il sera accueilli dans le foyer de sa
tante, et pourra également reprendre contact avec un père perdu de vue depuis le divorce de ses parents.
Chaleureusement reçu par ses oncle et tante, affectueusement revu par son père Farid (Ramzy), ouvrier en
bâtiment qui le présente fièrement à tous ses copains, le taiseux et sombre Chérif reprend le cours d’un
CAP de maçonnerie qui constitue pour lui l’horizon de son rachat.
Il apparaît très vite que le monde adulte et la société qu’il représente ne suffisent pas à rattraper les dégâts
possiblement commis à l’encontre de Chérif, ni à satisfaire la soif d’aventure et de transgression qui
caractérise un garçon de son âge. Une provocation au lycée, et c’est déjà la baston, la menace d’exclusion.
L’aventure, accompagnée de l’amour (elle s’appelle Elodie, ressemble à un garçon manqué), viendra à lui
clandestinement, par l’intermédiaire de son cousin germain, garçon modèle en famille mais membre secret
d’un collectif de graffeurs. Chérif découvre dans ce monde de la nuit, furtif, violent et poétique, un terreau
où s’enraciner. Avec ses rivalités, son romanesque, son besoin effréné du défi, de la performance et de
l’effroi. Encore faut-il, là encore, en respecter les règles, ce que ne sait évidemment pas faire Chérif.
HélierCisterne, pour son premier long-métrage, en profite quant à lui pour dessiner de belles lignes de
fuite à ce récit ambitieux(double défi des figures de l’adolescence et de la délinquance). Toute l’action
nocturne notamment, avec ses courses-poursuites, son imaginaire de serials et de super-héros, ses
relents de tragédie et sa fatale attraction, est d’une assez belle tenue.
On est ici dans une épure qui rappelle celle du premier et remarquable long-métrage de Rebecca
Zlotowski, Belle Epine. Ajoutons que Zinedine Benchenine, le jeune acteur qui incarne le héros du film, est
pour sa part parfaitement convaincant. C’est assez pour parler, selon la terminologie en vigueur, d’un
talent prometteur.
Jacques Mandelbaum
VANDAL
de Hélier Cisterne
Un premier film singulier et fougueux
Pour qui aurait été un peu attentif à l’actualité du court-métrage français, le nom d’Hélier Cisterne ne sera pas tout à
fait étranger. Depuis près de dix ans maintenant, ce jeune trentenaire discret mais prolifique a tourné plusieurs clips
et films courts, s’est fait peu à peu une réputation dans le réseau festivalier consacré au genre tout en espérant son
tour, l’épreuve fatidique du long-métrage. De cette attente, que l’on devine par moments douloureuse, Vandal en
porte tous les stigmates, les signes d’une patiente maturation et d’un désir de cinéaste enfin libéré : témoignant une
maîtrise impressionnante, une conscience de chaque détail, c’est aussi un premier film impulsif et frondeur vandale, en effet.
Il y est question d’un gamin désœuvré, Chérif, 15 ans et les problèmes qui vont avec son âge : l’asocialité, la montée
de fièvre sexuelle et mortifère, le rejet de l’autorité qui dérive en petite délinquance. Lorsque le film s’ouvre, Chérif
apprend qu’il est viré de son école et placé en dernier recours dans la famille de sa tante, à Strasbourg. Ici, il
découvre un métier, renoue avec un père fuyant et s’initie au graff par l’intermédiaire d’un cousin dont il va intégrer
la bande, lancée chaque nuit dans les rues de la ville. Le choix du street art, de ses rites et ses nombreux codes
comme univers de référence est évidemment symbolique : c’est en revêtant les habits du graffeur, en apposant sa
signature sur tous les murs que Chérif se révélera à lui-même, qu’il trouvera enfin l’exutoire à son vertige existentiel.
Mais le milieu du graff offre surtout sa forme bipolaire au film, un récit d’initiation très singulier qui va et vient entre
réalisme austère et accélération du désir, entre le surplace et l’emballement. D’un côté, il y a donc le réel et ses
pesanteurs : Chérif dans sa vie, ses journées de classe, ses relations amoureuses embarrassées, ses tiraillements
identitaires entre un père arabe et une mère française «de souche», autant de conflits à peine esquissés par le film,
qui s’en tient à la plus stricte observation. De l’autre, il y a le monde marginal du street art : Chérif dans ses
fantasmes, sa nouvelle identité de graffeur, vierge de tout marqueur social ou géographique, son goût du risque et
de la vitesse qu’il consume chaque nuit avec la bande. C’est en mêlant ces deux registres a priori antagonistes, en
croisant la fibre Pialat (celle de Passe ton bac d’abord) avec un imaginaire de teenage rebellion plus américain, que le
film trouve sa vibration originale.
Sans jamais s’appesantir, Vandal parvient ainsi à incarner avec une rare acuité un environnement social et urbain,
tout en ménageant son contre-champ fictionnel : des scènes de graff explosives, bruyantes, électriques, scandées
par les hymnes rap d’une bande-son affolante. Une manière d’hybrider les genres qu’il applique également à son
casting : autour de son héros Chérif, incarné par l’inconnu et admirable Zinedine Benchenine, Vandal convoque tout
un réseau d’acteurs célèbres en figurants (Jean-Marc Barr, Marina Foïs ou Ramzy Bédia) et bouleverse l’habituelle
répartition des rôles dans le cinéma français. On pourrait certes dire qu’il s’agit là d’une intention un peu voyante,
comme on pourrait reprocher au film sa manière de ne rien laisser au hasard, mais ce serait négliger l’impolitesse et
l’élan fougueux que manifeste Hélier Cisterne, dont l’empathie est à chercher du côté des marges. Il faut ainsi voir sa
manière de filmer les scènes de graffs comme autant d’exploits collectifs, artistiques et politiques, des chorégraphies
urbaines saisies dans un sentiment d’urgence exaltant. Et il faut entendre le dernier cri rageur de son héros
moderne, Chérif, perché sur un toit d’immeuble où il vient d’imprimer son blase : seul, hors-la-loi, mais vivant.
Romain Blondeau
VANDAL
De Hélier Cisterne
De toute stupeur et de toute beauté
Le héros est Chérif (remarquable Zinedine Benchenine), âgé de quinze ans, bon gars enclin à une pente rebelle que
sa mère dépassée envoie bûcher son CAP chez son oncle, à Strasbourg, dans l’espoir de le recadrer un peu. Il y
retrouve surtout son cousin Thomas, jeune homme double affichant, de face, l’image d’un fils à lunettes rassurantet
exemplaire et, de profil, le vrai visage d’un vif insurgé. Chérif est initié par Thomas à une activité secrète : le graffiti
urbain, dont il partage la passion secrète avec quelques amis. La nuit, dans de superbes ballets d’ombres, ce petit
groupe d’adolescents transcendés repeint la capitale alsacienne aux couleurs inquiètes mais fringantes de leur
jeunesse. Lorsqu’elle apprend l’existence de Vandal, graffeur rival dont les exploits « YouTubés » lui semblent aussi
admirables qu’humiliants, la bande de sept conspirateurs jure de sauver l’honneur…
Parmi les charmes de Vandal, celui de ne pas être fixé dans un seul registre n’est pas le moindre. A sa manière
iconoclaste en douceur, le metteur en scène développe un art de conjuguer les contraires, ménageant une vraie
filiation avec le cinéma français mais ouvrant grand les fenêtres sur un au-delà formel, accueillant d’autres
contaminations. Derrière la membrane d’un récit aigu et même coupant, un profond lyrisme sourd, qui éclate plus
amplement dans certaines scènes très inspirées. On conseillerait d’ailleurs à Hélier Cisterne, dont c’est le premier
long métrage, de lâcher carrément la bride de ce lyrisme sombre et immersif qui donne au film ses plus beaux
éclats, sa dimension elfique, son romantisme noir.
L’amicale des graffeurs réunis qui forme le cœur du film fonctionne comme une société dont les activités
clandestines tirent autant leur valeur de cette illégalité- ou de cette subrepticité-, que de l’art qu’elles engagent.
Mais cet art n’est pas rien et, parmi les belles inspirations poétiques du film, on trouve l’invention d’un livre d’or où
sont couchées les traces des chefs-d’œuvre laissés par ces ados, exactement comme s’il s’agissait de jeunes
Compagnons du devoir en arts graphiques, d’artisans en vitraux, enlumineurs modernes de nos murs gris.
Le film juxtapose lui aussi les pistes : il prend des allures de documentaire en immersion lorsqu’il suit Chérif dans sa
formation sur un chantier de construction, il joue avec les codes du teenage movie balisé de forts marqueurs
culturels- outre les graffiti, de courtes plages mises en musique nous mettent en fréquence avec les jeunes
personnages, sans perdre de vue le fil du récit qui les fait naître-, il n’oublie pas de construire la chronique parallèle
d’un flirt indécis de Chérif avec une jeune Elodie et on pourrait enfin trouver à Vandal l’allure d’une toile d’avantgarde, plastique et diffractée. Au total, le projet dégage un parfum presque expérimental, en tout cas plus innovant
que son pedigree apparent pourrait le laisser penser. On a connu Chérif en enfant submergé. Quelques semaines
plus tard, c’est un homme. Encore tendre, mais initié.
Olivier Séguret
VANDAL
De HélierCisterne
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Après Grand Central et avant la sortie de Suzanne en décembre, Vandal confirme la vitalité et
l’intelligence d’un jeune cinéma français décidé à ne pas se laisser enfermer dans des cases trop étroites
pour lui. Sur le papier, ça ressemble à une énième chronique sur « l’adolescence de tous les possibles ».
Mais par la beauté onirique et par la précision de la mise en scène d’HélierCisterne, le film décolle bien
vite du plancher du naturalisme. La trajectoire de son personnage principal, faite de périls, de tragédie et
d’amour contrarié, devient l’alternative romanesque à un quotidien adulte sans mystère. Marqué par
toute une mythologie urbaine, empruntant aux films de superhéros, Vandalinvente un réalisme fantasmé
qui offre à la portée sociale du récit une puissance étonnante.Un premier long-métrage impressionnant
de maîtrise.
Renan Cros
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Chérif est un adolescent qui flirte avec la délinquance. Quand sa mère avoue ne plus pouvoir s’occuper de
lui, il part vivre chez son oncle. Avec son cousin, il se découvre une nouvelle passion : le graffiti. La rue,
l’illégalité, l’adrénaline provoquée par l’interdit, l’ambiance du milieu est posée entre les morceaux de la
reconstruction identitaire du personnage. HélierCisterne prouve qu’il a, entre les mains, les arguments
d’un premier long convaincant.
Clément Sautet

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