au bonheur des bd... en 2007

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au bonheur des bd... en 2007
Métiers
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AU BONHEUR
DES BD…
EN 2007
Baisse de la productivité de la R&D pharmaceutique,
achats de produits issus des biotechs, fin du modèle
« blockbuster », restructurations des pipelines et
des portefeuilles de produits sont autant de facteurs
qui contribuent au succès du business
développement et de ses acteurs, les BD.
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a branche pharmaceutique
nées, il s’est également accompagné
est aujourd’hui dans l’œil du
d’un jeu intense d’alliances de toutes
cyclone : ses revenus sont de
sortes entre les opérateurs du secplus en plus difficilement
teurs, chez les big pharma en quête
prévisibles, sa croissance ralentit, la
de nouvelles opportunités comme
productivité de sa R&D est en baisse,
chez les petites biotechs en rechersa réputation s’est appauvrie. En un
che d’indispensables partenariats,
mot ses perspectives se sont assomvoire parmi les génériqueurs. Car
bries. Pour le proche avenir, la croispendant les fusions les affaires ont
sance du secteur devrait être tirée par
continué. Souvent au plus
les produits de spécialités. En 2009,
grand bénéfice des petices derniers devraient représenter
tes structures, aux pi38 % des ventes, contre 62 % pour les
pelines cliniques mieux
produits pour soins primaires de plus
dotés que les majors (67 %
en plus génériqués.
des produits chez les premièDans ce contexte, l’industrie pharres, contre 33 % chez les seconds
maceutique change progressivement
selon une étude PriceWaterhousede «modèle». La fin de l’ère des
Coopers de 2005), tandis que les
« blockbusters » et le
fonds pour la recherpassage d’un nombre
che comme le cash du
croissant d’entre eux
développement se
Pendant les
dans le domaine des gétrouvaient plus aiséfusions, les
nériques, prépare une
ment dans les grandes
nouvelle époque, celle
compagnies (plus de
affaires ont
des producteurs à bas
90 % selon la même
continué
coûts et du règne de la
étude). Aussi les nousous-traitance pharmaveaux challenges de la
ceutique (vers l’Asie), tandis qu’un
branche s’expriment-ils du côté de
nombre croissant d’usines est appelé
l’ouverture croissante à des collaboraà être fermé en Europe, comme aux
tions de toutes sortes et des activités
Etats-Unis. Si ce changement de pade licensing. Avec moins d’une vingradigme est allé de pair avec le puistaine de nouvelles molécules approusant mouvement de fusions – acquivées par la FDA en moyenne annuelle
sitions qui a occupé l’échiquier de la
depuis 10 ans et des dépenses de R&D
pharma depuis une dizaine d’anqui ont quasiment doublé sur la pé-
© GETTY IMAGES
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444 riode (de 32 Md
en 1995 à 59 Md s
l’an passé), l’heure n’est ni à l’attentisme et encore moins aux miracles,
mais davantage à la gestion rationnelle et efficace des portefeuilles de
molécules. Le constat des analystes
du secteur est sans appel : jusque
dans les années 80, entre 60 et 90 %
des produits lancés par les laboratoires étaient issus de leur propre recherche. Désormais plus de 50 % des produits mis sur le marché ont été
licenciés «in».
Le bonheur des BD. Cette intense recherche de produits extérieurs fait le
bonheur des « business développeurs » (BD) dont le rôle et la place
vont crescendo depuis une dizaine
d’années. Pas moins d’une dizaine de
groupes de pharma licensing, ou
PLG, se sont ainsi créés en Europe,
où ils organisent tous les deux ans
une grande manifestation européenne de trois jours. Après Madrid
en 2005, Berlin devrait accueillir cette
année le prochain EPLG au sein duquel chaque pays membre présentera une cession sur un thème spécifique. La France sera ainsi
représentée par le PLCF (voir encadré), présidé par Claude Alain Cudennec, Pdg de Medesis Pharma. « Le
business développeur prend une
place importante et incontournable
au siège grands des laboratoires »,
sont surtout rattachés prioritaireconfirme Anne Picot Delas, BD dement à la direction générale », ajoute
puis trois années en France chez 3
ce dernier. Car le BD est aussi celui
M Santé, qui vient de se séparer de
qui engage la stratégie de l’entreprise
son activité pharma. Car ces chasen allant chercher ces nouvelles moseurs de molécules et d’opportunités
lécules qui lui permettront de rebonde partenariats nichent désormais
dir, de consolider ses positions sur de
moins dans les filiales, où ils ne sont
fructueuses niches ou tout simplesouvent que les relais de leur maiment de relancer un chiffre d’affaire
son-mère, que dans les centres de
bridé par une R&D infructueuse.
décisions internationaux des big
pharma. Tel est ainsi le cas de Pfizer
BD pour société virtuelle. Tel est le
France, où la fonction de BD a été recas de Pascal Brossard, BD au laboracentrée sur New-York. «
toire danois Nicomed
Le BD n’est pas un mé(880 M de CA en
tier reconnu en tant que
2006) qui ne disposait
tel », explique à cet égard
pas de recherche intéUne place
le président du PLCF.
grée jusqu’au rachat
incontournable d’Altana. « Le in-licenCar sur la photo de fasing se fait au Danemille des business dévemark, où le corporate
loppeurs, les origines
pilote un groupe spéet parcours des uns
cial de BD », explique le dg de la filiale
comme des autres diffèrent notablefrançaise. « Nous essayons de plus en
ment. « Ils sont issus du réglemenplus de trouver un produit en amont,
taire, du commercial, de la R&D, ont
en phase 3, voire 2, et d’avoir de l’inété responsables de filiales ou sont
fluence sur les essais cliniques, c'estjuristes. Ces « super généralistes »
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à-dire d’en être partie prenante »,
poursuit ce dernier. Fort de ce business model particulier, la filiale française a pu croître rapidement, de 14
personnes il y a à peine deux ans, à
une soixantaine aujourd’hui.
D’autres nouveaux entrants de la
branche pharma doivent également
leur succès aux subtilités du BD. La
société suisse BioPartners traduit
cette approche. Née en 2000 d’une «
spin-off »(1), initiée par un ancien
patron de la pharma au sein de
Merck AG, l’entreprise est aujourd’hui pilotée par Jean-Noël Treilles, ex-pdg de Merck Lipha, et a pour
objectif de développer des produits
biosimilaires. « Nous sommes nés du
business développement », affirme
ce dernier depuis Zug, un canton
suisse particulièrement fréquenté
par les biotechs du fait d’un régime
fiscal attractif. La structure, assez virtuelle dans son fonctionnement qui
mobilise 20 personnes, est basée sur
des multiples partenariats (avec notamment LGLS) en vue de mettre des
BD
© CORBIS
taire sur ces biosimilaires et de travailler sur des formulations innovantes », poursuit le dg qui affiche avec
fierté le succès de la 1ère AMM européenne sur un biosimilaire obtenue en même temps que celle d’un
grand du générique, Sandoz. Campé
sur un marché de niche (les EPO, les
Interférons Alpha et Bêta, les Hormones de croissance) estimé à 1,4 milliard de dollars à l’horizon 2010, BioPartners se trouve pour l’heure encore
placé face à des régulateurs publics
qui mettent la barrière assez haut,
compte tenu de la sécurité dont il faut
entourer les produits visés. « Notre société est très en avance et dispose
d’un réel savoir faire dans le développement clinique et l’enregistrement
européen », ajoute Marie-Joëlle Gaufres, directrice commerciale et marketing qui chasse pour l’heure les systèmes de délivrance des médicaments
et cherche des partenaires pour distribuer ses produits sur plusieurs pays.
biosimilaires sur le marché et de développer de nouvelles formules ou
d’améliorer la tolérance de certains
produits. Elle achète ainsi des protéines de 1ère génération qui vont tomber hors brevet et sous-traite la recherche clinique. « Notre cœur de
métier est de gérer tout le réglemen-
Autres modèles. Si le business développement et les activités de « licensing in » prennent de l’importance
dans le développement du CA des
Big Pharma (2), les génériqueurs de
leur côté n’échappent pas à la tendance, loin s’en faut. « Le marché des
génériques est une mosaïque complexe », estime à cet égard Jean-François Loumeau, business développeur, conseil extérieur et membre du
CA d’Intsel Chimos, une filiale du Danois Marsing racheté en 2004 par
l’Indien Hikal. Spécialisé dans la
vente de matières premières API et la
distribution de produits sous ATU,
le laboratoire prépare son entrée
4PLCF : UNE ANNÉE BIEN REMPLIE
Le Pharma Licensing Club France s’est
réuni sept fois l’an passé pour aborder
des sujets aussi divers que la T2A dans
les établissements hospitaliers, la
modélisation de la prévision, la
perception de la branche par les
analystes financiers, la distribution du
médicament ou encore le brevet
européen. Fort de ses 140 membres,
issus d’une centaine d’entreprises
pharma, grandes et plus petites, et de
biotechs, basées sur le territoire
national, le club français organise
également des cessions de formation, à
la négociation, à l’audit d’acquisition
voire à la « modélisation customisée ».
« Nous ne sommes pas autorisés à
laisser dans l’ombre un des aspects du
produit », note à cet égard Claude Alain
Cudennec, l’actuel président du PLCF qui
pourrait être reconduit le 16 janvier
prochain à l’issue de son assemblée
générale. 10 ans après sa création, le
Club français des développeurs d’affaires
continue à se développer à l’ombre de la
redistribution des produits et des
acteurs. « Un gage de maturité, confie
son président. Cela signifie que notre
activité est de plus en plus considérée
comme la clé du succès ».
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dans les génériques hospitaliers destinées aux pathologies graves et aux
traitements anti-douleurs. « Nous assistons à un mouvement de recomposition du paysage des génériqueurs où les propriétaires de petits
laboratoires se rendent compte que,
pour survivre, il faut se regrouper ou
vendre », poursuit le consultant, qui
chasse également pour le compte
d’un groupe pharmaceutique indien.
« Ce secteur est en matière de licensing « in et out » aussi actif que celui
des NEC », poursuit cet ancien de
chez Ivax., médecin de formation. «
Cet activité de BD a toujours existé,
mais elle a tendance à se développer
un peu plus », ajoute-t-il encore.
D’autres « modèles » existent encore dans les arcannes du business
développement. Tel celui promut par
Genopharm, laboratoire né en 1999
qui commercialise des produits de
niche, des médicaments de spécialités pour maladies orphelines ou de
dernière alternative thérapeutique.
« Nous avons créé de toute pièce un
modèle réduit des big pharma », explique son Pdg, Alain Bouaziz, dont
le laboratoire vise le doublement de
son CA en 2007. « Dans ce cadre,
nous avons tout internalisé », ajoute
celui qui, à ce jour, exporte dans 65
pays, dispose d’une unité de fabrication à Blois (Alkopharm, 60 salariés) pour le groupe comme pour
d’autres laboratoires. « Nous faisons
aussi du licensing out, du fait de certains achats « in » où nous disposons
de droits pour le monde », poursuit le
Pdg. « Il existe une complémentarité
forte entre les big pharma et nous,
conclut Alain Bouaziz. Ils ont besoin
de nous pour se défaire de produits
et nous ne pouvons pas faire de fondamental ». Reste que ce dernier «
modèle » a ses limites : un ticket d’entrée jugé désormais trop élevé. Car
sur la « place de marché » des business développeurs, les bonnes opportunités sont plutôt rares et les prix
grimpent. Comme en Bourse. ■
JEAN-JACQUES CRISTOFARI
(1) BioPartners a été constitué par Global Health
Care Partners, un fond de gestion du Credit
Suisse focalisé sur les investissements dans les
sociétés biopharmaceutiques. Voir :
www.biopartners.ch
(2) Hoffmann-La Roche devrait en 2009 tirer
quelque 18 % de ses revenus produits licenciés
en interne, contre environ 15 % pour Pfizer et
BMS et moins de 10 % pour J&J ou SanofiAventis, selon Wood Mackenzie, 2005.
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