La communication d`entreprise entre canaux traditionnels

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La communication d`entreprise entre canaux traditionnels
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39. Indices |
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Février 2014
La communication d’entreprise entre
canaux traditionnels et numériques
Les nouvelles technologies
imposent un vrai changement
en termes de modèles de
communication. Faut-il
pour autant renoncer aux
instruments traditionnels?
Tatiana Amaudruz
Responsable Communication GENILEM
L
a communication sur les médias
numériques se distingue de la communication traditionnelle par sa
constante évolution en matière de
technologies et d’utilisations. Audelà des nouvelles compétences
techniques à acquérir, ces moyens de diffusion de
l’ère 2.0 – terminologie par ailleurs déjà obsolète,
puisqu’elle laisse désormais sa place au inbound
marketing – impliquent une mutation profonde
des mentalités au sein des entreprises. Appréhender les médias sociaux de manière statique avec
les mécanismes de la communication traditionnelle est une erreur souvent commise.
Qu’est-ce qui change fondamentalement? Les
nouvelles technologies imposent un vrai changement en termes de modèles de communication.
Il n’est effectivement plus possible de s’appuyer
sur un modèle traditionnel dans lequel 90% des
médias sont achetés sous forme d’espaces publicitaires. Le modèle de référence actuel s’articule
différemment: 90% des médias sont ceux que l’on
détient ou que l’on conquiert (owned/earned media), à l’exemple d’un site internet d’entreprise
(owned) ou de toute forme de contenus échangés
sur les plateformes en ligne, blog, vidéos et autres
tweets (earned). L’inbound marketing se définit
précisément comme une stratégie marketing
visant à amener le client vers soi et à attirer le
prospect par la qualité du contenu diffusé sur les
moteurs de recherche et sur les réseaux sociaux,
plutôt que d’aller le chercher avec les techniques
de communication traditionnelles.
Conscientes de ces nouveaux paramètres,
les entreprises désireuses de mettre en œuvre
une stratégie de communication digitale efficace
doivent adapter leurs pratiques, voire même parfois leur organisation. Communiquer sa marque
en ligne nécessite d’inclure les médias sociaux en
amont, dans les réflexions stratégiques, et d’intégrer une vision relationnelle et participative de
la communication où l’échange se situe au cœur
des considérations. Contrairement aux médias
traditionnels, la communication via les médias
sociaux permet aux utilisateurs de réagir immédiatement au travers de feedbacks et de commentaires, véritable opportunité pour l’entreprise de
mesurer l’impact de ses actions en temps réel et
de rectifier le tir, le cas échéant.
Puisque la diffusion unilatérale de contenus
anonymes vers son public-cible ne suffit plus, il
faut repenser le schéma relationnel entre la marque et son consommateur, en lui proposant des
contenus pertinents et personnalisés (opinions,
tendances, conseils, expériences, etc.) qui créeront le dialogue et favoriseront de ce fait l’interaction au sein d’une communauté. Se donner
l’objectif d’atteindre un million de fans (ou de
followers) qui resteront inactifs sur sa plateforme en ligne n’aura que peu de valeur ajoutée.
En revanche, l’opération se révélera bien plus
fructueuse – en termes d’image et de crédibilité
– si le degré d’interactivité est élevé. Mieux vaut
donc miser sur une communauté qualifiée que
quantifiée, ainsi que sur la pertinence de contenus de haute qualité.
Aller à la rencontre de la communauté existante
de sa marque consiste avant tout à identifier les
«influenceurs», ces ambassadeurs aux profils bien
ciblés, dont l’avis compte et qui raconteront spontanément votre histoire sur la toile. Ces forces ne
se trouvent pas uniquement à l’extérieur de l’entreprise. Un élément-clé dans la communication
relationnelle est de savoir reconnaître ces talents
en interne en sensibilisant tous les collaborateurs
Les entreprises
souhaitant
développer
une stratégie de
communication
digitale efficace
doivent adapter
leurs pratiques.
aux enjeux des médias sociaux, quels que soient
leur fonction et leurs départements. Un contenu
créé et partagé par un «influenceur», interne ou
externe, sera perçu comme authentique et aura
plus d’impact qu’une campagne de communication officielle. L’opinion d’une personne proche
n’inspire-t-elle pas plus confiance qu’un logo?
Que l’on parle de communication traditionnelle ou numérique, il subsiste toutefois quelques
règles universelles à respecter. Comme pour toute
réflexion stratégique, il convient en premier lieu
de répondre à certaines questions fondamentales:
quels objectifs de communication, quels messages
pour quels publics-cibles, quels outils employer à
quel moment. Etre présent sur les medias sociaux
par mimétisme, parce que les concurrents s’y
trouvent, n’apportera guère de résultats, si cela
ne s’inscrit pas dans une stratégie avec des objectifs clairs. En outre, quelles que soient les actions
entreprises, il est indispensable de rester fidèle à
l’ADN de sa marque et de construire intelligemment autour de cette identité pour la renforcer.
Enfin, un bon contenu reste un bon contenu, peu
importe le format et le canal de diffusion. Une
marque doit savoir raconter de belles histoires
(storytelling), celles qui donnent du sens et apportent une information utile au consommateur:
des histoires susceptibles d’instaurer le dialogue
et de créer une relation.
Outils traditionnels ou numériques, chaque action menée doit, dans les deux cas, s’inscrire dans
un plan de bataille structuré, s’appuyant sur une
réflexion centrée sur le consommateur et non sur
son propre produit/service. Introduire les médias
sociaux dans les réflexions initiales et donner plus
d’importance aux canaux digitaux n’entraînent
pas l’abandon total des outils traditionnels. Au
contraire, ils pourront se compléter et se soutenir
mutuellement. La vision strictement dualiste qui
tendrait à mettre des barrières entre ces deux univers n’a donc pas lieu d’exister. Online ou offline,
l’expérience du consommateur doit être vécue de
manière cohérente, avec la même intensité. 
www.genilem.ch
Pharma
Thierry Mauvernay
Administrateur-délégué, Debiopharm Group™
La santé n’a pas de prix mais elle a un coût
L’industrie pharmaceutique est complexe car elle exige de
hautes compétences dans des domaines scientifiques comme
la chimie, la pharmacie, la médecine, la biologie. Mais l’avenir
est à la convergence des sciences. Si cette évolution contribuera
à accroître les interconnexions que doivent maîtriser les entreprises pharmaceutiques, en faisant appel à des bio-informaticiens, à des mathématiciens, à des statisticiens, à des experts
en technologies de l’information, elle multiplie l’efficacité des
entreprises pharmaceutiques et apporte de nouveaux outils
extraordinaires qui ouvrent des champs de recherche inexplorés.
Ce nouveau contexte propulse à la tête des industries pharmaceutiques souvent des gestionnaires dont la tâche est de
piloter de multiples projets complexes. Ces managers doivent
être à même de gérer ces grandes organisations en mutation,
contraintes d’abandonner leur structure pyramidale traditionnelle, pour adopter une organisation du travail plus souple,
plus rapide et plus efficiente.
L’une des manières pour la pharma de gagner en efficience
consiste à travailler non plus en silos hermétiques où chacun
défend son projet, mais en matrice. Autrefois, le chef de produit,
souvent le directeur médical, accompagnait le futur traitement
de A à Z, du début à la fin du processus. Seulement, ce dernier
n’était pas toujours le plus compétent dans tous les domaines. Il est difficile d’être le meilleur à la fois en toxicologie, en
formulation, en essais cliniques, dans le secteur réglementaire
et commercial. L’organisation matricielle prévoit une approche
différente. A chaque étape du parcours industriel, un autre spécialiste prend le relais et vient seconder le global project manager, qui assure la continuité du processus, et avec qui il forme
un binôme temporaire. Ensemble, ils vont donner le timing. Pour
gérer un portefeuille de 30 produits, contre 15 actuellement,
une grande pharma devra donc s’organiser de manière plus
flexible et plus souple. Avec des centres de décisions décentralisés et des hiérarchies plates, le travail en matrice permet de
prendre des décisions en quelques jours contre des mois d’attente dans une entreprise très hiérarchisée. Etre plus efficient,
plus efficace et plus rapide est aussi une nécessité économique
pour la pharma. Car, si la santé n’a pas de prix, elle a un coût.
Notre devoir est d’améliorer notre efficience pour permettre
de soigner mieux et plus de patients avec proportionnellement
moins de moyens financiers.
Car, la société nous demande de soigner toujours plus de
patients, plus longtemps, mieux et avec proportionnellement
moins d’argent. Leurs nouveaux managers doivent aussi avoir
une vision à long terme capable d’intégrer les ruptures technologiques et des changements de comportement. Dans la
pharma, l’avenir ne sera plus une simple suite ou une répétition
des modèles passés.
Sous l’impulsion des nouvelles technologies, et des associations
de patients, la donne a changé dans le monde de la santé. En
cas de maladie, 75% des patients s’informent sur Internet. Mais
surtout, 25% d’entre eux font davantage confiance aux infor-
mations lues sur des blogs en ligne qu’à l’avis des médecins. On
peut parfois le regretter, mais c’est un fait dont nous devons
obligatoirement tenir compte. La pharma devra donc se rapprocher du patient, l’écouter davantage et entrer plus souvent en
contact direct avec le consommateur final. Ce qu’elle ne se permettait pas jusqu’ici, souvent pour des raisons réglementaires.
Avant, le produit était roi. Aujourd’hui, c’est le patient qui est
le président. Le secteur pharmaceutique devra passer progressivement d’un modèle B2B (business to business) à un modèle
B2C (business to consumer). C’est une évolution qu’ont connue
d’autres secteurs économiques.
A l’avenir, l’importance des blockbusters pourrait également
s’atténuer progressivement jusqu’à disparaître. L’industrie
pharmaceutique sera contrainte de commercialiser par exemple
20 médicaments qui génèrent de 300 à 500 millions par an, au
lieu de gérer cinq produits qui affichent chacun des revenus de
plus d’un milliard par an. La médecine personnalisée, qui offre
la possibilité de stratifier les patients, permet de recourir à des
traitements, qui, parce qu’ils s’adressent à une portion plus
ciblée de la population, vont générer moins de revenus.
Cela n’est pas forcément négatif. Actuellement, 900 millions
d’occidentaux bénéficient de soins de qualité. Bientôt 7 milliards d’êtres humains accèderont à un système de santé
presque comparable. Quoi qu’il arrive, le marché des produits
pharmaceutiques ne se réduira pas. Mais il faudra l’alimenter
avec des médicaments plus ciblés. 

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