Drogues, insomnie : Facebook et les jeux vidéo peuvent soigner.

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Drogues, insomnie : Facebook et les jeux vidéo peuvent soigner.
Drogues, insomnie : Facebook et les jeux vidéo peuvent soigner.
Prenant le contre-pied du discours dominant, des psychologues utilisent ces outils dans les thérapies qu'ils
proposent à des patient souffrant de troubles du comportement.
Par Jeanne Portal, rue89.com le 22/04/2011 Trop d'écrans, de jeux vidéo, de réseaux sociaux, c'est mal, ça crée de l'addiction. Prenant le contre-pied du
discours dominant, des psychologues utilisent ces outils dans les thérapies qu'ils proposent à des patient
souffrant de troubles du comportement. Rencontre avec Michael Stora, qui préfère les réseaux sociaux aux
ateliers dessin pour aider ses malades.
A l'instar de François Lespinasse, autre pionnier, Michael Stora estime que les jeux vidéo tels les Sims, ICO,
Mario (Nitendo) permettent de renforcer l'estime de soi. Michael Stora explique : « Ils permettent de
comprendre que c'est en perdant que l'on apprend à gagner, puisqu'ils obligent le joueur à développer de
nouvelles stratégies. »
Aujourd'hui, cette méthode est poussée encore plus loin dans l'esprit du psychologue. Il souhaite créer, sur
Facebook, « une plateforme web utilisant le jeu vidéo communautaire comme moyen thérapeutique ».
« Un cadre ludique pour faire émerger ses pulsions agressives »
Ce projet est le fruit d'une collaboration entre le thérapeute et des experts de jeux vidéo réunis autour de
l'agence Manzalab. Ce jeu (au nom pas encore déterminé) s'adresse à toute personne atteinte de trouble du
comportement (toxicomanie, boulimie-anorexie, insomnies, alcoolisme, tabagisme).
L'idée est de reprendre les hypothèses psychologiques liées aux jeux vidéo, mais aussi celles des réseaux
sociaux. Ces derniers permettent notamment un travail en groupe et un soutien par les pairs, sur le modèle
des alcooliques anonymes.
Selon Michael Stora, les jeux vidéo ont une véritable vertu thérapeutique : « Toute personne souffrant de
pathologies narcissiques comme l'addiction à la cigarette, l'obésité, l'insomnie, la dépression… cache une
volonté de réprimer ses pulsions et pensées négatives. Le jeu va servir de prétexte pour faire émerger ses
pulsions agressives dans un cadre ludique. »
L'important dans ce concept comme dans tout travail thérapeutique, insiste le thérapeute, est de créer une
dépendance au cadre : « Dans tous les problèmes d'addiction, le patient souffre systématiquement d'une
faiblesse dans sa structure psychique, ce qui fait qu'il a besoin de la cigarette par exemple… Dans le cadre
d'une thérapie classique, il est nécessaire de faire un “transfert” de dépendance au cadre thérapeutique.
Dans le jeu en ligne, il est également nécessaire de trouver les ressorts addictifs qui vont provoquer la
dépendance des patients au cadre du jeu. »
« Il existe constamment un lien entre le réel et le virtuel »
Partant de là, le psychologue, passionné par les jeux virtuels, a décidé de créer cet accompagnement ludothérapeutique sur Facebook pour aider le patient-joueur dans son combat. A l'image des Skyblogs, sur
lesquels Michael Stora intervient en cas de détresse des utilisateurs, ce système propose une assistance
psychologique en ligne. Michael Stora souligne que : « Le traitement du trouble dans le cadre du jeu
s'appuie sur une démarche en trois phases cycliques. Chaque phase ayant des objectifs thérapeutiques bien
précis. ».
Ces trois étapes sont :
1- une « phase de construction », qui utilise les ressources classiques des jeux de construction, avec des
ennemis et de nombreuses gratifications. Le jeu commence en solo et plus la menace augmente, plus le jeu
devient coopératif. Cette phase vise à renforcer l'estime de soi et à nouer des contacts avec des pairs vivant
la même situation ;
2- une « phase de destruction » où les constructions de la première phase sont attaquées. Le joueur doit se
défendre avec l'aide de ces pairs, ce qui engendre une dépendance aux tiers. L'adversité devient telle que la
position de défensive ne tient plus. Cette phase permet la visualisation du sentiment de perte lié au
changement de comportement.
3- enfin, dans « la phase de contre-attaque », le patient-joueur se met en position de recherche et d'attaque
du camp ennemi avec ses coéquipiers. Il doit construire des machines de guerre, des routes, des ponts pour
détruire le camp adverse.
« Il existe constamment un lien entre le réel et le virtuel », explique le thérapeute. A chaque connexion, le
joueur rentre des données concernant des changements de comportement dans sa vie réelle. En fonction de
ceux-ci, des ressources plus ou moins grandes lui sont allouées :
« Le mécanisme de ces cycles vaut pour toutes les pathologies. Seules quelques variantes existeront selon
telle ou telle addiction. Elles pourront se matérialiser au travers des personnages incarnés par le patientjoueur, des ennemis, des ressources, du paysage, du rythme général… »
L'avatar se transforme en fonction des progrès du patient
Dans le cas d'une personne souffrant d'obésité, le jeu débute avec un avatar crée à l'image du patient-joueur.
Le patient va devoir construire un camp qui lui ressemble, poussé par des « dieux » qui le confortent dans ce
qu'il est.
Au fur et à mesure du jeu, l'avatar se transforme en fonction des progrès du patient. Le joueur va devoir
rentrer des données quotidiennes ou hebdomadaires, comme, par exemple, son indice de masse corporelle.
Une fois le camp terminé, des ennemis arrivent et détruisent tout. Cette phase de destruction incarne le
passage de l'état défensif à l'état agressif. Cette phase d'attaque est une motrice pour implicitement échapper
au « giron maternel ».
Pour l'insomnie, la mission est différente : on va demander au patient une implication dans le jeu, à des
heures particulières. Il devra également indiquer des données, comme l'heure de son coucher et de lever.
Michael STORA
De formation de cinéaste, il est devenu psychologue- psychanalyste. Michael Stora travaille comme
psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin (93) où il a créé un atelier jeu vidéo. Il
réfléchit depuis plusieurs années sur l’impact des jeux vidéo sur les enfants souffrant de troubles psychiques
mais aussi sur le lien interactif de l’homme à l’ordinateur et de ses conséquences sur les processus mentaux.