Yan Morvan, bandes toujours

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Yan Morvan, bandes toujours
DOMINIQUE POIRET 12 FÉVRIER 2014 À 11:27
«A l'arrière-plan suspect, jeune racaille grignoise, JRG, Grigny, 2011.» (Photo Yan Morvan, courtesy galerie Sit Down)
INTERVIEW A l'occasion de son exposition parisienne, rencontre avec le
photographe qui présente son travail sur les gangs de la banlieue parisienne
débuté dans les années 70.
Depuis 1975, le photojournaliste Yan Morvan, récompensé par deux prix World Press Photo
pour sa couverture de la guerre au Liban en 1983, suit l’évolution des gangs. Un travail que
celui qui fit partie de Fotolib, l’agence photo de Libération, a débuté en s’intéressant aux
rockers et aux blousons noirs, avant d’approcher d’autres groupes, plus ou moins identitaires
et militants. Ce sont ces photos que la galerie parisienne Sit Down expose jusqu’au 22 février.
Toutes, sauf une, qui a déjà obligé l’auteur à retirer de la vente son livre Gang (2000) ainsi que
Gangs Story (2012), après les plaintes déposées par un ex­militant d’extrême droite soucieux
de son image. Il revient sur l’histoire complexe de cette série de photos.
Comment est née cette série sur les gangs?
Il faut remonter aux années 70. En 1974­1975, j’étais étudiant à la faculté de Vincennes et
pigiste pour l’agence de photo Fotolib qui fournissait en clichés Libération. En 1974, parait ma
première photo en une du journal. A cette époque, je vendais aussi des bagues en métal et, un
jour, un rocker apprenti boucher m’en achète une avec une tête de mort et accepte que je le
prenne en photo. C’est lui qui a inauguré cette série en 1975, série qui durera plus de vingt ans.
De fil en aiguille, il m’a présenté à des amis, que j’ai, à leurs tours, photographiés. On est alors
sous Giscard et les médias parlent assez peu du social, sauf Libé. L’année suivante, on publiera,
avec l’agence Norma que j’ai rejoint, le Cuir et le Baston (Ed. Ailleurs, 1976), un recueil de
textes et de photos sur les rockers.
Vous couvrez ensuite les grands conflits du monde, mais la banlieue parisienne ne
vous lâche pas.
J’ai collaboré à Sipa de 1980 à 1987, où j’ai couvert tous les conflits pour Newsweek. Je suis
resté quatre ans au Liban. Puis, suite au krach boursier de 1987, j’ai été viré ­comme le reste
du service photo­ de l’hebdomadaire américain et suis retourné en France. C’est à ce moment­
là que j’ai repris mon travail sur les gangs.
Je me suis dit qu’ils ressemblaient de plus en plus à certaines personnes que j’avais
rencontrées durant ces années de guerre, même si on est loin des rockers en blouson de cuir et
autres Hells Angels. A partir de 1987, on voit en effet apparaître des gangs africains et on
rentre dans une guerre des territoires autour des RER –notamment à la Défense. Je travaillais
alors pour Actuel, où j’ai couvert ce genre de sujets jusqu’en 1992.
A VOIR AUSSI, LE DIAPORAMA «Gangs Story».
A l’époque de la cohabitation [entre Mitterrand et Balladur, ndlr], en 1994, je collabore à
Match pour qui je travaille sur la fracture sociale. Je poursuis du coup ma série sur les gangs,
ce qui me vaut d’être pris en otage et torturé, en 1995, pendant trois semaines, par le serial­
killer Guy Georges [le «tueur de l’Est parisien», ndlr]. Mes virées m’attirent de plus en plus
d’ennuis. Je décide alors de faire une pause pendant un an et, en 2000, après la première sortie
de mon livre Gang (Marval), je jure d’arrêter mes tribulations…
Jusqu’en 2009, lorsque je fais la connaissance de Kizo, ancien chef d’un gang de Grigny, dans
l’Essonne. Il est très imposant et veut qu’on fasse un livre ensemble. Je fais les photos, dans
son quartier de la Grande­Borne, où je suis bien accueilli, entre 2011 et 2012. Il signera le récit
du livre Gangs Story (La Manufacture de livres), sorti en 2012, et rassemble les quatre
périodes de ce travail photographique.
Pourquoi ce livre a­t­il été retiré de la vente?
Entre 1987 et 1992, j’ai accédé un peu à toutes les tribus ­y compris les «fachos»­ qui font la
une. Dans mes virées, j’ai croisé «Petit Mathieu», un militant d’extrême droite que j’ai
photographié dans sa chambre avec des armes et des affiches nazies. Il était alors âgé de 17 ans.
C’est lui qui m’a attaqué en justice, en 2000, lors de la première publication de sa photo dans
Gang, car il renie ce passé et assure avoir changé. Le livre a finalement été retiré de la vente
pour atteinte au droit à l'image. Il a ensuite remis ça, en 2013, pour Gangs Story, et mon
éditeur et moi avons à nouveau été condamnés à retirer la photo. C'est­à­dire le livre entier,
car nous n'avions pas les moyens de le republier.
Comment ont évolué ces gangs depuis les années 70?
Tout d’abord, il ne faut pas confondre bandes et gangs. Pour ces derniers, il y a, autour d’un
chef, des hommes qui doivent respecter des lois, des règles, une éthique, une notion de l’ordre.
Tandis que les bandes, elles, sont complètement désorganisées. L’esprit n’a pas changé, leurs
membres ont les mêmes problèmes et, pour exister, un seul moyen: la violence. La vraie
différence, c’est l’introduction des armes à feu. Dans les années 60, ils réglaient leur compte à
coup de chaînes de vélo, de serpettes ou de couteaux. Aujourd’hui, ils sont bardés de fusils, de
kalachnikovs…
Galerie Sit Down, 4, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris.Rens.: 01 42 78 08 07.
Dominique POIRET
3 COMMENTAIRES
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PARIS134 13 FÉVRIER 2014 À 23:36
"Je
poursuis
du
coup
ma
série
sur
les
gangs,
ce
qui
me
vaut
d’être
pris
en
otage
et
torturé,
en
1995,
pendant
trois
semaines,
par
le
serial­killer
Guy
Georges
[le
«tueur
de
l’Est
parisien»,
ndlr].
Mes
virées
m’attirent
de
plus
en
plus
d’ennuis.
Je
décide
alors
de
faire
une
pause
pendant
un
an"......
Le
syndrome
de
Stockholm
a
de
beaux
jours
devant
lui
J'AIME
VALERIE456 13 FÉVRIER 2014 À 12:13
Ces
photos
de
gang
ne
manquent
pas
de
beauté,
celles
de
leur
arrestation
en
auraient
davantage
encore,
surtout
avec
des
soldats
ou
des
policiers
vêtus
de
beaux
uniformes.
1
GINOBO 13 FÉVRIER 2014 À 10:50
Ouais…
Un
coup
de
serpette
sur
la
carotide
ou
l'artère
fémorale,
c'est
pas
génial
non
plus...
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